God Hand - Tour 2 - Hamlin VS Lady Moriarty

Enfin, je fanfaronnais beaucoup après ma victoire mais je n’étais pas passée loin de la défaite. Si Thready avait bougé de la mauvaise façon, après que j’ai lancé mon verre, ça aurait été la fin. Je m’attendais à rencontrer des adversaires dangereux dans ce tournoi, mais pas si tôt ni à ce point, alors forcément j’étais plus tendue en abordant mon second combat. La petite mise en garde de notre hôte ajoutait une couche de pression supplémentaire, je pouvais continuer à faire la maline mais le moindre faux-pas me coûterait cher. J’étais donc légèrement tendue en entendant à nouveau mon nom appelé par le présentateur.

“Pour le prochain match, j’appelle Lady Moriarty et Hamlin !”

J’étais d’autant moins rassurée que, de tous les participants à avoir passé le premier tour, Hamlin était un de ceux ayant le moins dévoilé son jeu. Il se battait bien, à la fois sauvage et méticuleux dans ses attaques. Son mélange de Taekwondo et de Kungekdo était efficace, un brin moins prévisible que certains styles plus académiques. Mais surtout, il n’avait révélé son alter qu’une fraction de seconde, assez pour que je puisse voir la petite bouille choupinoutte d’un millier de rats mais pas pour déterminer précisément ce dont il était capable. Cela en disait long sur son expertise du combat, mais surtout cela promettait de mauvaises surprises.

Hors de question de laisser voir mes doutes, cependant. C’est avec l’apparence d’une confiance absolue que je me suis avancée sur scène. Je sifflotais même un vieil air britannique en rejoignant le centre de l’arène, vers notre hôte qui attendait une fois encore. Hamlin me faisait face, aussi déterminé que j’étais nonchalante. Chacun de ses gestes, de ses regards, était lourds de son envie de vaincre. Healing Touch nous a adressé quelques mots au moment de nous toucher le front mais nous ne le regardions pas. Je fixais le coréen de haut, large sourire arrogant aux lèvres, tandis qu’il me dévisageait avec une hargne difficilement contenue. Pour un petit truand sans envergure, il était bien sûr de lui. Sa seule victoire du premier tour ne suffisait à expliquer sa confiance inébranlable. Non, ce rat là avait la rage. Je n’en ai souri que plus fort.

Après nous avoir enregistrés, Healing Touch nous adressa un dernier encouragement avant de se diriger lentement vers la sortie du ring. Son départ nous laissait quelques secondes, à mon adversaire et moi, pour discuter. Pouvais-je seulement ne pas saisir ce genre d’occasion ? Aurais-je pu ne pas hausser les épaules, l’air navrée, avant de pousser un long soupire ? Bien sûr que non.

"Quelle pitié. Dire que je me retrouve contre un autre minable - oh il n’a pas aimé entendre ça, j’ai serré ses poings en un seul mot - ce n’est pas contre toi que je pourrais montrer mes capacités. Essaie au moins de rendre ça rapide, tu veux bien ? Ne faisons pas attendre les suivants."

Sa tête. Était. Impayable. Rien que sa mimique déformée par la fureur valait tout l’or du monde, c’est presque un miracle qu’il ait réussi à ne pas me cracher une mauvaise répartie au visage. J’avais l’impression d’être un chat devant une pelote de laine, l’envie de jouer avec lui et de le détricoter jusqu’à l’os était irrésistible. Profitant de mes dernières secondes de calme, j’ai fait deux pas en arrière avant de me mettre en garde. La canne en avant comme une rapière, l’autre main sur la hanche comme une escrimeuse, j’étais prête à recevoir son inéluctable charge. Et pour que l’épique soit au rendez-vous, j’ai repris ma chanson où je l’avais laissée.

"Another one bites the dust ♪"

"Hajime !"

