Clic clac, c'est Kodak [PV Jiyu]

"Bonjour ! Est-ce que vous voulez bien répondre à quelques questions ?"

"Ooooh, c’est pour l’école ?"

"Pfrrrt… Ouais, exactement."

Mei avait braqué son microphone sur un jeune couple qui vaquait tranquillement à ses occupations dans l’immense parc d’attractions Moncala. Aujourd’hui, l’apprentie photographe avait décidé de prendre des photos et de poser quelques questions en vue d’un article dans l’un des endroits les plus bouillonnants de la métropole.

"Et bien, je suppose qu’on a le temps de répondre à quelques questions. Tu es d’accord, chérie ?"

"Bien sûr !"

Mei sourit de toutes ses dents et sortit un bout de papier chiffonné de sa poche. Sa liste de questions. Elle se racla la gorge, se prépara quelques secondes afin de parler clairement, sans accent, et se lança.

"Alors… Quelques mois après l’attaque terroriste de l’Alliance, vous sentez-vous sereins à l’idée de visiter un lieu aussi bondé, tout en sachant qu’un vilain aurait le temps de tuer pas mal de monde avant qu’un héros n’arrive ?"

Une grimace naquit aussitôt sur le visage des jeunes tourtereaux, qui ne s’attendaient certainement pas à ça.

"Euh… Et bien..."

"On… On doit y aller, pas vrai ? Allez, il y aura trop de queue aux montagnes russes sinon."

Le couple fit volte-face non sans jeter un dernier regard mi-dégoûté mi-intrigué à la gamine au micro. Mei n’était pas jouasse. C’était la troisième fois qu’on lui faisait le coup aujourd’hui. Elle commençait à penser qu’on ne la prenait pas au sérieux. Enfin, elle avait toute la journée.

Aujourd’hui, c’était un jour sans école. Non pas que l’école était, normalement, un facteur qui la gênait dans ses déplacements. Sécher les cours était une seconde nature pour elle. Mais si les étudiants héroïques n’étaient pas en cours non plus, alors elle avait une chance d’en croiser. Et ça, ça n’avait pas de prix.

Mei était à l’affût. Oh, bien sûr ça ne l’empêchait pas de profiter un peu du parc. Après tout, plus elle couvrait du terrain, plus elle avait une chance de tomber sur quelqu’un ou quelque chose d’intéressant. Elle avait déjà acheté une paire de lunettes fantaisie absolument stupides et fait un tour de grand huit. Mais de toute évidence, un parc d’attractions s’appréciait mieux quand on n’était pas seule. Elle aurait peut-être dû inviter quelqu’un ? Mais d’un autre côté, elle savait qu’un camarade l’aurait probablement gênée dans sa poursuite de photos parfaites et d’entrevues intéressantes.

Son regard scrutait la foule tandis qu’elle flânait dans le parc… Et c’est là qu’elle le vit. Elle connaissait bien cette tête, même dans un contexte aussi chaotique.

C’était sa jeune majesté le prince impérial Jiyūhito. Finaliste du Total Fight Winter, étudiant star de Shiketsu, et, bien sûr, membre de la famille impériale. C’était un jackpot absolu. Elle tenait là au moins 15 photos récompensées et douze articles.

"Hey ! Hey !"

Lunettes farfelues sur le visage, elle commença à fendre la foule en direction du prince, sans trop se soucier d’attirer l’attention ou non. Elle ne devait pas laisser cette chance passer. Elle le traquerait à l’autre bout du parc s’il le fallait.

"Hey ! Hey !"

Jiyūhito Kyōkan-no-miya, prince impérial de son état, jeta un regard en arrière plus par automatisme qu'autre chose. "Hey hey" c'était plutôt large comme onomatopée, ça ciblait tout le monde sans faire de discrimination quand à l'âge ou au sexe. C'était un excellent moyen d'obtenir l'attention d'une petite foule. Jiyūhito ne pensait donc pas avoir affaire avec quoi que ce soit d'exceptionnel. Il s'attendait à tomber sur une dame qui rendait un portefeuille à un glandu ou sur une mère de famille en train de courir après son gamin, un truc mignon quoi. Rien de bien dangereux en somme.

Quel ne fut pas son déplaisir de constater que, malheureusement, c'était bien lui que l'on semblait pointer du doigt.

"Fait chier."

Le jeune aristocrate se propulsa vers l'avant avec une agilité surprenante avant de prendre ses jambes à son cou. Il esquivait les civils sur le chemin avec une belle dextérité, juste assez habilement pour ne pas être remarqué. Il n'avait aucune idée de ce qu'on lui voulait mais pour lui une chose était certaine : il était venu ici pour respirer en solitaire, il n'avait aucune envie de se faire interrompre par un flic, un journaliste ou qui que ce soit d'autre. Il fuguait pour une raison tout de même !

