Spirituellement votre [PV Léo]

Cela faisait déjà quelques mois que je me trouvais dans cette académie et il y a bien une chose que mon corps à mis du temps à assimiler. C'était la nourriture du coin ! Où êtes vous donc galettes de maïs, tapas, et autres nourritures épicées que préparaient ma mère ? C'est tout un tas de saveur mexicaines qui s'étaient envolées d'un coup, en même temps que mon avion pour Tokyo. C'est vrai que c'était grisant au fond, mais moi qui ne suis pas très à fond sur les produits marins, je ne risquais pas de profiter comme il faut de l'art culinaire local. Bien heureusement pour moi ce pays s'était bien trop occidentalisé depuis toutes ces années. Les enseignes de fast-food américain pleuvaient à chaque quartier, de façon pratiquement abusive, boulimique même. Voila bien un truc que ce côté de mon sang savait faire : incruster profondément sa culture même en orient.

Au final, c'était pratiquement le même décor qui s'offrait à moi, le même que si j'allais chez mon père à Los Angeles ou encore cette unique fois à Las Vegas. Que d’opulence, que de vices, à tel point que les esprits antique avaient préféré fuir les lieux. Il laissèrent place à des esprits envieux, épris de plaisirs éphémères. Mais hé... je n'étais pas ici pour parler de tout ceci vous voyez ? Mon propre esprit s'égare de nouveau.

Non, à l'origine je parlais bien de bouffe, et si j'en parlais c'était bien parce que je venais de prendre mon repas au self. J'étais bien repus et comme à mon habitude j'aurais pris un livre, me serait mis sur l'herbe à l'ombre d'un arbre et j'aurais lu à l'écart des autres. Mais certaines habitudes devaient être cassées au bout d'un moment, aussi entreprenais-je de lire pour une fois... sur un banc ! Oui bon, pas terrible ce changement je dois vous l'avouer mais c'était tout de même un pas de côté ! La différence, c'est que cette fois-ci j'étais au bord d'un chemin où naviguaient donc les élèves. Je dois avouer que niveau concentration c'était moins cool.

Mais tiens en parlant de ce banc... je levais mon nez de ma lecture et regardais à droite et à gauche pour voir si personne ne regardait. Discrètement j'effleurais les lames de bois avec une main, les yeux fermés. Hé bien aucune surprise comme beaucoup de choses, je ressentais un résidu mêlé de tristesse mais aussi de joie sans rien pouvoir conclure des histoires qui ce seraient passées ici. Des histoires joyeuses s'étaient passées sur ce banc, tout comme des histoires triste et il s'en était imprégné au fil des années comme une mince odeur persistante. Je refermais à nouveau ma main tout en frottant mes doigts entre eux pour évacuer cette sensation.

De nouveau mon regard fut plongé dans ma lecture, ainsi accoudé à mes genoux, le dos courbé. De temps en temps mon regard vérifiait qui était en approche. Heureusement qu'avec cette casquette fournie par l'uniforme, je pouvais balader mon regard où je voulais sans qu'on s'en aperçoive trop, la tête ainsi inclinée.

Cette lecture était vraiment très intéressante !

...

En fait, je me sens presque comme le seul idiot en cette époque à ne pas jouer avec mon téléphone comme les autres élèves.

Ah... tant pis.

Cela faisait plusieurs années que Léo était au Japon, et il devait avouer que culinairement, peu de choses le manquaient. Même si l’élément absent était le plus important de tous : le thé. Enfin, il y en avait toujours, mais pas de la même qualité. Et l’import c’était cher… Heureusement que papa gagnait bien sa vie. Quand un étranger va en France, il se régale dans les restaurants de ce pays réputé mondialement pour sa gastronomie. Quand un étranger va en Angleterre, il se fait un brunch avec des œufs et du bacon, un fish & chips, et c’est réglé. Il faut quand même avouer que le bacon, c’est la vie. Mais le bacon est excellent dans tout plat, alors bon… En tout cas, le self de Shiketsu avait clairement de quoi satisfaire le jeune homme peu exigeant, qui ne demandait de toute façon qu’à manger. Et après un bon repas, la digestion. Ou plutôt, la promenade digestive.

Les jardins de l’école étaient beaux et relaxants. Un bon travail d’entretien qui devait être effectué chaque jour. Heureusement, les étudiants avaient tendance à respecter tout cela, et peu de déchets traînaient dans les environs. Plus que les élèves, les animaux aimaient beaucoup les lieux. Enfin, surtout les oiseaux, qui pouvaient ignorer toute barrière entourant le campus. Leur mélodie était tout à fait apaisante. La température extérieure était parfaite, couplée à un petit vent frais occasionnel. Se baladant avec lenteur, les bras derrière la tête, il aperçut un banc à moitié occupé, sur lequel s’était assis Sylvano. Un camarade de sa classe assez discret, chose qui fait bien contraste avec certains animaux de sa classe. Et quand Léo pense "animaux", c’était parfois dans les deux sens du terme. Il n’a jamais trop discuté avec lui, mais il était impressionné par ses aptitudes de combat qui rivalisaient avec celles de Star. Chose qui était notable, quand on pense au fait que Star a toujours été la personne de son âge de référence, au niveau de la force physique.
Et s’il profitait du temps libre pour discuter un peu ? Bon Sylvano était encore en train de lire il n’avait pas envie de le déranger, mais un héros ne pouvait rester fermé aux autres, il fallait le sociabiliser un peu !

