Dai Kurokawa - Your sins become my pedestal

Vous savez, quand on est trop jeune, il est souvent rare de conserver des souvenirs une fois que l’on est adulte ou même adolescent. Dai n’est pas une exception à la règle, mais certaines choses l’ont marqué jusqu’au plus profond de son âme… Et l’ont aidé à se définir en qui elle est aujourd’hui. D’aussi loin qu’elle pouvait se remémorer, elle n’avait vécu que misère et douleur. Surtout de la douleur. Elle se rappelait des coups de gueule de sa mère, lui hurlant qu’elle était une erreur. Elle se rappelait des coups de ceintures et parfois directement des coups-de-poing de son père. Cette famille n’en était pas une. Quelque chose avait détruit son père, sa mère, elle-même. Mais quoi, exactement ? Elle ne l’a jamais su, car elle n’a pas eu le temps de régler un quelconque problème.

Avant même de pouvoir se relever, s’affirmer, rendre les coups et beugler les injustices qui ont été commises à son égard, Dai fut enlevée. Effacée de la surface du globe. Arrachée à ses parents « aimants »,alors qu’ils étaient en voyage, touristique ou commercial, en Israël. Même aujourd’hui, la turbulente star ne savait pas ce qu’ils foutaient là, mais grâce à cela, elle apprit qu’il y avait toujours pire, dans la vie. Huit ans à peine et Dai fut victime d’un trafic d’être humain, des altéré pour être précis. Confusion, peur, stress, mais en grandissant, elle réussit à recoller les morceaux et à relier les points. Ce n’était pas le fruit du hasard. Elle était intéressante pour quelqu’un, sur cette planète. Après tout, un alter de clonage comme le sien, ça ne court pas les rues. Il y avait tellement de choses à faire avec un alter comme celui-ci. Alors elle fut enfermée, transportée comme de la simple marchandise, négociée au plus offrant, elle fut passée de main en main en se recevant des coups de crosse en pleine figure si elle osait sortir du rang… Et sortir du rang, elle le faisait continuellement.

Même toute jeune, Dai adoptait cette philosophie qui l’inspire encore aujourd’hui : notre confort vient avec des inconvénients, il vaut mieux prendre le risque de le perdre que d’exister dans une prison. Littéralement, elle aurait pu se laisser porter par le flot, éviter des nuits blanches, des sueurs froide et son sang qui s’étalait sur le sol et les murs … Mais elle devait vivre. Vivre et ne pas survivre.
Son long voyage finit entre les mains de détraqué qui l’ont à peine « élevé », la laissant grandir jusqu’à un âge acceptable, l’adolescence… Pour utiliser son plein potentiel. Elle fut forcée de pratiquer son alter, être plus performant avec celui-ci… Mais pour quoi ? Pour être de la main d’œuvre ? Créer des clones par dizaine et faire tourner une usine ? La laisser grandir en une magnifique femme pour la prostituer ? Bingo...

Elle était la poule aux œufs d’or. Pourquoi s’embêter à kidnapper des gens pour ton show, quand t’as une altérée qui manufacture tes victimes à gogo ? A cause de son alter, elle a rassembler de nombreux fans qui payaient pour voir parfois des choses sadique ou des humiliations plus intense les unes que les autres. Mais être une star des trucs graveleux sur le dark web ne lui a clairement pas apporté la belle vie. Elle était toujours maltraitée, parfois sous alimentée et elle pouvait oublier, comme toujours, toute forme de liberté ou de prise de décision. Sa vie et celle de ses clones n'étaient pas la sienne.

C’est cette existence qui a forgé Dai. C’est pour cela qu’aujourd’hui, elle est vu comme un « cas ». Mais vous le seriez tous, des « cas » si votre enfance était rythmée par la peur, le stress, la douleur et parfois, des relent de mort proche. Mais malgré ce désespoir et cette tyrannie qui planait au-dessus d’elle, Dai n’a jamais cessé de garder un maigre espoir. Un espoir qui vit sa nature se changer au fil des années. Un espoir comme « Mes parents vont venir me sauver ». Puis « Les héros vont venir me sauver ». Ou finalement, «Personne ne viendra me chercher. Je vais me sortir toute seule d’ici. Je vais devenir forte. Je vais être mon propre sauveur. »

Et c’est ce qu’elle fit. Après des années à endurer et à s’entraîner lors de ses courtes nuits de répit, après avoir analysé le complexe dans lequel elle était enfermée… Elle décida que sa vie allait réellement commencer. Qu’elle, avec la force de ses clones, allaient leur coller une raclée et leur faire endurer sa torture au centuple.
La vérité, cependant, est que malgré ses prouesses physiques et son ingéniosité à utiliser ses clones… Elle se sortit de cet enfer… À moitié morte, au mieux. Blessée, des os brisés et des trous dans la peau, elle finit par cesser de courir, une fois perdue dans la nature, loin des patrouilles de ses ravisseurs. Si ce n’était pour la compassion d’un couple de personne vivant dans l’isolement des montagnes, elle se serait sans doute vidée de son sang jusqu’à ce que mort s’en suive. Elle apprit là qu’elle était en réalité en Chine et tant qu’elle était ici, il y aurait une grande chance qu’elle se fasse rattrapée à un moment ou à un autre.

