Vieux Papier, Toiles d'Araignée.

Un moment de silence. C'est ce que représentait un instant passé à la bibliothèque pour beaucoup de monde. Entre le vacarme de la ville et l'enthousiasme des apprentis héros, Gabriel aimait bien trouver la quiétude entre les livres de la Grande Bibliothèque.

Cet endroit ressemblait à un lieu magique à ses yeux. Les vieux ouvrages avec des couvertures fantasques le font rêver, les histoires des plus anciens héros et pour ceux qui savaient s'y repérer, des pépites de l'Histoire des alters.

Il lisait de tout en général. Parfois il venait terminer les romans qu'il avait commencé et parfois il venait faire des recherches précises, souvent pour un travail scolaire. Il y venait faire ses devoirs après les cours, si bien qu'il avait l'impression que c'était sa seconde maison. Evidemment, il n'était pas le seul et d'autres étudiants fréquentaient ce lieu. C'est juste qu'il était tellement dans sa bulle qu'il ne les remarquait pas toujours, même quand ils étaient de la même classe !

Aujourd'hui, le petit français profitait de son temps libre pour lire des livres sur les Héros à travers le Monde et à travers le Temps. Deux saga distinctes qui en disaient beaucoup sur la notion du "héroïsme" qui avait bien évolué avec les événements. Gabriel se perdait un instant dans ses pensées, jetant son regard au loin sans vraiment de destination précise. Il se demandait quel genre de héros il pouvait être et si son pouvoir serait réellement suffisant pour rester dans les écrits.

Plongé dans sa lecture, Gabriel ne faisait plus attention à son environnement. Il s'amusait à découvrir quelques implications de la France, son pays d'origine, dans l'histoire des héros. Il était un peu dans la construction de son propre héros. En première année à Yuei, ils sont amenés à se décider sur les valeurs qu'ils souhaiteraient défendre et tous ces détails symboliques qui forgeaient leurs prédécesseurs bien avant eux.

Il n'avait pas remarqué qu'on s'approchait de lui. Il n'a ressenti la présence que quand elle s'est faite connaître, une voix qu'il reconnaissait venait le saluer en utilisant son nom de héros. Pas de doute, il s'agissait forcément d'un camarade de classe. En même temps, personne d'autre ne connaissait "Paperwork"

Il a sursauté et en se crispant a manqué de déchirer le livre qu'il tenait fermement. Un réflexe pouvant être associé à son affinité pour le papier dont il se sert pour se défendre, il était carrément prêt à lancer une attaque-panique !

- Ha... Hanna-kun ! Non, non bien sûr installe-toi !

La petite frayeur aurait pu être drôle à voir du point de vue de la fille-araignée, Gabriel essayait quand même de se reprendre sans avoir l'air d'une poule mouillée. D'ailleurs dans la panique, il pouvait se tromper dans l'utilisation des suffixes japonais, utilisant "kun" au lieu de "chan" pour une fille. Comme il est français, on ne lui en tenait pas rigueur en général. Il s'est décalé un peu pour faire une place à sa camarade. Il a porté son attenton sur le livre qu'elle avait et se faisait curieux :

- Qu'est-ce que tu lis aujourd'hui ?

Gabriel un peu maladroit avait toujours eu du mal à interagir avec les autres. Ce n'était que depuis son arrivée au Japon et au lycée Yuei qu'il avait des relations "normales" avec les autres. Plutôt habitué à ce qu'on se glisse dans son dos pour le tourmenter, il avait gardé cette paranoïa d'avoir peur. Il s'en trouvait extrêmement embarrassé parce qu'avec sa mutation, son amie devait elle aussi avoir eu son lot de difficultés, en tout cas c'est ce qu'il s'imaginait. En France là-bas, avec un alter aussi faible qu'Origami, il était traité comme un déchet.

Elle s'est installée en face de lui compte tenu de sa morphologie, une autre bourde de Delavigne pour pas changer. Elle lisait un roman des temps anciens pour se divertir. Un roman d'horreur, Gabriel en avait la chair de poule.

"Tu n'as pas peur de faire des cauchemars ?"

Le garçon était impressionné. Lui, il préférait préserver sa santé mentale, beaucoup trop peureux pour apprécier les lectures qui vous glacent le sang. Il se disait qu'au final, c'était plutôt normal et dans le thème pour une fille arachnide.

Elle l'a questionné sur sa propre lecture. Il a souri en regardant son bouquin qui ressemblait plus à une encyclopédie tellement il recelait d'histoires. Il a finalement répondu timidement :

"J'étudie l'histoire des héros.. En faite, j'espère trouver mon idole et ma source d'inspiration. Dis moi Hanna, pourquoi est-ce que tu as décidée de devenir une héroïne toi?"

Les jambes du petit français se balançait, il était assez petit pour ne pas toucher le sol et même si ça ne faisait pas très crédible pour un héros, cela avait le mérite de le rendre adorable. Il écoutait sa camarade de classe avec attention, ils ne devaient pas parler trop fort dans cet endroit alors ils devaient chuchoter.

Gabriel était presque inquiet pendant un instant. Hanna déclarait aimer les histoires terrifiantes et finissait par avouer qu'elle aurait pu devenir une vilaine si le destin ne l'avait pas amené à changer d'avis. Pendant une fraction de seconde, il s'imaginait embobiné dans les toiles de la fille arachnide, prêt à servir de repas. Effrayant !

Mais il s'est vite repris quand elle a parlé de l'implication d'Eraser Head dans sa décision finale. Une histoire intrigante en effet, Gabriel aurait voulu en savoir plus sur cette fameuse bêtise mais n'osait pas demander par peur d'être trop intrusif.
Hanna s'est excusé, ce qui fit sourire le garçon avant de rassurer son amie :

"Oh ne t'en fais pas, je trouve ton histoire intéressante, on est dans la même classe et pourtant tu as déjà un sacré vécu ! Je ne sais pas ce que tu as fait comme "bêtise" mais si tu as voulu la réparer c'est que tu as compris dans quelle sens il fallait aller ! Moi en revanche, mon histoire..."

Gabriel a détourné le regard presque honteux d'avoir eu la vie qu'il a eu. Il se revoit, malmené par tout le monde là-bas en France, et puis le rouge sur ses habits blancs ... Pour résumer et, disons-le, censurer son histoire, il répondit :

"Je suis faible... Enfin c'est ce qu'ils ont dit, toute ma vie les gens ont pensé que j'étais faible et inutile. Mais je ne pourrais pas devenir un héros qui sauve des vies si j'étais faible et inutile, pas vrai ? Je n'aurais pas été accepté au lycée Yuei, si j'étais faible et inutile ! Je veux simplement être utile.. Fort et utile !"

Il trouvait sa propre origine assez ridicule. Un petit raté qui rêvait de jouer dans la cour des grands, pensait-il. Si l'on devait écrire un livre sur leurs carrières de héros, les origines d'Hanna avaient bien plus de potentiel de produire un blockbuster ! Pour continuer à faire connaissance avec l'identité héroïque de sa camarade de classe, Delavigne demandait tout naturellement :

"Dis Hanna-chan... Tu as déjà choisi ton nom d'héroïne ? Et je suis sûr que tu as déjà plein de super-techniques !"

On aurait dit une fillette qui parlait à sa meilleure amie, le petit blanc-bec voulait vraiment tout savoir, pensant qu'il aurait peut-être pu s'inspirer d'elle en beaucoup de choses.