Il a bondit comme un cheval de course. En un instant, son poing était devant mes yeux. Sa jambe gauche était déjà lancée pour me prendre en tenaille. Pas assez vite, cependant. Un rapide mouvement de poignet et ma canne a détourné son bras. Elle me donnait un léger avantage de portée, et donc un précieux délai. Sans décoller les pieds du sol je baissais le bras et son tibia heurta sèchement la poignée de mon arme. Il était prêt pour un nouvel uppercut mais je le pris de vitesse. Une fente rapide expédia la force de tout mon corps en extension en un seul point, droit vers sa clavicule.

"Another one bites the dust ♪"

Hamlin dut placer son coude devant son épaule pour repousser le coup. La canne rippa sur l’os et arracha sa manche au passage. Le choc l’avait déstabilisé, son pied n’avait pas bien retrouvé le sol après son attaque, et il dut écarter les bras comme un équilibriste. J’en profitais pour me redresser, presque collée à lui désormais, et lancer le tranchant de ma main vers sa tempe. Le geste était rapide mais il se baissa juste à temps. J’ai presque senti ses cheveux glisser contre ma combinaison. Avec l’autre bras en arrière et les deux jambes ancrées au sol, j’étais ouverte au crochet droit qui arrivait.

"And another one gone, and another one gone ♪”

Le coup me manqua de peu. J'avais déplié les deux jambes pour me jeter en arrière juste à temps. Son poing s’immobilisa dans le vide à tout juste un pouce de mon ventre, mais son but n’était pas de me toucher. L’élan lui permit de se remettre sur pieds pour de bon et d’enchaîner. Un direct gauche s’élança vers mon visage avant de bifurquer vers mes côtes quand j’ai fait mine de me défendre. Mon bras était au niveau de ses épaules, bien trop haut, mais je fis jouer mes doigts le long du métal et retournais ma canne. Le bout se posa presque sur ses phalanges avant de les repousser fermement, là où elles ne toucheraient que du vent. Penché ainsi en avant, il était en position idéale pour expédier mon coude dans sa nuque.

"Another one bites the dust ! ♪"

L’os rencontra la chair mais celle-ci refusa de céder. Hamlin a grimacé au moment du choc mais il n’a pas bougé, comme si j’avais frappé un tronc d’arbre. Je venais de lui enfoncer le cou et au lieu de reculer, de paniquer ou d’avoir du mal à respirer, il lança son genou vers mon ventre ! Comme si je n’avais rien fait ! Le bougre encaissait très bien la douleur, je lui reconnais ça, et il avait perturbé mon rythme. J’ai eu tout juste le temps d’imiter son geste et de bloquer sa jambe avec la mienne. Ce n’était pas prévu, je n’avais pas les bons appuis pour ça. Au lieu de riposter, j’ai dû utiliser mes bras pour me stabiliser. Il en a profité pour reprendre l’initiative et frappa directement mon flanc droit, os contre os.

"Hey, I’m gonnnngh-"

Une douleur sèche explosa le long de mes côtes et me coupa le souffle. Son second poing tenta de réitérer l’exploit mais j’avais eu le temps de me ressaisir. Un mouvement de bassin me propulsa en arrière pendant que je pivotais les épaules. La rotation lança ma paume droit vers son visage alors que son crochet gauche fendait le vide. Entraîné par son propre élan, il ne put esquiver mon attaque et le craquement de son nez se répercuta jusqu’à mon épaule. Hamlin a encore laissé échapper un grognement de douleur mais ne s’est toujours pas arrêté. Il essaya de saisir mon bras encore tendu pour le briser. Tourner les épaules me permit d’échapper à sa prise mais de peu, et il en profita pour lancer un coup d’épaule.

