Gangsta's Paradise [PV Alliance des Vilains]

Thready restait attentive aux paroles de la fabricante, scrutant dans le catalogue les objets qu’elle pouvait fournir. Il y avait de quoi se faire très plaisir, mais il fallait malheureusement se contenter de l’essentiel. Heureusement, l’essentiel de Yoko pouvait être un peu large quand ça l’arrangeait.
La présence de la fameuse canne parmi ces produits ici pouvait expliquer des choses… Qui sait ce qu’il se serait passe sans elle, cet autre jour. Mais il était certain que son efficacité avait été prouvée, elle se devait de le reconnaitre. En espérant que La Forge puisse lui procurer quelque chose du même niveau. Non, mieux encore.

Illuminación débarqua finalement, en se présentant avec son pseudonyme. Yoko fit semblant que c’était normal, afin d’éviter que ça paraisse suspect. Qu’est-ce qu’il ne fallait pas faire pour rattraper les bêtises de quelqu’un. Elle n’est même pas sûre que leur enceinte vivante s’en soit rendue compte.
La mexicaine présenta son alter, suivi de Naoya. Pas de nouveauté pour Thready évidemment, elle se contentait d’attendre la fin. Une fin qui la surprit puisque Fudo claqua tout ce qu’il avait pour proposer un remarquable jeu d’acteur. Très bien, la japonaise avait été mauvaise langue, elle l’admettait. Par contre, le bain de clope qu’ils offraient tous les deux était dispensable.
Bref, son alter…

Forcément, si elle voulait quelque chose, elle allait devoir passer son ADN. Un élément dont elle était bien consciente puisque sa tenue actuelle était prévue pour. Lorsqu’elle a été diplômée de Yuei, elle avait fait une commande officielle d’une nouvelle tenue héroïque, qu’elle avait reçue avant sa première mission. Bien sûr, puisqu’elle la portait durant ce jour fatidique, elle a été récupérée par les forces de l’ordre quand elle a été envoyée derrière les bureaux. Cependant, sa tenue d’étudiante reposait toujours chez elle, et peu après son évasion, elle ne se priva pas de partir la chercher en s’auto-cambriolant. Ou plutôt ses tenues étudiantes puisqu’en grandissant durant ces trois ans elle avait dû demander à la faire refaire. Mais c’était donc sa seule tenue utilisable. Sortir dehors avec une autre tenue impliquait potentiellement de se retrouver nue si un accrochage avait lieu.
Thready tendit son bras sur le côté, à l’horizontal. Celui-ci se divisa en une multitude de fils, incluant son gant et sa courte manche.

« Je peux séparer des parties de mon corps en une certaine quantité de filament, correspondant au volume des membres et des vêtements décomposés. Je sais me confectionner des vêtements classiques selon mon bon vouloir mais je n’ai pas le matériel pour que ce soit compatible avec mon alter. C’est ma première requête. »

Outre la potentielle volonté de simplement se tisser des vêtements traditionnels d’autre couleur, elle pourrait avoir le besoin de se fabriquer des vêtements plus classiques pour d’autres raisons. Et faire une commande individuelle de chaque vêtement n’était pas envisageable. De plus, même si ce n’est pas pour confectionner, des pelotes de laine qu’elle pourrait transporter partout avec elle lui permettront déjà de gagner en allonge. Plus elle y réfléchissait, plus elle se disait que ce serait quelque chose dont elle ne pourrait plus se passer sur le long terme. Son bras se reforma.

« Mon alter n’est pas forcément rapide pour attaquer, et implique que je m’expose. Je souhaiterais donc des projectiles. Des kunaïs. Si possible que d’une certaine façon ils frappent assez fort à l’impact, je cherche des dégâts très directs. Bien sûr je ne cherche pas à tout casser alors je préférerais choisir la puissance voulue sur le moment, d’une manière ou d’une autre. »

Merci Alucard de payer la facture.

« Ce sera tout pour moi », conclua-t-elle.

Dommage que pour cette grosse commande, il s’agisse de choses pour lesquelles il allait falloir potentiellement repasser en caisse lorsque ce sera consommé. Après cette liste au Père Noël, La Forge allait finir par croire que Giran ne leur fournissait rien du tout.

La porte s’ouvrit et une sorte de punk-à-chien néo-latino émergea. C’était assez clairement la propriétaire des lieux. L’endroit n’aurait jamais pu être aménagé par Alucard ou Thready. L’autre illuminé faisait comme chez lui, mais il semblait trop perdu pour exercer une quelconque influence sur ce taudis. La personne qui venait d’entrer ressemblait à une personnification du hangar dans lequel nous nous trouvions. Iluminación. Sale gosse, je peux déjà le pressentir. Ce n’est pas comme si les trois autres respiraient la bonté, mais il y avait une étincelle malveillante particulière dans l’attitude de celle-ci. Et ce n’était pas lié à un décalage culturel quelconque, disons juste que… J’aurais été capable de dîner en tête-à-tête avec l’un des autres hurluberlus (oui, même le junkie). Pas avec elle. Elle, elle me faisait l’effet d’un chien fou, et j’eus un sentiment d’insécurité total lorsqu’elle fit usage de son Alter sans cesser de me fixer et…

Tudieu. Mais c’est Luz Rosa, post-puberté ! Vraiment un nid à tarés, cette Alliance. Je suis presque étonnée qu’elle ne m’ait pas poignardée instantanément. Je suis tentée de lancer une fumigène et de me barrer et…

J’étais en train de prendre des notes. Sans m’en rendre compte, sans départir mon regard d’Iluminación, je m’étais emparée d’un de mes nombreux calepins et d’un crayon à papier et je griffonnais. Pouvoir écrire et dessiner sans trop regarder la feuille était l’un de mes nombreux talents bureaucratiques, le genre de truc qu’on apprend à faire naturellement au bout de la troisième année de licence. J’admirais le fonctionnement de cet Alter, bien que l’imagination de la latina me semblait assez peu développée pour ce qui était de l’utiliser, mais plus que tout, j’admirais ces tatouages. Je ne sais pas quel espèce de génie s’est trouvé l’encre et le matos génétique nécessaire pour une telle opération, mais ce qui est certain, c’est qu’il gâche son talent et ses ressources s’il se contente de tatouer les boss de cartels. Remarque, ça doit rapporter gros. Remarque², cette personne s’est peut-être prise une balle entre les deux yeux à l’instant même où son œuvre était accomplie.

Des gantelets, hein ? Je regardais mon carnet noirci. J’avais assez de place pour ajouter un croquis de ce genre. Je me lançais déjà dans les ébauches préparatoires quand...

"M'enfin ça, c'est ton domaine !"

"En effet."

