Un costume, ça ne s'improvise pas [solo]

"NON NON NON ET NON ! C'EST DE LA MEEEEEEEEEEEEEERDE !"

L'hurlement du vieil américain résonna tellement fort dans l’atelier que sa petite fille, pourtant occupée à travailler sur la dernière commande Japonaise, réussi à l'entendre à travers son "enceinte de tranquillitude". Elle stoppa sa playlist aussi vite que possible et retira son casque avant de se tourner vers le vieillard, un crissement sourd dans les dents et un air indigné sur le visage.

"Quoi ? Le client veut un masque tactique, je fabrique un masque tactique ! Pourquoi est ce que tu me pètes un câble comme ça ?"

Ce dernier ne prit même pas la peine de se retourner, trop occupé qu'il était à regarder le dernier plan de sa partenaire. Au nom du ciel, de sainte marie mère de Dieu et de Satan lui même, comment pouvait-elle avoir pondue un truc aussi... banal ? L'objet était une saisissante reproduction d'un masque à gaz de la WW1, qui aurait eu une esthétique originale si elle n'était pas de fait complètement ringarde depuis plus de 200 ans.

"Masque tactique mon cul oui..."

L’exaspération était un sentiment puissant chez le vieil ingénieur, le Pingouin était loin d'être connu pour son calme dans le milieu. Il était en revanche une sommité dans l'extravagance, pseudo-qualité que l'on colle souvent aux génies dans son genre. Sa capacité à s'emporter sur des sujets que l'on ne peut que considérer comme éminemment stupides était telle que sa femme - paix à son âme - avait fini par acheter un taser. Juste en cas "d'urgence" comme elle le disait. Il faut dire que l'homme avait beau approcher les 70 ans, il n'en restait pas moins capable de balancer des pots de fleurs à une vitesse impressionnante. "Renforcement musculaire momentané" était décidément un Alter fort pratique.

"C'est marqué quoi la ?"

"Pingouin Incorporated..."

La jeune fille n'avait même pas mis une seconde pour répondre. Il faut dire que l'immense drapeau accroché au mur (magnifique représentation d'un pingouin surfant sur un avion de chasse) était tellement explicite qu'il en devenait impossible d'oublier le nom de cette stupide SARL de fret. Enfin, de fret... De "trafic d'équipements militaires de teneur héroïque" selon les politicards du gouvernement fédéral et leurs connards de flics.

"EXACTEMENT ! ET ÇA VEUT DIRE QUOI POUR TOI "PINGOUIN INCORPORATED" ?"

"C'est la boite de mon grand père, celle qui fabrique des costumes pour les Vigilants du monde entier, celle qui constitue un véritable rayon de soleil dans ce monde rongé par..."

"...PAR LE CHAOS, LA DESTRUCTION ET LA VIOLENCE ! ET C'EST POUR ÇA QUE LORSQU'UN VIGILANT NOUS COMMANDE UN COSTUME, ON NE FAIT PAS DANS L'INDUSTRIEL !"

Un silence pesant s’abattit sur la pièce tandis que le Pingouin se précipitait vers sa ventoline. La jeune fille resta muette. Elle comprenait la passion de son grand père pour le Vigilantisme mieux que quiconque. Voir un ancien ingénieur militaire se reconvertir dans la confection de costumes pour les "outcasts" n'était pas bien commun, mais le vieil homme était particulier. Surtout depuis qu'un Vigilant local avait vengé le meurtre de son unique enfant, en sauvant sa petite fille par dessus le marché. Tout ça parce que la Police ne pouvait "rien faire sans preuves". Conneries. Si quelqu'un n'avait pas outrepassé l'attente des fameuses "preuves", elle serait morte avant même d'avoir eu deux ans.

Le vieil homme au masque phanèrien ne mit pas longtemps pour se calmer, et se tourner vers son apprentie. L'adolescente fit pivoter sa chaise dans la bonne direction. Elle n'aimait pas le regard de son grand père. Ce genre de coup d’œil signifiait qu'on était sur le point d'avoir une discussion importante. Et, chez Pingouin Incorporated, ce qui était important était généralement assez désagréable.  

"Tu as regardée les photos ?"

"Tu rigoles, enfin grand père j'ai même pas tenu deux secondes. Elles sont absolument dégueulasses, et tu le sais."

"Comment veut tu travailler sur autre chose que de l'industriel lorsque tu ne regardes même pas comment notre client gère sa boutique ?"

"Parce que la boutique des vigilants, c'est les cadavres ! Et je veut bien construire des costumes, mais je ne veut pas être obligé de mater des putains de cadavres toute la sainte journée !"

Le visage planqué sous le masque doré s'adoucit soudainement. Un autre moment de silence s'installa dans la fabrique souterraine tandis que la jeune fille, plus grand talent en construction et ingénierie que son grand père n'avait jamais vue, dépoussiérait son t-shirt "All Might is awesome". Les grosses lunettes de soudages qu'elle portait sur le front (et ceux jusque dans son lit) pivotaient légèrement vers la droite tandis que son regard se posait sur le sol, un peu honteux de devoir assumer un tel "aveux" de faiblesse.

"Donne moi ça..."

La petite ingénieur n'eu même pas besoin de regarder derrière elle pour soulever le dossier. Son Alter de télékinésie suffit pour que la pile de documents s'élève lentement de l'établie pour aller se déposer dans la main tendue de son aîné.

"Désolé grand père mais..."

"Ce n'est rien ce n'est rien... J'ai tendance à oublier que tu n'es qu'une môme de quinze ans. Excuse moi."

Le visage de la jeune fille s’empourpra tandis que son cerveau analysait ce qui venait de se passer. Est ce que... est ce que son pingouin de grand père venait de s'excuser ? Incroyable. Elle se repassa tout les souvenirs de son enfance avec une telle vitesse que sa tête lui fit mal. Vraiment incroyable. Ce n'était jamais arrivé. Jamais son têtu de grand père ne s’était excusé de quelque chose en sa présence. Rien n’était plus impossible désormais. Surtout qu'il avait juste suffit de quelques cadavres, malgré leur aspect terriblement gore.

"À partir de maintenant on divise. C'est moi qui design, c'est toi qui construit. Tu es plus dégourdie que je ne l'ai jamais été avec la technologie de pointe, je me chargerai du coté esthétique."

"Je.. je suppose que c'est mieux comme ça oui."

Le vieil homme pivota sur lui même avant de s'effondrer (de face) sur la chaise de son bureau. Cette position lui donnait l'impulsion idéal pour disserter. Il allait bien falloir trouver un design de bête de course, comme pour tout les produits de la glorieuse Pingouin Incorporated. Une entreprise si aimé des Vigilants à travers le monde ne pouvait pas décevoir ses clients. Et pour ça, rien ne valait des photos des criminels après le "passage" de la justice populaire. Un cadavre est une clé, il permet de comprendre la personnalité de l'assassin plus facilement que n'importe quel journal intime au rabais. Avec ce type de client encore plus qu’ailleurs. Le mode opératoire de celui si était tellement... singulier. Comment définir un Vigilant qui met une balle dans la tête de ses cibles pour pouvoir les dévorer avec son Alter ?

Avec du travail. Beaucoup de travail.

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Le Pingouin - représentation :

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