Flügel der Freiheit ? - Toit

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Theo renifla.

"Fais pas chaud."

Nouveau reniflement de l’adolescent. Theo était le plus jeune et le moins expérimenté des hommes de main de Monroe. Il avait été demandé pour cette mission purement à cause de son alter. On ne lui avait même pas confié d’arme à feu. Il avait pour tâche d’éviter le combat à tout prix si jamais combat il y avait. Tout ce qu’il avait pour se défendre, c’était un couteau à cran d’arrêt avec lequel il jouait sans cesse depuis qu’il était sur le toit. Ses doigts engourdis par le froid étaient couverts d’éraflures légères et autres petites coupures.

"Reste là, Theo… Tu débutes, Theo… Tu es jeune, Theo..."

Le blondinet maugréait ainsi en allemand depuis une bonne heure. Son compagnon ne pipait mot. Il avait une sacrée classe, lui. Quand il l’avait vu pour la première fois, Theo avait instantanément compris pourquoi les autres le surnommaient "Vampir". Sa peau pâle, ses yeux rouges, son allure de dandy d’un autre siècle… Rien à voir avec son allure à lui. Ses cheveux blonds comme les blés très légèrement bouclés, pareils à ceux d’un enfant, les dents en avant similaires à celles d’un pré-adolescent sans appareil dentaire et enfin ses yeux d’un rose pâle intense, hérités de son père, qui lui donnaient un regard digne d’un junkie trentenaire complètement arraché. Disgracieux mélange s’il en était.

"Hé, hé, m’sieur vampire."

A quoi bon attendre qu’il parle le premier ? Cela faisait un sacré bout de temps qu’ils poirotaient là, autant engager la conversation. Ce n’est pas comme s’ils avaient mieux à faire de toute façon. Et puis, l’endroit était facile à surveiller. Une seule entrée, la porte branlante qui menait à l’escalier. A moins qu’un héros avec un alter de vol n’arrive, il leur suffisait de se concentrer sur un seul point et tout se passerait bien.

"Pourquoi t’es là ? Tu vas rejoindre les Snicket ? T’as été payé par le boss ? T’es un mercenaire ? Tu vas pas nous trahir hein ? T’es fort ?"

Insupportable gamin. Mais il se le permettait : il avait clairement entendu Monroe dire à l’homme aux yeux rouges qu’il était important. Lui ! Theo Gilyard ! Important ! Hier voleur de supérette, aujourd’hui le protégé d’un criminel de renom ! Tu vois papa, je te l’avais bien dit qu’un jour je réussirais.

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"Parce que l'on me l'a demandé. Non. Non. Non. À toi de voir. Je suppose."

Trop classe. Le vampire dégageait un certain je-ne-sais-quoi qui fascinait autant que terrifiait Theo. Monroe était son modèle absolu, mais il commençait à trouver un certain charme à la froideur macabre d’Alucard. Selon Mesmer, Monroe aussi était comme ça parfois. Il était juste particulièrement tendu pour cette mission à cause de sa sœur. La fameuse sœur. Il ne l’avait pas vue, pour le moment. Il était sorti faire une course avec Karl le soir de son arrivée. Et depuis, il était à peine descendu de ce fichu toit. Mais il n’était pas fâché. Il comprenait. Il était utile, et ça lui suffisait.

"Tu devrais te concentrer au maximum de tes capacités mon garçon. Monroe attend beaucoup de toi sur ce coup la, et il n'est pas du genre à donner de deuxième chance. Cette opération, c'est ton grand soir. Fait en sorte qu'il soit aussi mémorable que possible, et ta vie deviendra sans doute beaucoup plus avantageuse."

"Ah euh..."

Il lâcha son couteau, de surprise. La lame tomba sur le toit humide avec un cliquetis métallique. Il le récupéra prestement. Il n’avait été complimenté que par Monroe, jusqu’à maintenant. Les autres le traitaient avec un certain dédain mais toléraient sa présence de par son utilité. Être valorisé ainsi… C’était plutôt agréable.

"Je ferais de mon mieux m'sieur vampire."

Il avait rangé le couteau. Il lui fallait se concentrer. De toute façon, ce soir, si tout se passait bien, il n’aurait rien à faire. Et si ça dérapait… Il ferait tout son possible pour que ça se passe bien. Et qu’on puisse le complimenter à nouveau.