« Salut ! Ça te dérange si je m’assois à côté de toi ? »

Après avoir demandé, il commençait de plus en plus à se dire qu’il n’avait peut-être vraiment pas envie d’être dérangé. Difficile d’appréhender les choses quand on connait aussi peu son interlocuteur. Léo comptait sur sa sympathie et sa bonne humeur (sans en faire trop) pour mettre un peu à l’aise. Enfin, il pensait à de l’aise, mais ce n’était pas forcément ça. Il pouvait tout simplement ne pas aimer le contact, ou s’en ficher royalement. Et quand quelqu’un avec qui on n’a aucun lien nous aborde, on ne sait jamais trop comment réagir. Les personnes silencieuses pensent autant que les autres, mais n’expriment rien. Peut-être avait-il une mauvaise image de Léo, ce n’était pas impossible. Là, la conversation serait plus compliquée. Il s’assied aux côtés de son camarade, et laissa planer un petit silence, en commençant par une question de curiosité.

« Tu es souvent dans des livres. Qu’est-ce que tu lis, qui te passionne autant ? »

Objectif du jour : se familiariser avec ses compagnons ! Et pour commencer, quoi de mieux que de déballer directement les passions, les sujets sur lesquels une personne donnée pourrait parler pendant des heures sans s’arrêter ? C’est peut-être dans ces monologues que l’on en apprend le plus sur la personne avec qui on parle.

Hé bien voila, c'était couru d'avance. Au final quelqu'un venait de s'approcher de moi. Après tout je l'avais bien cherché non ? Mais voila un truc pas très anodin au final. Quelqu'un qui s'intéressait à ce que je faisais ? Ma foi, pourquoi pas, même si pour moi cela semblait plus un moyen de briser la glace que de vraiment pousser la discussion assez loin. Je ne devrais pas juger de ce comportement au final, c'était un effort remarquable que je n'aurai pas été en mesure d'accomplir, ou bien peut-être dans certaines conditions. Je lui avais donc répondu d'un bref "Hola" bien de chez moi, puis avais hoché la tête pour lui faire comprendre que je n'avais aucune objection à sa demande.

Quelque chose restait tout de même original chez lui. On dirait vraiment qu'il n'avait pas l'âge pour ce niveau scolaire. Cela avait-il un rapport avec quelque chose ? Son alter peut-être ? On dit bien que les apparences sont parfois trompeuse. En tout cas, mis à part cette apparence, il y a quelque chose d'autre que l'on ne pouvait me cacher. Il m'arrivait d'avoir certaines manies à analyser des choses sans doute futiles, mais elles me permettaient d'avoir déjà une idée de l'origine de mon interlocuteur. Son accent je le reconnaissais, c'était une sonorité anglaise, mais pas cette approximation américaine non, quelque chose provenant d'une province plus noble. Un accent britannique. Ce genre de chose ne passait pas inaperçu avec moi. J'ai trop longtemps étudié certains dialecte pour ne pas être alerté quand mon oreille sentait ces minces différences dans la voix.

Malgré tout il fallait que je réponde à cette interrogation. Je ne pouvais pas toujours être distrait par ces petits détails, sinon je risquais encore de me hâter en conclusion, de me poser tout un tas de question. Peut-être devais-je lui poser ces questions plutôt que de simuler tout ceci dans mon esprit ? Peut-être qu'il fallait que j'interagisse plus avec la réalité plutôt qu'avec ce monde plus abstrait ? Voire plus au delà du voile ? Mais chassez le naturel, il revient au galop. C'était plus fort que moi, qui plus est mon alter n'aidait pas beaucoup à ce niveau.

J'avais donc levé le nez, positionné le marque-page et fermais à présent le livre pour bien mettre en évidence la première de couverture. Elle pouvait paraître sinistre, avec ce fond noir, ce titre pas joyeux pour un sous, cette illustration tout aussi étrange. Le titre prenait déjà plus de la moitié de la place, comme s'il se suffisait à lui-même. Je lui présentais alors, de mon ton toujours aussi monocorde.

"The Dead Zone, écrit par Stephen King."

