Kaza Nousagi

Mon histoire commence avec celle de ma mère, la célèbre Miss Usagi. Héroïne, fière combattante à l’alter de lièvre, je crois qu’elle devait sa renommée autant par son agilité que par les scandales qu’elle pouvait amener avec elle, notamment à cause de tendances un brin trop festives lorsqu’elle rentrait de mission.

C’est ainsi qu’elle nous a eu. D’abord ma grande sœur, Riku, puis nous deux ans plus tard, les jumelles, Sue et moi. Déjà, je n’ai jamais connu mon père. Mère ne parle jamais de lui et n’a jamais conservé la moindre photo. Même Riku n’a pas de souvenir le concernant. Si je le regrette ? Pas vraiment. C’est difficile d’éprouver ça face à quelque chose que je n’ai jamais connu…

Vint cependant à se rajouter à notre foyer ma cousine Nokoribi, surnommée Noki, suite à une maladie de ma tante qui lui fut rapidement fatal. J’étais trop jeune pour comprendre la gravité de ce qu’il se passait, mais les mots placés dessus vinrent à me faire comprendre mon impuissance sur la vie : Cancer fulgurant.

Mais j’étais trop jeune pour comprendre ce drame, et ma cousine devint un peu comme ma petite sœur, dans une maison exclusivement féminine. Les chamailleries étaient nombreuses, les disputes aussi et je me souvenais être passée dans la machine à laver lorsque Riku fut un peu trop énervée. J’ignore encore ce que j’avais fait. Ou ce que Sue a fait, vu que parfois, l’une prenait pour l’autre.

Et chaque chose semblait à sa place. Mère continuait sa carrière d’héroïne, et elle savait que sa relève viendrait avec Riku, qui était en pleine scolarité à Yuei. Sue et moi arrivions au lycée, et rêvions de faire carrière dans la musique. Noki était encore au collège, et était particulièrement bricoleuse. Elle disait même qu’elle comptait devenir ingénieur et fabriquer de superbes bottes pour que l’on puisse voler. C’était un bon temps, le moment où nous étions encore toutes innocentes.

Mais vint l’accident de mère.

Enfin, accident… Une mission qui a mal tourné. Ma mère n’a pas le moindre souvenir de ce qu’il s’est passé, mais l’état de son corps ne laissait pas voir beaucoup d’autres alternatives : Elle s’est faite agresser, passer à tabac et laissée pour morte, sans qu’elle n’ait pu se défendre. Selon les médecins, un gaz paralysant avait été projeté sur elle, sans que nous n’ayons plus d’informations.

Mais le résultat était là : Ma mère venait de subir une grave attaque, et allait en garder des séquelles à vie. Dans ses meilleurs jours, elle peut à peine se déplacer en fauteuil roulant le long du couloir de l'hôpital, pestant aux médecins de la laisser sortir. Dans ses pires, c’est un coma artificiel pouvant durer plusieurs jours voir semaine. Mais plus que de la briser elle, ce fut toute notre famille qui le fut.

Riku s’énervait de plus en plus contre la lenteur des procédures et de l’enquête. Ses colères étaient noires et terribles, si bien que sur un coup de tête, elle claqua la porte de Yuei et de notre maison afin de faire justice elle-même. Un choc certes pour nous toutes, qui virent notre aînée quitter notre foyer alors que nous perdions nos repères, mais qui allait avoir des répercussions.

Répercussions que j'ai dû encaisser.

Je me souviens encore d’une phrase que répétait souvent mère : Un jour, l’une d’entre vous prendra ma place. Elle le disait souvent, pour nous féliciter peut-être, nous encourager, mais aussi comme avertissement. L’une d’entre nous devait devenir une héroïne, elle ne supporterait pas autrement. Elle souhaitait avoir un héritage, que cela soit une affaire de famille… Et avec le départ de celle qui était sensée être son héritière, une autre devait prendre ce fardeau.

Noki était trop jeune pour être impliquée dedans, ce qui laissait le choix entre Sue et moi. Mais… Sue ne m’a jamais vraiment laissé le choix. Elle savait que l’une d’entre nous devait abandonner ses rêves pour poursuivre ceux de mère, et elle m’a désigné comme.

Je ne sais pas si je lui en veux. Si aucune de nous n’était prête à le faire, je me serais dévouée, mais… Cela me laisse un goût particulièrement amer, l’impression que ma moitié, ma jumelle, s’est détachée de moi pour me jeter en arrière. J’étais comme trahie, mais… Je devais garder la tête haute, malgré tout ceci. Mère comptait sur moi, et peut-être ne serait-ce là qu’une situation temporaire, le temps que Riku revienne à la raison.

Mais la maison est vide. Noki est partie chez nos grands-parents, le temps que la situation se calme. Mère est toujours à l'hôpital, Riku absente tandis que Sue cherche en permanence à m’éviter en dormant chez des amies. Mère m’a désinscrite de mon lycée, et je suis un peu forcée de préparer ma future rentrée dans un lycée héroïque, mais… je ne sais pas encore lequel, ni même si je serais prête à ça. Mais je n’ai pas le choix.

Je ne l’ai jamais vraiment eu.