Petite hantise

Les bruits de pas représentent la seule ambiance sonore des environs. Il fait déjà nuit, et la lune est dissimulée derrière les nuages. Avançant dans l'obscurité, Vitale suis le chemin sans vraiment être sûr d'aller dans la bonne direction. Satanés japonais avec leur alphabet compliqué. Il a beau avoir étudié la langue pendant plusieurs années, il a encore du mal à reconnaitre certains mots. Pas de chance, en lisant trop vite un panneau il s'est retrouvé à suivre la mauvaise direction. C'est sûrement à cause du chat noir qu'il a croisé ce matin. Lui qui comptait rentrer avant la nuit, c'est raté. La Mama risque d'être en colère. Mais pour l'instant, l'important est de retrouver la bonne direction. C'est ainsi que le jeune Milizie poursuit son chemin, les mains dans les poches et la tête baissée. Il n'y a personne aux alentours, donc difficile de demander sa route. Jusque là, il s'est contenté de suivre son instinct, une méthode qui s'avère peu efficace. Mais jusque là, rien de grave. Il finira bien par... Un bruit suspect surgit derrière lui. Il se retourne vivement, espérant prendre le responsable au fait. Personne.

Le bruit n'était pas vraiment suspect mais une petite paranoia est en train de se développer chez Vitale. Le truc c'est qu'après avoir croisé un chat noir, Vitale devient complètement parano. Il croit tellement aux superstitions qu'il perd tout sens rationnel. Au premier abord, on ne penserait pas qu'un type comme lui ait une telle fragilité. Pourtant c'est sûrement son plus gros point faible. Il se dit que cette rencontre était peut-être de mauvaise augure. La situation pèse sur ses nerfs. Il n'est pas du genre trouillard mais on ne sait jamais... Il reprend sa marche calmement jusqu'à ce que le chemin se divise en deux. D'un côté c'est une route de pavé tout à fait normale, et de l'autre un escalier menant sûrement dans un endroit des plus ordinaires. Jusque là il n'y a toujours rien à craindre. Il jette quand même un bref regard derrière lui par mesure de précaution. Rien à signaler. Il s'apprête donc à suivre le chemin de pavé quand une silouhette apparait au loin devant lui. Il fait sombre. Difficile donc de déterminer si c'est un arbre où autre chose. Honnêtement c'est très probablement un arbre, mais au cas où...

Va pour les escaliers. Il grimpe alors les marches, espérants ne pas avoir pris une mauvaise décision. Il se rend vite compte que c'est le cas. Le décors est atypique, du moins pour un italien. Le chemin est dominé par des voûtes typiquement rouges. A l'évidence, il se dirige vers un temple où quelque chose dans le genre. La voie se poursuit toujours dans l'obscurité. Hop ! Petit regard en retrait, pour s'assurer qu'il ne se passe rien de louche dans son dos. Cette situation n'a que trop durée. Bien que pas vraiment croyant, le garçon récite la prière dans sa langue natale que son père lui a appri afin de se protéger des mauvais esprits. Avec sa voix monotone, c'est putôt lui qui est effrayant. Après un long moment de crainte, il arrive devant un bâtiment. C'est un sanctuaire, ou du moins ce qu'il en reste. Voilà où le chemin s'arrête. Quelle déception ! Bon, bon bon... Il sait pertinement que la pire chose à faire serait d'y entrer. Il pense se retourner pour revenir sur ses pas quand soudain il sent un souffle froid sur sa nuque. L'instant d'après, il est déjà dos au mur dans les ruine du sanctuaire. Avec du recul, il se rendra compte que ce n'était qu'un peu de vent. On l'a compris, dans ce genre de moment il ne fait pas honneur à la famille Milizie...

Bref. Après avoir retrouvé son calme. Il observe un peu les lieux. En effet c'est délabré et pas franchement accueillant. Un grande statue décapitée s'élève au centre de la pièce, ce qui n'apporte pas non plus de réconfort. Autant sortir d'ici au plus vite et, de grâce, retrouver le chemin de la maison. Il pose malencontreusement son pied sur un petit tas de gravat disposé au sol, causant le seul et unique bruit parmi cet océan de silence. Un vampire aurait pu l'entendre, ou un loup-garou ! Le même réflexe revient encore et toujours. Woosh ! Rotation du cou pour jeter un oeil derrière. Rien. Sauf peut-être... Il se rend compte que juste au dessus de lui se trouve un énorme trou dans le plafond. Il lève très lentement les yeux, sentant un présence plus concrète cette fois...

Yeux claires, peau blanche, cheveux blancs, habits blancs, brillant dans la nuit. Oui oui, un visage apparait clairement dans l'obscurité et l'observe droit dans les yeux. L'expression faciale de Vitale est étonnament neutre, si neutre qu'on croirait être face à un robot. Mais cette absence d'expression n'est que le fruit d'une perte totale de moyen. Son visage devient pâle, d'un pâle affolant. Et son corps se met à trembler brièvement quand des frissons d'effroi parcourent son dos. Le paranormal, les mythes et créatures horrifiques dont il a toujours eu une peur bleue, ce sont les seules choses qui puissent briser son sang-froid aussi rapidement.

