Enfin ! Les cloches de l'Académie Shiketsu annonçait un week-end de repos où il pourrait rentrer rendre visite à sa famille, et sortir un peu par la même occasion. Nous sommes un samedi en fin d'après-midi à Musutafu dans un fast food. Un grand dadet aux cheveux bruns fournis et indomptables se présenta au comptoir pour commander un soda et une pâtisserie, le tout bien sucré. Ce jeune garçon, souriant était vêtu d'un t-shirt noir uni, d'un jean troué par endroit et de sneakers assez imposantes blancs. D'humeur dynamique, il s'installa à une table dans un coin où il n'y avait pas trop de monde afin d'y être tranquille pour grignoter et surtout pour faire ses devoirs. Après tout, ce n'est pas parce qu'il est en week-end qu'il ne faut pas penser à la semaine de cours qui approche.
Une fois assis avec son plateau qu'il poussa légèrement, il sortit d'une sacoche noire un ordinateur portable dernier cri, un cahier, un stylo et son téléphone portable. Dans sa bulle, Hayato de son nom s'enferma le temps de quelques heures, le visage vissé à l'écran et à son travail. Il buvait une gorgée de cola de temps à autre et dépiautait son beignet entre deux pages d'écriture pour le manger. Tout cela se déroulait au mieux pour lui. Les heures défilaient et le fast food atteignait peu à peu son heure de pointe. Le brouhaha ambiant attisa la curiosité du lycéen qui s'arrêta quelques instants, fermant son ordinateur pour observer tous les passants qu'il croisait. Il y avait beaucoup de familles, des adolescents de son âge, des enfants, des couples et des gens seuls qui venaient profiter d'un bon repas bien copieux et bien gras. Soudain, Hayato s'imaginait les super-héros venir ici comme si de rien était prendre un hamburger-frites, ce qui le fit sourire quelques instants. Il pensait sans doute qu'il fallait mieux en profiter avant d'être totalement pris par son métier.
Après quelques minutes de pause, il reprend ses exercices avant qu'une personne ne décide de s'installer sur la même banquette que la sienne, à la table voisine. Par réflexe, Hayato leva la tête vers son interlocutrice en lui offrant un sourire poli et un inclinement de la tête très japonais. D'un ton bienveillant et enjoué il accompagna sa gestuellement d'une phrase de salutation :
"Bonsoir, madame !"
Avant de reprendre son travail, son regard s'arrêta quelques instant sur la personne qui se trouvait à sa droite, la détaillant par curiosité, avant de poser son regard sur un manuel scolaire au titre évocateur quant à sa vocation "Histoire d'héroïsme, d'hier à aujourd'hui". Comme si de rien n'était, il reprit ses devoirs, même s'il sentait bien que la concentration et l'envie de potasser le quittait peu à peu.
Then they ignore you, then they laugh at you, then they fight you, then you win.
Alicia pestait. Elle pestait contre le Mossad qui l’avait envoyée là, et elle pestait contre la famille Thompson pour être aussi… Enfin. Elle en avait vu d’autres, pourtant, jamais elle ne s’était sentie ainsi. Était-ce parce que, pour une fois, elle n’infiltrait pas un quelconque réseau criminel de seconde zone ? Toujours était-il que sa mission, certes importante mais qui lui promettait d’évoluer dans des conditions différentes, serait loin d’être facile. Niel Thompson semblait avoir particulièrement mal digéré le choix de Lexie de conserver Alicia comme garde du corps. Et si ça n’avait été que du ressentiment, la jeune femme n’en aurait pas fait ombrage. Mais c’était au-delà de ça. Outre les piques et les remarques, il prenait davantage la pseudo-Israélienne pour une boniche que pour la garde du corps de son héritière. Ainsi, dès que Lexie s’entrainait où était en sécurité au sein de la demeure familiale, Niel envoyait Alicia jouer les coursières ou autres facéties du genre.
Aujourd’hui n’échappait pas à cette règle. Prétextant des services de livraison débordées, le chef de famille avait envoyé Alicia chercher le repas de tous ses confrères qui seraient de garde la nuit à venir. Et bien évidemment, aucune voiture n’était disponible pour l’accompagner. Elle avait donc dû se coltiner la route à pied, ce qui lui avait déjà prit une quarantaine de minutes, tout ça pour débarquer dans un fast-food plein à craquer d’inconnus qui attendaient tous leur commande. En d’autres termes : un véritable cauchemar pour la jeune femme légèrement claustrophobe. Elle parvint non sans-mal à passer la commande, puis fut invitée à patienter. Lessivée, lorsqu’elle vit qu’une place assise venait de se libérer, elle s’empressa de s’y imposer. Qu’importe qui pouvait être son voisin ou sa voisine, elle s’affala sur la table devant elle, croisant les bras avant d’y poser sa tête pour profiter d’un repos et d’une sérénité bien méritée.
Néanmoins, le destin semblait avoir d’autres idées en tête. Alicia ne se reconnut pas immédiatement dans le « madame » que l’inconnu avait lancée à son encontre, et, le coup de vieux passé, Alicia put se reconcentrer sur son interlocuteur. Ce dernier était jeune, certes, mais il rendait déjà une bonne dizaine de centimètres à la jeune femme niveau taille. Niveau stature, même chose, le garçon en imposait, et seuls ses traits un peu plus juvéniles indiquaient à la pseudo-Israélienne qu’elle n’était pas en compagnie d’un adulte. Elle lui rendit un sourire, puis son regard s’attacha au livre au centre de l’attention de son interlocuteur. En décodant son titre, le sourire d’Alicia s’élargit inconsciemment. En final… être un élève en filière héroïque collait assez bien à l’inconnu.
