Entraînement entre père et fils [Solo]

« Je suis content de m’entraîner avec papa mais je ne sais pas si c’est réciproque, il ne semblait pas content quand il l’annonçait… fit Léo en enfilant sa tenue de judo.
- Évidemment qu’il n’était pas content ! Et s’il t’était arrivé quelque chose là-bas ? Je n’aurais plus de frère, juste des yeux pour pleurer…
- Je suis désolé Lucie », y répondait-il en baissant la tête.

Il avait bien envisagé tous ces risques lorsqu’il avait pris cette décision. Pourtant, il avait quand même décidé de le faire. Il n’avait pas raconté les détails à sa famille pour ne pas empirer son cas, mais il aurait pu y passer.

« Je vais te buter, j’espère que tu en es bien conscient. »

Il avait encore ces images dans sa tête, avec un pistolet pointé vers lui.
Cela s’était passé à Yokohama, la veille au soir. Une étudiante de l’école Yuei qui avait disparu avait été localisée. Coy lui avait proposé de venir la sauver avec lui et d’autres camarades, mais il avait d’abord refusé. Puis plus le temps s’avançait, plus la peur du regret commençait à se faire sentir. Il sentait qu’il ne se pardonnerait jamais s’il leur arrivait quelque chose, alors qu’il était bien conscient du danger qu’ils couraient. Mais plutôt que d’appeler les autorités compétentes, il choisit finalement d’y aller lui-même, sortant à sa mère une excuse bidon pour quitter la maison à une heure improbable. Seulement, c’était la sous-estimer, il n’avait tellement plus que ce sauvetage en tête qu’il avait oublié un point important..

Backtracking. Tel était le nom de l’alter de la mère de la famille, Audrey Oxton. Au contact de quelqu’un, elle pouvait visualiser le trajet effectué par la personne récemment. Et bien sûr, elle n’avait pas hésité à vérifier l’étrange alibi de son fils dès son retour. À partir de là, il était difficile pour Léo de trouver une justification alternative, maintenant qu’elle avait lier les événements entre eux.


« Alors, Child Hero, es-tu prêt à te battre ? »

Il était à présent seul avec son père, dans une pièce de leur logement réservée aux entraînements physiques. Clive Oxton se tenait au milieu d’un tatami assez grand, les bras croisés, les jambes légèrement écartées, et la tête haute. Un air autoritaire et ferme s’en dégageait. Mais Léo osait penser qu’ici, cela s’approchait plus d’un Role Play. Son père attendait sûrement de lui qu’il ne se laisse pas abattre par cette situation, et lui remonterait les bretelles dans le cas inverse. Plutôt que de répondre avec un air de chien battu, il conserva un regard sérieux et assuré.

« Oui, je suis prêt. »

Ils échangèrent des regards en silence, sans bouger, jusqu’à ce que le père de famille déclare :

« Mais d’abord, nous allons discuter. »

Cassant totalement l’instant, il s’assit sur le tatami, jambes croisées. Léo resta bloqué par la surprise une petite seconde, puis s’avança pour le rejoindre, sans dire un mot, s’asseyant de la même manière.

« Tu ne pouvais pas t’en empêcher, c’est ça ? Qu’on soit clair, je ne suis pas forcément autant en colère contre toi que tu peux le croire. Ce qui n’est pas forcément le cas de ta mère. Je ne vais pas te décrire à quel point tu comptes pour elle bien sûr, tu sais déjà tout ça. Moi, je suis passé par la même chose que toi, et je ne peux pas vraiment te reprocher d’avoir des poussées d’héroïsme. Cependant, tu es en première année, tu ne dois pas ignorer ton manque d’expérience. Tu n’avais aucune idée des personnes sur qui tu pouvais tomber. Toi et tes amis ont eu beaucoup de chance. »

L’aîné ne savait pas trop quoi répondre à tout cela. C’était juste de la vérité. Et il le savait avant même d’y aller.