Je répondis par automatisme complet, laissant tomber l’espace d’une phrase mon ton de commerciale. Je ne la regardais plus, à vrai dire, j’étais trop occupée à essayer de trier les idées qui se bousculaient dans ma tête. Mais les présentations des autres allaient arriver. Je notais à la hâte quelques mots-clés brefs sur la page avant de l’arracher de mon carnet et de la glisser contre une valise devant moi, de sorte à ce que je sois la seule à pouvoir la voir pour le moment. Je n’ai aucune forme de respect sacré pour les livres et les carnets. Un livre, c’est fait pour être utilisé, griffonné, découpé, utilisé, transporté. Je ne vais pas m’embêter à garder toutes les pages reliées ensemble si j’ai besoin qu’elles se trouvent ailleurs.

Au tour de l’illuminé figuratif après l’illuminée littérale. C’était… Quelque chose. Na, mon petit, il faut que tu écoutes plus violent si tu veux utiliser ton Alter d’une façon intelligente. Là c’est juste idiot. Remarque, ça me donne des idées assez simples et… Oh ! Oooooooooh ! D’accord.

L’ahuri de service était très très fort. Je remarquais toutefois la semelle de basket laissée derrière suite à sa démonstration. Contrairement à Thready, ses habits n’étaient pas faits pour ça, clairement. Mais quelle maîtrise ! Cela avait beau être risible à voir, pouvoir à la fois envoyer des impulsions minuscules qui n’endommageaient pas le briquet et juste après pouvoir lancer des ondes lui permettant de décoller avec précision (bien qu’il eut été amusant qu’il s’explose contre le plafond)… Il utilisait son pouvoir fréquemment et cela se ressentait.

Une fois encore, mon crayon avait bougé tout seul et la feuille vierge quelques instants auparavant était désormais remplie de crayonnés et notes. Un équipement qui lui résiste, déjà, j’y pensais déjà, quelque chose qui ne vole pas en éclat… Et qui ne le fait pas voler en éclat non plus, pour le coup je vais inclure une sécurité. Et des gants, une fois de plus. C’est moche de copier sur sa petite camarade, mais j’avais déjà des idées intéressantes pour lui. C’est à ce moment qu’il ouvrit sa bouche une fois de plus et...

"Yo Ilu' t'as des news de Rosa, flemme de venir encore?"

Ah, la douce sensation d’être prise pour une imbécile absolue. J’envoyais un coup d’œil en coin très bref à Alucard, plus par réflexe que par réelle envie de lui faire savoir le fond de ma pensée via un regard. Alucard, Rosa, et maintenant l’andouille… Bon sang, ils avaient un problème avec la cigarette. Mes poumons se remplissaient de fumée et… Mince, je m’en serais bien grillée une, là tout de suite. J’arrivais à esquiver les coins fumeurs toute l’année, la plupart du temps, mais là, c’était raté. Mais je me devais de tenir encore un peu. Ma clope annuelle arrivait dans moins d’un mois. Toujours était-il que, dans ma poche intérieure droite, mon paquet et mon briquet fétiche commençaient à peser lourd, d’un coup.

Enfin, c’était au tour de l’ex-pro. J’en attendais plus de sa part. Trois ans à Yuei, ce n’est pas rien, on y refait son costume et son équipement constamment, la petite Thready avait déjà eu à passer commande et prendre contact avec des gens comme moi. À nouveau, je déchirais la page concernant le défoncé et la posais à côté du feuillet précédent. J’avais déjà techniquement vu son Alter à l’œuvre et pu remarquer au passage qu’elle avait trouvé le moyen de s’équiper en habits compatibles avec sa faculté. Qu’allait-elle bien pouvoir vouloir de moi ? Je l’observais attentivement.

Bien plus concise que ses aînés, la petiote. Et son ambition était déjà bien plus particulière. Du matériau brut ? Je n’aimais pas vraiment ça… Mais bon, ce n’était pas comme si elle n’allait pas devoir faire appel à moi pour s’en procurer à nouveau. J’espérais juste qu’il ne s’agissait pas que de quoi se faire de simples vêtements. Un peu d’inventivité, que diable ! Un cordon brut qu’il serait possible de rendre encore plus long et fin… Mon crayon dansait sur la page.

Et ensuite, de quoi attaquer à distance. Des trois super-vilains, c’était elle qui avait le projet le plus concret. Rendre des kunaïs violents à l’impact ? Je peux faire ça, oui. J’ai même une super idée à ce niveau, qui permettrait de conserver l’esthétique de la petite kunoichi tout en répondant à sa commande.

J’arrachais la feuille de brouillon et l’envoyait rejoindre ses confrères avant d’ouvrir vivement une autre valise à ma droite et d’en sortir plusieurs feuilles de papier à dessin, un support en bois lisse, un mètre ruban de couture et un crayon plus adapté avant de la refermer aussi sec. Je retirais mes gants afin de m’accorder plus de précision et de confort.

"Je vais partir du principe que vous n’avez pas de difficultés financières."

Évidence absolue en terme de marketing, bien sûr. Quand on demande du luxe, c’est qu’on est prêts à payer pour le luxe. Et le luxe, c’est moi. Je me redressais, support, feuille et crayon en main, avant de me diriger nonchalamment vers Rosa tout en dessinant sur ma feuille. Le support était doté de quatre petits bras mécaniques auxquels étaient fixés respectivement une règle, un rapporteur, une équerre et un compas. Petit bidouillage personnel, je pouvais tendre les bras pour poser les outils sur le papier avec une stabilité assurée ou bien carrément les retirer afin de les balader d’une façon plus commode.

"Je vais vous présenter plusieurs concepts. Les projets que vous m’avez directement confiés, bien sûr, mais aussi des idées qui me sont venues en vous observant. Je m’inspire de ce que je vois sur vous et de ce que j’ai vu de vos Alters pour la facette esthétique, mais je peux bien évidemment faire ce qu’il vous chante à ce niveau, en terme de couleurs, de décorations, parfois même de forme globale. Lorsque vous êtes satisfaits du prototype, on prend les mesures et c’est parti."

Je me séparais de la feuille sur laquelle je travaillais avant de la tendre à la latina, sourire aux lèvres.

"Iluminación, tout d’abord. Tes gants, bien sûr..."

Je m’étais remise à dessiner, me préparant au prochain client. Luz Rosa pouvait voir, sur la feuille que je lui avait tendue, le dessin d’un gant, sur le dos duquel se trouvait un motif de main squelettique, semblable à ses tatouages. Une flèche pointée sur les motifs en question indiquait "brillent quand chargés".

"Capables eux-mêmes d’emmagasiner de la lumière au préalable, grâce à des batteries rechargeables… Ou bien même en plein combat, si on y ajoute des fibres compatibles avec ton Alter, moyennant finances. En somme, des grosses piles, avec une consommation permanente, certes, mais plus faible que celle de ton corps. Tu pourrais puiser dedans, les alimenter pour te fournir plus de matière à manipuler..."