« Bonjour ! » Lança-t-elle avec un accent légèrement chantant, trahissant ses origines étrangères en un instant. « Dis, je suis désolée de te déranger, mais tu es en filière héroïque non ? Comment c’est ? »
Après tout, Alicia avait encore du temps à tuer avant de recevoir la commande, et elle ne pouvait s’empêcher d’être curieuse.
La soirée arrivait peu à peu, les heures passaient et le fast food ne désemplissait pas pour autant. Pourtant, il était là depuis le départ et a vu passer des dizaines de personnes. Il est toujours là, avec son beignet entamé, son soda pétillant et ses cahiers jonchant la table, un peu bordélique. Un peu plus tard dans la soirée, alors qu'une énième famille avait quitté la table voisine, une personne s'installa à côté de lui. Il l'avait salué et l'observa quelques instants la "petite" femme qui n'avait rien sur la table pour le moment mais qui s'était vraisemblablement intéressé à ce qu'il faisait. Il n'était pas du tout hostile envers les autres, même plutôt avenant et son sourire était rassurant.
C'est vrai qu'il était grand, et imposait un peu physiquement par rapport à la moyenne japonaise et son physique, que dis-je, ses CILS étaient un cas. Ils étaient longs et épais surtout au coin externe, ce qui lui fait un regard encore plus particulier et très expressif. Le gamin termina fissa de manger comme un goinfre qu'il est sa pâtisserie, manquant presque de s'étouffer, riant de sa bêtise avant de montrer fièrement le manuel à sa voisine de fast Food. Il était en train d'étudier l'histoire de ses prédécesseurs, ceux qui ont écrit le prologue de ce monde dans lequel ils vivent aujourd'hui.
"Eh oui je suis en héroïque à Shiketsu. Je ne suis qu'en première année, alors que j'ai pas tout fait encore, mais j'aime beaucoup le cursus. On se bat, on apprend le secourisme, le sauvetage, on apprend à devenir les héros de demain en fait." Il offre un grand sourire à la dame qui était en réalité une demoiselle, un peu plus âgée que lui. "Je me suis inscrit dans cette filière un peu du jour au lendemain, mais ça me plait, les professeurs sont très compétents et on s'entraide beaucoup entre élèves!"
Il marqua un temps de pause, l'observant à nouveau, détaillant son physique ses cheveux bruns et longs, ses yeux et voit bien qu'elle dispose d'une morphologie assez athlétique pour une personne de son gabarit. Pour autant, il ne remarquait rien de particulier sur elle pour l'instant, et se contentait d'arborer une mine bienveillante sans se méfier.
"Vous avez l'air forte, vous faites des combats ou du sport de haut niveau, non?"
Then they ignore you, then they laugh at you, then they fight you, then you win.
Le sourire d’Alicia ne put s’empêcher de s’élargir. Le jeune homme était… on ne peut plus motivé par ses études et elle ne pouvait que le comprendre. Elle-même, si la vie n’en avait pas décidé autrement, aurait bien aimé suivre cette voie. Elle ne se plaignait absolument pas de sa condition, mais restait honnête avec elle-même. Voir l’élève si motivé ne faisait donc qu’accroitre cette impression et cette envie, et éclaircissait un peu sa journée morose. Elle jeta donc volontiers un coup d’œil au livre que lisait le jeune garçon, consciente que c’était ce genre de manuel qu’elle aurait pu elle-même étudier, avant de lui répondre.
« Ça a l’air franchement génial décrit comme ça. » Commença-t-elle avec son accent chantant. « Et j’ai en plus entendu dire que les écoles et les héros japonais étaient parmi les meilleurs du monde, donc intégrer… Shiketsu c’est ça ? Bah ça n’a pas dû être facile. Il faut passer quel genre d’épreuves pour y entrer ? Désolée, ça peut paraitre une évidence, mais je ne suis pas vraiment du coin. »
La jeune femme s’interrompit quelques instants pour se reconcentrer sur les questions suivantes de son interlocuteur. Elle était à la fois flattée et un peu gênée de la remarque, surtout qu’elle ne pouvait cette fois pas vraiment lui répondre sincèrement. Sa venue au Japon était officielle, mais tout ce qui entourait cette dernière… l’était nettement moins.
« Oh euh merci mais… je crois que tu me surestimes pas mal. Je suis simplement garde du corps, donc je dois m’entrainer pour garder la forme mais… ça s’arrête là. » Lança-t-elle.
Elle recoiffa un instant ses cheveux noirs derrière son oreille en se redressant, geste devenu nerveux lorsqu’elle se sentait embarrassée, mais cela eut une petite conséquence. Alicia n’était pas habituée à porter un blaser, et, puisque ce dernier était légèrement trop court pour elle, la levée de son bras avait fugacement dévoilé le holster et l’arme qu’elle portait à la hanche. Une erreur suffisamment courte pour ne pas l’alter ou alerter quiconque au sein du fast food, mais qu’un œil attentif aurait parfaitement pu déceler. Inconsciente de ce fait, Alicia reprit comme si de rien était.
« Pour tout t’avouer, je ne possède même pas d’alter, donc je suis loin de pouvoir rivaliser ne serait-ce qu’avec des étudiants qui ont cette chance ! » Finit-elle en lançant un clin d’œil à son interlocuteur.
