Un civil ou un meurtrier ? [Terminé]

L’ambiance était froide, morose, très effrayante. La pièce était particulièrement sombre, le sol craquelant par moments comme si de petits animaux se baladaient dans les environs. Soudain, un porte s’ouvrit, mais dans un silence quasi parfait. Une personne masquée franchit cette porte, toujours en silence avant de la refermer et de la verrouiller à plusieurs tours de clés. Retirant doucement son costume noir, il viendrait changer un à un ses vêtements disposés sur un perroquet avant de récupérer ce qui semblait être une blouse blanche et un pantalon très sobre. Suite à cela, il viendrait se saisir d’une lanterne sur le pas de la porte, l’allumant avant de s’approcher d’une table posée au centre de la pièce et entouré d’une unique chaise. Sur cette table, il n’y avait rien de plus qu’un vieux magnétoscope de disposé. L’homme étrange viendrait finalement insérer une cassette à l’intérieur, déposerait sa source de lumière sur la table avant de s'asseoir face à la caméra. De longues minutes passeraient avant que finalement, il ne se décide à enclencher cette dernière et commencer l’enregistrement.

“ - Bonjour, je me nomme Maiko Von Peark et ceci est ma toute première cassette. Sur ces cassettes seront enregistrés mes témoignages concernant tous les meurtres que je compte commettre et j’en ferais une à chaque mort. Si un jour je suis capturé et que quelqu’un trouve mes cassettes, sachez que je n’aurais tué personne qui ne soit pas recensé ici.
Pour cette première fois, et au cas où je meurs lors d’une interpellation avec un héros, je tiens à parler de moi avant de ma victime, pour que mon histoire soit tracée quelque part.

Je suis venu au monde en 2120, mon père était un acupuncteur et ma mère… je n’en sais rien, la seule chose que j’ai pu avoir était le fait qu’elle se soit enfuie à ma naissance, me qualifiant d’enfant de démon. Je n’ai jamais eu l’occasion de la rencontrer à nouveau et encore à ce jour, personne n'a jamais compris pourquoi elle m'avait qualifié ainsi sans aucune raison.

Lorsque je suis venu au monde, ils ont défini que j’étais une femme. Les plus puristes diront que j’en suis toujours une, mais je ne me suis jamais considéré ainsi. Depuis ma plus tendre enfance, j’ai toujours eu l’impression d’être bloqué dans un mauvais corps, mais mon père n’a jamais voulu comprendre cela et m’a toujours considéré comme fou. Pourtant, même s’il trouvait que quelque chose ne clochait pas avec moi, il a tenu à m’apprendre son métier pour pouvoir reprendre un jour le commerce familial, et ce, dès mon plus jeune âge. A mes cinq ans, j’ai développé mon alter me permettant d’influencer le mouvement des objets. Ma maîtresse était impressionnée et était persuadée que ce serait un pouvoir digne d’un grand héros, mais mon père lui n’était pas de cet avis. Il alla même jusqu’à m’interdire d’utiliser mon alter, m’expliquant que cela lui rappelait trop ma mère, mais aussi car il ne voulait pas que je devienne un héros, il voulait que je reprenne l’affaire familiale.
A l’école, j’essayais d’expliquer aux autres élèves que je ne pouvais pas utiliser mon alter, mais les autres ne désiraient pas comprendre le pourquoi du comment, ils se rendaient simplement compte que j’étais quelqu’un d'intéressant.