Spoiler:

"Il raconte l'histoire d'un homme qui a développé un don de médium après un coma de cinq ans. Il peut avoir des visions du passé ou du futur en touchant un objet ou une personne. C'est un peu à double tranchant, il va aider un peu la police mais il va avoir envie de faire sa propre justice..."

Je n'avais pas trop envie de l'avouer mais j'appréciais bien ce genre d'histoire concernant un héros qui devait se salir les mains à un moment donné. Ce genre de dilemme qui se posait tout au long de l'intrigue. Des fois il me semblait que certaines choses n'était pas réglable uniquement par la voie légale. Mais ce genre d'idée, je préférais le garder pour moi, surtout dans ce genre d'académie. Je ne pouvais certainement pas éveiller des soupçons, et puis ce n'était que des pensées après tout.

"C'est un très vieux roman fantastique. C'est compliqué de se procurer une aussi vieille édition d'ailleurs. A noter que c'est la version américaine d'origine. Heureusement ce livre a bien été conservé. Il a pu aussi bénéficié de beaucoup d'attachement sentimental à travers le temps. Ce sont des choses qui me plaisent, l'esprit qui entoure ce livre, autant que l'intrigue de l'oeuvre en elle-même."

Je n'étais peut-être pas obligé de parler de l'aura qui entourait ce livre. J'imagine que seule l'explication de l'intrigue aurait suffit, enfin bon tant pis c'est tout moi ça. Bien sûr il faut que j'en fasse toujours trop quand on me demande de parler de ce qui me passionne. Aussi m'interrompais-je à ce moment, ne sachant quoi regarder d'autre que le livre ou le sol. Je n'aimais pas trop les contacts visuels après tout.

J'aurais peut-être dû lui poser une question à mon tour ? Merde, j'en sais rien...

Il fermait son livre et leva la tête. Léo l’avait fait sortir de là. Il acceptait la discussion, probablement ? Sinon il se serait contenté de répondre avant de se replonger dans son bouquin. The Dead Zone hein ? Oh, du policier, avec une pointe de surnaturel. Ah non, du fantastique il dit ? Bah, peu importe. Le garçon aux cheveux verts n’était pas un mordu de littérature. Lorsqu’il lisait, c’était plus de l’informatif que du divertissement, comme des ouvrages scientifiques. En tout cas, la couverture lui était un peu repoussante, ça semblait être un livre un peu sombre. Mais le scénario par contre…

« Je ne suis pas un grand amateur de roman, mais ça a l’air intéressant ! L’idée des visions du passé et du futur m’interpelle particulièrement, ça se lie un peu à mon alter. Fouiller le vécu et explorer l'avenir, ça doit apporter beaucoup de choses. Qui sait, peut-être que ça pourrait m’inspirer à trouver de nouvelles applications ? fit-il en regardant brièvement ses deux poings serrés. En tout cas je noterai cette information dans un coin de ma tête, pour lire ça à l’occasion. Je suppose que beaucoup de gens sont plus sensibles à certains sujets à cause du don qu’ils ont eu à leur naissance. »

Et puis pour le coup de la justice propre au personnage, pourquoi pas ? D’autres points de vue étaient intéressants, même s’ils sont fictifs. Surtout s’ils sont fictifs en fait, ça reste moins dangereux, en cas d’extrémisme. Anyway. Il avait affaire à un passionné, peut-être même collectionneur. Il parlait de valeur sentimentale pour cet objet, et même de l’esprit qui l’entoure. En voilà, des grands mots. D’ailleurs en parlant d’esprit, c’était un peu l’alter de Sylvano non ? Il parlait avec son propre champ lexical, c’était marrant. Dire qu’à l’époque, cette théorie d’esprit se limitait à de la religion et de la fiction. Si on avait dit aux gens qui sont nés avant le XXIIe siècle que ça deviendrait réalité, ils auraient bien rigolé. Mais cela pouvait s’appliquer à quasiment tous les alters. Ce livre avait d’ailleurs été écrit bien avant la découverte du premier alter. Quel bazar que ça devait être à cette époque, Léo était bien content d’être né il y a seulement 15 ans.
Bon, allait-il lui poser la question ? Ça semblait un peu personnel, mais ils étaient camarades de toute façon. Et ils étaient de la même classe, ils ne pouvaient pas se cacher ce genre de choses !

« Tu parles d’esprit, est-ce que c’est un peu comme ton alter ? Je t’avoue que je le trouve impressionnant lors des cours pratiques, mais je n’ai jamais vraiment compris comme il fonctionnait. Je dois dire que la théorie des esprits n’est pas ma spécialité. »

Et puis, les esprits ce n’était pas quelque chose de commun. Et pourtant ça impliquait beaucoup de choses… C’était comme un nouveau monde plein de possibilités.

Léo Oxton : doté d'un pouvoir capable de modeler le court du temps dans une zone spécifique.

