Je fais à nouveau les cent pas dans le salon en me retenant de ne pas frapper un mur de mille éclairs pour le réduire en fine poussière. J'ai laissé onze appels et j'hésite à la rappeler une douzième fois. On dirait qu'elle prends un malin plaisir à ce que je me fasse un sang d'encre. Elle veut me donner des cheveux blancs ou quoi? Je nettoie la vaisselle pour essayer de calmer mes ardeurs et je mets son assiette au réfrigérateur. Je jure une bonne dizaine de fois dans ma tête, quel punition vais-je lui donner, je dois rapidement trouver quelque chose qui concorde avec son retour tardif. Privée de sortie! Voilà, je vais la priver de sortir et si elle revient encore tard de l'école malgré tout, je vais lui faire faire un truc bien plus chiant et pratique. Ça lui apprendra à m'inquiéter comme ça!
J'arrête ma tâche et mon expression s'adoucit un peu. Après la vaisselle je devrais quand même aller chercher dehors au cas. Le soleil est couché alors les rues deviennent très dangereuses. Je me sens mal, et si j'avais songé à un châtiment alors qu'elle puisse être en danger au moment même. Je laisse enfin tomber la vaisselle et je mets mon manteau, convaincu par ma propre réflexion. J'ai un sentiment de panique qui monte doucement en moi et je me dépêche d'enfiler des bottes.
J'approche pour ouvrir la porte et je m'arrête, je ne veux pas non plus qu'elle se distancie encore plus de moi parce que je suis lourd. Je vais appeler une dernière fois dans cinq minutes et ensuite je partirais si elle n'est pas de retour.
~~ Une minute passée ~~ Je passe la minute entière à taper du pied avec anxiété. . . . ~~ Deux minutes passées ~~ Je me promène dans la maison et je lâche des injures pour moi-même. . . . ~~ Trois minutes passées ~~ Je commence à fumer de colère noire, je me sens impuissant et je ne suis pas habitué. . . .
J'abandonne mon engagement fait plus tôt et j'appelle tout de suite… Aucune réponse. Cette fois-ci s'en est trop, je me dirige à la porte d'entrée et j'ouvre en furie, je passe proche d'arracher les charnières. Je sors sans trop me soucier de la refermer, les domestiques vont s'en charger et là je ne suis vraiment pas d'humeur pour penser à mes actes correctement.
Je sors dehors et je fais un gros nuage qui jette des éclairs dans le vide, ça me prends beaucoup pour pas frapper ma propre bagnole avec ceux-ci mais j'y arrive. J'avance dans la rue et c'est là que je la vois qui s'en vient. Je me poste devant la porte avec un visage remplis de colère mal dissimulée.
“I felt alive and I can't complain. But now take me home. Take me home where I belong”Runaway by AURORA
L'heure s'était envolée. Elle avait depuis bien longtemps dépasser son horaire de son bus habituel chose qui était loin d'être habituel chez la blonde. Perdue, son nez dans un bouquin, Astrid était restée travailler à Yuei avec Daisuke sur leur travail de théorie du sauvetage. Rien de dangereux.
Enfin, sauf l'heure apparemment.
C'est en regardant l'horloge de la bibliothèque, surprise de l'heure déjà avancée, qu'Astrid avait saluée Daisuke, le quittant avec un doux sourire, rejoignant aussi rapidement qu'elle le pouvait l'arrêt de bus de l'académie. Enfin, arrivant à l'arrêt, elle vit tout juste un bus partir et malgré ses mouvements de bras, celui-ci ne s'était pas arrêté, laissant la pauvre petite blonde sous l'abri, tenant son sac d'une main, l'autre tenant le dernier livre que Sigmund lui avait offert. Bouquinant pendant dix à vingts minutes à peine, attendant le prochain, elle n'avait pas fait attention à son téléphone, bombarder par son frère qui... L'appelait.
Pour autant, entre son devoir, son bus et juste le fais qu'elle trainait, comme à son habitude, la blonde était tombée sur une petite pâtisserie qu'elle ne connaissait pas sur le chemin du retour. Il fallait dire qu'elle avait l'habitude de prendre le long chemin juste pour profiter d'une petite balade.
