Pourquoi maintenant ? La raison n’était pas très claire mais l’occasion semblait suffisamment particulière pour qu’il se retrouve devant cette porte à nouveau. Plusieurs semaines s’étaient écoulées depuis les évènements de Musutafu. Néanmoins, ayant seulement à présent l’opportunité d’y réagir, cette bataille semblait remonter à la veille.
Cette fois au moins, Kass ne démarrait pas recroquevillé dans un coin. Il était debout, droit et ce qui pouvait sembler confiant. La dernière fois qu’il avait quitté cet endroit, c’était avec l’intention d’en finir. Mais à présent qu’il réalisait que cette conclusion n’était pas remontée avec lui, il avait du mal à concevoir l’utilité de sa présence ici. Il ne pouvait pas se tuer pour mettre fin aux agissements d’Ein, il ne pouvait pas non plus se remettre en question une fois dehors. Un blocage subsistait, le privant de tirer ses propres conclusions et d’appliquer les mesures requises.
Pourtant, il était encore là, face à cette porte et confronté à des démons inconnus. Il ne comptait pas se rouler en boule pour pleurer sur le drame qu’était sa vie. Il était déjà passé par cette phase et ici, à cet instant, il se sentait différent comme si quelque chose pouvait en effet changer. Ce serait peut-être à nouveau sans conséquences mais il ne pouvait se défaire de l’idée qu’il était ici pour une raison, bien qu’il doive encore juger de sa validité. La porte ne ressemblait plus à un obstacle et son hésitation était bien moindre au moment de l’ouvrir.
« Eh bien vous revoilà. Comment allez-vous ? »
Kazura, qui n’avait de docteur que le visage qu’il avait emprunté se tenait debout près d’une fenêtre nouvellement installée. Dehors, la nuit totale et parfois, les gouttes de pluie venant s’écraser contre les carreaux. Kass n’appréciait pas particulièrement l’effort esthétique. Ou du moins, celui-ci.
« Vous avez changé. »
Bien sur qu’il n’allait pas commencer à répondre à ses formules de courtoisie, il y avait une limite à cette folie et c’était visiblement ici qu’il la traçait. Son apparence par contre, il ne pouvait que la remarquer. La dernière fois, Kazura baignait dans ses derniers instants, couvert de son sang, la gorge ouverte, ses vêtements trempés, jusqu’au moindre détail le plus atroce. Mais cette fois, il avait visiblement pris la peine de se changer.
« J’ai pensé que cela vous mettrait plus à l’aise. »
Kazura s’écartait enfin de la vitre, dévoilant son nouveau costume. Une tenue impeccable, une cravatte parsemées de joyeux pandas et des lunettes précieusement rangées. A croire que la déficience visuelle ne s’appliquait pas aux projections de son esprit. Il n’empêchait que l’absence de lunettes créait un drôle de vide. Cela restait tout de même mieux que l’hypocrisie de le voir les nettoyer.
De la main, le psychiatre invitait Kass à s’asseoir dans le large fauteuil de cuir faisant face à son bureau. Ce qu’il fit, allant jusqu’à prendre la liberté d’arrêter de le fixer. Il ne comptait pas critiquer à nouveau le mauvais goût de cette mascarade, elle n’en serait probablement que plus longue.
Le Docteur se rapprocha de lui-même, un léger sourire presque sympathique aux lèvres, pensif, pour finalement s’asseoir au bord du bureau, bien plus près que la dernière fois.
« Vous aussi avez changé. Vous semblez plus… tranquille. »
Paisible n’aurait pas été le juste mot même si le résultat était probablement le même. Je resserrais mes doigts sur les accoudoirs, me résignant dans un sourire amer.
« Défaitiste. C’est le mot que vous cherchez »