Credo quia absurdum [PV Mei]

"Hep hep hep, on spoil pas ici. Il faut lire la suite pour savoir."

Devant un miroir faisant sa taille, prenant diverses poses afin de mettre à l’épreuve son charisme incontestable, un jeune étudiant interne dans sa chambre s’apprête à rejoindre la grande salle insonorisée de Yuei.


En effet, comme chaque Samedi après les cours, le club de théâtre se réunit autour de quelques exercices d’échauffement en attendant les élèves de filière héroïque.


Et ce n’est qu’une fois le président sur place que commencent les affaires « sérieuses » ; son arrivée doit donc être digne du club et inspirer ses camarades, d’où cette attention particulière devant la glace de sa chambre. Avant de quitter son frère d’armes Tom l’enceinte portable Bluetooth, il prend soin de le brancher sur le secteur pour finalement le saluer de la main en laissant la porte ouverte.

En effet, du fait de ses obligations liées à l’utilisation régulière de son Alter sous peine de souffrir du surpoids, Aizawa lui a fait savoir qu’il peut animer des objets sous certaines conditions :
Premièrement qui est somme toute évidente, Fusamasa doit dépasser son quota d’énergie quotidien, auquel cas l’animation se fait le soir à la fin des cours ;
deuxièmement qui montre la cruauté sans borne du professeur – n’allez pas lui répéter, le protagoniste vous en remercie d’avance –, en fonction de ses résultats scolaires, ses objets animés ont droit à des libertés définies par les règles suivantes ;
troisièmement donc, tant que Fusamasa ne dépasse pas la moyenne sur toutes les matières, les animés n’ont le droit d’être que dans sa chambre ;
quatrièmement, si le point précédent est validé mais qu’il ne dépasse pas la moyenne de la classe sur au moins la moitié des matières (en partant évidemment du principe que ces moyennes de classe dépassent la moyenne), la zone de liberté s’étend aux étages pour garçons et filles, à condition bien sûr de toujours respecter les règles d’intérieur de l’établissement et que la classe accepte leur présence ;
cinquièmement – rassurez-vous, nous ne dépasserons pas les dix commandements… promis ? –, en réussissant l’étape précédent sans être dans le top dix de sa classe ni premier dans au moins une matière, les animés peuvent librement se déplacer dans les dortoirs de la classe, avec les mêmes réserves que précédemment ;
sixièmement, si par miracle Fusamasa arrive à la dixième place de sa classe, les animés peuvent se déplacer librement à travers les dortoirs, sous réserve que les autres classes aussi acceptent leur présence ;
septièmement – on y est presque ! –, en étant premier dans au moins une matière, les animés peuvent aider Fusamasa dans ses tâches ménagères ;
et pour terminer cette phrase beaucoup trop longue – car oui c’est une seule phrase que vous venez de lire, admirez le génie d’écriture car ça n’arrive qu’une fois tous les trois cents ans –, l’étudiant doit éviter la suralimentation et la malnutrition, qui favorise la production d’énergie, auquel cas des pénalités s’appliquent sur les points précédemment énoncés.

À l’heure actuelle, l’apprenti d’héroïsme en est encore qu’au stade quatre, mais il ambitionne de donner à ses amis la possibilité de vivre sereinement le cursus à ses côtés. Heureusement que le dernier point est plutôt souple, cela permet notamment au seul et unique Fusamasa quelques écarts comme ce même soir après sa séance de théâtre, à savoir manger au Kwak Donald’s à quelques centaines de mètres de l’école. Chose surprenante d’ailleurs, personne n’a souhaité l’accompagner cette fois ; chose encore plus surprenante, cette absence le fait se sentir encore plus seul devant le panneau de commande et le nombre absurde de menus différents. D’habitude il se contente de prendre la même chose que ses camarades, mais cette fois c’est sa chance de se faire plaisir ; la main au menton, les cils froncés et surtout le front expressif d’une concentration transcendant son humanité, une réponse échappe de sa bouche dans le plus grand des calmes :

"Deux n°9, un gros n°9, un n°6 avec supplément, un n°7, deux n°45, un avec fromage et un grand soda, avec Mei."

Se pourrait-il que cette demoiselle du même âge soit venue à son secours en passant la commande pour eux deux ? Une chose impossible se dit-il, personne n’avait osé lui faire pareille offrande depuis l’époque où sa mère lui préparait à manger, alors pourquoi aujourd’hui serait le grand jour de sa première fois ? Quelque chose cloche. Déjà, il n’y a qu’un seul hamburger dans sa requête, soit deux éventualités possibles : premier cas, ce sera lui qui aura droit au hamburger et elle se contentera de ses nuggets pour se nourrir – rien que de penser à cette éventualité suffit à humidifier ses yeux devant tant de bonté – ; second cas plus réaliste, elle garde le hamburger, ce qui voudrait dire qu’elle lui fera grâce du surplus de nuggets qu’elle ne saura manger, si elle daigne lui en offrir comme son initiative implicite semble vouloir indiquer. Après tout, offrir le repas à quelqu’un que l’on s’apprête à interroger semble normal entre gens civilisés, mais sont-ce vraiment ses intentions ?

Après tout, elle a pris un thé glacé ; les gens qui boivent du thé glacé sont ces mêmes gens qui font mine de ne pas aimer le vrai thé – le nectar des intelligents –, pour mieux cacher leur consommation sans faillir à leur secrète fidélité. C’est d’ailleurs pour cela que le jeune Fusamasa lui a jeté un regard désapprobateur à la mention de cette boisson ; lui-même boit du thé, mais il l’assume et n’aime pas les substrats. Une chose est sûre, cette fille cache quelque chose, mais une autre certitude surgit en même temps que son choix de menu : il ne peut rien conclure sans approcher ce piège si bien dissimulé ; le jeune garçon lui adresse alors la parole, tout sourire :


Bien évidemment, la voie du jeune étudiant était si impénétrable que le serveur n’a pas pu comprendre tout de suite la commande de son deuxième client. Et encore, le « double Cent Quatre-Vingt » aurait pu être appelé un « Trois Cent Soixante », mais il s’est ravisé au dernier moment quand l’épi de maïs et le Coca Cola spécial Gunfight Online l’ont inspiré… suffisamment pour exprimer de l’empathie envers le monsieur âgé d’une trentaine d’années – et visiblement cultivé –.