Hésitante, elle fini par entrer après avoir longtemps regarder la vitrine et répéter quelques phrases à elle-même, pour être sûre. La blonde visait une jolie tarte à la cerise. Si elle se rappelait bien, sa mère lui avait déjà dit que c'était la pâtisserie préférée de Sigmund. Astrid espérait que oui. Pour elle-même, une simple tarte au citron avait suffi.
Toute contente, mais bien en retard depuis bientôt trois heures, elle semble surprise de voir son frère qui l'attendait au bout de la rue. Souriant en lui montrant la boite, elle remarque bien après le gros nuage volant au-dessus de sa tête.
Je voudrais exploser et crier mais je sais que ça n'apporterai absolument rien et que les actions parlent bien plus que les mots dans ce genre de situations. Je fais éclater quelques dalles de pierre plus loin avec un grand éclair et il commence à pleuvoir partout au dessus de la demeure.
- ..Astrid.. Dis-moi donc, est-ce que ça t'amuse? Tu penses qu'il n'existe pas de danger dans les rues de Tokyo à cette heure là? Je t'ai laissé le privilège de revenir par toi-même car je pensais que tu voulais plus de liberté, d'indépendance! Mais tu me montre que tu es encore qu'un gamine alors je vais devoir maintenant envoyer Albert te chercher et te porter. Tu auras un chauffeur privé qui viendra te prendre devant tes camarades de classe.
J'ai lentement haussé le ton et malgré ma tentative de ne pas crier, on peut presque voir de la fumée s'échapper des mes oreilles et mon visage rouge de colère.
- Tu verras, c'est la honte d'être un gosse de riche, les gens vont te croire hautaine et arrogante juste pour ça!
Je rentre à l'intérieur de la villa et je sors son assiette du réfrigérateur pour le déposer au four quelques minutes.
- Je t'ai appelé plusieurs fois, pourquoi tu n'as pas dé---
Mon visage redevient tout blanc, j'arrête de parler. Comment ai-je pu être aussi stupide? Je dois lui envoyer des texto et attendre une réponse, elle ne peut pas répondre au téléphone pour me parler. Je pousse un long soupir
- Tu aurais du me prévenir de ton retard.
Je fais craquer mes mains et mon regard devient presque dangereux tellement il est empli de cruauté.
- Alors.. J'attends ton excuse, elle décidera de ton châtiment!
Sursautant de surprise en sentant les vibrations de l'air suite à l'éclair de son frère, la jeune femme fronce les sourcils. D'accord, elle était un peu en retard, mais ce n'était pas la mort ? Apparemment... Pour Sig cela l'était. C'était totalement stupide. Mais, elle n'avait pas encore entendu ses explications.
Soupirant avant de froncer les sourcils Astrid le suit à l'intérieur de la demeure, ses mains pleine n'aidant pas à lui répondre. Retirant ses chaussures, posant son sac au début des escaliers, elle dépose la pâtisserie sur la table de la cuisine en suivant son frère qui ne lui offrait que des remontrances pour un petit retard.
Ne prenant même pas la peine d'ouvrir sa bouche, la blonde le fixe blasée.
- Je suis en retard. Certes, j'aurais dû envoyer un message, mais PARDON...
Posant ses mains paume contre paume, signant pardon, elle les avait frottée ensemble plusieurs fois de façon plus ironique qu'autres choses. Devant le nez de son frère.
- Pardon, pardon ! De prendre mes études au sérieux.
Poussant la pâtisserie vers lui, elle sort son téléphone, arquant un sourcil de surprise face à Sigmund. Pour le coup, il ne lui avait encore jamais fais le coup. Posant son téléphone sur le plan de travail, elle le repousse également vers lui.
- Tient si tu veux un châtiment.
Reculant en croisant les bras quelques instants, elle reprend, ne lui laissant pas le temps de râler une nouvelle fois.