Un trait tout à fait remarquable. Si Albert Einstein avait rencontré une telle personne il y a près de 300 ans, à une époque où il bataillait pour faire comprendre le sens de sa théorie sur la relativité générale, il en aurait eu les cheveux et la moustache encore plus ébouriffés. Je n'arrive moi-même pas encore à considérer comment une telle théorie est concevable, malgré de nombreuses lectures de revues scientifique dans le domaine de la physique.

Jouer avec le temps comme le faisait cet élève n'était-il pas si risqué ? Non peut-être pas, il n'exerçait son alter que localement. Si j'avais été scientifique dans une autre vie, sans doute lui aurais-je posé un tas de questions, sans doute lui aurais-je demandé de participer à toute une batterie d'expérience afin de confirmer ou dé-confirmer telle ou telle théorie. D'ailleurs à quel point aurait-il était capable de réduire la vitesse d'un simple photon ? Était-ce seulement envisageable ? Je lui demanderai sans doute un autre jour.

Voila que j'étais de nouveau retombé dans une réflexion un peu trop lointaine. Il me posa ensuite plusieurs questions à propos de moi. Voila quelques chose d'autre à présent. Je n'avais pas l'habitude d'attirer de l'intérêt de la sorte. Pas mal de gens se disaient que tout ce qui me concernait n'était que sombre délires, ils avaient peur, ils ne comprenaient pas. C'est comme cette fois où je suis tombé par hasard sur quelqu'un tandis que j'avais activé mon alter. Un chrétien sans doute, car il signa rapidement un signe de croix, d'un air horrifié avant de s'écarter de moi le plus possible. Pour cet individu je n'étais peut-être qu'un prophète du diable, un de ces gens faisant parti d'une quelconque secte. Des choses qui devaient rester tabou. Quelqu'un d'infréquentable.

Pourtant lui il s'y intéressait. Cela faisait bizarre.

"Oh, tu parles sans doute du moment où je me suis mis en symbiose avec Aigle du Zénith. C'est assez normal à vrai dire, il s'agit d'un esprit guerrier. Je n'ai fais qu'emprunter son désir de surpasser les limites physique de la chair. Bien que cela ait un certain prix. Quant à savoir comment ça fonctionne..."

Devoir expliquer le fonctionnement de mon alter, ça n'allait pas être de la tarte, cela m'aurait presque gêné d'ailleurs. C'était un peu parler d'un pan secret de sa vie, même si ce n'était pas vraiment secret au fond. Je restais ainsi pensif l'espace d'un instant. Il fallait que je trouve un moyen de parler avec des exemples assez concret.

"C'est un peu comme être très réceptif aux sentiments, à l'histoire qui tourne autour d'un objet, d'un lieu ou même d'une personne. Si tu t'es déjà un jour investi dans quelque chose, sa valeur spirituelle augmentera d'autant que tu passeras du temps avec, tu lui donneras encore plus de valeur personnelle, ou spirituelle si tu préfères. C'est cette valeur que tu lui donnes depuis ton esprit. Par exemple, c'est comme un doudou que tu avais quand tu était petit, un personnage fictif, ou tout simplement quelqu'un qui existe vraiment. Cela ne se voit pas forcément, mais quand tu crois fort en quelque chose elle prend d'autant plus de cette valeur. Les religions sont par exemple des ultra esprits, dont il est pratiquement impossible de mesurer la puissance."

Je fis une légère pause afin de le laisser digérer mon explication limite de l'ordre métaphysique, avant de poursuivre.

"Mon rôle dans tout ça, c'est de puiser dans cette force qui nous entoure tous, la comprendre du mieux que je peux et l'utiliser à bon escient. Sinon il y a aussi le sujet des défunts, mais ceci est une autre histoire."

Symbiose, Aigle du Zénith, esprit guerrier, emprunter un désir. En voilà des mots et des expressions qu’on n’entendait peu au quotidien. C’était comme si un autre esprit empruntait son corps en fait ? Attention à la schizophrénie. Ça devait être gênant avec un esprit plus bavard. Mais du coup, pouvait-on considérer que c’était vraiment lui, qui avait cette force ? Et du coup, il y avait une modification musculaire, pour fournir une telle performance ? Tant de questions, c’était un alter assez fascinant quand même. Léo se demandait si une telle complexité était une exception ou s’il y avait bien plus de pouvoir de cette envergure dans ce monde qu’il ne le pensait. Enfin, son alter à lui restait une manipulation du temps, il n’avait pas de quoi se dénigrer non plus. Même si, pour quelqu’un qui a toujours maîtrisé ça, ça ne semblait pas aussi sensationnel.

