Chat, crime et botanique - Lucius Sudder

Chat, crime et Botanique

Ft : Lucius Sudder

Franchement… Je suis quasi sûr que j’avais frôlé la mort. Activer mon alter en dormant comme ça, ça m'étais jamais arrivé. J’avais l’impression que mon crâne allait exploser et aucun souvenir de la veille. L’image d’une femme aux cornes rouges s’imposait dans mon esprit et me glaçait le sang, je résistais contre la tentation de me couper de cette sensation de peur irrationnelle pour me diriger vers ma salle de bain.

Une boîte de médicaments pour aider à dormir trônait au milieu du lavabo, voici donc mon coupable. Après 5 ans de rencontres hebdomadaires, Mme Osoki semblait encore sous-estimer le peu de contrôles que j’avais sur mes capacités. Est-ce que ce serait différent si je ne lui mentais pas compulsivement? … Ouais, okay, peut-être, mais j’avais pas confiance en cette psy et cette prescription foireuse lui faisait encore perdre des points.

Bon. Petite douche, petit dej, on annule toutes les réunions de la journée et on essaye de se reprendre Satoru!! La liste de noms que m’avait refilé Eiko était posée juste à côté de mon clavier, mais j’avais pas d’énergie pour ça. Vigilantisme? Même pas en rêve, aujourd’hui, le seul qui avait besoin d’être sauvé, c’était moi!


C’est du moins ce que je pensais avant qu’une chatte rousse n'apparaisse sur mon balcon. Elle était pas farouche la demoiselle et sans hésitation, avait profité de la fenêtre entrouverte pour pénétrer dans mon appartement. Son odeur m’était familière, ça faisait bien deux semaines que je ne l’avais pas vu. Ses chatons apparurent à sa suite, ils avaient vachement grandi. Le gris, le noir, manquait plus que la tricolore, ma préférée.


Alors. Je vais droit au but. Y’avait pas de Picasso. En temps normal ça m'aurait fait ni chaud ni froid. C’est juste un chat après tout.

Sauf que là, j’étais pas dans mon état normal et cette disparition me fit l’effet d’un couteau dans le cœur.


Pas de réponse. Evidemment. Juste trois paires d’yeux écarquillés et des félins me crachant à la gueule toute la confiance que j’avais pu acquérir au fil des mois. J’allais pas frapper des chats, ce serait complètement con, je leur cédai donc une de mes boites de thon avant de me précipiter à la recherche de la petite Picasso.

…

Et c’est comme ça que je me suis retrouvé quarante minutes plus tard à courser un chaton au milieu d’un jardin… Drôlement bien entretenu. Je dirais que tout allait bien jusqu'à ce que je me prenne le mur de la maison en essayant, désespérément, d’intercepter le félin qui s’était faufilé sous trois marches menant à la maison.

Avec ce bruit mieux valait que je me barre vite fait, le truc c’est que j'avais la main sur le dos de la boule de poile!! Si seulement j’arrivais à lui pincer la nuque!
 

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Putain Picasso c’est quoi ton problème!! Tu crèves probablement la dalle, on se connait depuis que t’es toute petite, c’est quoi cette scène que tu me fais???

J’avais probablement l’air con affalé sur le sol poussiéreux, à demi enfilé sous les fondations de la barraque. Est-ce que j'avais l'air dangereux? ... Naaah, impossible. Peut-être un peu chelou mais pas de quoi flipper non plus...


Okay, merde, le gars avait un putain de couteau de cuisine! J'avais pas enfilé mon pull en kevlar, juste mon vieux sweat shirt normal, usé jusqu'à la corde par les années de vigilantisme foireux auquel je l'avais soumis. Je m'apprêtais à lui répondre quand Picasso planta toutes ses dents dans ma main gauche. La connasse avait grandi en deux semaines et sa morsure ne manqua pas de pénétrer ma chair jusqu'au sang.
Il me fallut quelques secondes pour me rendre compte que j'avais inconsciemment activé mon alter... C'est pas bon ça. Je baissais mes barrières, non sans difficulté, la migraine me fit l'effet d'un coup dans la mâchoire alors que mon bras était pris d'un spasme, essayant contre ma volonté de se défaire de la créature furibonde.

Le couteau se tend dans ma direction, le chat gronde, j'ai mal partout et ...