- Ensuite, je n'ai jamais été contre le fait que toi où Albert viennent me chercher ? Je prends le bus pour vous rendre la vie plus facile. Je pense que les élèves se fiche un peu de savoir comment je rentre !
S'apprêtant à faire demi-tour et rejoindre sa chambre, Astrid le fixe recommençant à signer pardon de la même manière narquoise.
Alors là, elle me nargue en plus! Quel culot cette polissonne, elle économise pour une claque derrière la tête avec ses pardons narquois pour rire de moi, je pense qu'elle ne saisit pas du tout la gravité de la situation. Je vais lui dresser un portrait plus clair alors. Je continue de signer avant qu'elle ne parte dans sa chambre.
- Attends une seconde jeune fille, je n'ai pas fini! Tu penses vraiment que tu peux t'en aller en essayant la carte de la culpabilité! C'est bien gentil pour la pâtisserie mais ça n'excuse pas ton retard du tout!
Mon regard s'adoucit un peu, je suis sur le point d'abandonner et la laisser partir avec sa punition car ce que je veux dire est douloureux mais je me lance quand même au final.
- Tu crois que j'ai envie de perdre ma sœur alors que j'ai perdu mes parents? Il ne me reste que toi et les types qui nous ont attaqué sont toujours libres dehors. Ils pourraient encore préparer une attaque pour nous finir, t'y à songer à ça? Tu te crois invincible peut-être? T'as pas besoin de moi? Tu n'as qu'à le dire et je te parlerai plus du tout, fait moi signe et je disparais de ta vie alors.
Je redeviens un peu plus de marbre pour être pris au sérieux
- Je n'a pas encore décidé de ta punition mais ça viendra, pour l'instant ne touche pas aux tartes!
Je les range dans le garde-manger puis me dirige lassement vers ma chambre les larmes noyant rapidement mes yeux. Je suis si fatigué de cette gamine, je n'arrive pas du tout à m'en occuper et je ne peux pas sortir de ma tête la déception que ressentirait mes parents à mon égard, je suis en train de gâcher leur fille, ma propre sœur qui plus est.
Elle est arrivée en retard pour des devoirs et acheter des tartes.. Je communiquerai avec son professeur pour en savoir plus sur ce devoir, ça éclairera peut-être ma décision. Je voudrais bien rajouter quelque chose mais je ne peux pas me retourner et lui faire face maintenant, elle saura que j'ai perdu toute résolution et qu'elle a gagné le droit de rentrer tard quand elle veut à peine daigne-t-elle m'apporter une pâtisserie, non, hors de question pour moi de tomber plus bas encore que je le suis dans son estime.
Retenant un soupir face à son frère, Astrid ne disait que la vérité. Elle voulait juste essayer de vivre normalement comme avant. La blonde n'était plus une enfant, elle pouvait maintenant se défendre. Si elle avait plutôt à le faire, elle aurait peut-être pu... Non. Ce n'était pas le moment de faire remonter le passer, mais, Sigmund avait une tout autre idée sur le sujet.
Répétant alors le monologue qu'elle avait fini par retenir à la fin. Astrid ne voulait pas le perdre, mais en même temps, elle désirait respirer. Chose impossible d'après Sig. Il réclamait quoi ? L'obliger à mettre un capteur GPS dans son sac ? À mettre une application de surveillance sur son téléphone, qu'elle lui envoie des photos d'elle à l'école toutes les heures ?
Bien sûr qu'elle songeait à cela. Bien sûr qu'elle avait peur à chaque rue sombre qu'elle empruntait, à chaque personne inconnu dans son dos, à chaque petit bruit que son alter captait... Mais, elle devait être forte pour Sig. Ne pas montrer ses faiblesses, tout cela lui faisait déjà assez de mal alors Astrid s'était juste créé une image. Une image de sœur parfaite, un rocher que rien ne pouvait briser alors qu'à l'intérieur, c'était juste un puzzle en désordre ou les pièces avait été forcer à correspondre.
