L’inconvénient des business, c’est qu’il faut s’en occuper, les maintenir et les chouchouter pour qu’ils fleurissent gentiment et surtout fassent naître des fruits bien juteux. Pour les commerces légaux, en tout cas. Et là, Eiko se retrouvait à devoir gérer officiellement la façade qui faisait d’elle une honorable femme d’affaire aux yeux de la société. Son commerce illégal ayant bien pris du galon sur les derniers mois, les parts qu’elle détenait n’étaient plus suffisantes pour éponger tout le blanchiment d’argent et elle avait donc décidé de faire monter légèrement ses apports officiels : après avoir racheté deux emplacements de boutique, voilà qu’Eiko Yoshida se retrouvait à la tête d’une bijouterie à la croissante fulgurante. Super.
Qui disait boutiques disait assurance. Dieu qu’elle détestait les assurances. Les affaires d’argent en général en fait, toutes ces petites formalités de la vie légale qui ne faisaient que pomper dans des apports qui n’étaient là que pour l’image. En d’autres termes, le rendez-vous qu’elle avait là relevait plus de la corvée qu’autre chose. Mais pour pouvoir s’étendre dans le monde souterrain, elle devait également s’étendre dans le commerce légal, et il fallait donc qu’elle joue un peu la comédie pour que le tout soit un minimum crédible.
« Monsieur et madame Kobayashi ! Quel plaisir de vous revoir ! »
Les Kobayashi s’occupaient déjà de sa première boutique, il était donc tout naturel que l’assurance s’adapte au commerce grandissant de la marque. Le rendez-vous avait lieu dans un restaurant sympathique du centre de Hosu où les déjeunés et dîners d’affaire étaient pour ainsi dire la norme. Une valeur sûre qui avait l’avantage de simplifier les choses… et de les rendre plus rapides. Néanmoins qui disait rendez-vous d’affaire disait bon moyen de se mettre les assureurs dans la poche, entre deux flûtes de champagne de qualité bien évidemment.
Près de deux heures après le début du déjeuner, Eiko développait de sérieuses envies de fuite. Fort heureusement, un accord avait été trouvé et elle n’avait maintenant plus qu’à attendre de recevoir les documents officiels pour pouvoir lancer l’activité de ses deux nouvelles boutiques. Joie et soulagement, c’était enfin fini.
Seulement voilà, il lui manquait une petite signature et puisque les Kobayashi étaient des habitués du restaurant, ils avaient vite été accostés par non pas deux mais trois connaissances. Bah oui, forcément. Foutue loi de Murphy.
Eiko avait bien tenté d’interpeler le couple mais il s’agissait là d’une manœuvre quelque peu malpolie et la jeune femme savait qu’il valait mieux ne donner aucune raison aux assureurs de la regarder de travers. Elle n’avait pour ainsi dire absolument aucune envie de devoir parler assurance une nouvelle fois dans l’année et d’un point de vue pratique, il était plus avantageux de sacrifier une après-midi entière plutôt que de devoir faire une relance plus tard.
C’est alors qu’une petite tête attira son regard. Installé un peu plus loin sur la terrasse se trouvait le fils des Kobayashi. Il semblait que la famille avait rarement le temps de passer du temps réunie puisqu’ils l’avaient amené avec eux. Eiko contempla l’idée de le rejoindre un moment puis attrapa finalement sa flûte de champagne et ses profiteroles avant de rejoindre le garçon. Les gosses de riche n’étaient clairement pas sa tasse de thé, mais puisque les parents avaient littéralement disparu de son champ de vision et qu’elle commençait à s’ennuyer ferme, autant chercher à se mettre dans les bonnes grâces de l’adolescent. Qui sait, ça lui serait peut-être bénéfique à l’avenir ?
Bon alors, comment ils avaient dit qu’il s’appelait lui déjà ?
« Hayato… c’est ça ? Je peux me joindre à toi ? »