Gars, je fais ce que je peux!!! Les menaces ne m'aident pas! Les dents serrées, j'essayais temps bien que mal de me contrôler. J'étais soudainement entré dans un mode fight or flight, un peu comme Picasso d'une certaine façon. Mes doigts avaient fini par se refermer sur son cou plutôt que sa nuque. C'était pas le top mais bon. Doucement, j'entrepris de tirer la bête de sous les fondations tout en grognant quelques excuses mal articulées. A mis chemin je parvint finalement à saisir le félin de mon autre main. La douleur diminua à l'instant même où elle lâcha prise, libérant mon esprit par la même occasion.


A ces mots je ramenais la petite tricolore sur mes genoux, ajoutant une nouvelle teinte pourpre à son pelage de bébé. Il était pas aussi doux que celui du reste de sa fratrie, ça devait faire un temps qu'elle s'était séparée de sa mère. Maintenant que la question du félin était résolue, restait plus qu'à s’occuper de la question du couteau et de son propriétaire.


Voix posée, aucun signe d'agressivité, pas de contact visuel, je me redressai sur mes pieds tout en parlant. Picasso encore suffisamment petit pour tenir dans ma poche kangourou, je l'y plaçai donc sans donner trop d'attention à ses réclamations.

Je ne mentais pas en disant que c'était un joli jardin. Plutôt un potager en fait. Comme celui de mes voisins à Kyoto. C'est le luxe d'avoir ce genre de truc à Tokyo! On était un peu éloignés du centre, mais même comme ça, ce genre de maison se faisait globalement de plus en plus rare.

 

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Garder le couteau? Ouais, c’était honorable. En l'occurrence je risquais pas de pouvoir faire beaucoup de mal à sa baraque, mais mieux vaut prévenir que guérir j’imagine. J’aurais sûrement dû passer par la porte d'entrée. Sonner poliment.

Bonjour, mon chat s’est infiltré dans votre jardin, pourrais-je le récupérer?

Le truc c’est que j’avais pas la patience pour ça et crevé comme j’étais, on pourrait même aller jusqu’à dire qu’il me manquait quelques neurones.


Hum, sympa, il se fout de ma gueule! En temps normal j'étais pas trop ensible à ce genre de chose, mais là ça ma fait grincer des dents! En plus, dans ma poche, Picasso commençait à s’agiter, elle poussait des petits miaulements plaintifs qui eurent le mérite de finir de m'énerver.

Tu vois pas que l’on est au milieu d’une situation un peu complexe? Je sais que tu as la dalle, mais figure toi que moi aussi!

Elles sont très bien nos barquettes de riz! C’était justement tout ce que j’avais dans le bide (peut-être en partie l’origine de ma faim). Une voix juvénile attira l’attention de Mr Main Verte, il est un peu jeune pour avoir un fils, non? Peut-être un neveu? En tout cas, ça parlait de boustifaille. A se demander si le gamin était au courant de la situation.


Ah c’est questionable ça. Je retenais pas mal de choses quand j’étais ados, plus que maintenant je dirais. J’avais fait quoi déjà hier? … J’en avais toujours aucune idée. Les souvenirs restaient brumeux, en espérant que ça me revienne au long de l'après-midi.

Elle c’est Picasso l’emmerdeuse.

J’enfouis ma main dans ma poche afin de calmer le chaton. Elle l'accueillit avec moins d’agressivité, peut-être que le confort de mon pull avait fini par la réconforter.


J’inclinai légèrement la tête pour mimer un sans blanc de révérence.


Une bonne odeur s’échappait de la barraque, ce à quoi mon estomac répondit en gargouillant tel un dinosaure. J’imagine que ce ne serait pas idéal si j’escaladais la palissade dans le sens inverse,  histoire de reprendre le chemin de la maison…


Je pointais la porte par laquelle le gars avait surgi quelques instants plus tôt, avec cette foutue migraine qui me martelait les tempes j’avais juste envie de rentrer, bouffer, dormir. … Sauf que pour bouffer il allait me falloir passer par un konbini, ma dernière boite de thon ayant été dévorée par Rousette et compagnie.
 

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Alors comme ça le monsieur n’a pas la cote. Voilà qui justifiait le couteau, par contre son histoire de Gaijin ne justifiait pas ne pas avoir la cote. La société avait pas mal changé depuis le dernier millénaire, si ses voisins avaient un problème avec lui c’est un peu simple de résumer ça en: Gaijin.

Je serrai la main que Lucius me tendait et encaissai la pique en serrant les dents. Un gueux, moi! Nan mais oh! J’avais bien le droit de m’habiller comme un sac même en roulant sur l’or!