"Another one bites the dust ♪"

Il visait clairement mes côtes, sans doute pour capitaliser sur son coup précédent. J’étais en pleine rotation, et je n’avais de tout façon pas la force de bloquer un assaut aussi violent. J’ai plutôt pris appui sur son corps pour me soulever du sol et me suis laissée porter par son élan. Je pouvais voir le terrain défiler autour de nous et devinais sans mal le grillage qui s’approchait dans mon dos. Hors de question qu’il me fasse le même coup qu’au Guide, le bord de l’arène était zone interdite.

"How do you think I’m going to get along ♪"

J’ai donc pris appui sur sa silhouette musculeuse et me suis élancée dans les airs comme une gymnaste. C’était comme si je flottais, l’espace d’un instant, le monde à l’envers autour de moi. Mes mains perdirent le contact avec les épaules d’Hamlin. Mes pieds s’élevèrent plus haut que le grillage. Puis vint la réception dans une roulade tandis qu’il se retournait pour me faire face. Cette petite pirouette nous avait séparés de deux ou trois mètres mais nous avons réduit cet écart presque aussitôt.

"Without you when you’re gone ♪”

Je me fendis vers sa gorge endolorie et il détourna mon arme d’un revers du bras. Son crochet tenta de me percuter le flanc mais j’esquivais d’un pas en arrière. Il poursuivit d’un coup de pied retourné que je bloquais du coude. J’en profitais pour lancer mon pied vers son sternum mais il parvint à se glisser dessous. Son style était lisible malgré les feintes mais il restait efficace, avec peu d’ouvertures et peu d’erreurs. Il se redressa et saisit ma cheville avant de tirer. Je parvins à garder mon équilibre en tombant à genoux, sous son direct qui me visait la mâchoire. Presque au sol, j’ai essayé de crocheter ses appuis mais il a bondi en arrière pour esquiver.

"You took me for everything that I had ♪"

J’ai bondi sans lui laisser le temps de se réceptionner. je suis montée à son niveau en un pas pour attaquer son flanc. Ma canne a filé, poignée la première, vers ses côtes. Il est parvenu à se tordre, encore dans les airs, et à mettre son avant-bras devant le coup. Je n’espérais que ça, cependant. Mes doigts ont rapidement dansé le long du métal, la canne a tourné, et j’ai crocheté son bras. Au lieu de le frapper, je l’ai forcé à pivoter et me montrer son dos. Son œil s’est écarquillé l’espace d’un instant avant de disparaître derrière ses cheveux. Il avait deviné ce qui suivrait.

"And kicked me out on my own ♪"

Je commençais par poser un pied sur son bassin. Hamlin avait juste eu le temps de toucher le sol, il était encore trop déstabilisé par sa petite pirouette. Une pression rapide suffit à le mettre à genoux. Il eut le bon réflexe de rouler en avant, épaule la première, pour m’échapper. Trop lentement, cependant. Sa gorge heurta le manche de la canne à mi-chemin du sol. Mon genou vint appuyer sur sa nuque pendant que je tirais sur mon arme à deux mains. Dans cette position, il ne pouvait pas m’échapper.

"Are you happy ♪"

Il essaya de frapper en arrière mais ses coups ne portaient pas assez loin. Il se débattit mais ma prise était trop solide. Il tira sur la canne mais je lui broyais presque la nuque. Il voulut me faire basculer en avant mais sa posture amenuisait sa force. Il rua mais je le maintins en place.

"Are you satisfied ♪”

Je pouvais le sentir lutter, essayer de se dégager, mais il était à ma merci. Rien de ce qu’il fit ne lui permit de s’échapper alors que je chantais encore, comme si de rien n’était. Encore un peu et il aurait suffoqué. Puis il explosa. D’un seul coup, plus aucune résistance, je lui suis littéralement tombée dedans alors qu’un millier de rats prenaient sa place. Ils étaient partout, sur mes bras, mes jambes, mon dos, ma poitrine, mon visage et dans mes cheveux, courant en tous sens sur ma peau, grouillant, chatouillant, griffant, mordant sans jamais s’arrêter, encore et encore, à toute vitesse. Je savais que ça arriverait. Je m’y attendais. Mais je ne pouvais tout bonnement pas être prête.