Sylvano expliqua ensuite cette notion de valeur spirituelle portée à un objet. C’était plutôt marrant, en fait c’était comme si Léo faisait du spiritisme dès qu’il serrait sa peluche grenouille, alors qu’il était encore tout bébé. Après, il n’avait pas vraiment ce genre de babiole qui lui tenait autant à cœur et qu’il se trimballait depuis dix ans. Quelques objets dont il appréciait l’usage bien sûr, comme sa planche à roulettes, mais pas plus. Et au niveau des personnes, c’était sa famille, avec sa sœur en Top 1. Bon ça allait pour l’instant, c’était facile à comprendre !

« Je vois, jusque-là ce n’est pas si compliqué, je trouve ça intéressant ! dit-il honnêtement. Je n’ai pas vraiment d’objets dans lesquels je mets tant de valeur, mais certaines personnes comptent beaucoup pour moi. Mais maintenant qu’un objet a une forte valeur spirituelle, comment tu en viens à héberger des esprits ? Par exemple, cet Aigle du Zénith, comment as-tu pu entrer en contact avec lui ? »

D’accord, mettons que Lucie a une valeur spirituelle élevée, pour Léo. Si Sylvano attrape Lucie ça fait quoi ? Il pourra utiliser les attributs du frère ou de la sœur ? La base était simple, mais le lien avec la démonstration à laquelle il avait pu assister était encore flou. L’Aigle du Zénith était-il un esprit emprisonné dans un petit objet comme les génies des lampes dans ces vieilles fictions ? Ou était-il déjà en Sylvano, et l’un ou l’autre prenait le dessus en fonction de la situation ? Ou peut-être ne s’agissait-il pas vraiment de l’esprit, mais il s’imprégnait juste de ses différentes caractéristiques physiques et mentales ? La curiosité du jeune garçon était ici en éruption.

Mince, je n'avais jamais raconté à qui que ce soit la façon dont j'avais rencontré Aigle du Zénith, j'avais même dû mentir à mes parents. Pourtant il s'agissait là d'un camarade de classe et il n'allait pas me gronder, j'étais donc peut-être en sécurité ? Pourtant, devrais-je raconter avec fidélité ce qui m'est arrivé ce jour là ? Non je ne pense pas, il reste certaines choses que cet esprit n'aurait pas aimé que je dévoile tout simplement. J'allais devoir faire la version courte.

"Je vais t'expliquer."

Mon sac à dos était posé entre moi et un accoudoir, je le posais alors sur mes genoux, commençant à fouiller. A l'intérieur, parmi tant d'autres fournitures scolaires se trouvait le boîtier contenant le jeu de plaque en bois, une sacoche renfermant une console de jeu et enfin une sculpture en bois. je pris la sculpture. C'était une figurine d'aigle ouvrant les ailes, le bec tendu vers le ciel. Il n'avait pas de pattes car le corps reposait directement sur un socle de forme ronde. Sur ce socle était gravé le symbole du soleil. La silhouette ne représentait bien sûr pas tout à fait fidèlement un aigle, il s'agissait plus d'une représentation simple et abstraite. Le bois couleur chocolat avec ses stries d'une teinte café, reflétaient de son vernis la lumière ambiante. La figurine devait bien faire la taille d'une main, voire moins.

"Tu vois, Aigle du Zénith est en ce moment en train d'investir ce petit objet. Si je veux emprunter son pouvoir, il faut que je le laisse investir mon corps. Bien sûr pour cela il faut que j'évite que deux esprits soient en moi, donc je dois m'assurer que les transfert s'effectuent comme il faut. J'ai déjà essayé d'en stocker d'eux, hé bien... c'était pas joli à voir."

Je n'allais certainement pas lui raconter cette fois où j'avais essayé de mélanger les esprits. Cette même fois où j'avais perdu conscience et où je m'étais réveillé en pleine nature avec comme seul habit un sous-vêtement, le reste de mes habits déchirés qui étaient éparpillés au sol ainsi que, ô surprise, un cadavre de jaguar sanguinolent avec une lance plantée dans le cœur. La situation était suffisamment assez honteuse et affreuse pour que je ne partage ce souvenir. Une sorte de "very bad trip" mais avec des esprits dans la tête à la place de l'alcool. Qu'on ne m'y reprenne plus jamais !

"J'ai rencontré Aigle du Zénith dans les ruines de la cité de Tikal. Ce sont des vestiges situés dans le Guatemala à côté du Mexique. Je l'ai plus précisément trouvé à proximité d'un totem qui avait survécu à l'épreuve du temps, il devait sans doute servir de culte. Les guerriers et chasseurs Maya venaient certainement y prier afin d'y puiser la force pour leurs futurs combat. J'imagine que ces combattants ont insufflé tous leur désir de force, de robustesse, de vivacité et de courage dans ce totem du temps où cette civilisation existait encore et prospérait. En tout cas ce n'était pas aussi simple d'emprunter son pouvoir. C'est un esprit assez puissant comme tu as pu t'en rendre compte. Il est assez puissant à mon niveau du moins. Comme je te l'ai raconté plus tôt il en existe d'autres au statut bien plus élevés."

