Miro Hagatsume

"-Sujet numéro 4, debout."

Le son glaciale de l'acier qu'on cognait sèchement fit grimacer l'enfant qui s'éveilla. Ses oreilles étaient plus longues que la norme, et à son malheur, elles avaient l'ouïe plus fine. Il était épuisé, il avait froid et son corps lui faisait mal. Mais la pire souffrance n'était pas physique. Il avait cette boule, au creux de sa gorge, qui lui faisait constamment mal. Il était triste. Il était seul. Et il avait mal.
Deux jeunes yeux s'ouvrèrent en observant les néons qui illuminaient la pièce d'un blanc épurée. Une salle qui n'était meublé que d'un lit, d'un bureau, une chaise et des WC derrière un petit mur simple. Il n'y avait aucun jouet ici, aucun tapis pour réchauffer ses pieds qui se posaient sur un sol froid. Ce blanc pure lui piquait les yeux, autant que cette lumière vive. Le réveil était difficile, comme il l'était depuis longtemps.

La porte s'ouvrit soudainement tandis qu'une femme s'avança dans la pièce en tenant un carnet dans une main. Elle était habillé d'une blouse, comme tous les adultes qui étaient présents ici. Elle n'était pas sa mère, d'ailleurs, l'enfant ne savait pas vraiment ce que c'était qu'avoir des parents. Elle vînt lui saisir l'une de ses jeunes mains, la sienne couverte d'un gant, en le tirant sans douceur vers le long couloir vide qui longeait d'autres portes comme la sienne. Tout était silencieux ici. Et l'enfant qui semblait avoir six ans à peine, ne portant qu'un pyjama blanc, suivit l'adulte sans contestation.
Ils arrivèrent au bout du couloir. Une grande porte s'y tenait, avec au-dessus une pancarte où étaient écrits des mots simples : Salle d'étude. L'enfant ne voulait pas lire ces mots. Il n'aimait pas cet endroit. Mais les portes s'ouvrèrent et on l'y tira. Ici, il y avait beaucoup d'adultes qui portaient des vêtements blancs et des masques. Ils l'observèrent quelques instants en indiquant de l'installer sur une table. Il s'y laissa mettre. On chercha à attaquer des sangles autour de ses chevilles et de ses poignets. Et il les laissa faire. Puis vînt les piqûres, les nombreuses piqûres. On lui fit faire des tests car ils avaient compris qu'ils pouvaient faire remuer l'étranges substances qui remplissaient les seringues. Et si il fatiguait trop alors on envoyait l’électricité.
A la fin de la matinée, il était ramené dans sa chambre où il restait allongé sur le sol. La boule gonflait dans sa gorge et ses yeux le piquaient, tandis qu'il pleurait. Suppliant qu'on vienne l'aider. Qu'on le sorte d'ici. Qu'on le sauve et qu'il n'ait plus mal, ni froid. Mais fallait-il croire que les héros étaient occupés à d'autres choses.


Seize ans.
Chaque année, lorsqu'on venait son anniversaire, on lui laissait demander une chose qu'il désirait. Mais il n'avait pas le droit à la télévision, il n'avait pas le droit non plus à de la nourriture autre que son régime imposé par les infirmiers. Et le jeune garçon n'ayant aucune idée de ce que le monde pouvait offrir, ne demander toujours qu'une chose : Des livres. C'était son refuge. Quand il avait froid, quand il avait mal, quand il n'arrivait pas à dormir à cause de l'angoisse, il ouvrait l'un de ces livres. La plupart étaient des romans d'origines anglais, parlant de monde étrange avec des machines à vapeurs, des robots, des hauts de formes. Le monde était-il comme ça ? Il devait être merveilleux si c'était le cas. Les personnages sur les illustrations, ces gravures noirs et blanches, étaient habillés de façon splendide. Et le garçon s'imaginait ainsi vêtu. Mais il n'avait pas le droit de demander des habits non plus.
Les objets tranchants étaient interdits dans sa chambre, chambre dans laquelle il vivait depuis toujours d'après lui. Il n'avait aucun souvenir de parents, de famille ou d'amis. En vérité, il ignorait même son prénom et son nom de famille. Il était le Sujet n°4. Et depuis toujours, il suivait les ordres de ces adultes aux visages masqués et aux blouses blanches, qui s'amusaient à observer son sang et lui faire des tests. Le silence régnait toujours dans sa chambre, dans la nuit et la journée, tant qu'il n'allait pas dans cette salle d'opération où les chercheurs parlaient, parlaient, parlaient et l'étouffaient tant ils étaient nombreux autours de lui, lui qui était attaché.