-Je... Sa... Euh... Héhéhé...

Il n'y a que ce charabia qui parvient à sortir de sa bouche. Son coeur tambourine tandis que se corps est recouvert de sueurs froides. Incapable de faire le moindre mouvement, il s'efforce d'essayer de communiquer.

-J-Je ne voulais pas déranger votre sommeil, bégaye-t-il doucement. Epargnez-moi par pitié. Je me suis perdu et... Je m'en vais. C'est promis.

Malgré ses dires, il reste figé sur place. Il parvient seulement à baisser la tête afin de ne pas provoqué la colère du fantôme. Voilà une des rares fois où il baisse les yeux devant quelqu'un. C'est dire à quel point il est terrifié par les esprits.

Alors là... Il n'en n'avait jamais douté. Il l'a toujours su. Les fantômes existent bel et bien. Ca ne peut être qu'un esprit errant dans ce monde. Sinon que ferait une petite fille seule dans un endroit pareil. En plus il n'a jamais vu personne avec une telle apparence. Malgré les paroles supposées rassurantes de l'entité du toit, Vitale reste méfiant. Il retrouve l'usage de ses jambes, mais plutôt que de fuir au risque de manquer de respect au fantôme, il préfère lui répondre.

-Je... Euh... J'habite à l'ouest de Musutafu, prêt d'une station de métro. Si je pouvais trouver une entrée quelque part, je pourrais rentrer chez moi facilement...

L'attitude de l'esprit semble montrer qu'il n'éprouve aucune hostilité envers le garçon. Il faut tout de même rester prudent avec les êtres occultes. On ne sait rien d'eux... Cependant, la peur lui a fait oublié les bonnes manières. Esprit démoniaque ou pas, il convient d'ôter son chapeau pour saluer une donna. Ce qu'il fait, tout en gardant les yeux baissés.

Alors qu'il attendait une réponse, des voix se font entendre à l'extérieur. Ce sont trois garçons plus âgés et équipés de caméras et de lampes torches. Ils arrivent sur les lieux en faisant un boucan d'enfer. Vitale enfile son chapeau en les voyant arriver. Lorsqu'il relève la tête, le fantôme à disparu.

-Ca alors ! T'es qui toi ? demande l'un d'eux en entrant dans le sanctuaire.

Vitale reprend son air impassible, même s'il est en fait soulagé de voir de vrais personnes. Il les regard donc avec froideur, se disant qu'avec un peu de chance il pourra les accompagner hors de cet endroit. L'idée de s'aventurer à nouveau seul en pleine nuit lui semble terrifiante.

-Je m'appelle Vitale. Et vous, qui êtes vous ?

Le premier garçon s'apprête à répondre quand un autre l'interrompt. Il semble méfiant. En même temps c'est normal quand on se retrouve face à un inconnu dans un endroit pareil.

-On est venus tourner une vidéo, dit-il afin d'éluder la question. Si ça ne te dérange pas, on aimerais que tu t'en ailles.

S'en aller ? Il ne demande que ça ! Mais hors de question de repartir dans le noir alors que ces gars ont des lampes torches.

-Une vidéo ?  Quel genre de vidéo peut-on tourner dans un endroit pareil à cette heure tardive ?

-On cherche le fantôme, répond naïvement le premier.

Son ami lui donne un coup de coude avant de reprendre.

-Une rumeur dit que cet endroit est hanté. Alors on veut en avoir le coeur net. On va fouiller ce sanctuaire de fond en comble jusqu'à ce qu'on trouve ce qui y habite.

"Quelle bande d'inconscients. Ne leur a-t-on pas dit qu'il ne faut jamais plaisanter avec l'esprit des morts ?"

-Vous tombez bien, ajoute Vitale. Je comptais justement m'en aller, et j'avais besoin d'un peu de lumière. Comme vous pouvez le voir, ce lieu est désert. Il n'y a que vous et moi. Nous pouvons donc tous redescendre ensemble, ça sera l'occasion de faire connaissance.

-Hein ? Les fantôme ça peut se cacher dans les objets ou passer à travers les murs. Ce n'est pas en claquant des doigts qu'on peut savoir si l'un d'eux est présent. Ca se voit que tu n'y connais rien.

Mince. Ces gars-là n'ont pas l'attention de partir tout de suite. Malheureusement il y'a bel et bien un esprit ici qu'ils pourraient éventuellement mettre en colère. C'est alors que Vitale aperçoit le troisime garçon finir sa boisson et jeter sa canette au sol. Les deux autres s'amusent à déplacer des grosses pierres afin d'inspecter en dessous. Les faisceaux de leurs lampes torches s'agitent dans tous les sens, si bien qu'on croirait être en discothèque. Ils font un sacré remu ménage. Les paroles du fantôme reviennent alors à l'esprit du Milizie. La petite a clairement dit qu'il n'avait rien à craindre tant que personne n'abimait son temple. Or c'est un peu ce que ces gars sont en train de faire. Agissant pour la survie de tous ceux ici présents, Vitale intervient toujours de sa voix basse et monotone.

