Be loyal to your future, not to your past
Alicia devait bien avouer ne pas trop savoir comment réagir. Elle n’était pas au Japon depuis longtemps, arrivée la veille, mais devait immédiatement se mettre dans le bain. Elle savait tout ce qu’il y avait à savoir sur les Thompson, du moins tout ce à quoi il lui était possible d’avoir accès. Néanmoins, dans ce pays qui n’était pas le sien, la belle brune avait quelques appréhensions. Elle s’était déjà infiltrée dans des milieux criminels, ce n’était pas la première fois, mais, en revanche, jamais elle n’avait été garde du corps, encore moins pour une famille immensément riche dans un pays qui lui était étranger. Soupirant, la prétendue israélienne se regarda dans la glace de son modeste appartement. Elle se recoiffa rapidement, déplaçant ses cheveux derrière son oreille droite. Elle portait ses vêtements habituels, peut-être plus repassés que d’ordinaire – il fallait après tout qu’elle fasse bonne impression -, un débardeur blanc, une jupe-short noire, des bretelles et une paire de chaussures basses de manufacture militaire. Seules différences notables avec ses habitudes : elle ne mit pas ses mitaines, préférant les conserver dans son petit sac à dos, et elle avait enfilé un blaser noir pour ne pas trop jurer avec le look costard-cravate de ses collègues.
L’heure approchait. Alicia s’approcha alors de la mallette déposée sur son lit défait. Elle l’ouvrit, dévoilant son éternel Beretta M9 qui l’attendait bien à l’abris des regards indiscrets. Faire entrer une arme non identifiée au Japon avait été une plaie, mais la société – sans doute grâce à l’influence de Niel Thompson – avait reçu une dérogation pour que leur garde rapprochée dispose d’armes à feu basiques. Enlevant un instant son blaser pour enfiler un holster situé au niveau de sa hanche gauche, la droitière testa et soupesa un instant le poids de son arme favorite avant de la ranger à son côté. Elle remit sa veste, prenant soin de cacher le beretta à la vue des curieux, puis se redressa.
Au même instant, son téléphone sonna. Elle regarda l’écran pour y découvrir la notification d’un SMS plus que sommaire.
[Alicia Ulman, le véhicule de votre agence est arrivé. Veuillez descendre.]Elle y était. Soucieuse de ne pas faire attendre ses nouveaux « patrons », Alicia dévala les escaliers quatre à quatre – l’ascenseur étant en panne depuis visiblement plus d’un an – pour rejoindre un énorme SUV noir garé nonchalamment en plein milieu de la rue. Elle ouvrit la porte et s’y engouffra, se retrouvant soudainement entourée d’inconnus qui dévisageaient la petite nouvelle sans ménagement. La jeune femme, consciente d’être la seule représente de son genre dans le véhicule, ne chercha pas à détailler quels regards étaient lubriques ou quels regards étaient méprisants. Elle était la nouvelle, l’inexpérimentée, et, surement aux yeux de ses collègues, la moins que rien. Elle préféra donc garder le silence, regardant par la fenêtre et ignorant totalement ses pairs pendant toute la durée du trajet. Elle avait de toute façon trop à penser pour se concentrer sur ce genre d’individus.
Arrivé à l’immense résidence, le SUV s’arrêta en attendant l’ouverture des portes lourdement gardées de la cours. Puis il reprit sa route avant de se stopper de nouveau. Voyant ses collègues descendre, Alicia leur emboita le pas en silence, mais fut arrêtée quelques mètres plus loin au moment de rentrer dans le même batiment que ses collègues par une espèce… d’intendant ?
«
Alicia Ulman ? » S’enquit-il, avec une sorte de mépris dans la voix.
«
C’est bien moi. » Opina la jeune femme.
«
Vous avez rendez-vous avec Niel Thompson, vous ne suivez pas les autres. Prenez la première porte au fond de la cours, et continuez tout droit. Vous arriverez devant une lourde porte en bois avec le nom de Monsieur Thompson. Toquez, attendez sa réponse, et entrez. » Lança-t-il, sur le même ton neutre avec lequel il l’avait abordée.
«
Je… D’acc…- » Commença-t-elle, sans avoir le temps de finir que l’homme s’était déjà désintéressé d’elle.
«
Je vois… Charmant… » Se dit-elle à elle-même, avant de suivre le chemin qu’on lui avait indiqué.
Elle se laissa alors guider par celui qui l’avait « accueillie », espérant ne pas se perdre tant l’endroit était immense. Finalement, au bout de quelques minutes, elle parvint jusqu’à la fameuse porte. Elle toqua, entendit un autoritaire « Entrez », et se décida à suivre la consigne.
En face d’elle se trouvait l’homme pour lequel elle avait fait ce voyage. Il était sans aucun doute celui qui était responsable du trafic d’altéré qui sévissait un peu partout à travers le monde. Mais, pour l’heure, il était encore bien trop tôt pour se trahir, d’autant que Niel Thompson, malgré la situation, conservait une autorité naturelle palpable.
L’observant sous toutes ses coutures, il l’invita à s’assoir, puis il continua de la dévisager en silence. Pendant de longues minutes. Puis finalement, il brisa la quiétude du bureau.
«
Alicia Ulman. J’ai lu votre dossier. » Commença-t-il, presque sèchement. «
Ma fille ne va pas tarder mais pour être franc, je ne sais pas si c’est nécessaire. »
Puisqu’Alicia l’interrogeait du regard, il reprit.
«
Comprenez-moi bien. Je n’ai rien que vous, mais tous les gardes ici présent font partie des meilleurs dans leur métier. Vous êtes une inconnue, inexpérimentée de surcroit, et je ne comprends absolument pas la raison pour laquelle ils vous ont proposée pour être la garde du corps personnelle de Lexie. J’ai initialement uniquement accepté parce que vous êtes une femme, mais vous n’avez rien à faire à ce poste. »
Le propos étaient durs, secs, mais n’étonnaient pas vraiment Alicia. Elle attendait donc patiemment, les yeux fermés, que l’homme ait fini son laïus.
«
Vous comprenez, quand j’ai payé pour les services de votre société je ne m’attendais pas à ce que la personne attribuée à ma fille soit… enfin, vous voyez ce que je veux dire ? Je ne remets pas en question vos capacités ou même votre expérience mais j’ai peur que dans certaines situations votre… « condition » risque de vous ralentir dans votre mission. » Continua-t-il, avant de se couper, voyons que sa fille venait d’arriver.
Mais alors que l’homme pestait contre sa descendante, Alicia prit ces quelques secondes de répit pour dévisager la nouvelle arrivante. Grande, un peu plus qu’elle, et semblant athlétique, la jeune femme paraissait suivre un régime d’entrainement rigoureux. Elle soutint alors son regard quelques instants, plongeant dans l’azur de ses yeux, puis profita du changement de sujet de sa cible pour en revenir aux affaires qui l’intéressaient.
«
Mr. Thompson, je comprends votre désarroi. Et je m’en irais si vous êtes parfaitement sûr de vous. A contrario, je trouve tout de même dommage que vous ne preniez pas le temps d’examiner ma candidature plus en profondeur que d’avoir simplement regardé mon nom et mes photographies. » La jeune femme parlait simplement, sans agressivité. «
Mais peut-être avez-vous besoin de plus que ces dossiers ou que ma simple parole, et vous attendez des preuves. Si tel est le cas… peut être que votre… fille aurait une idée ? »
Alicia se retourna alors vers Lexie, soutenant son regard sans broncher.