"-Sujet n°4."

On frappa contre la porte dans un son métallique. Le garçon ferma son livre en le déposant près de son oreiller avant de se relever. Puis la porte s'ouvrit en laissant entrer un homme en blouse dans ses appartements. Il ignorait pourquoi mais la femme d'autrefois avait disparu du jour au lendemain, il y avait maintenant un an. Elle ne lui manquait pas mais il s'y était habitué, dans un sens. On lui fit signe de suivre et il se mit en marche dans le couloir froid qu'il connaissait si bien à présent. Il veilla à ne pas lire l’écriteau au-dessus de la porte à son bout, s'y engouffrant docilement et marchant jusqu'à la table.
Les murmures recommencèrent, étouffer par les masques de papiers que porter sur leurs bouches les médecins. Ils étaient à nouveau tous autour de lui, se penchant en l'observant sous tous les angles. Ils soulevaient ses paupières en braquant la lumière d'une torche dans ses yeux. Ils tiraient ses oreilles tandis que d'autres tâtaient ses muscles. Ils le couvraient, tous penchaient sur lui et parlant de plus en plus. Il n'arrivait plus à respirer.
Écarquillant les yeux, il chercha à reprendre sa respiration mais bien que sa bouche soit ouverte, l'air ne rentrer pas. Il étouffait. Son torse se relevait de plus en plus vite mais il ne sentait toujours pas l'air dans ses poumons. Les médecins semblaient inquiets, ils lui disaient des choses mais il ne les entendait plus. Il avait peur. Suis-je en train de mourir ? Vais-je souffrir longtemps ? A présent, la panique montait en lui. Son cou lui faisait atrocement mal, des fourmis commençaient à envahir ses mains, ses bras et son visage. Il hurlait. Que quelqu'un m'aide ! Pitié ! hurlait-il dans sa tête. Un médecin chercha à le piquer mais dans la panique, l'aiguille se brisa et le médecin lui coupa l'intérieur du coude.

Tout se figea en un instant dans la pièce.
Le Sujet n°4 pencha lentement les yeux vers le sang aux tons sombres qui glissait à présent dans le creux de son coude, chutant doucement sur le sol blanc de la salle. Les médecins fixaient également la blessure, sans plus de murmure. C'est alors que soudainement, un nuage bleuté commença à apparaître au-dessus de la blessure, comme si le corps relâchait une brume froide.

"-Ne fais pas ça, Su-..."

La voix de l'infirmier se tût lorsque les yeux cramoisies du garçon se figèrent sur lui dans une expression de haine. Il devait se libérer, il ne pouvait pas respirer ici. Dans un cris de rage, le sujet n°4 banda son bras en faisant couler plus fort le sang tandis qu'autour de lui s'allongea le brouillard glaciale. Il commença à entourer le visage des médecins en paniques, s'enfonçant dans leurs narines et leurs bouches, les glaçant de l'intérieur et les faisant suffoquer, comme lui suffoquer. L'un d'eux s'écroula sur la table en la renversant sèchement sur le sol. La chute fit exploser la douleur dans l'épaule du garçon qui poussa un cris étouffé puis il observa sa main droite libéré des sangles.
Détachant l'autre, il se libéra finalement de ses liens en se relevant tandis que ses hôtes étaient étendus sur le sol, remuant et cherchant à respirer, pour ceux qui n'étaient pas en train de trembler sur le sol, leur peau virant au bleu sous le froid du brouillard. L'air était glaciale dans la pièce mais libre de ses liens, et ressentant ce froid dans ses poumons, le Sujet numéro 4 put enfin s'apaiser et retrouver sa propre respiration. Il posa son attention sur ses maîtres de toujours tandis qu'il dressait sa main en les fixant d'un air glaciale Il était plus facile de manipuler ce brouillard ainsi, en vérité.
Et il ne comptait pas les laisser le suivre.


"-Qu'est-ce que c'est que cet endroit...?"

 Le Héro s'avançait dans les couloirs abandonnés d'une installation souterraine en observant avec effroi ce qui fut un laboratoire clandestin. Il n'était pas vraiment un expert, lui même débutait sa carrière depuis peu et il n'avait encore jamais vue un endroit aussi abjecte. Des chambres, ou plutôt des cellules, étaient ouvertes ici et là. Des traces de griffes, de morsures, de sang, couvraient les murs et les bandeaux de la police formaient des croix devant les portes. Les agents de la police l'attendait de l'autre côté du long couloir, l'un des agents dont le visage était celui d'un chien l'y attendait.