Oh je savais quoi faire. J’ai profité de mon élan pour rouler en avant et complètement traverser la masse, repoussant les rongeurs de tout mon poids. Mon épaule a touché le sol, suivie par mon dos, et j’ai fait un tour complet sur moi-même avant de me réceptionner. Au final, ils ne m’avaient pas touché plus d’une seconde mais avec la multitude de leurs petites pattes, de leurs queues, de leurs griffes et de leurs crocs partout sur moi, cela avait suffi pour me donner un haut le cœur.

Étrangement, la masse velue n’avait pas accompagné mon mouvement. Au contraire, ils semblaient trop heureux de me laisser tranquille. Le temps que je me retourne, ils avaient fui vers le bord de l’arène. Je n’avais aucune intention d’aller les chercher, j’en savais trop peu sur cet alter. Et je pouvais encore sentir tous mes poils dressés par le dégoût sous ma combinaison, comme autant de cris me suppliant de fuir. Ce qui était presque dommage, en un sens. Les rats étaient mignons avec leurs petites bouilles, ils étaient propres en plus. Mais ils étaient trop, beaucoup trop, et surtout trop proches. Je n’ai heureusement pas eu de choix à faire car, après un instant d’immobilité, ils se sont rués sur moi.

"How long can you stand the heat ?"

Ils se sont soulevés comme une vague grise qui aurait voulu m’entraîner par le fond. C’était le moment idéal pour faire des tests sur son alter, bien sûr. Je voulais voir ce qui se passerait si je séparais des rats du groupe, le tout sans me laisser submerger à nouveau. Rien qu’y penser me donne la nausée. Mais j’ai tout de même trouver la force d’y retourner. Canne en main, prête à bondir ou frapper, je me suis élancée en avant. Alors que la distance entre nous fondait, cependant, j’ai remarqué des changements dans l’organisation des rongeurs. C’était comme si la vague se sculptait, sa forme gagnait en précision, jusqu’à imiter une silhouette très vaguement humaine.

"Out of the doorway the bullets rip ♪"

Je ne voyais qu’une raison pour qu’il fasse ça, il allait reprendre forme humaine. Lancer un très classique coup de genou vers mes côtes au lieu de me submerger comme je m’y attendais. Qu’à cela ne tienne. Mon bras s’est détendu comme un ressort et j’ai projeté la poignée de mon arme en plein dans ce qui allait devenir sa cuisse. Je voulais qu’elle s’y coince, comme le verre dans Thready. Qu’elle empêche son os de se ressouder. Les rats l’ont juste repoussée. Ils pouvaient voir ce qui se passait, eux. La force de la nuée a dépassé la mienne et expulsé le corps étranger. J’ai juste réussi à saisir un rongeur au creux du métal avant que le corps de Hamlin ne reprenne forme.

"To the sound of the beat ! ♪"

Le pauvre animal a volé contre le grillage avant de retomber au sol, perdu et loin de ses camarades. Camarades qui faillirent me fracturer une côte ou deux sous la forme d’un coréen très énervé. J’ai juste eu le temps de pivoter mon torse pour esquiver. Le mauvais angle d’attaque me permit de glisser le long de sa jambe et de réduire l’impact. Le choc me fit tout de même grincer les dents, mais le pire avait été évité. J’avais en prime un angle parfait pour le frapper à la tempe. Il ne devait pas avoir l’habitude de contre-attaques aussi rapide car sa parade traîna trop. Il se recula et leva un bras mais mon poignet trouva sa cible. Encore un impact sec, os contre os. Ses jambes se déplièrent par réflexe et il bondit en arrière. J’ai tenté de le retenir mais il accompagna sa fuite d’un vif crochet gauche. Je n’eus d’autre choix que de reculer à mon tour.