-Oh crois-moi, je m'y connais bien plus que vous. Vous avez dû le remarquer à mon accent. Je suis un étranger, plus précisement je viens du Vatican. Eh oui. J'ai été envoyé en mission par le Cardinal Emiliano Pucci. Je suis un pasteur spécialisé ayant voyagé dans de nombreux pays tels que la Roumanie, le Cameroun et l'Egypte. Ma mission était de débarasser ce lieu de l'esprit malveillant qui y régnait. A l'aide de l'incantation "Fantasma vatene, dà i brividi" et quelques prières, j'ai pu faire fuir le mal. Vous arrivez cinq minutes trop tard, désolé. Il n'y a plus l'ombre d'un fantôme dans ce temple.

Après ce gros mensonge, Vitale espère les avoir dissuader de poursuivre leur recherche. Après tout, il est habillé plutôt chic. Même si deux d'entre eux semblent plutôt crédules, le troisième se montre méfiant à son égard.

-Tu m'as l'air bien jeune pour un pasteur. Toute cette histoire pu le bobard.

Comprennant que son piège ne fonctionnera pas, il décide de tenter une nouvelle approche. Il relève la tête afin de fixer le garçon avec des yeux de tueur. Son alter activé, des vifs filaments de lumières apparaissent autour de sa main qu'il approche de sa gorge afin d'éclairer son visage en contre-plongée. Il prend une voix encore plus basse et hostile afin de lancer sa réplique.

-Et si c'était moi le fantôme ? Je pourrais peut-être prendre le corps d'un de vous trois pour paraître plus crédible.

[i]Vitale a tout donné pour effrayer les garçons. Lui qui en temps normal n'a pas l'air bien commode, cette fois l'effet est garanti. Qu'ils soient un fantôme ou un fou furieux assoiffé de sang, les jeunes hommes ne prennent pas le risque de se frotter à lui. Ils prennent un par un la poudre d'escampette, l'un d'eux laissant tomber derrière lui sa lampe. Le jeune Milizie essaye de les appeler pour leur expliquer que c'était une blague. Parce qu'à la base, il était censé descendre avec eux. Malheureusement les voilà déjà partis et Vitale revient au point de départ. Il trouve tout de même la torche qui peine à s'allumer. Il tapote dessus, puis la trafficote en espérant qu'elle fonctionne à nouveau. Avec toute cette mise en scène, il en avait oublié qu'il y'avait un fantôme dans les parages... ​[/i

Alors qu'il tapote sur la torche en espérant la faire fonctionner, il sent comme un courant d'air passer dans son dos. Il relève donc le nez pour voir ce qu'il se passe. Rien devant, rien en haut, dans ce cas...

-Merci de les avoir fait fuir... Ces bakas reviennent toutes les semaines et cassent tout au passage... Comme si ce sanctuaire avait pas assez souffert...

Ces mots sont prononcés par le fantôme. Sa voix résonne à l'intérieur du sanctuaire mais son origine est aisément discernable. Elle se trouve derrière Vitale. Ce dernier sursaute et manque de faire tomber sa torche qui vient à peine de s'allumer correctement. C'est presque encore pire quand elle murmure... Le jeune Milizie se retourne alors doucement pour ne pas brusquer l'esprit du temple.

"Quoi ? Ces mecs reviennent toutes les semaines et n'ont pas encore étaient châtiés par le fantôme ?", pense-t-il alors que son angoisse diminue. "C'est aussi rassurant que frustrant. Il y'en a vraiment qui jouent avec le feu... Mais vu l'attitude de la petite, il est possible qu'elle ne soit pas si malveillante."

Il y a une bouche pour le métro pas loin si vous voulez...Je peux vous la montrer..., ajoute-t-elle.

Voilà qui est surprenant. Le garçon ne pensait pas que les esprits errants pouvaient être bienveillants, et encore moins qu'ils pouvaient s'éloigner autant du lieu dans lequel ils résident. Quoiqu'il en soit c'est une proposition forte aimable. La refuser serait un affront, et puis il vaut mieux tenter sa chance avec elle plutôt que de se perdre à nouveau et tomber sur un autre fantôme moins amical. Maintenant qu'il a compris qu'il n'avait rien à craindre, Vitale est plus décontracté. Il enfile une main dans sa poche tandis que l'autre dirige la lampe sur le chemin, éloignée du fantôme.

-Je vous en serait très reconnaissant. J'ai de la chance de tomber sur quelqu'un d'aussi courtois.

Il la suivra donc, tout en gardant ses distances car il ne peut s'empêcher de se méfier. Sur le chemin, il restera aux aguets au cas où un phénomène paranormal surviendrait à nouveau. Il en profitera pour demander poliement son nom à la petite fantôme, avant de se présenter lui-même.