Je levais le crayon de ma feuille pour le pointer sur le croquis juste à côté. Si le premier dessin représentait le dos du gant, l’autre représentait la paume. Paume sur laquelle on voyait, vers le bas, un petit boîtier discret, là où les batteries seraient stockées, fourni avec une prise USB-F pour un chargement optimal. Mais on voyait surtout une ouverture circulaire dans le tissu, permettant d’exposer les paumes de la porteuse.

"Et bien sûr, une ouverture pour laisser passer tes créations. Pour économiser la batterie ou pour les opérations discrètes, je mettrai un interrupteur sur la batterie pour éteindre ou allumer le dos. Je peux aussi rajouter des emplacements pour stocker et diffuser la lumière sur la zone de la paume, on gonflerait un peu le prix mais ça te permettrait d’en stocker plus. Et c’est joli. D’ailleurs tant qu’on parle de joli, je ne sais pas si tu peux contrôler la couleur de la lumière une fois manipulée, mais en tout cas je peux mettre ça dans la couleur de ton choix, et même ajouter une fonction RGB si tu veux varier les plaisirs, je te le fais pour un prix minime ça."

Le genre de futilités marrantes qui plaît aux gosses dans son genre.

"Tu m’as parlé de lames, non ? J’ai eu une idée justement."

Sous le croquis du gant se trouvait un dessin représentant une sorte de manche au bout duquel se trouvait une barre d’acier, légèrement excentrée par rapport au bout du manche, barre d’acier qui se repliait sur elle-même à la fin. Juste à côté se trouvait le même dessin, sauf que dans l’espace vide se trouvant entre le repli de la barre de fer et le centre du manche se trouvait un rayon d’énergie.

Ce genre de machin:

"De quoi réduire ta consommation d’énergie tout en te fournissant une meilleure prise sur tes armes. En gros, dans le manche se trouvent des matériaux qui laissent conduire ton Alter. Aux extrémités de l’embout également. Tu balances de la lumière dedans et ça prendra la forme d’un rayon de lumière. L’énergie qui arrive au bout de la lame est reconvertie le mieux possible pour revenir dans le manche. Je n’ai pas indiqué de longueur, ça peut être une lame longue comme courte, je peux même t’en faire avec des formes plus marrantes comme des crochets ou même des haches. Ah et bien sûr, le tout est télescopique, donc quand c’est rangé ça ne devrait pas te gêner dans tes mouvements. Pour les gants, je te fais la paire pour 100 000 yen, 115 000 si on ajoute la compatibilité à l’Alter afin de les recharger par toi-même. Pour les lames, le prix varie selon la forme, mais on reste aux alentours de 120 000."

Se trouvaient sur la feuille des exemples de modèles variés partant du même principe que ce sabre d’énergie, avec les variations de prix indiquées juste à côté. Tout en bas, j’avais également dessiné des idées plus anecdotiques : des petites pointes de lumière sortant de son haut ou de ses chaussures, une capsule brillante à cacher dans ses dents pour ne jamais être désarmée… Le genre de petits concepts qui se suffisaient à eux-mêmes et que je n’allais pas prendre la peine de présenter en détails. Je tendis une feuille remplie à l’ahuri et me remit à dessiner sur la feuille suivante, assise sur la table comme si les lieux m’appartenaient. Je ne m’étais pas départie de mon sourire habituel, mais mon ton de commerciale s’était fait un peu plus passionné alors que j’expliquais mes idées à Iluminación. J’avais du mal à m’en empêcher.

"À ton tour mon mignon."

Les demandes de Na- étaient encore plus vagues que celles de Rosa, un exploit s’il en est. Mais fort heureusement, j’étais absolument géniale.

"Ton Alter est impressionnant, l’idée globale c’est de t’équiper de sorte à ce que tu fasses plus mal aux autres… Sans te faire du mal à toi."

Des mots simples, Nastia, des mots simples. Il pouvait voir dessiné un modèle de sneakers à l’esthétique inspirée du dernier street wear à la mode, si l’on omettait la semelle extérieure, qui semblait renforcée. Un croquis juste à côté représentait la semelle seule, vue d’en haut et d’en bas, dotée d’une sorte de bouton et de points coulissants ainsi que la semelle intérieure, matelassée mais dotée de quelques petits trous.

"Tu ne me sembles pas fait pour porter des costumes voyants, mais peut-être que je me trompe, n’hésite pas à me corriger sur l’esthétique, à part la semelle je peux tout changer ! Je me suis inspirée de ce que tu portes, tout simplement. En fait c’est simple, dans l’idée tu aurais un petit bouton sur le talon, avec une sécurité à activer afin de ne pas appuyer dessus en combat. Quand tu appuies dessus, les petites ouvertures dans la semelle s’ouvrent et peuvent laisser passer les ondes de choc. La chaussure sera renforcée de sorte à ce que la semelle ne s’arrache pas, au-delà de ça. La semelle intérieure sera conçue à partir de ton ADN afin de laisser passer ton Alter, comme si c’était simplement une extension de ta peau. J’y ai quand même laissé des ouvertures afin de minimiser le prix tout en permettant aux ondes de passer. Et ne t’inquiète pas, ça sera aussi confortable que des vraies. En revanche, tu risques d’être un peu plus surélevé que d’habitude, tu vas gagner 1 ou 2 centimètres."

Sur le reste de la feuille se trouvaient des illustrations représentant un corps humain sur lequel étaient placés sur des points stratégiques des sortes de petits disques plats, fixés à sa peau comme des électrodes. Des capteurs.

"Avant de passer à ton augmentation d’attaque, j’aimerais faire une proposition, que tu es libre d’ignorer : la sécurité. Tu risques d’encaisser tes propres ondes si tu utilises ton Alter alors que ta main se fait tordre ou que ton corps n’est pas dans une bonne position, par exemple. Avec ces capteurs placés sur ton corps, en gros un signal électrique s’activera si jamais tes mains ou tes pieds leurs font directement face. Et à partir de là, tu auras un blocage de ton Alter le temps d’une demi-seconde. Si tu retentes d’utiliser ton Alter, tu passeras outre, mais ça te permet d’éviter de te prendre une de tes propres attaques par erreur."

Pourquoi je m’inquiète autant pour sa sécurité ? Parce qu’il a l’air d’un taré et que c’est un client. Voilà tout.

"Bien sûr, tu es libre d’ignorer cette commande, mais je serais plus sereine vu ce qui va venir après."