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C’était si tentant de partir. D’aller voir ce qui se passait en bas. On se battait, visiblement. Théo était terriblement curieux. Il n’avait jamais vu un combat entre utilisateurs d’alters de haut niveau. Les canailles de bas étage qu’il avait fréquenté par le passé étaient bien souvent des gosses trop froussards ou trop sains d’esprit pour employer leur pleine puissance face à d’autres enfants tout aussi effrayés. Il avait particulièrement envie de voir comment Monroe et le vampire se débrouillaient. Lequel des deux était le plus fort ? Cette idée tournait en boucle dans son esprit. Il n’avait jamais parlé au vampire avant ce soir, mais ce dernier semblait sûr de sa force. Monroe… N’était pas dans son état naturel depuis quelques jours. Il était émotif. Théo aussi était émotif, mais faisait de son mieux pour le cacher. Les gens forts n’étaient pas des gens sensibles. Karl… Faible. Hans… Fort. Le vampire… Très fort. Eddie… Fort, mais pas à cause des émotions, à cause des armes. C’était un autre paramètre, ça. Avoir une arme, c’était avoir la garantie d’avoir toujours un peu de force sur soi, même dans les grands moments d’émotion. Et Monroe, était-il fort du coup ?

De nouveaux coups de feu brisèrent la concentration de l’adolescent. Sa curiosité morbide était à son paroxysme. Si ça avait été un combat de rue comme un autre, tout serait déjà fini. Ceux d’en face… Ils était probablement forts, eux aussi. Théo ne tenait plus en place. Il avait envie de descendre l’escalier quatre à quatre pour rejoindre Monroe, ou de sauter du haut de l’immeuble pour se battre aux côtés de Hans.

Trente secondes passèrent sans qu’il ne bougea un muscle. Il était tiraillé entre son envie de s’inviter au combat et sa nature même d’être servile, a qui on a appris à obéir et rien d’autre. Ses désirs propres face à ceux des autres… Il pesa le pour et le contre et arriva rapidement à la conclusion que les autres étant plus nombreux et plus forts que lui, il avait tout intérêt à leur obéir. C’est à ce moment qu’il ressentit une douleur assez intense dans la paume de sa main. Il l’ouvrit et un maigre filet de sang se mit à couler sur le sol dur et froid du toit.

"Merde..."

Il n’avait pas réalisé qui serrait fermement son couteau par la lame depuis le début de son combat interne. Sans trop réfléchir, il se mit à lécher la plaie. Mine de rien, ça réchauffait, tout ça. Un mal pour un bien. Il alla s’asseoir au bord de l’immeuble, son regard intense tentant désespérément de percer l’obscurité et le léger brouillard nocturne pour distinguer le combat qui se tenait à l’entrée. Peine perdue. Il soupira et entreprit de faire tenir en équilibre la pointe de sa lame sur son index.

Après une petite minute passée à se divertir comme il le pouvait, un bruit de pas se fit entendre derrière lui. Des pas… Mais pas de porte ouverte. Il bondit sur place et fit volte-face, se retrouvant nez-à-nez avec le vampire, torse nu, portant Eddie, salement amoché. Il émergeait d’une masse informe noire. Son alter, peut-être ? Il se rua à ses côtés et commença à le bombarder de questions.

"M'sieur Vampire qu'est ce que le bruit et les tirs et les cris et votre torse et la brume noire et Eddie sur votre épaule ?"

L’homme pâle fut bref, expéditif, et très clair dans ses réponses. Le jeune blondinet ne put s’empêcher de ressentir une pointe de jalousie à la mention d’une sortie de secours. C’était supposé être lui, la sortie de secours. Il réprima bien vite cette émotion nocive. Rien de bon ne pouvait en ressortir.

En dépit de ces explications fort explicites, Théo resta bouche bée, parfaitement immobile. Il se posait en réalité une question toute simple : avait-il le droit de prendre la sortie de secours avec le vampire ? L’avait-il mérité ? Il n’avait pas failli à sa mission. Mais était-il invité ? Peut-être que...

"Ce n'est pas la peine de me regarder comme si j'étais une bête de foire mon garçon. Soit tu prend ce portail et tu voyages vers ton salut avec nous, soit tu restes seul sur ce toit. La balle est dans ton camp, mais je ne peut pas passer la journée à t'attendre."

Ses pensées furent interrompues au bon moment par une nouvelle dose de pragmatisme venant du vampire. Il était ravi. Il avait gagné le droit de partir avec tout le monde. Monroe devait déjà être parti. Et si ce n’était pas le cas...

"J’arrive m’sieur."

Tant pis.

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