Le voir disparaitre serait juste dévastateur. Alors que la blonde se sentait déjà comme responsable de tout. Si elle avait réussi à se défendre, si elle n'avait pas été tétanisée par la peur, peut-être que sa mère serait encore en vie, peut-être que son frère n'aurait pas perdu son œil.
Ravalant sa salive en ne répondant rien, elle avait juste montré quatre à quatre l'escalier, allant claquer la porte derrière elle. Son téléphone étant resté sur la table, elle s'était simplement assise sur son futon par terre, serrant une de ses peluches contre elle, posant son menton sur celle-ci. Ce n'était qu'un idiot de toute façon !
Restant ainsi un moment, par terre, dans son coin, la blonde regrettait déjà comment la situation avait tourné. Mais en même temps, elle ne comprenait pas les réactions de Sigmund. Certes, elle était en retard, mais, Astrid était rentrée en vie, saine et sauve. Surtout qu'elle n'était qu'à Yuei ! Ce n'était pas comme si elle avait trainé en ville jusqu'à pas d'heures.
Soupirant en abandonnant sa position, elle était descendue pour sortir la tarte à la cerise de Sigmund, la plaçant au milieu d'une jolie assiette, lui versant un peu de vin rouge dans un verre pour accompagner le tout, le tout sur un plateau.
Mettant sa propre tarte dans une assiette bien plus simple, elle avait déposé le plateau devant la chambre de Sig, frappant à sa porte avant de rapidement s'enfuir avec sa propre tarte dans sa chambre.
Je reste à l'affut de ce qu'Astrid fait, je ne veux pas me battre plus que ça mais je l'entends bouger dans la cuisine. Elle est en train de toucher aux tartes même si je lui ai dit non. Je lâche un long soupir plaintif à son égard. Il faut que je me rende à l'évidence, il n'y a pas qu'avec le boulot que je suis trop raide, et il n'y a pas que le travail dans la vie. Je dois me radoucir avec elle aussi. Plus j'essaies de faire en sorte que rien n'a changé, plus les choses changent et deviennent bizarres.
Elle approche de ma porte et elle toque. Je n'ouvre pas tout de suite, embarrassé de croiser son regard et je me lève de mon matelas seulement quelques secondes après l'avoir entendu partir en courant vers sa chambre à elle. Je passe mes mains lassement dans mon visage par désespoir. Je crois savoir ce qu'elle a fait, je risque d'y trouver une part de tarte généreuse en ouvrant ma porte.
J'ouvre et je suis surpris d'y trouver la tartelette au complet accompagnée d'une jolie coupe de vin à la robe encore vif et éclairé, surement mon petit Tsugane la montagne, 2009. La tarte dégage une odeur de cerise assez forte qui s'accouple bien à l'alcool de raisin, un trésor délicat et rare. Moi qui normalement me contente d'un verre de sake alors que j'adore le vin.
Je me sens encore plus mal maintenant, je vois qu'elle ne me déteste pas, mais elle ne semble quand même pas comprendre la gravité de notre situation, elle garde tout à l'intérieur pour faire genre qu'elle est rendu forte et indépendante mais je sais que ce n'est pas encore tout à fait cela. Elle n'a quand même l'âge d'une première année à Yuei. Je me souviens encore de moi à cette époque là, je pensais être si fort, si en contrôle alors qu'en rétrospective, j'étais encore un simple gamin arrogant. Je pensais être invincible, intouchable, inconscient des dangers de la vie.
"Astrid... Je veux juste te protéger du mal, de ce qui a déjà frappé notre famille une fois… Pardon d'être aussi lourd comme fardeau par moments. "
Dire cela serait tellement simple. je pourrais aller la voir maintenant, commencer une conversation et arranger bien des choses. Mais je n'en ai pas encore la force et je ne sais pas si j'en aurais un jour. Je me place avec la tartelette et la coupe à la table du salon et j'allume la télévision pour écouter un film, ça fait des années que je n'en ai pas écouté un. Une comédie dramatique qui parodie les héros, ça devrait être intéressant. Je mange et bois tranquillement au fil des différentes scènes, j'arrive même à avoir un sourire en coin malgré la soirée et mon attitude générale.
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