Je levais la tête de mes croquis quelques instants le temps de pointer sur la feuille le dessin représentant non pas un gant mais une sorte de petit canon d’à peine 3cm de diamètre et 1cm de haut, serré autour d’une main par le biais d’une sorte d’épais élastique noir.

"C’est élastique, tu le mets sur ta paume, la bande noire laisse passer ton Alter, une fois de plus. L’espèce de petit canon est conçu de sorte à faire se réverbérer l’onde au moment où elle quitte ta paume. Il n’y en a qu’un seul, vu que les ondes sortent des pores de ta peau il serait bien trop lourd si j’en rajoutais, j’ai choisi la précision. Tu lanceras une onde normale, mais au cœur de cette dernière, le choc sera bien plus violent. En bonus..."

Se trouvaient d’autres exemples de petits canons, en forme de pyramides ou de pyramides inversée ceux-ci.

"Je peux te fournir des embouts interchangeables qui te permettraient, selon qu’ils soient concaves ou convexes, de lancer des ondes plus fortes et plus précises… Ou bien un peu moins fortes mais sur un plus large rayon. Mais quoi qu’il en soit, ce sera bien plus puissant qu’actuellement, d’où ma précision sur la sécurité. J’ai conçu le tout de sorte à ce que soit facile à enlever, pour que tu puisses les mettre et les retirer selon ce que demande la situation. Et enfin..."

Le dernier croquis montrait une tête, celle de Na-, recouverte par un étrange masque ne recouvrant que le bas du visage et une partie des joues avant de remonter jusqu’aux oreilles, les recouvrant telles un casque sonore. Le tout avait un look vaguement grunge, intimidant.

"Lui tu n’en as pas parlé mais ça m’est venu quand tu as expliqué ton Alter. L’esthétique peut être altérée, mais en somme, c’est un casque doté de capteurs amplificateurs de son, ce qui te permettrait de capter les sons alentours avec une précision accrue. Paramétrable, bien sûr, de sorte à ce que tu puisses discuter avec tes alliés sans les entendre d’une façon exacerbée et que, si nécessaire, tu puisses écouter ce qui se passe dans la rue d’à-côté. C’est également compatible bluetooth donc tu peux y relier ton lecteur de musique, et je peux même ajouter des commandes vocales, de sorte à ce que tu puisses l’utiliser en laissant tes mains libres avec des commandes du style « joue de la musique forte », « coupe le son », etc. Je peux aussi y joindre un amplificateur de voix, mais je ne sais pas si tu peux absorber les sons que tu émets toi-même, donc à part pour communiquer à distance… En fait je peux y joindre plein de chose, donc n’hésite pas."

J’en étais plutôt fière de cette idée, et je le laissais transparaître, je sautillais presque. Restait le prix.


"70 400 yen pour les chaussures. 50 500 pour les deux augmentations fixées à tes mains, 10 000 yen en plus si tu veux que j’ajoute les embouts variés et encore 11 000 pour les implants de sécurité. 150 000 pour le casque, avec quelques variations selon ce que tu veux que je rajoute ou retire."

J’espérais que l’abondance de chiffres ne soit pas trop grande pour son petit esprit. J’espérais surtout qu’il allait tout prendre. Non pas que j’aie tant besoin d’argent, mais plus ce type faisait des dégâts, plus cela m’arrangeait. Son Alter avait un potentiel destructeur supérieur à celui de la latina. Non pas qu’il soit plus meurtrier, mais il était plus spectaculaire. Un immeuble, même vide, qui s’effondre d’un coup d’Alter inquiète plus la population que deux-trois homicides commis avec une lame de lumière.

"Et pour finir, mademoiselle Thready."

Je lui tendis la feuille et posais mon support désormais inutile sur la table, ne conservant en main que mon crayon. Doucement, je me glissais derrière elle, penchée sur son épaule comme un diablotin malicieux.

"Permets que tâte ta tenue pendant que tu jettes un œil."

Je m’accordais la permission moi-même, passant mes doigts sur les différents tissus, les enroulant autour de la cordelette qui serrait sa taille et touchant même son élastique à cheveux. Il s’agissait de savoir ce que je devais lui fournir exactement. Sans cesser de toucher, je commentais ce qu’elle avait sous les yeux. Avis aux vicieux : il n’y avait rien d’érotique dans mes geste, je n’ai pas le temps ni l’envie pour ces choses-là. Mon attitude était, et est toujours, scientifique et pratique avant tout. L’amour ? Pourquoi pas. Le contact charnel ? Pour quoi faire.

"Tes kunaïs, je ne vais pas les charger d’explosifs. Ce n’est pas ton style. Et ça gonflerait considérablement le prix, ce dont ni toi ni moi n’avons envie. Mon prototype allie l’usage de ton Alter avec le principe tout bête de l’élastique qu’on catapulte avec ses doigts."

La première illustration montrait un kunaï tout ce qu’il y a de plus basique en apparence, dont l’anneau était orné d’une bandelette. Les bandes de la poignée et la bandelette étaient reliées par une flèche, dont la légende indiquait "Même matière".

"Déjà, les bandelettes seront compatibles avec ton Alter, ça me paraît être la moindre des choses. Tu pourras les récupérer plus facilement, attaquer en traître, et toutes sortes d’autres joyeusetés, je te fais confiance pour trouver toutes sortes de moyens tordus d’utiliser ça. Mais il y a deux utilités cachées à ces bandes."

Je pointais du doigt le schéma juste à côté de celui de la lame. Il représentait la même arme, mais comme scindée en trois parties dans la hauteur au niveau de la lame, tandis que le manche était entier.

"Lorsque tu retires les bandelettes du manche, tu peux diviser la lame en trois et la séparer du manche afin de la passer dans les espaces étroits. Ainsi, tu as moins de chances de devoir abandonner ton arme derrière toi lorsque tu passes à travers un grillage, par exemple."

Des métaux compatibles avec l’activation d’Alter ? Oui, ça existe. Mais ce n’est pas juste réservé aux pros, c’est réservé à l’élite absolue des professionnels. Si vous vous demandez pourquoi les protections en métal de ce cher Endeavor ne fondent pas, c’est grâce à ça. Bien sûr, j’ambitionne un jour de mettre la main sur l’équipement et le savoir nécessaire pour répliquer ce processus. En attendant…

"Et tu vois, juste ici, c’est la deuxième surprise, celle qui va donner du punch à tes lancers."

Je pointais du doigt le manche du kunaï tel que représenté sur le deuxième schéma, dépourvu donc de la bandelette. On pouvait y voir un compartiment contenant un ressort, fermement replié sur lui-même et retenu par ce qui semblait être un épais bloc de tissu.

"Le manche est creux et dispose d’une petite ouverture. Dans le creux se trouve un ressort, comme tu peux le voir. Le tissu qui le retient est lui aussi compatible avec ton Alter. En gros, tu actives ton Alter sur la bandelette du manche, puis sur le tissu à l’intérieur… Le ressort se relâche d’un coup et… Spouing !"

