Interview de la belle pour le journal poubelle [pv: Kagami]

Le club de journalisme n’avait pas toujours été une évidence. En devenir la présidente encore moins. Mais il fallait savoir s’adapter, faire preuve de souplesse de détermination et accepter la casquette quand la refuser aurait signifié la fermeture du club. Un club si peu prisé qu’il n’y avait pas un seul senpai parmi nous. C’est vrai, tous avaient été diplômés l’an dernier et il ne restait donc personne pour nous montrer les ficelles. A ce stade, tout ce qu’on pouvait faire était déjà très bien.

La direction artistique était claire. Être au plus près de l’action, directement dans Yuei, auprès des élèves et des professeurs et quoi que ce soit d’autre du fantôme de la salle de musique à la fontaine à eau en bas du bâtiment sud qui fonctionnait une fois sur deux. On pouvait revenir sur des thèmes déjà abordés, parfois ressortir à quelques mots près des articles déjà parus mais le mieux était de continuer à satisfaire les anciens lecteurs en plus d’en attirer de nouveaux.

Et qui de mieux pour répondre à toutes ces exigences que Kagami Saito. La Miko en personne ! Un mélange parfait entre les histoires surnaturelles de la page 12 et le profil des élèves en vogue de la page 6. Elle pourrait même avoir droit à une double page, quitte à refaire un peu l’organisation pour ne pas oublier la page du sponsor du journal.

Non, plus sérieusement, la mystérieuse Kagami Saito avait beaucoup de choses à apprendre à nos lecteurs. Déjà, car on avait pas encore fait d’article sur elle, cqfd. Et puis car elle était super jolie et à chaque fois qu’on avait un article exclusif sur une élève mignonne on avait jusqu’à 30% de ventes en plus. Une poule aux oeufs d’or donc, peu importe le contenu au final.

Mais il fallait encore la trouver et je n’avais pas vraiment l’intention de grimper dans un arbre et d’attendre qu’elle passe dans le coin. J’avais déjà essayé pour une autre interview et avait été forcée de constater que … eh bien tout le monde ne passe pas par les mêmes endroits et si ce cerisier est un arbre très joli et au final assez confortable au moment de s’y endormir, avec une fréquentation de trois personnes par heures, tomber sur la personne voulue était… difficile.

Non, j’allais être plus téméraire cette fois, plus question de me cacher dans un endroit bizarre. Et puisqu’il n’y avait pas de buissons dans les bâtiments, j’allais trouver encore mieux. Et je pouvais compter sur mes camarades pour les accessoires. Oui, même lorsque cela incluait un plot orange de plus d’un mètre de haut posté à la sortie de la classe de Saito. J’aurais aussi pu simplement aller la voir pour lui demander. Mais si je la prenais pas surprise, elle aurait bien plus de mal à me fuir. Peut-être était-elle timide ?

Alors bon, je ne voyais pas grand chose depuis l’intérieur mais j’avais pris la liberté de faire un petit trou pour pouvoir épier la sortie de la classe. Aucune chance de la manquer.

---

Fin des cours, 16h10.

Le dernier cours était sur la juridiction héroïque. Et plus tu analyses ces cours, et plus tu comprends que les hautes sphères ont vraiment tout fait pour éviter le plus de failles possibles; au moins où cela peut sembler absurde. La loi est si stricte qu'elle a l'air insensé, et s'il y a sûrement très peu de moyen de la contourner, elle reste terriblement catastrophique du point de vue moral. Tu te dis que, sans surprise, le monde allait sombrer dans peu de temps, si rien n'est changé. Peut-être une guerre civile; même si la croissance du groupe des vilains peut montrer une forme de guerre civile...

Toi-même, même si le reconnaître serait bien trop dur, tu ne supportes pas ce système. Tu as envie d'user de tes pouvoirs à ta guise. Ils font partie de toi, c'est comme t'interdire d'utiliser un organe chez toi. Quelque chose que tu es censée utiliser; simplement parce que l'Etat japonais est d'une paranoïa sans nom. Paranoïa peut-être justifiée, mais très probablement mal traitée et organisée.

M'enfin, tu fais avec. Tu te dis que tu finiras dans quelques années avec ton diplôme entre les mains, et après ça... Tu feras ce qu'il te plaira, pour le bien-être d'une éthique que tu suivras.