J'osais espérer avoir satisfait sa curiosité, tandis qu'une autre idée me vint en tête.

"Il serait imprudent que je te présente Aigle dans les circonstances actuelle, mais je peux toujours essayer de te présenter quelqu'un d'autre si tu veux. Je pense qu'il sera ravi de pouvoir discuter un peu. Qu'en dis-tu ?"

Peut-être que j'allais vraiment le regretter au final...

Encore plus d’histoires ! Il avait le sentiment d’en apprendre plus sur Sylvano en 10 minutes que 50% de sa classe depuis la rentrée. Ça valait bien le coup d’ouvrir la conversation avec lui. En fait si on le prenait sur le bon sujet, il n’était pas fermé à la discussion. Il expliqua les dangereuses limites de son alter. Tout le monde en avait. Il préférait visiblement ne pas expliciter tout ça, mais Léo voulait bien le croire quand il lui disait que ce n’était pas beau à voir. En réfléchissant un peu, il supposait ce qu’il s’était logiquement passé. Héberger deux esprits dans un même corps devait sûrement engendrer un conflit dans cette enveloppe charnelle, menant à des conséquences hors de contrôle.

Il conta ensuite sa rencontre avec cet Aigle du Zénith. C’était amusant, des ruines, un nom améro-indien, et autres références qui pourraient venir de légendes ou de récits d’un vieil homme pas très net dans la rue, se prétendant avoir parcouru le monde à la recherche de trésors et vestiges. Mais ici, il n’y avait pas de raison de raconter des mensonges ou de simples croyances. Léo avait déjà pu voir certaines des capacités de son alter, alors ce que son camarade lui disait ne semblait pas bien déconnant. Avec l’aide de l’exemple du cas de cet esprit à la grande force, le garçon aux cheveux verts comprenait mieux les explications qui avaient précédées à propos de la force d’un esprit.

Il voulait répondre quelque chose, par principe, mais ne savait quoi, si ce n’était un banal « Ok je comprends mieux ». Il n’eut pas le temps d’y réfléchir puisque Sylvano vint avec une nouvelle idée :  lui présenter quelqu’un, qui serait d’ailleurs ravi de pouvoir discuter ? Un de ces esprits ? C’était marrant, c’était comme s’il s’apprêtait à présenter un membre de sa famille, comme un petit frère. Mais avoir l’esprit de son petit frère avec soi serait un peu triste tout de même. Pour être honnête, son désir d’en savoir toujours plus lui faisait vraiment aimer cette idée. Ça l’intéressait carrément ! Mais il ne fallait pas le dire comme ça avec autant d’entrain, c’était pas cool pour son voisin de banc qui risquait de devoir s’effacer un peu le temps de la discussion. Du moins, si Léo avait bien compris tout ça. Il regardait avant cela autour de lui, pour s’assurer qu’il n’y ait personne d’assez proches pour les entendre. Il ne savait pas à quoi ressemblerait la démonstration, mais si elle était peu discrète, il valait peut-être mieux qu’un minimum de personne les voit.

« Pourquoi pas, je serai intéressé d’en voir plus ! Enfin si toi ça ne te dérange pas, je ne veux pas que tu te forces juste pour satisfaire mon indiscrétion. »

Vas-y, satisfais mon indiscrétion. Stpppp.

Avec l’enthousiasme dont il faisait preuve, je ne pouvais tout simplement pas revenir sur ma décision. Après avoir esquissé un léger sourire je rangea de nouveau la figurine d'aigle dans mon sac et prit cette fois-ci la sacoche noire rectangulaire. J'ouvris la fermeture éclair et en dépliant le haut, on pouvait apercevoir une appareil éléctronique avec un écran un peu rayé depuis le temps qu'il a servit, deux manettes accrochées de part et d'autre de l'écran, l'une rouge et l'autre bleue. Sans en rajouter je posa ma main sur l'objet et je me laissa envahir par l'esprit. Cela ne dura que quelques secondes, où au final rien ne semblait transparaître de l'extérieur. Je refermais de nouveau l'étui et le rangeais, mais alors une voix d'homme faisant écho retentissait déjà. Mes lèvres n'avaient pourtant pas bougé.

"Haaaaa ! ça fait du bien de prendre un peu l'air, de l'air réel ! Je commençais un peu à être lassé de parcourir les plaines virtuelles d'Hyrule. Oh ! Mais bonjour jeune homme !"

Ce n'est qu'à ce moment que j'ouvris la boîte en bois mystérieuse et que de multiples objet en bois rectangulaire se mirent à flotter entre moi et Léo. Un triangle pour former les yeux, deux traits pour les sourcils, un autre pour le nez et deux longues courbes attachées à leurs extrémités pour faire la bouche. Un visage venait d’apparaître. Je pouvais très bien les laisser parler tout seul, voire aussi intervenir dans la discussion, mais je me contentais de faire les présentations.