Il haletait alors qu’il se remettait en garde. Notre échange de coups l’avait épuisé, il avait besoin de reprendre son souffle. A moins que ce soit la strangulation. En tout cas ça me convenait parfaitement, j’avais bien besoin d’une pause. Chanter comme ça pour le provoquer m’avait usé la gorge, sans parler du sang qui tambourinait dans mes oreilles, ou de la chaleur. Je me sentais cuire de l’intérieur, mon propre souffle me brûlait et je sentais les maux de tête qui arrivaient. Ces putains de rats avaient dû me faire surchauffer à eux seuls. Hors de question de le montrer, je ne devais pas laisser mes faiblesses se voir. Il fallait que je reste calme, nonchalante, que je sauvegarde les apparences. Un soupire, un sourire, comme si de rien n’était.

"A défaut d’être fort, tu es vraiment trop chou. Tu ne voudrais pas reprendre ton autre forme, qu’on joue un peu ?"

Il poussa un reniflement méprisant pour toute réponse. Le dos de sa main se couvrit de rouge quand il essuya le sang sous son nez éclaté. S’il avait encore eu ses bandages autour des poings, il aurait pu l’éponger efficacement, mais Hamlin était nu comme un ver après sa transformation et il parvint juste à se salir la moitié du visage.

"Je m’occuperais de toi, je te trouverais une jolie cage, tu n’aurais plus à te soucier de rien, juste à être mignon et à ne pas faire de vagues. Ça ne serait pas génial ?"

Il répondit par une charge et un grognement furieux. Visiblement, il ne trouvait pas ça génial. Sa soudaine explosion de colère ne changeait de toute façon rien, il m’aurait fallu beaucoup plus de temps pour refroidir. Son cri était comme une aiguille plantée directement dans mon crâne et je ne pouvais rien y faire. Son crochet gauche se changea en uppercut juste avant l’impact et remonta vers mon menton. Un rapide pas de côté me suffit pour esquiver. Il enchaîna avec un coup de coude vers mon flanc que je bloquais sans peine, puis il lança son genou vers mon ventre.

"J’ai les moyens, je peux tous vous nourrir sans problème, chacun sa dose de croquettes ! A moins que tu ne préfères de la pâtée ?"

Détendre le bras me permit de mettre la canne sur son chemin. Le coup suivant allait être sensiblement plus lent donc j’en ai profité. Ma paume est partie vers son visage mais il s’est baissé. L’esquive n’a pas ralenti son crochet mais elle a brisé son rythme. J’ai intercepté son poing du coude avant de riposter. Cette fois c’est mon genou qui est parti, vers ses côtes, comme il aimait tant le faire.

"Allez, montre-moi les rats ! Ça au moins c’était intéressant !"

Chaque hurlement dans le public me donnait un peu plus le tournis. J’avais comme l’impression de flotter et de me noyer en même temps. Le battement de mon cœur était presque assourdissant. J’avais du mal à rester concentrée. Hamlin a bloqué du coude, j’ai enchaîné avec un direct au ventre, il a croisé les bras pour se défendre. Les détails devenaient flous, je laissais peu à peu mon instinct prendre le dessus. Coup de talon dans sa mâchoire, roulade arrière, coup de canne, contre. Je crois qu’il l’a agrippée, quitte à se brûler les doigts, et me l’a arrachée des mains.

"T’es pas timide, au moins ? Arrête de te faire prier, utilise ton alter !"

Il a essayé de me saisir le bassin en chargeant mais j’ai échappé à sa prise. Il a enchaîné sans attendre avec un coup d’épaule. Contre des deux bras. Levée de genoux dans les côtes. Blocage du coude. Crochet gauche. Pas de côté. Manchette vers la gorge. Encore un blocage. Je réagissais presque par automatisme, devinant ses coups et ses feintes sans difficulté. C’était comme danser, nous connaissions tous les deux la chorégraphie et la suivions avec aisance et grâce.