Je mimais la délicieuse mécanique de la chose avec entrain et conviction.

"Crois-moi, vu comment le ressort sera serré, ça va partir bien plus violemment qu’avec un coup de poignet, aussi bon soit-il. Bon, il va te falloir t’entraîner un peu, histoire de pouvoir viser correctement… Et ne pas t’arracher des doigts au passage. Oh, et bien sûr, ils auront besoin d’être remontés après utilisation, je te fournirais le nécessaire pour ça, c’est un peu fastidieux, mais nécessaire."

La feuille de miss Thready était moins noircie que les deux autres. Non pas que j’avais moins d’idées, c’était juste que la demoiselle était fort expéditive, qu’elle demandait des matériaux bruts pour faire ses propres réalisations et… C’est un mauvais réflexe de ma part. Vous voyez, dans le milieu, plus particulièrement en France, c’est un peu mal vu de proposer plus que ce que le client demande. Du coup, pour les deux autres, je n’avais aucun souci à mettre en avant tout ce qui me passait par la tête, mais avec elle, j’avais ce sentiment étrange de revivre ces stages où je devais répondre à la commande d’un pro et m’y tenir. Comme quoi, du haut de ses… 20 ? 19 ? Je ne sais plus de quand date son affaire. Enfin bref, du haut de son jeune âge, elle en imposait plus que les deux autres. Ou alors j’avais juste encore, au fond de moi, un tout petit faible pour les héros, mais ça je refuse de l’admettre et c’est idiot, donc flûte.

"Les matériaux bruts, je te les file pour 50 000 yen le m², on ne va pas trop complexifier la transaction, tu me précises juste au sein de tes m² la portion de cordelette, tissu de kimono et soie que tu désires. Ensuite, les kunaïs… Ce sera 90 000 les deux, avec le matériel pour les remonter en prime. Bien sûr, derrière, et c’est valable pour tout mes produits la réparation est à moins cher si vous demandez la réparation d’un produit venant de chez moi."

J’avais fini. Bon sang, ce fut long. Je repris ma position, assise dans le canapé, au milieu des valises, enfilait mes gants à nouveau (je me sens mieux avec mon costume intégral lorsque je suis entourée) et sortit d’une poche intérieure de ma veste une calculatrice.

"J’ai des formules bien sûr. Soit vous payez séparément, auquel cas vous avez -15 % sur la deuxième commande et des faux papiers gratuits si vous prenez trois commandes. Si vous faites une commande groupée, vous pouvez bénéficier du tarif de masse à partir de 6 commandes, et vous avez -30 % sur la totalité du prix et un set de faux papiers chacun si ça vous intéresse."

Stratégie commerciale, le tarif de masse était le tarif préférentiel et de loin. Le tarif de masse commençait à 6 commandes. On récapitule ce qu’ils m’ont demandé : des gants, des baskets, à nouveau des gants, des matériaux bruts et des kunaïs. Donc, cinq produits. Bref, pour profiter d’une vraie offre sympa, il leur fallait prendre un produit de plus par rapport à leurs attentes. Donc, me faire confiance en terme de créativité et de potentiel. Sourire bienveillant et mielleux aux lèvres, je fournis le coup de grâce.

"Je suis bien évidemment ouverte à toutes corrections, ajouts… Et retraits. En revanche, je ne suis pas ouverte aux négociations sur le prix."

La négoce, c’était réservé aux balourds dingues comme Cool Gorilla. Eux, qui étaient juste dingues, ils pouvaient toujours aller se brosser. De toute façon, leur charmant tonton en costard aurait probablement repris la marmaille sur leurs manières si jamais ils avaient tenté de contester mes tarifs.

Alucard avait mal jugé la Forge.

Cette femme brûlait sous les flammes du travail bien fait, le profit pour le profit ne l'intéressait pas. C'était une créative, pas une manipulatrice, et cet état de fait expliquait nombre de bizarreries dans son comportement. Il suffisait de voir le vent qu'elle venait de coller à Rosa pour comprendre qu'elle n'était pas très brillante lorsqu'il s'agissait de lire les gens, et cela risquait de lui revenir dans le visage un de ces jours. Le Vampire restait cependant agréablement surpris par leur nouveau partenaire. Elle était manipulable, mais il allait peut être falloir la chaperonner de loin. Son comportement n'était pas prudent. La jeunesse pouvait être un avantage sur le marché noir, mais pour le moment la Forge risquait surtout de se faire abattre par un flic, un vilain ou un concurrent jaloux. Les fabricants d'armes utilisaient des vendeurs comme proxy pour une raison ! Si elle mourrait, bye bye l'équipement de qualité militaire... Si la jeune femme incarnait vraiment le génie que Giran décrivait dans son rapport son soutien logistique allait s’avérer indispensable.

La Ligue ne pouvait pas mettre le gouvernement Japonais au sol sans une gigantesque puissance de feu. Protéger la Forge amènerait à protéger cette dernière, quoi que la jeune inventeuse puisse bien en penser.

"Si notre organisation achètes tout ce que vous lui proposez cela nous amène vers un total de 691 000 yens. Si nous prenons en compte les 30% de promotion, cela nous amène vers un autre total de 483 700 yens. Oui les faux papiers nous intéresse, et j'aimerais avoir une petite discussion avec vous en privé à la fin des négociations vis à vis de ces articles."

Alucard avait des idées, mais il ne faisait pas assez confiance à ses camarades pour en discuter ouvertement. Rosa en particulier était une véritable chienne enragée. La moindre information pouvait lui donner l'avantage lors pour sa prochaine tentative de "coup d'état", et la créature d'All For One savait pertinemment ce qu'il se passerait si il tombait sous les coups de la mexicaine : Shigaraki la tuerait pour ne plus avoir à supporter son manque de contrôle, et la Ligue perdrait un avantage tactique non négligeable. En clair, Illuminacion passait son temps à risquer de devenir un gâchis humain...

Heureusement que Thready et Black Mist existaient pour garder un œil sur les membres les plus malades du groupe.

"C'est la fin de mon petit point information, vous pouvez reprendre tranquillement. Naoya, fait attention avec tes cendres."

Attendant son tour, Yoko écoutait avec intérêt les propositions que faisait l’ingénieure à ses équipiers. Elle ne manquait pas d’idée, c’était intriguant de voir ce qu’elle pouvait proposer pour chacun, en fonction des informations et vagues souhaits qu’ils ont formulé. Ça l’amusait à quel point le style d’Illuminación a été si facilement cerné. Puis La Forge lui tendit finalement son papier, avant d’examiner manuellement sa tenue actuelle. Dans le contexte, ça ne gênait absolument pas Thready, la laissant faire en demeurant imperturbable.