"Salut Pépé, je te présente Léo"

Un sourire se dessina sur l'esprit et il poursuivit.

"Oh...! Enchanté Léo !"

C'est alors que ma main fut tendu vers Léo, sans que ce soit moi qui la commande pour une fois. Mon pépé comptait donc bien lui serrer la main.

Le spectacle va commencer ! Sylvano sortit une sacoche contenant une console et posa la main dessus. Du point de vue de Léo, rien ne semblant se passer. Puis, la console fut rangée. Euh, mais c’est fini ? Soudainement, une voix inconnue raisonna, faisant sursauter le garçon aux cheveux verts. Par réflexe il regarda à droite et à gauche mais ne vit rien d’anormal. Sylvano ne semblait pas si étrange non plus, et la voix ne semblait pas venir de lui. « Bonjour jeune homme ! », qu’il entendait, est-ce qu’il s’adressait à Léo ? Vu le contexte, il semblait peu probable qu’il s‘adresse au chaman.

« B… bonjour ? » demandait-il, pas vraiment avec peur mais plutôt par surprise.

Il savait à quel genre de truc s’attendre, mais ça lui paraissait tellement peu réel qu’il restait pris au dépourvu. Des morceaux de bois se mirent alors à flotter, formant un visage sommaire. Son camarade lui présenta alors « Pépé ». Est-ce qu’il avait vraiment l’âme de son grand-père dans une carte de jeu ? Ces plaques étaient sûrement la représentation de l’esprit, et la voix ne provenait d’aucun système buccal. Le papy lui adressa alors la parole et au même moment, une main lui fut tendue. Pourtant, il était étrange que Sylvano lui tende la main alors qu’ils se connaissaient, influait-il donc sur le corps de son petit-fils ? Après avoir trié un peu ses pensées, la mine surprise de Léo laissa place à un sourire, avec une transition vers l’émerveillement. Il serra alors la main tendue avec plus d’assurance.

« Enchanté monsieur ! »

Sugoi ! Il pouvait vraiment faire intervenir des esprits. Non pas que Léo ne voulait pas le croire, mais même avec toute la bonne volonté du monde, c’était difficile à imaginer quand on n’avait jamais entendu parler d’une telle chose. C’était l’Aigle du Zénith qui permettait ces performances durant les épreuves physiques, mais Sylvano ne tombait pas dans l’inconscience et la possession lorsqu’il libérait un esprit, c’est pour cela qu’il a pu aisément parler, tout en laissant l’esprit prendre le contrôle de sa main.

Mais là le plus dur venait, si on ne voulait pas être trop indiscret. En face de lui, c’était un mort non ? Amener ce sujet n’était peut-être pas une bonne idée, bien que c’était un peu le domaine de la conversation. Remarque, on lui avait dit qu’il sera « ravi de pouvoir discuter un peu ». Il ne savait pas vraiment comment lancer la conversation, alors il prit le sujet qui lui semblait le moins problématique.

« C’est impressionnant… Donc quand Sylvano ne vous invoque pas, vous êtes dans cette console ? Vous avez de quoi occuper vos journées. Mais ce n’est pas un peu lassant à force ? »

C’était comme une autre vie après la vie. Mais avec des libertés en moins, et ça, c’était peut-être moins joyeux. Il espérait ne pas toucher un point sensible, mais ce vieil homme semblait d’assez bonne humeur pour le prendre mal.

Le visage spectral de mon arrière grand père vint alors se superposer au mien, tandis que d'autres plaques venaient s'y coller pour couvrir le reste du visage. On ne vit alors plus que mes yeux et ma bouche à travers ce masque improvisé. Je serrais chaleureusement, du moins je le déduisais, la main de Léo. Bien sûr je continuais à ressentir le même toucher, les même son. C'était moi sans que ce soit uniquement moi. L'esprit de mon aïeul devait sans doute ressentir la même chose, du moins c'est ce qu'il m'avait dit un jour.

"Je le suis oui. C'est vrai qu'on pourrait penser que pendant près d'un siècle je me serais ennuyé, mais je ne te cache pas que j'ai la chance d'avoir une sacré ludothèque. Il me suffit de changer de jeux. Bien heureusement, je peux avoir l'occasion d’interagir avec la réalité, comme à présent. D'ailleurs maintenant que j'y pense..."