"Montrmoilesrats! Lesrats, lesrats !”

C’en devenait hypnotique, et avec la fièvre qui montait, je me laissais emporter. Direct vers la mâchoire, pas de côté, coup d’épaule, blocage des deux mains, riposte du genoux, interception du coude. Ses mouvements étaient de plus en plus simples, directs et agressifs. Avec le recul, je pense qu’il fatiguait lui aussi.

"Lesratslesratslesratsratsrats !"

En tout cas il devenait de plus en plus facile à prédire et à anticiper. Direct gauche, revers du coude, feinte au visage, crochet gauche, blocage du genoux, coup de pied latéral, saut en arrière, fente et direct au ventre, pas de côté, balayette. Mon talon a percuté sa cheville avec un craquement et il est tombé à la renverse. J’ai bondi sur son torse sans attendre. Il a voulu me repousser mais j’ai coincé son bras sous mon pied avant de lancer un poing vers son visage.

"Lesratslesratsratsratsrasputin,LoveroftheRussianQueen ♪"

Crac, le son mat de l’os contre l’os. A ce stade, je ne savais plus vraiment ce que je disais, ni ce que je faisais d’ailleurs. Il a levé son bras libre mais il ne put intercepter que la première attaque et la seconde s’est écrasée sur son front. Crac. L’impact a envoyé son crâne percuter le sol.

"Therwasacatthatreallywasgone ♪"

Crac. Je continuais de chanter, frappant le rythme avec mes poings. Certains passaient sa garde, d’autre non. Je ne les distinguaient plus que par leur bruit, plus ou moins sec. Crac. J’avais oublié le God Hand, le public, l’avertissement de Healing Touch. Je ne prêtais même plus attention à la chaleur, à la douleur dans mes côtes ou au sang qui maculait son visage, mes doigts, le sol. Crac. Je ne voyais que l’éclat dans ses yeux.

"Rararasputin,Russiasgreatestlovmachine ♪"

Crac. Un éclat de colère. Crac. Un éclat de défi. Crac. Il résistait, il refusait d’abandonner, de reconnaître sa défaite. Crac. Il avait perdu pourtant, aucun doute possible. Son nez était en sang, ses lèvres étaient à moitié arrachées, plusieurs de ses dents avaient sauté. Mais il continuait de se défendre, d’essayer de se redresser, de se libérer, et surtout de me fixer. Plus je le provoquais pour qu’il utilise son alter et plus il s’y refusait. Crac. J’ai continué de frapper, continué de chanter, jusqu’à ce que l’éclat s’estompe. Ses yeux ont terni, son bras est retombé, son visage s’est affaissé.

The end.

Alors je me suis redressée, j’ai fait un pas ou deux en arrière, et j’ai éclaté d’un rire incontrôlable. Je n’ai pu me reprendre qu’en sentant le contact glacé de Healing Touch tandis que son alter guérissait mes blessures. La douleur, la fièvre, tout s’est noyé dans le froid et m’a laissée assez lucide pour comprendre ce que j’avais fait. Même pour moi, ce passage à tabac était un peu cru. Bien loin de l’image d’élégance que j’essaie d’entretenir. J’ai fait mine de me me reprendre avant de tourner le regard vers Hamlin, son corps inconscient et nu couvert de sang.

"I felt like destroying something beautiful."

Notre hôte répondit par un gloussement, seul signe de son humeur car il ne prononça pas un mot. Je n’avais de toute façon aucune envie de lui parler ou de m’attarder. Je voulais juste partir, penser à autre chose, et regarder le prochain combat. Juste avant de quitter l’arène, cependant, un petit mouvement attira mon regard sous les pieds d’un spectateur. Un rat solitaire, dressé sur ses pattes arrières, qui cherchait quelque chose. Un rapide coup de canne me permit de l’attraper avant de le fourrer dans ma sacoche.