Alors, avec l’aide de ces gens, Dai prit l’avion pour retourner au Japon, sa terre natale. Ces gens ne pouvaient pas faire mieux et elle n’en demandait pas plus, sa fierté mal placée la rendant déjà amère à l’idée d’avoir été sauvée par un couple de vieillards. Un échec qui rognait sa détermination, son obsession devenue maladive de s’émanciper de toute emprise supérieur. Elle voulait être sans Dieux ni maîtres, indépendante, en contrôle de son destin. Mais pour en arriver là, il y avait encore un long chemin à parcourir.

Trainant ici et là au Japon, sans argent, sans attache, sans rien, elle fut obligée de vivre comme une SDF pendant des années. Cela impliquait… Tout faire sauf la manche. Plutôt mourir que supplier. Alors elle fouilla les poubelles, vola, commit des rackets, passage à tabac, elle a même vendu son corps à nouveau pour pouvoir vivre un jour de plus. Tout ce qui était nécessaire pour avancer, se donner des opportunités pour se hisser plus haut, chose qu’elle ne pouvait pas faire une fois morte de faim. Pour la faire courte, cela impliquait qu’elle entra dans un réseau de criminels pour se sortir de la misère, se donner une bonne base pour le futur. Une destinée dangereuse qui était pourtant également dictée par son alter. Pas besoin de gorilles à gros muscles lorsqu'on avait littéralement la force de dizaines de personnes à ses cotés... Même si elle ne se débrouillait pas mal non plus, pour lever des poids.

À ses 23 ans, elle avait assez de contact, avait rendu assez de service, avait prouvé assez sa volonté à certains pour qu’on lui autorise à rencontrer les bonnes personnes. Elle avait un plan. Au moins temporaire. Aussi fière soit-elle, elle devait se rendre à l’évidence : elle n’avait pas de diplôme, elle avait à peine une identité grâce à de faux papiers. Sa vie était bien trop hantée par son passé misérable et le crime pour aspirer à une vie normale, à un bon poste, à un poste où elle pourrait s’élever. Elle avait à peine appris à lire il y a quelques années … Alors, elle s’élèverait d’abord en faisant ce qu’elle fait le mieux. Non, pas se battre. Ni même utiliser son alter. Elle racontera sa vie, ses expériences, ses idéaux… A travers la musique.

Sa voix était belle, les paroles de ses chansons étaient emplies de sens, elle avait tant de messages à faire passer, sur les injustices, sur la corruption du système, sur l’incompétence des autorités, sur la noirceur de l’âme humaine… Grace au coup de pouce du côté obscure de la société, Dai prit le pseudonyme de « A(r)my ». Amy, le R est silencieux, mais bien présent pour faire référence à « army », l’armée de Dai, son alter lui donnant l’occasion de littéralement être une « one woman army ».

Mais malgré ce coup de pouce, elle n’est pas devenue une star du jour au lendemain. Elle ne compte plus les shows en petit comité, les shows entre « amis » seulement, les heures à écrire ses textes, changer sa musique, trouver son genre… Pendant des années, elle n’était connue que dans certains bars et encore, ceux la connaissant la jugeant comme étant trop Edgy, comme une complotiste essayant de passer un message trop directe et trop dirigé ou encore une trouble-fête qui prend mal la critique et claque des têtes contre les comptoirs. Dai n’était pas idiote, mais elle manquait d’expérience un peu partout. Dans le social et l’éducation pour ne citer que quelques domaines… Mais elle n’arrêta pas. Cela lui prit jusqu’à ses 27 ans pour décrocher une véritable interview à la télé, pour promouvoir comme il se doit un nouvel album, pour passer la barrière de l’artiste locale et avoir une présence, même MINIME, sur le marcher du japon tout entier.

Elle ne vivait pas encore la grande vie, mais elle était reconnue comme une artiste, avec des titres fort comme « Machine » qui parlait de briser les codes de la société. Ou « Uh Oh » dénonçant comment, oops, même les géants de ce monde ne sont que des hommes misérables. Et finalement « Mutiny » qui, comme son nom l’indique, invite le peuple à la mutinerie, se dresser contre les grandes forces de ce monde qui les manipule.

Son plan avance donc petit à petit. Sous la couverture d’A(r)my, Dai vivait une vie de civil, une artiste, même si elle s'est déjà prise des garde à vue et a même passé un séjour en prison qui fut vite écourté par une épaisse liasse de billet fournie par un de ses manager aux policiers. Les vieilles habitudes ont du mal à se défaire quand on a l'habitude de gagner son pain en déboitant des machoires. Elle ne s'en ait jamais plains cependant, ça lui a toujours fait de la pub. Elle répand ses messages, même si elle est classée comme artiste niche, avec son pop rock alternatif et parfois son électro. Elle ne se cache pas et a même écrit un titre sur un fait réel, la survie d’une attaque de vilain sur sa personne, qui était en réalité ses anciens ravisseurs qui ont entendu parler d’une artiste qui se clonait. La liberté d’expression lui autorise à traiter qui elle veut et à offrir le doigt d’honneur à tout le monde, là où derrière les rideaux, elle continue de dire bonjour à ses anciens contactes criminels … Et voir ce qu’elle peut concocter pour changer les choses.

Personne ne sait quel plan démentiel cette tarée a en tête, ou même si celui-ci va marcher au final. Personne n’a jamais entendu parlé d’une chanteuse qui voulait conquérir le monde, après tout. À voir si « conquérir le monde » était au sens propre ou au figuré… Tout ce qu’on sait, c’est que son succès modéré lui a rapidement donné la grosse tête. Son rêve de baigner dans la richesse et le pouvoir se rapprochait tout doucement.