Tape dans le dos (aïe ma cicatrice) et invitation à déjeuner… Invitation à déjeuner? Voilà qui était un peu embarrassant! Toute l’irritation que j'avais accumulée se dissipa d’un coup pour laisser place à des émotions contradictoires. Les mains posées sur le petit chat, je ne bougeai pas d’un iota, incertain de ce que l’on attendait de moi. Si Lucius m’invitait vraiment à déjeuner et que je quittai cet endroit en un seul morceau, il me faudrait bien le remercier d’une façon ou d’une autre, ors j’ai jamais vraiment été  très doué avec ce genre de formalité. Et puis il faut admettre que c’était tout de même une réaction un peu étrange de sa part sauf que, sur le moment, j’étais bien trop fatigué pour m’en rendre compte.

Mes yeux étaient perdus dans l’observation d’un nuage en forme de cheval quand un nouveau personnage sortit de la maison avant de se rendre au milieu du potager. De son salut, je reconnu la voix juvénile que j’avais entendue quelques instants plus tôt.


Si c’est pour continuer de m’appeler Jiji j’aurais aussi bien pu ne pas lui donner mon nom. La maison était vieille, elle me rappelait celle dans laquelle j’avais grandi.


La cuisine était quant à elle bien mieux équipée que n’importe quelle cuisine dans laquelle j’ai déjà pu me tenir. On avait toujours fait dans la simplicité dans la famille, un wok, un couteau de cuisine et un rice cooker, pas besoin de plus pour survivre!

Le couvert n’était toujours pas mis, voilà qui m’offrait l'opportunité de changer mon status de mec chelou du jardin à celui d’agréable surprise.


Je me lavai les mains et m'attelai à la difficile tâche qu’est trouver sets de table, verres, assiettes, couverts dans une maison étrangère. J’eu d’ailleurs la surprise de découvrir le combo fourchette, couteau, cuillère, ne sachant pas vraiment ce qui était prévu au menu, je les plaçais de part et d’autre des assiettes en plus des baguettes.


Picasso s’était endormie à mon grand soulagement.


Je connaissais Musutafu et Hosu comme le fond de ma poche... à l’exception du quartier dans lequel je vivais. Il faut dire que c’était un quartier résidentiel, que ce soit en temps que civil ou vigilant, il n’y avait pas grand-chose à y faire. J’avais jamais entendu ni aperçu ce Lucius Sudder et le jeune homme qui vivait avec lui.
 

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Ft : Lucius Sudder

J’écoutai leur histoire sans trop lever les yeux de mon verre de saké, l’alcool, j’ai jamais aimé ça et j’avais déjà suffisamment mal au crâne, pas besoin d'en rajouter une couche. Ma mère m'avait bien éduqué à coups de shinai, j'allais pas cracher sur l'hospitalité de mon hôte et me mis donc à siroter la boisson à coups de minuscules gorgées. Le verre était pas bien grand, j'aurais probablement plus de facilité à le vider une fois mon estomac rempli.

Je me contentai de hocher de la tête alors que Lucius me faisait part de son opinion sur les héros. Des soldats? C'est une vision intéressante. Je les voyais plus comme des travailleurs en col blanc, après tout, ils ne sont pas sous l'autorité direct de l'état, à la façon du corps militaire. Néanmoins, on ne pouvait pas non plus dire qu'ils jouissaient d'une indépendance totale. Tout le monde à des factures à payer après tout.


Je ne comptais pas vraiment argumenter en faveur des parents disparus ayant abandonné leurs rejetons aux crocs de la vie, aussi j'entrepris de changer de sujet.

Voyons voir, dix ans... J'étais où il y a dix ans? Je commençais à me mêler à des sales trucs, je m'étais déjà retrouvé en garde à vue pour invasion de propriété privée. J'avais une bonne famille qui m'attendait à Kyoto pourtant, faut croire que j'avais pas encore la maturité nécessaire pour vivre loin de mes parents.


ça faisait tellement longtemps que j'avais quitté la mienne, mais j'étais pas orphelin pour autant. J'avais juste hâte que mon frère se fasse plaquer par sa copine histoire qu'il puisse enfin me rejoindre à Tokyo. Au-delà d'être la seule personne en qui j'avais vraiment confiance, il était aussi un excellent toubib, chose dont j'avais de plus en plus besoin. Faut croire que se battre semaines après semaines n'était pas forcément idéal pour la santé physique, sans compter mon alter qui me bousillait le cerveau peu à peu. Des images de la veille me revenaient sporadiquement, rien de bien excitant, une visite chez la psy, un tour à la pharmacie, un peu de ménage dans l'appart...


En vrai j'avais pas trop idée de l'âge du petit frère, j'aurais peut être du me taire, ce serait con d'être insultant sans le vouloir.