Lexie Thompson ▬ You should see me with a crown.

Je soupire, croise les jambes, m’amuse à dessiner des formes indistinctes sur le sable à l’aide du râteau. Sa voix me fait tourner les yeux vers les siens, cette vision m’arrache une grimace. J’aime mon père, mais il lui arrive parfois d’en faire beaucoup trop depuis… tout le temps en fait, comme s’il cherchait à compenser le vide depuis le départ de maman dans ses « centres de repos ». Le Docteur Oliver tapote son carnet avec son stylo, attendant que je parle, comme d’habitude. C’est notre petit jeu depuis des années, il attend avec patience que je sois prête à parler, sans me brusquer, il me laisse profiter de sa présence réconfortante.

« Alors, jeune fille, il paraît que ta crise était assez… violente, cette-fois ci ? Quasiment une semaine à rester dans ton lit, ce n’est pas rien. Monsieur Thompson m’a fait venir afin de voir comment tu te sentais après cette « légère » rechute. Sans parler de ta période de convalescence suite à ta mystérieuse blessure », déclara le Docteur d’une voix compatissante.

Des crises ? Oui, on peut probablement les appeler comme ça. Des périodes où mes émotions débordent et avec lesquelles je ne parviens à reprendre le contrôler qu’après une lutte acharnée avec moi-même et mes pensées. Fatiguant ? Clairement. Néanmoins, avec le temps, j’ai appris à « ranger » mes idées et mes peurs afin de faciliter le traitement de celles-ci pour ne pas me laisser submerger. C’est loin d’être parfait mais… oui, ça m’aide à maintenir une fine ligne, censée représenter la nuance entre mes émotions extrêmes.

Pourtant… tout partait bien dans ma vie. Deux parents altérés aimants, un jumeau qui a toujours eu pour mission de me protéger de la moindre brindille, sans oublier la riche maison aux nombres de pièces infinies et le luxe qui l’accompagne. Ainsi, en apparence, nous formions la parfaite famille américaine.

Pourtant, ma famille fait partie des "Cosa Nostra", une branche de la mafia italienne située aux États-Unis et ça, depuis des générations. Bien que nous ayons des activités légales en apparence, la majeure partie de nos ressources proviennent de contrebande, contrôle de territoire, prostitution etc. Enfin, ça c’est ce que j’ai le droit de savoir. Quant au reste, il vous faudra demander à mon frère, William, qui partage l’intégralité de son temps à aider notre père dans toutes ces… activités. De fait, les vilains ont plus ou moins toujours été liés à notre famille. Jusqu’à ce qu’un groupe décide de tirer sur la corde, nous kidnappant ma mère et moi pour nous séquestrer afin que mon père leur verse une somme exorbitante, contre nos vies. Âgée de quatre ans à l'époque, les souvenirs de cette journée sont encore flous dans ma mémoire.

Je me souviens des cris, des pleurs et de l’odeur âcre. Je me rappelle de la sensation de terreur, celle de la puissance de mon alter qui m’a submergée pour la première fois, créant un cocon de glace afin de me protéger. Et ma mère dans tout ça ? Je n’en ai aucun souvenir, tout ce mon père a bien voulu m’avouer, c’était qu’elle était en maison de repos et qu’aucune visite n’était permise.

Les criminels ? Oh, leur plan aurait pu marcher, sauf qu’ils n’ont pas pris en compte une donnée cruciale : Niel Thompson ne négocie jamais avec l’ennemi. Rassemblant toutes les forces dont il disposait à l’époque, il nous a retrouvées et… sauvées, en quelque sorte.

« Tu sais… Lexie, tu as fait vraiment peur à ton père. » Reprit mon Docteur familièrement, ce qui est loin de lui rassembler, nous aimons respecter les traditions.

J’ai bien conscience d’avoir agi sur une impulsion, comme toujours. Surtout avec notre passif… mais, étant dans la vingtaine, j’étouffais dans cette cage dorée et après tout, j’étais une altérée puissante, je pouvais tout pulvériser grâce à mes capacités hors du commun ! Ouais, je sais, c’est stupide, je m’en rends bien compte avec du recul.

La chasse s’était déroulée sans accroche jusqu’à cette fameuse rue où des flammes m’ont encerclées, me coupant ainsi toute retraite. La panique s’est rapidement rependue dans mes veines, malgré mes tentatives pour tenter de garder mon calme. J’avais passé des années à entraîner mon corps et mon esprit sans jamais me retrouver dans une situation comme celle-ci, à risquer ma vie pour apporter la justice. Mais le feu ? J’étais juste impuissante face à une telle chose.

La sensation de chaleur qui fait pleurer mes yeux et roussir ma peau, une douleur tellement intense dans ma gorge qui se propage dans mes poumons, mes larmes qui s’évaporent et mes cris qui s'étouffent dans cette ruelle sombre. Et surtout, ce sentiment intense d’impuissance et de colère contre ma stupidité pour avoir agi sur un coup de tête.

Et puis, les secours qui m’auscultent, ma famille avec leurs visages angoissés, la colère et les reproches dans les yeux de mon père. Tout ça pendant deux longues semaines… un calvaire pour une solitaire comme moi, qui préfère jouer sur internet ou lire un bouquin que tenir une discussion.

-« Hm, tu peux garder le silence Lexie, mais ton père va t’imposer une personne pour te suivre en permanence. J’espère que tu seras aussi chaleureuse que tu es capable de l’être ma grande. » Termina le Docteur en souriant tendrement, puis se levant avant de faire glisser la porte ma chambre.

Que pourrais-je dire ? Avouer que j’avais mis à profit ces huit dernières années pour renforcer mes entraînements et la maîtrise de mon alter afin de chasser les criminels la nuit ? Que je ne comptais pas laisser les injustices impunies et que je mettrais un point d'honneur à lutter jusqu’au bout en utilisant tous les moyens à ma disposition ?

Tout ça m’aurait valu une laisse dorée tenue par la main sévère de mon père, autant garder le silence.