"-Ecoeurant, n'est-ce pas ? Il semblerait qu'une des branches des Yakuzas menaient des expériences sur des alters particuliers depuis de nombreuses années. Nous avons retrouvé six corps ici, des scientifiques semble t-il.
-C'est atroce, oui...Six corps ? Que c'est-il passé ?
-Nous avons quelques hypothèses. Quatre sont morts par suffocation, comme si quelque chose les avait empêché de respirer. Les trois autres sont morts d'Hypothermies. Aucune trace de glace néanmoins, ni de gèle. Nous pensons donc que c'est un alter spécifique à l'une de leurs victimes. Sûrement celui qu'ils nommaient le Sujet numéro 4."

L'agent vînt tendre un dossier vers le Héro qui le saisit dans ses mains en l'ouvrant. Plusieurs photos montraient un enfant aux cheveux d'un noirs profonds, un visage jeune dont le teint livide faisait froid dans le dos. Mais ses yeux écarlates attiraient bien plus l'attention, ainsi que leur tristesse. Le Héro sentit sa gorge de nouer car il vit dans la lueur de ces yeux, quelqu'un qui suppliait qu'on vienne l'aider. Secouant son visage pour mettre ces émotions de côté, il lut rapidement les notes : Alter Zero. Le sujet numéro 4 possède dans son organisme une substance surnommée ectoplasme. Cette matière est crée dans son corps via le calcium à travers une glande au niveau du cœur. Sous forme gazeuse au contacte de l'air, elle peut s’épaissir si elle est concentrée. Sa température moyenne à l'air libre est -60 degrés. Supposition : Le sujet peut faire descendre cette température.
Fronçant les sourcils, ses mains tournèrent les quelques documents mais ceux-ci étaient bien peu. Il n'y avait aucun prénom, aucun nom, ni aucune information sur le physique ou la taille de l'enfant.

"-Vous...Vous pensez que cet enfant a fait ça ?
-Je pense que cet enfant a tué ses ravisseurs. C'est compréhensible et salvateur pour lui et les autres. Néanmoins, je pense également que cet enfant est instable. Il risque de provoquer des problèmes et on ignore qui il est et où il est actuellement. Son alter est dangereux. Et il a besoins d'une aide psychologique.
-Vous parlez de lui comme si il était un criminel, Monsieur.
-Il a déjà tué. Et vous avez vue comme moi où il a passé jusqu'à présent sa vie, n'est-ce pas ? Je peux comprendre ce que vous ressentez. J'ai énormément de peine pour cet enfant mais voyons les choses en face. Il est dangereux. Nous devons le trouver avant qu'il ne soit trop tard."

Le héro ferma ses yeux quelques instants en encaissant les paroles de l'Agent mais celui-ci était bien placé pour connaître ces cas. Hochant le visage doucement, il vînt lui rendre les documents avant de s'éloigner de la scène de crime. Il aurait donné tout ce qu'il avait pour pouvoir changer les événements, pour avoir été présent pour délivrer ces enfants. Mais ça, il ne le pouvait pas.


Installé sous les arbres d'une colline qui s'élevait non loin de la ville, l'enfant lisait les fiches qu'ils avaient volés dans le laboratoire avant de s'en échapper. Ses yeux suivaient les lignes d'une fiche avec attention en remuant ses lèvres légèrement sans émettre de son. Puis il se redressa lentement en posant son attention sur les lueurs nocturnes qui illuminaient le paysage urbain.

"-Miro Hagastume. C'est comme ça que je me nomme..."

Lâchant les fiches d'informations à son compte, sans plus d'intérêt pour les écrits qui marquaient ces feuilles, Miro débuta sa marche vers les lumières de la civilisation. Puis c'est avec une triste pensée qu'il se dit que le monde n'avait rien à voir avec ses livres. Il n'y avait aucune machine à vapeur, ni aéronefs, ni rien de ça, dans cette ville qui lui tendait les bras.


Durant deux années, Miro se tînt discret et sage. Il n'avait usé de son alter que pour quelques voles afin d'obtenir des moyens de vivre. Et il avait également profité de quelques personnes, cloîtrés chez elles et sans familles, pour ravir un toit de temps en temps. Les rumeurs sur un Vilain qu'on surnommait Death, précédé par une brume spectacle et glaciale, commencèrent à apparaître sur les réseaux sociaux comme une légende urbaine. Mais Miro avait toujours fait attention à rester discret et en mouvement. Jusqu'à ce que la Ligue des Vilains apparaissent. Peut-être était-il temps pour lui, de sortir des ombres ?