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« Maman, maman ! Plus tard je veux être ninjaaaaaa ! »

La petite Yoko, 8 ans, se présentait énergétique devant sa mère, un sac en plastique noué autour de sa tête.

« Haha, une ninja ? Tu changes toujours de rêve Yoko-chan. Tu ne veux plus devenir héroïne ?
- Non, un ninja c’est plus classe ! Et ça va super bien avec mon alter ! Je peux m’infiltrer partout et personne ne me verra ! »

Elle courait en cercle dans le salon, les bras à l’horizontale.

« Et où est-ce que tu as vu ça ?
- Un dessin animé à la télé !
- Mais les ninjas ça n’existe plus ma chérie. »

Elle s’arrêta et se tourna vers sa mère, presque choquée par cette révélation. Un flottement de quelques secondes eut lieu, avant qu’elle ne déclare :

« Alors je serai héros ninja, et je serai la seule ! »

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« Comment ça mes kunaïs ont été refuses, sensei ?
- Les kunaïs ont été évalués comme non nécessaires. Tu es étudiante ici et tu dois apprendre à utiliser ton alter. Les kunaïs n’ont pas été jugés comme suffisamment en lien avec celui-ci pour te les autoriser. Ce sont des objets tranchants et dangereux, et comme toute autre arme blanche ils ne peuvent pas être autorisés s’ils sont dispensables. C’est la loi, je ne peux pas faire grand-chose de plus, et eux non plus d’ailleurs » expliqua Shota Aizawa à l’étudiante de première année.

Voilà qui l’attristait. Mais en repensant aux héros qu’elle connaissait, aucun n’utilisait d’arme blanche. Ça pourrait pourtant être utile pour tout le monde, mais on pourrait imaginer un certain chaos si chacun avait quelque chose de ce type. Un policier peut déjà difficilement utiliser le pistolet à sa ceinture. Les héros, eux, avaient leurs alters, et devaient apprendre à faire avec cela, ce qui était déjà beaucoup de travail.

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Heureusement, Thready n’était pas une héroïne. C’était une kunoichi. La règle ne s’appliquait pas à elle, et si elle voulait des kunaïs, personne ne lui dirait non à présent. Se repassant ces quelques moments de son passé, elle se demandait pourquoi elle était encore tant attachée à cette idée. La vision du ninja qu’elle avait à l’époque était celle d’un homme libre, un homme qui agissait dans l’ombre, en faisant ce qu'il désirait. Et aujourd’hui, c’était peut-être ce qu’elle désirait, la liberté.

Pour parler du gadget en lui-même, là encore madame avait pensé à tout. Adapté pour être utilisable avec les contraintes de l’alter, mais avec des forces faites à partir de l’alter également ! La description qu’elle fait de cela la botte bien. Il y aura un autre problème à régler qui est l’entraînement. Et quand La Forge en parlait, elle ne pensait pas si bien dire. On dira qu’elle était assez douée au lancer de fléchettes, c’était sûrement déjà ça…

« Je prends tout évidemment, on discutera des détails pour les matériaux plus tard. Je commencerais avec 10m², si c'est envisageable », fit-elle en dérivant les yeux vers tonton, consciente que là il s'agissait peut-être d'une somme trop élevée.

Et pour les formules, c’était aussi à lui de s’en occuper.

J’étais absolument incapable de clairement discerner les relations entre les membres de l’Alliance. Ils semblaient beaucoup s’apprécier, mais aussi vaguement se mépriser entre eux ? Rosa lançait des regards enjoués à Thready, meurtriers à Na et provocateurs à Alucard, ce dernier regardait tout le monde comme s’il s’agissait d’un groupe de maternelles, Na ne me quittait pas vraiment des yeux et Thready conservait un regard d’une neutralité effrayante. C’était à la fois d’une dissonance et d’un déséquilibre absolu… Et en même temps, une harmonie étrange existait entre ces rebuts de la société, réunis dans un garage pour acheter des engins de mort.

À vous mettre des frissons.

Rosa aimait mes idées. Encore heureux. Je notais mentalement les corrections qu’elle voulait avant de me rapprocher d’elle d’un coup et d’enrouler mon mètre ruban autour de sa main. Je notais les mesures dans ma tête avant de les reporter sur la feuille que je lui repris des mains.

"C’est noté, je t’en ferai. Rechargeables à l’énergie solaire, je t’en fais une dizaine pour 55 000 yen. En cadeau je vais t’en fournir une toute petite à usage unique à planquer dans une dent creuse ou au fond de ton palais, histoire de te faire un surin de secours ou une clé si t’es privée du reste."

Je ne suis pas du genre à faire des cadeaux de ce style, mais le fait est que c’est une gosse, facilement excitable, et que j’avais envie d’être dans ses bonnes grâces.

D’un pas ample et gracieux, je me retrouvais à côté de l’ahuri, ravi comme tout, et lui adressait mon plus beau sourire avant d’enrouler mon mètre autour de son visage, puis de son torse avant de finir par ses pieds.

"Un tel enthousiasme fait plaisir à voir. Ne t’inquiète pas mon chou, votre ami vampire n’a pas de soucis avec les fonds, tu auras tout ce que tu demandes."

Un client facile, lui. Si seulement il était indépendant financièrement, je suis sûre que je pourrais lui refourguer un bazooka.

Et enfin, la petite Thready. 10m² de tissus, c’était tout à fait envisageable. J’aime bien être vectrice de créativité, bien que cela puisse potentiellement nuire à mon commerce sur le très long terme. Enfin, je n’allais pas discuter, le client est roi.

"Bien sûr ma jolie, mon numéro de téléphone est sur ma carte, tu me contacteras le plus tôt possible et on parlera couture."

Je m’emparais de la calculatrice avant de refaire mes calculs. On retire les lames, on ajoute les capsules, on multiplie le prix des tissus, on retire 30 %… Bien. À nouveau, je plongeais dans une valise, y rangeais ma calculette, mes crayons et mes papiers, avant d’en sortir une pince à épiler, une paire de ciseaux, une fiole remplie d’un liquide transparent et 3 boîtes de Petri, que je posais sur la table. J’ouvrais les boîtes avant de déposer au fond, délicatement, un peu de liquide.

"Je vais vous demander un peu de vos cheveux à tous les trois. Coupez ça comme vous voulez, il me faut au moins 5 cheveux assez longs. Sinon, mettez-y une bonne mèche, en faisant attention à ce que ça ne soit pas trop gros pour la boîte. Quand vous avez pris le nécessaire, vous déposez avec la pince au fond de la boîte délicatement, le plus possible sur le liquide, merci."