« Malgré tout, puisque tu en es revenu, ça a été une expérience unique pour toi. Plus que beaucoup d’étudiants de ton âge, tu as maintenant une plus grande conscience de ce qui t’attend, et de ce que le monde attend de toi. Alors fais bon usage de cela pour aller de l’avant. Tout est bien qui finit bien, et tu en es sorti grandi. Bien sûr, ne raconte ni à Lucie ni à ta mère que j’ai dit du positif sur tes actes. Et bien sûr, malgré tout, réfléchis bien avant de recommencer. Understood ?
- Understood, répondit-il avec un signe de tête.
- Bien, en ce cas, nous allons pouvoir commencer, disait-il en se levant. Ce n’est pas une coïncidence si je te demande aujourd’hui de venir t’entraîner avec moi. »

Il était vrai qu’il n’invitait pas souvent son fils dans cette salle pour une petite séance de sport commune. Chacun avait déjà un certain emploi du temps, et lorsqu’on était héros comme le père de cette famille, on ne choisissait pas forcément ses horaires.

« Le temps passe vite, et tu as déjà commencé à rencontrer des vilains. Sans parler de ton stage qui arrive bientôt. Je sais que tu fais déjà du sport à l’école, mais un peu de temps supplémentaire avec moi de temps en temps ne te fera pas de mal. Bref, cette fois, es-tu vraiment prêt ? »

Le fils se leva lui aussi, et répondit comme plus tôt.

« Toujours prêt ! »

Face à face, le père de famille annonça le format de la séance.

« Nous allons commencer simplement. Je vais t’attaquer. Tu vas te contenter d’esquiver ou de bloquer. Sans ton alter, je précise. Si t’utilises ton alter pour esquiver chaque coup, tu vas tomber très vite à cours d’endurance. Mais tu le sais déjà. Il faut que tu apprennes à faire un maximum sans celui-ci. Bien sûr, j’irai tranquillement, en tout cas au début. Je n’utiliserai pas mon alter non plus, si ça peut te rassurer. »

Et ça le rassurait. Avec l’adrénaline il ne sentait pas trop la fatigue à Yokohama, mais après être sorti, il sentit qu’il avait de la chance de ne pas avoir eu à plus utiliser son alter que ça. Entraîner ses mouvements et ses réflexes sans utiliser son alter était pertinent. Et cela l’entraînait aussi pour les fois où il l’utilisera. Parfois, même en accélérant son propre flux temporel, il ne parvient pas à esquiver quelque chose. C’était clairement dans son intérêt de travailler ça. Il plaça aussi ses mains devant son corps et écarta un peu plus les jambes et les plia, se mettant en position.

« Quand tu veux. »



Clive ne tarda même pas à démarrer. Il s’approcha rapidement et démarra avec un crochet du droit. Léo fixait le mouvement et leva son avant-bras à la verticale pour bloquer le mouvement. Dans sa tête, sa pensée était proche d’un « Héhé », mais le seconde suivante, il se prit un coup dans la jambe droite qui faillit lui faire perdre l’équilibre.

« Qu’est-ce que tu fais ? Je n’ai pas dit que je n’attaquerai qu’à un endroit à la fin. Et un vilain ne te le dira pas non plus. Ce n’est pas parce que j’ai dit que je ne taperai pas fort que tu dois te relâcher toi aussi.
- Urgh, compris. »

Léo vit venir un coup de pied droit vers sa jambe gauche, il utilisa son pied droit pour pivoter et esquiver le coup, alors que son père attaqua cette fois-ci avec le poing gauche, en direction du visage. Sa main gauche était trop loin pour parer, et son bras droit avait un mauvais angle. Il plongea en avant et roula une fois sur le tatami avant de se relever rapidement sur un pied et un genou. Mais le héros titulaire n’allait pas attendre qu’il se relève et arriva sans tarder, comptant le balayer avec le pied. L’apprenti se défendit avec l’angle de son bras, soutenu par la force de son autre bras. Toujours pas debout, il se fit attaquer par un poing. L’impact était inévitable. Mais soudainement, le poing ralenti, et Léo eut le temps de rouler sur le côté pour éviter et se releva sans attendre. Le père reprit une posture droite, les bras le long du corps.

« Un réflexe je suppose, on avait convenu que tu ne t’en servirais pas. »

Instinctivement, il avait créé une room pour éviter cette attaque trop proche de lui.

« Hum oui, désolé…
- Tu étais vulnérable, je n’allais pas me gêner. Dans cette position, bien que tu apparaisses plus petit, tu ne pouvais pas te mouvoir assez librement. Bien… On va passer au niveau supérieur. Tu ne risques pas de l’utiliser par mégarde, si tu l’utilises de manière permanente.
- … C’est-à-dire ?
- Un instant », fit-il avant de partir vers le placard.