Jusqu’à l’âge adulte, je n’ai jamais eu d’amis. La seule personne que je voyais était mon père qui passait son temps à m’insulter, me mégenrer et me rabaisser, aussi parfait mon travail était-il. Il était impossible de discuter avec lui d’autre chose que le travail.
A mes vingt ans, il me fit déménager dans un appartement, ne voulant plus de ma présence en dehors du travail. En effet, j’avais fini par travailler à ses côtés comme apprenti. Mon salaire était misérable, j’avais toutes les tâches ingrates, et je devais me débrouiller pour payer mon loyer. A la fin de chaque mois, il me restait à peine de quoi acheter pour le loisir, m’obligeant à m’occuper comme je le pouvais. Cependant, c’est aussi en vivant seul que j’ai finalement eu l’occasion de faire quelque chose que je ne pouvais pas faire auparavant : utiliser mon alter. Au début, cela fut difficile, je le maîtrisais très peu et il m’arrivait de casser des meubles. Cependant, au fil du temps, je finis par m’entraîner, notamment en m’achetant un jeu de fléchettes. Je devenais de plus en plus précis, je comprenais des subtilités notamment lorsque je les ralentis.

Quand j’ai eu trente ans, mon père est décédé dans un accident. Son testament indiquait de ne rien me léguer, mais comme j’étais le seul membre de sa famille toujours en vie, son entreprise me revint ainsi que ses biens, et depuis je peux vivre de manière correcte.”

Alors qu’il regardait toujours la caméra fixement, l’homme aux lunettes cessa soudainement de parler pendant deux longues minutes. Finalement, en inspirant un coup, très calmement, il recommença à parler.

“ - Je pense avoir donné toutes les informations nécessaires me concernant, si quelqu’un désire faire un portrait psychologique de moi, qu’il le fasse. Je vais maintenant vous parler de ma première victime.”

Un nouveau silence se ferait entendre, de seulement une minute cette fois-ci.

“ - Il y a quelque temps, j’ai rencontré un homme étrange qui travaillait dans un domaine probablement illégal. Cependant, il était capable de me fournir du matériel très spécifique à bas coût. C’est ainsi que j’ai pu obtenir des aiguilles gps, me permettant de les retrouver peu importe leur position.

Oh, j'y pense en fait, je n'ai pas vraiment encore parlé de lui, pourtant c'est quelque chose d'important. Avant de parler du meurtre, je dois parler de cet homme plus en détail. Il m'a spécifiquement demandé de ne jamais le nommer donc je ne donnerais pas son nom. A l'origine, il est venu à mon cabinet comme n'importe quel client l'aurait fait. La séance c'était passé correctement, et cet homme était même revenu à de nombreuses reprises, devenant presque un client régulier. Pas la peine de le chercher dans mes registres d'ailleurs, je l'ai effacé de partout. Un jour, il me dit quelque chose d'étrange, il m'expliqua que depuis tout ce temps, il ressentait un malaise en moi mais que pourtant, il était persuadé que j'étais assez satisfait de moi-même. C'était visiblement là les capacités de son alter, pouvoir ressentir les sentiments de personnes. Je lui ai donc expliqué comment j'étais à l'époque ; j'avais tout pour moi : un travail qui me plaisait, de l'argent, j'avais mes loisirs chez moi, et pourtant... j'allais mal. Régulièrement, je ressentais un genre de boule au ventre, et peu importe les médicaments que je prenais, cette dernière ne partait jamais. Je suis même allé consulté divers médecins, mais aucun n'était capable de mettre un mot sur la source de mon mal-être. L'homme semblait à la fois intrigué et très intéressé, et c'est alors qu'il m'expliqua avoir une idée de l'origine de mon problème, me promettant même de m'aider à m'en sortir. Il repartit du cabinet, mais il me promit de revenir régulièrement.

Les mois passaient, et cet homme revenait me voir de manière très régulière, plusieurs fois par semaines. Il était toujours en possession de matériel étrange, il me posait beaucoup de questions, il était extrêmement impliqué dans le fait de m'aider, sans que je sache réellement pourquoi. Finalement, après trois mois, il finit par poser un diagnostic final. Je pense que je n'oublierais jamais ses mots : "Maiko, tu as tous les signes qui montrent que ce que tu as besoin de faire pour te libérer de ce mal, c'est de tuer."