J’espérais ne pas trop surestimer leur intelligence avec cette tâche. D’autant plus que ça n’allait pas être la seule chose que j’allais leur demander. Je me dirigeais vers une autre valise et en sortais un appareil photo, un trépied, une bâche blanche pliable d’environ 50cm sur 50cm dotée de supports adhésifs à l’arrière et une lampe sans fil. Je tournais la tête vers la petite ninja.

"J’aimerais te confier une mission, ensuite. Tu pourrais installer tout ça et tirer le portrait de tout le monde avec cet appareil ? C'est pour vos faux papiers. La bâche, vous la mettez derrière votre bobine, collée à un mur, et vous installez la lampe de sorte à ce que ça soit pas trop ignoble. Je pourrais faire des corrections précises pour l’éclairage plus tard, n'hésite pas à prendre plusieurs clichés. Oh et..."

Du bout du doigt, je désignais son obi.

"Si tu pouvais mettre un haut un peu plus classique, et peut-être détacher tes cheveux, ça serait parfait. Miss Lumière, même chose, si tu as moyen d’éteindre ces magnifiques tatouages et d'aplatir ta crête sur le côté le temps qu’on prenne ta photo, ce serait fantastique."

Tout était bon. Je lançais un dernier regard intense à la petite Thready. Le genre de regard qui voulait dire "Ma jolie, je compte sur toi pour qu’ils mettent la bonne quantité de cheveux dans cette boîte en plastique et qu’ils ne bougent pas pendant la photo, je t’en supplie." Puis, après avoir envoyé ce signal désespéré, je me redressais et me dirigeais vers Alucard, m’adressant une dernière fois aux « gosses ».

"Je vais discuter un peu avec le patron en privé, je compte sur vous pour être sages. Ne touchez pas à mes affaires, merci bien. "

Enfin, arrivée au niveau du vampire, je m’adressais à lui sur un ton plus sérieux.

"On va dehors ?"

Je ne voulais pas être entendue du trio, et je ne voulais pas les entendre non plus. Je faisais confiance à Thready pour ce qui était de garder un œil sur les deux excités. De toute façon, sans mes gants, il était impossible d’ouvrir mes valises. Et l'appareil photo était vide de données, bien évidemment.

Alucard se contenta d'accepter de la tête et de se diriger vers la porte. La Forge était vraiment une imprimante 3D sur patte. Il ne lui avait fallut que quelques secondes de discussions pour se faire une idée de ce que chacun de ses camarade voulait, comment le lui donner, comment le lui vendre. Peut être s'était elle renseigné à l'avance, mais le commentaire sur Giran avait détourné l'esprit du Vampire de cette option. Dans les deux cas s'était impressionnant, et cette incroyable capacité était autant une bénédiction qu'une malédiction. La Ligue n'était pas la seule organisation qui allait se retrouver en possession d'un matériel militaire. Dans les mains d'un criminel comme Cool Gorilla c'était du tout bon, dans celle d'une Lady Moriarty ou d'un Ludwig Snicket ça pouvait très rapidement devenir un problème.

Il allait falloir coller les fesses de la petite vendeuse, histoire de savoir qui elle avantageait et comment.

Le dehors n'avait pas beaucoup changé. Pas de pluie, fort heureusement, mais une ambiance ghetto-poubelle bien connue qui ravissait petit criminels et grands méchants loups. Le bourreau de la Ligue se retint de s'adosser au mur cette fois : il n'avait pas envie de salir ses vêtements.  

"J'ai torturé un petit ingénieur de Yuei il y a quelque temps. Il jouait au vigilant dans les rues de la capitale et, pour ce faire, il avait construit ceci."

Alucard sorti le stylo avec un petit mouvement de main, le laissa tourner quelques fois dans les airs, avant de le rattraper et de l'allumer en un bref mouvement. Il positionna ses doigts précautionneusement sur l'objet et le tendit à l'ingénieure illégale avec une précaution visible. Il ne connaissait rien de ses capacités offensives réelles, si elle était capable de se battre avec un pistolet, un couteau, un alter ou des dents, mais il préférait être prudent. Dans le doute, il assumait qu'une plaie un peu trop sérieuse la tuerait sur le champs.

Lorsqu'on était un mutant aussi développé que le bourreau on savait, bien souvent depuis l'enfance, que les autres étaient généralement des créatures terriblement fragiles.  

"Je dois vous avouer que j'adore le principe. Je suis bien trop âgé pour apprendre rapidement à utiliser un équipement complexe mais je sais comment bien user d'une lame courte. J'aime particulièrement le fait que ce stylo permette une précision chirurgicale. Problème : cet objet à été construit comme un outil discret, pas comme une véritable arme de contact."

Demander des équipements n'était pas dans les habitudes du bourreau mais il allait bien falloir s'adapter aux nouvelles normes. Viendrait un moment pas si lointain ou Rosa allait tenter de prendre sa "revanche", et il allait devoir s'y préparer. La jeune mexicaine n'était pas la plus machiavélique de tout ses camarades mais elle avait de la ressource. De plus, elle était tout à fait capable de tenter de lui mettre un coup de poignard de dos (ou bien de mourir en essayant) et, lorsque ce genre de relation commençaient à se construire dans un groupe de criminel, il fallait mieux surveiller ses arrières.

Le plus hilarant dans cette affaire c'était que le Vampire ne voulait pas nécessairement rester "une tête" de la Ligue. Si Yoko le défiait pour le "poste" dans quelque mois et qu'il perdait la lutte d'influence ce ne serait pas si dramatique : elle était jeune, talentueuse, et surtout elle avait la tête sur les épaules. Rosa, de l'autre coté, était sans doute la pire personne au monde à mettre dans une position de pouvoir. Elle était bonne combattante, mais à part dans la maitrise de son Alter elle ne brillait pas vraiment : lorsqu'il s’agissait de réfléchir Velasquez se contentait d'exploser. Les autres "commandants" de la Ligue, de Venom Strike à Shigaraki, n'étaient pas les gens les plus patient vis à vis des explosions.

Tout ça pour dire que, en ce qui concernait Rosa, Alucard avait l'intention de jouer quelques coups bas.

"Si vous pensez avoir un autre équipement qui me conviendrait parfaitement vous devriez m'en parler maintenant. Mieux vaut ne pas passer notre temps à s'esquiver en douce."

Si Thready se sentait seule parfois dans ce groupe, ce n’était pas simplement à cause de son passé héroïque. C’était aussi car il y avait ces moments où elle semblait être la seule à savoir connecter deux neurones entre eux. Lourde tâche qu’était celle de veiller sur les petits de l’Alliance.