Parfois, il est si dur de ne pas s'endormir en cours. Pour éviter de sommeiller, tu compenses en te faisant un petit monde imaginaire basé sur les propos de ton professeur. Avec ça, tu ficelles des scénarios tous plus farfelus les uns que les autres. Mais au moins, avec ça, tu arrives à mieux comprendre ce qu'on te raconte ! C'est une manière bien marginale de gérer les choses, mais au moins, elle fonctionne !

Néanmoins, lorsqu'il est enfin temps de sortir, tu te sens légèrement tituber en te redressant. La fatigue envahie ton esprit, brouillant ton champ de vision. Oh, tu mérites une bonne sieste ! Ce trop plein d'informations que tu fournis à ton cerveau a tendance à être sacrément énergivore, au moins où ton corps tout entier a envie de se désactiver. A ça de tomber en pâmoison, tu n'en montres rien, ne souhaitant nullement attirer l'inquiétude de tes compères. Tu ne peux pas t'empêcher de bailler cependant, une main toute élégante se plaçant devant tes lèvres.

"Dormir... Dormir... J'ai probablement besoin de sommeil... Probablement..."

Tes yeux plissés, tu prends tes affaires et sors de ta classe en faisant bien attention à ne bousculer personne... Ou du moins, en essayant...

"Oh, veuillez me pardonner, je ne vous avais pas-"

Tiens, qu'est-ce que ça peut bien être ?
Tes sourcils se haussent légèrement, alors que tu fais face à un... Plot orange. Tu clignes des yeux plusieurs fois, avant de tapoter dessus, curieusement.

"Qu'est-ce que peut bien faire un plot orange devant notre classe ?", penses-tu alors.

Les autres élèves autour de toi contournent l'objet, plutôt perturbés par la situation.

"Qu'est-ce qu'il peut y avoir de cacher là-dedans... Hmhmm..."

Est-ce la fatigue qui te fait voir des choses que tu n'es pas censée voir ? Ou alors ce spectacle est bien réel ?

C’était elle ! C’était bien elle ! Car en prenant en compte mon degré de préparation et ma faculté à être… eh bien un peu trop enthousiaste pour mon propre bien, comme dirait ma mère, il m’arrivait (parfois, pas si souvent que ça je vous assure), de me précipiter au point d’oublier de préparer le terrain. Mais ce plot qui était devenu ma carapace, tel un Bernard l’hermite, était déjà un commencement de preuve, que j’étais venue préparée. Prête pour l’action et tout ce qui pourrait se passer. Qui que fut ce Bernard, con esprit serait avec moi dans cette épreuve.

Et premier regard ? Première impression ? Eh bien ils avaient tous raison, Saito-chan était vraiment très jolie. Avec ses petits yeux et sa démarche toute singulière, certainement une mode qu’elle devait avoir en tête de propager, peut-être que marcher droit était déjà dépassé. Un truc de fille populaire que je ne comprenais pas vraiment mais je pourrais certainement rajouter une ligne sur le sujet si elle voulait bien en parler.

Mais… Elle allait où comme ça en fait ? Si c’était pour aller rencontrer son copain ce serait problématique, l’article aurait moins du succès si elle était en couple, il faudrait donc probablement que je lui pose la question. Une seconde… C’est par ici qu’elle venait ?! Mon téléphone à la main, je tentais de prendre des photos pour la couverture à travers les deux trous dans le plot, floues bien sur. Je ne comprenais pas pourquoi d’ailleurs, si je pouvais le voir avec mes yeux, pourquoi la lentille n’y arrivait pas ?

Toc ? Je zieutais à nouveau au travers des trous mais un obstacle m’empêchait maintenant de voir convenablement et de repérer mon article de la semaine. Mais cette voix… ce n’était pas ? Je me figeais, comme si un gros animal se trouvait au-dessus de ma cachette ou que mon safari était mis en péril par un ourson ayant grimpé dans ma cabane alors que maman ours était un peu plus bas.

Et que devais-je faire maintenant ? Techniquement il allait falloir finir par se jeter à l’eau pour lui poser toutes ces questions mais est-ce que maintenant était le bon moment quand j’avais plutôt en tête de la suivre discrètement depuis mon plot comme je l’avais vu dans toys story 2 ? Juste le temps de s’assurer qu’on serait bien seules.

Non, je n’allais pas faire quelque chose de déplacé mais c’était toujours mieux d’être en petit comité pour répondre à des questions à coeur ouvert. Et puis zut elle me mettait la pression avec sa question, qu’est-ce qu’il y avait là-dessous ?

« Rien ? »