Cette réponse aurait probablement choqué n'importe qui d'autre, mais moi, elle me laissa indifférente. Tuer ? Qu'est-ce que ça pouvait donc faire ? Après tout, j'allais si mal depuis longtemps que j'étais prêt à tout tenter, même quelque chose d'aussi extrême. C'est à ce moment qu'il m'expliqua son réel travail : fabriquer du matériel illégal pour qui le désirerait. Il ne me l'avait pas dit explicitement, mais j'avais parfaitement compris qu'il était le genre de personnes auprès desquels les vilains venaient se fournir. S'il avait pris autant de temps avec moi, c'est probablement qu'il désirait faire de moi un client régulier. En tout cas, il m'a permis d'avoir du matériel mais aussi d'avoir de nombreux conseils. Il m'expliqua de prévoir à l'avance un plan très précis de ce que je comptais faire et d'anticiper les échecs les plus probables. C'est également lui qui me parla d'enfiler un costume pour ne pas être reconnu. Finalement, après de longues préparations, j'ai pu enfin me mettre sur ma traque.

… Ma victime était Genki Ito, âgé de trente et un an. Je ne le connaissais pas, mais j’ai pu lire cette information en consultant ses effets personnels. Pour le rencontrer, simplement d’un de mes clients régulier et récupéré son adresse. Ensuite, j’utilise la navigation en ligne pour me rendre treize maisons plus loin en me dirigeant vers l’Est. Si jamais il n’y a pas assez de maison, je suivrais le plus possible la route jusqu’à tomber sur une. Ensuite, j’enfile un costume pour me rendre méconnaissable avant de me rendre sur place la nuit et d’observer les environs, de faire du repérage. Ma victime vivait seule et pendant trois semaines, j’ai observé ses déplacements, je me suis renseigné sur lui et j’ai appris par cœur ses horaires de travail. C’est aujourd’hui que je l’ai tué, il y a exactement deux heures. Je me suis rendu chez lui, une poignée d'aiguilles dans la main. J’ai toqué à la porte, il a ouvert, et je lui ai jeté les aiguilles sur le corps en utilisant mon alter pour augmenter la vitesse de ces dernières. L’homme est mort sur le corps. Suite à cela, j’ai refermé la porte avant de récupérer exactement les huit aiguilles que j’ai utilisées. Finalement, je suis sorti, laissant le corps tel quel et en m’assurant bien évidemment de ne rien toucher d’autres que mes aiguilles sans gant.”

Comme il l’avait déjà fait plusieurs fois auparavant, l’homme resterait complètement silencieux sur sa chaise, le regard complètement fixe. Deux minutes après, il reprendrait sa phrase.

“ - C’était mon premier meurtre, et j’ai beaucoup apprécié cela, de la recherche d’information jusqu’au moment où j’ai ôté sa vie. Je ne compte pas arrêter, je continuerais lorsque l’envie m’en prendra. Je ne prendrais jamais un rythme régulier et je changerais mon mode opératoire en fonction de mes désirs.”

Cette fois-ci, au lieu de simplement se taire, Maiko viendrait se redresser, venant appuyer sur un bouton de la caméra, arrêtant l’enregistrement. Suite à cela, il se relèverait, récupérerait la cassette avant de partir l’entreposer dans un carton vierge. Enfin, il retournerait sur ses pas, éteindrait la lanterne avant de se diriger vers un lit particulièrement bien dressé.



Le premier meurtre de Maiko remontait déjà à cinq ans. Chaque année, les meurtres s’accéléraient de plus en plus, passant d’intervalle de quasiment un an au début à plusieurs meurtres en un mois pour l’époque la plus récente. A ce jour, Maiko devient de plus en plus esclave de ses pulsions, ne sachant pas s’il arrivera un jour à les contrôler. Cependant, il se moque de ça, il ne désire qu’une seule chose : vivre à sa manière sans jamais le regretter.