Mon corps s'était alors levé soudainement et j'avais commencé à m'étirer le dos et les bras puis avais enchaîné par quelques coup de poings dans le vide avant de conclure par un coup de pied allongé. Ma jambe resta tendu un instant puis progressivement le genoux se replia, la jambe toujours en l'air avant de reposer doucement au sol, sans aucune perte d'équilibre. Ce genre de geste ample et pas du tout discret étaient loin de me ressembler, mais avec le temps j'avais dû me faire à l'idée que je n'étais sans doute pas le mieux à même d'utiliser toutes les possibilités offertes par mon corps. Je n'avais pas du tout cette motivation. L'esprit de mon aïeul cependant aimait bouger, aimait l'aventure, mais il avait surtout cette expérience du terrain. Alors je me faisais un plaisir de lui prêter mon corps de temps en temps, même si cela pouvait me valoir un peu de honte comme... juste après.

"...je ne me suis pas encore présenté à toi, Léo-kun."

Fit mon arrière grand-père, le ton remplit de confiance, tandis qu'il faisait dos à Léo avec mon corps, le soleil caché par la tête et les deux poings appuyés contre les hanches, le dos bien droit, telle une figure héroïque.



"Watashi wa..."

Le corps se retourna et une chorégraphie venait de se lancer. Il allongea ses bras à l'horizontale comme s'il voulait voler, la tête légèrement inclinée vers le bas et se mit à bouger rapidement ses jambes comme s'il courait sur place. Aussitôt après il se pencha comme pour donner un coup de poing au sol. Ensuite il enchaîna en positionnant les bras en croix et les jambes fléchies. Finalement il étendit de nouveau les bras et les leva progressivement en haut de sa tête comme pour former un cercle, jusqu'à ce que les mains redescendent au niveau du front pour former une pyramide inversée. La lumière du soleil brillait telle une auréole derrière la tête.

"Pépé Mindugamu Da !"

"..."

Voila, ma réputation était à présent foutu.

Les plaques commençaient à masquer le visage de Sylvano. S’il n’avait aucun contexte, la situation aurait pu l’effrayer. Ça pourrait être le cas de passants, s’ils n’étaient pas de la classe 1-A ou s’ils ignoraient qu’un élève doté d’un alter basé sur le spiritisme se trouvait dans les murs de cette école. Enfin, malgré tout, on pouvait tout de même se laisser surprendre. Et d’ailleurs, Léo s’est laissé surprendre.

Il était vrai que tant qu’on avait des jeux, on pouvait s’occuper éternellement, avec des expériences variées… Le garçon aux cheveux verts se demandait si on pouvait se satisfaire d’une vie avec si peu d’interactions avec des humains, avant de se dire que le plus important était que ce train de vie convienne à la seule personne concernée, l’aïeul. Ce qui semblait être le cas, heureusement. Mais il semblerait qu’un peu d’étirement et d’échauffement lui fasse du bien également, puisqu’il ne tarda pas à se lever pour se dépenser un peu. Enfin, « se dépenser » n’était peut-être pas le mot approprié au final. Devant l’élève, il se mit à exécuter une sorte de danse. Une danse qui n’était pas improvisée d’ailleurs, c’était carrément une chorégraphie qui était bossée ! Les gestes étaient précis et pleins d’identité. Pépé Mindgame for you !

« Wah impressionnant, vous avez dû passer un petit temps à rechercher et travailler ça ! Ma petite sœur me dit que je devrais aussi trouver une pose ou quelque chose du genre, au moins une catchphrase. D’après elle ça donne de l’identité à un héros. C’est vrai que quand on entend Watashi ga kitta ça a un certain impact, et on l’associe tout de suite à All Might. »


[FLASHBACK]

Léo plia la jambe droite tout en gardant la gauche tendu basculant ainsi un peu son corps sur le côté. En même temps, il leva son bras droit en diagonale et plia son bras gauche à 90°, l’avant-bras gauche formant un vecteur parallèle au bras droit.

Spoiler:

« Ta-dah ! Just in time ! »

Ils étaient dans la chambre du jeune héros. Celui-ci était au centre, tandis que Lucie était sur un tabouret, en le regardant.

« Mais non, Léo, ça ne va pas du tout ! On dirait une pause de gamin, avec un jeu de mot stupide !
- Lucie, physiquement je suis un gam…
- Je ne veux pas que mon frère soit ridicule.
- À se demander lequel de nous deux est en études héroïques… » soupirait-il.

[/FLASHBACK]


Léo ne comptait pas forcément se soumettre aux idées de sa sœur, mais il était vrai qu’il s‘agissait d’une piste intéressante : de simples mots et gestes pouvaient déjà rassurer les citoyens. Après, il s’agissait de ne pas se couvrir de ridicule avec ça, surtout lorsqu’on est encore inconnu par le peuple. Il fallait faire ça bien. Mais c’était peut-être le moment d’avoir l’avis d’un expert !

« Comment vous en êtes arrivés à cet enchaînement ? Et pourquoi l’avez-vous développé ? Vous étiez un héros, de votre temps ? »

Alors qu’il montrait un étrange intérêt à ce sujet, il n’avait même pas pensé au fait que parmi eux, il y avait une personne potentiellement gênée par ce qu’il se passait.

Spoiler: