La bonne, la brute et des truands [PV Alicia]

Alicia avait déjà été de nombreuse fois dans des opérations et situations délicates. Ce qui était logique, d’ailleurs, au vu de son parcours. Cependant, jamais il ne lui était arrivé de se retrouver dans la position de la cible chassée en plein milieu d’une zone urbaine. Tout, pourtant, n’avait pas mal commencé ce jour-là. La jeune femme s’était réveillée de bonne heure, avait même pu faire quelques exercices physiques puis était partie au travail. Lexie ne sortait pas beaucoup, ces temps-ci, alors, petit à petit, la belle brune se faisait une place parmi ses collègues. Elle restait la nouvelle – et l’une pour ne pas dire la seule agente féminine de l’équipe – mais les railleries étaient moins fréquentes qu’avant, ce qui était toujours ça de prit.

Alors ce jour, au lieu d’être affublée des tâches ingrates qui l’incombaient normalement, elle faisait partie de l’équipe supposée ramener des amis de la famille de l’aéroport jusqu’à la grande villa sécurisée. Un convoi composé de deux SUV noirs aux vitres teintées, et de deux agents par véhicule. Une escorte certes modeste mais ce n’était pas vraiment un problème. Il s’agissait d’un trajet de jour, en pleine métropole, donc les risques n’étaient pas très grands. Alicia était donc montée dans le deuxième SUV, se voyant même offrir l’avantage de conduire. Cette générosité venant de Shun, un colosse japonais avec qui elle ne partageait aucun lien amical, était surtout dû à l’immense flemme de ce dernier de devoir se concentrer sur quelque chose. Passer son trajet sur son portable l’intéressait bien plus que d’affronter la circulation nipponne, mais c’était un mal pour un bien. Alicia aimait conduire, ça lui occupait l’esprit.

La tranquille mission tenait sa promesse. La pseudo-israélienne suivait tranquillement son confrère devant elle, et, malgré quelques embouteillages, l’équipe arriva à temps pour réceptionner la délégation. Deux hommes et une femme qui, il fallait s’y attendre, n’adressèrent pas la parole à leurs protecteurs. Ils montèrent dans la première voiture des gardes du corps, et ces derniers reprirent simplement la route, coutumiers du fait, sans que rien ne puisse sembler perturber leurs plans. Et pourtant.

Tout s’enchaina alors que le groupe s’engageait dans la ruelle la plus étroite sur leur trajet. Un premier détail attira l’attention d’Alicia. Lorsqu’ils étaient passés par ici, une vingtaine de minutes plus tôt, l’endroit était animé. Désormais, il était complètement désert. Elle n’eut toutefois pas le temps de théoriser davantage. Une puissante explosion survint sous le premier véhicule, le projetant légèrement dans les airs avant de le faire s’effondrer sur le flanc dans une pluie d’étincelles. Alicia braqua le volant à droite, à l’opposé du véhicule endommagé pour l’éviter, mais, dans cette ruelle trop étroite, elle ne put éviter la collision avec la façade d’en face. Elle ne s’y encastra qu’à moitié, mais le choc suffit à l’hébéter quelques secondes, troublant légèrement sa vue.

Devant elle, le premier fourgon était toujours couché sur le flanc et un halo de fumée blanche l’entourait, témoin de l’impact. Son véhicule à elle fumait aussi, mais était en meilleur état. Du moins le pensait-elle. Elle mit la marche arrière, remarquant du même coup d’œil que Shun semblait inconscient, lui qui avait eu la malchance d’être du côté où le SUV avait percuté le mur, mais la roue tournait dans le vide. Le véhicule ne bougeait pas d’un pouce.

« לְחַרְבֵּן » Jura-t-elle dans sa langue d’usage.

Elle aperçut alors devant elle, par le pare-brise brisé de Range Rover, trois individus s’approcher du fourgon toujours sur le flanc. Vu l’état de Shun, il y avait fort à parier pour que ses deux acolytes soient eux-aussi inconscients. Elle dégaina alors son arme de poing de son Holster. Elle savait que sa société était extrêmement stricte sur le fait d’utiliser les armes à feu, mais, si elle ne faisait rien, il y avait fort à parier qu’au vu du manque de délicatesse de l’attaque, tous ses confrères ainsi que les deux « amis » de la famille finissent par y passer.

Alors, Alicia visa. Elle aligna sa première cible, calma sa respiration, et pressa la gâchette, amortissant le recul avec expertise. La balle fusa et vint faucher la rotule de l’homme qui était le plus proche. Ce dernier s’écroula en se tenant la jambe, mais se fut la réaction des deux autres qui indiquèrent à la belle brune le danger dans lequel elle s’était fourrée. En une fraction de seconde, ses assaillants s’étaient retranchés derrière le véhicule, au niveau des roues, laissant sans état d’âme leur acolyte au sol. Un instant de silence s’installa, puis, soudain, une pluie de balle s’abattit sur le SUV ou se trouvait Alicia.

Heureusement, ce dernier était blindé. Mais même ainsi, il ne tiendrait pas longtemps. La jeune femme le savait, ses assaillants étaient des professionnels, et, visiblement, tenaient également les hauteurs. Ainsi, elle ne pouvait évaluer ni leur nombre, ni leurs positions. Elle attendit alors qu’ils rechargent, puis décida d’agir. Elle se jeta hors du SUV partiellement déchiqueté par les balles, tira dans la vitre du magasin situé en face et plongea à l’intérieur pour se mettre à couvert. Bien entendu, les coups de feu la suivirent et sifflèrent à ses oreilles. Une fois retranchée, elle écouta attentivement le silence qui s’était à nouveau installé, osant un regard vers la rue. Mais lorsqu’elle se retourné, une vive douleur empoigna sa hanche et elle se ravisa. Baissant la tête, Alicia vit alors une tâche de sang qui grandissait à vue d’œil sur son débardeur blanc.

La jeune femme était trop entrainée pour paniquer, mais la grimace qu’elle faisait en disait long. Elle releva légèrement son haut, dévoilant l’impact, avant de se rassurer. La balle ne l’avait touchée que partiellement, et les dégâts, bien que sanguinolents, n’étaient pour l’instant que minimes…