Mais le but c’était d’entraîner ses mouvements sans bonus de vitesse, non ? Quel était l’intérêt d’utiliser son alter, du coup ? Son père revint vite avec une corde, qu’il posa au sol. Avec elle, il s’entoura un cercle d’un rayon de 3-4 mètres. D’un geste de la main, il invita son fils à également venir à l’intérieur.

« Bien. Je disais donc, nous allons utiliser ton alter pour pousser la chose plus loin. Nous allons faire le même exercice. Mais cette fois-ci, tu utiliseras ton Individual Influence - Slow… sur toi-même.
- Quoi ?
- Exactement. Tu vas donc devoir être plus rapide, et même peut-être anticiper. Du 0.75 suffira pour l’instant. En plus de devoir déjouer mes attaques, tu vas aussi devoir trouver l’énergie et la concentration pour maintenir ton propre sort. Tu me fais signe dès que tu es prêt. »

Voilà qui compliquait la chose. Individual Influence - Slow ralentissait le flux temporel d’un organisme ou d’un objet. Mais ce n’était pas seulement au niveau des gestes. Le cerveau lui-même était affecté. Léo allait donc percevoir des mouvements plus rapides, et la décision prise par son organe cérébral sera plus lente à être établie, puis transmise à ses muscles. Il expira un coup, se calmant. Puis, autour de la zone délimitée se forma un dôme un peu translucide. La room était placée, il utilisait à présent son pouvoir de ralentissement sur lui-même.

« Je suis prêt », déclara-t-il, alors que son père entendit ces mots un peu au ralenti.

Le père de famille frappa du droit et Léo eut à peine le temps de le voir venir qu’il se l’était déjà pris.

« C’est tout ce que tu as ? » demandait-il, instaurant une pression.

La douleur prenait le nez du fils, qui ne put l’empêcher de le tenir. Il y avait du rouge sur ses mains… Le nez était une partie sensible du visage, et ça saignait déjà. Mais Léo n’eut pas le temps de s’en remettre puisqu’il se prit directement un croche-pattes. Il perdit l’équilibre et tomba sur le côté, se réceptionnant avec ses deux mains. C’était au tour d’un coup de pied, directement dans le corps. Ici, il voulait rouler vers l’arrière, mais cela le ferait sortir de la zone. Il utilisa alors ses mains comme appui avec une petite poussée grâce à ses deux pieds pour lever l’entièreté de son corps à la verticale, avant de le faire basculer vers l’avant pour éviter le coup.

« Quelle souplesse, je suppose qu’un petit corps est plus facile à manipuler. Voilà un bon atout pour toi, Time Breaker. »

Léo ne répondit pas, le regard sérieux, et la concentration à son maximum. Clive Oxton opta cette fois-ci pour ce qui semblait être un crochet. Encore une fois, son fils leva son bras pour se protéger. Mais avant la collision, le poing s’ouvrit alors… il l’avait attrapé ! Déjà ralenti par son alter, le garçon n’avait pas eu le temps de réagir. Cette réponse n’était pas la bonne, il aurait dû trouver une autre alternative. C’était comme un pierre-papier-ciseaux. Il a choisi la garde en pensant parer une attaque, mais au final on a profité de son immobilité pour le chopper. Son père le leva alors puis réussit à attraper le pied opposé, puis il le plaqua au sol.

« Game Over. »

La Time Room se dissipa, et Léo, libéré, passa lentement en position assise, inspirant et expirant à grands coups.

« Voilà donc pour aujourd’hui, annonça-t-il avant de s’asseoir, jambes croisées. Ne t’en veux pas pour cette performance, tu ne t’en es pas si mal sorti, pour ce qu’on aurait pu en attendre de toi.
- Still a long way to go… fit-il, haletant.
- Of course. N’hésite pas à demander à ta sœur de pratiquer cet exercice avec toi, en allant jusqu’au Slow 0,5. Ça lui fera très plaisir de t'aider. Même si elle n’a pas autant d’expérience que nous deux, ça travaillera tes réflexes, ton instinct, et ton anticipation. Désolé pour ton nez, disons que ça équivaudra à la baffe que tu as mérité. Continue de bien travailler Léo, j’ai hâte de te voir encore progresser durant tes années à Shiketsu. Rends-nous fier, maman et moi. »

La respiration du fils se calmait. Avec un sourire mutuel, il conclut :

« Je n’y manquerai pas ! »