Elle installait d’abord le matos confié par La Forge pour s’occuper des photos. Plaçant d’abord la bâche, elle posa ensuite le trépied et l’appareil photo en fonction. Pour la lampe, il fallait attendre l’un des deux zigotos pour voir comment cela rendait. Elle les entendait et savait déjà qu’elle devra vérifier ce qu’ils ont mis dans la boîte de pétri, à en écouter ce que disait Illuminación à son partenaire. Ignorant cela pour le moment, elle prit un vêtement beaucoup plus sobre et terne qu’elle enfila par-dessus sa tenue traditionnelle. De sa main gauche, elle retira son élastique avant de secouer la tête pour disperser plus équitablement la masse touffue autour de son crâne, plaçant ensuite le tissu autour de son poignet.

Bon, ça c’était prêt. Maintenant, voyons le travail des autres… Elle s’approcha à nouveau de la table où étaient disposés les boîtes de pétri. Est-ce qu’il a vraiment honnêtement placé tout ça dans sa boîte sans s’en rendre compte ? Ou bien pensait-il qu’on ne le verrait pas malgré le couvercle est transparent ? (S’en était-il seulement rendu compte ?) Elle ignorait comment elle faisait pour encore être prise de court par cet individu. Elle le fixait du coin de son œil froid.

« Naoya tu vas me faire le plaisir d’enlever ces cheveux en trop », lui fit-elle de sa voix tout aussi froide. *Sinon je te les fais manger*, pensa-t-elle suffisamment fort pour que cela puisse se lire dans son regard.

Elle avait espéré que les consignes soient suffisamment claires pour qu’il n’y ait pas ce genre d’erreur, mais visiblement cela restait compliqué. Elle pourrait être pédagogue et lui expliquer pourquoi la dite consigne était aussi précise, mais tout ce qui lui avait été demandé était de l’appliquer, il n’avait pas besoin de plus.

« Ensuite on verra pour ta photo. Et pour te répondre, tant que tu n’as pas ta casquette sur la tête et que tu ne te grattes pas le nez ça devrait aller. »

Elle avait aussi envie de lui dire qu’il devrait garder une expression neutre, mais craignait beaucoup trop que ce soit mal interprété et qu’il fasse encore plus n’importe quoi. Heureusement que la mexicaine, bien qu’un peu impulsive des fois, savait comprendre des consignes simples et les appliquer. Du moins tant qu’elle était d’humeur à cela. Et recevoir du matos, cela mettait de bonne humeur. Forcément, à Noël les enfants sont tous de bonne humeur. Mais ce n’était pas un reproche : bien qu’elle ne le laissait pas tant transparaitre, Yoko se réjouissait des cadeaux du Père Noëlucard.

« Si tu pourras me prendre en photo juste après également », lui demandait-elle avant de s’installer de l’autre côté de l’objectif et prendre quelques clichés.

D’ailleurs, elle se demandait de quoi il pouvait parler avec leur invitée. Elle n’est pas tant dérangée par l’idée qu’il veut avoir une conversation privée, mais ça lui pique forcément sa curiosité…

Bien sûr, le bonhomme le mieux habillé était en réalité le plus sanguinaire et détraqué du groupe. Quelle originalité. Par contre, son récit m’intriguait. Un petit ingénieur qui jouait au vigilant ? Je serais bien tenté de lui envoyer un prospectus ou deux par la poste, si tant était qu’il était encore capable de se servir d’un tournevis après être passé entre les mains d’Alucard.

L’objet fut sorti et je contins à peine mon excitation à sa vision. Oui, c’était bien du matériel de chez Yuei, ça. On sentait la qualité des matériaux dégouliner à travers un simple stylo. Ces petits nantis n’ont pas conscience de la valeur de ce avec quoi ils jouent. Je dus retenir un couinement lorsque la fonction réelle de l’outil fut dévoilé. Une lame d’énergie. Bon sang de bonsoir. C’était un truc de pro, ça. Et de détraqué total, surtout. Du bout de mes doigts gantés, je me saisis de l’objet avec une précaution infinie tout en écoutant les remarques du vampire.

Un outil discret à transformer en arme ? Je voyais le souci. L’une de mes mains se plongea dans l’intérieur de ma veste et en ressortit avec, entre mes doigts, une petite barre métallique fine, une pince à épiler et une petite pochette en plastique. Je plaçais la pince entre mes dents et commençait à trifouiller l’objet, à le dévisser, l’activer en glissant la barre dans des endroits précis… Je retirais la pince d’entre mes dents pour y mettre la barre de métal et me mit à retirer des composants précis pour les remettre en place juste après ou pour les glisser dans la pochette de plastique.

"Oui, oui, je vois ce que vous voulez dire, la prise en main est nulle et le manche est bien trop léger. Je ne peux pas donner un poids à la lame bien sûr, mais là c’est à peine si ça tient en main. Et la lame est bien trop volatile, vous appelez ça chirurgical ? Non, non, non, ça ne va pas."

Je glissais le stylo éteint dans la pochette transparente avant de la replacer dans ma poche intérieure en même temps que mes outils. Levant mes doigts à chacun de mes propos, j’énumérais mes idées. Ou plutôt mes plans futurs. Il n’y avait pas à se compliquer la vie, le vampire m’avait déjà fait part de ses demandes, à demi-mot.

"Alourdir le tout, changer la forme du manche pour rendre l’arme plus intimidante et plus facile à prendre en main, stabiliser la lame, l’allonger."

Je repliais mes doigts et prit un air désinvolte en haussant les épaules.

"Je suis certaine d’avoir des choses à vous proposer, parmi mon stock ou dans un coin de mon cerveau. Maaaaaaaaais je ne connais pas votre Alter et vous avez refusé de jeter un œil à mon catalogue donc pour ça, il faudra repasser plus tard. Et puis, vous avez raison, ne faisons pas trop attendre vos camarades."

Je pris la direction de la porte du bâtiment. En posant ma main sur la poignée, j’adressais un nouveau regard vers le vampire.

"Vous avez toujours de quoi me contacter en privé, monsieur Alucard. Je fais des offres spéciales pour les groupes, si vous voulez agir en-dehors de votre groupe alors il faut s’organiser de cette façon."

Je ne suis pas une machine à distribuer des armes avec de l’argent infini. Je ne suis pas contre le fait de magouiller dans le dos de ses partenaires, surtout vu les partenaires en question. Mais dans ce cas, je n’allais pas lui permettre de bénéficier du 30 % de réduction. Je tournais la poignée et refit irruption dans le hangar.

"Coucou la jeunesse ! Tout se déroule bien, à ce que je vois. "

Ça ne se déroulait pas non plus particulièrement bien, si je m'en tenais au fait que les cheveux de l’ahuri étaient… Bien plus courts qu’avant. Misère. Au moins semblaient-ils avoir réussi à installer le matériel photo sans difficultés.