Reste que c'était lui qui fuyait et ça c'était pas dans ses habitudes.

Jiyūhito, comme par reflexe, se mit à réfléchir à un moyen de renverser la situation. Il ne savait pas qui pouvait bien avoir en tête de le courser après tout, et il avait déjà été enlevé une fois donc il connaissait la chanson. Si son père avait envoyé quelqu'un après lui c'est que c'était vraiment important, et si c'était qui que ce soit d'autre c'est qu'on ne lui voulait pas du bien. Il était peut être en danger tout compte fait. Il y avait une vrai possibilité de s'amuser à partir de cette situation.

Parfois, la solitude n'était pas le meilleur moyen de prendre l'air.

Le prince impérial s'expulsa hors de la foule et se dirigea vers ce qui était la direction du "couloir" des toilettes. C'était un bon endroit pour tendre un piège, il n'y avait qu'un point d'entrée. Certes la personne pouvait se réfugier dans les toilettes mais dans ce cas là il suffisait de l'attendre, ce n'était pas comme si elle allait creuser un trou dans les WC. Tout ce qu'il suffisait de faire, c'était de savoir comment grimper avec un bon timing. Le jeune homme savait ce qu'il avait à faire. Il tourna soudainement vers la gauche, grimpa à une gouttière aussi vite que possible, se posta sur le toit, attendit que sa cible pénètre dans le cul de sac, appareil photo à la main, et se laissa chuter juste derrière elle. Selon toutes apparences c'était une paparazzi.

"Salut salut, comment ça va ?"

On pouvait sentir une pointe de sadisme derrière le sourire du garçon. Il n'aimait pas vraiment les paparazzis.

Mei ne désespérait pas. La fuite de Jiyūhito était prévisible. Mais elle avait l’habitude de couper à travers les foules. Elle n’avait pas son lourd appareil photo préféré sur elle (trop précieux pour risquer de le perdre dans un parc) et pouvait donc se tortiller comme une anguille sans perdre la trace de sa cible, en gardant en main son appareil léger.

À gauche, à droite, encore à gauche et… Dans les toilettes ?  Mei fonça, véritable boulet de canon à lunettes stupides, et arriva dans des sanitaires… Vides. Elle entendit alors une voix s’élever derrière elle. Elle fit volte-face et prit une photo par réflexe. Quelle chance ! C’était le prince ! Voilà qui facilitait les choses. Elle avait juste à lui expliquer et… Et…

Flûte. Là, juste devant la porte des toilettes. Son petit rictus, la grande roue en arrière-plan, la façon dont le soleil éclairait la scène… C’était un Plan Parfait. Elle devait en profiter. Mais elle ne pouvait pas prendre le risque de laisser passer cet instant, la beauté était dans le naturel de l’agencement des éléments.

Elle n’avait qu’à figer ce naturel. Elle ferma l’un de ses yeux, commença à concentrer son regard et...

"Chesse."

Elle claqua de la langue et le temps se figea devant elle. Elle devait, paradoxalement, faire vite. Dans l’espace gelé, dans lequel seul elle pouvait se mouvoir, elle prit une, puis deux, puis trois, puis sept photos du prince, sous tous les angles. Oui ! Là, dans le lot, il y en avait une absolument impeccable. Parfait ! Elle sourit béatement en regardant l’écran de son appareil et, d’un coup, le temps repris son cours.

Du point de vue du jeune prince, la photographe venait de se téléporter en un clin d’œil juste à côté de lui, devant les toilettes, tournée dans la même direction. Elle brandit devant le brun la photo qu’elle estimait la plus réussie, sans s’imaginer un seul instant qu’il n’allait pas forcément apprécier. Elle rayonnait d'excitation et de fierté.

"Tè vé, Ta Majesté, elle est jolie celleuh-là, non ? J’peux te l’engvoyer si t’as un téléphoneuh sur toi."

Voilà l’accent du Kansai qui arrivait à grand galop. La photo était, pour le coup, tout à fait réussie. L'éclairage rendait moins pervers qu'il ne l'était réellement le sourire de Jiyūhito, on voyait parfaitement la grande roue en arrière-plan, le focus était parfait...

Mei eut à peine le temps de finir sa question qu’un bras un peu trop puissant pour la bienséance vint lui enserrer l’arrière du dos. Il était hors de question qu’elle se casse en courant à la première occasion. Jiyūhito était intrigué. Il n’avait jamais vu de journaliste aussi jeune.

Elle était rigolote cette fille. Elle n’avait pas vraiment sa place dans cette impasse. Son corps était vierge de tout travail : elle n’avait pas beaucoup d’abdominaux et son grand dorsal n’avait pas l’air bien développé. Elle ne représentait aucun danger  pour le prince impérial et ça, ça le surprenait. Lorsque les rédactions japonaises voulaient quelque chose elles-lui envoyaient des journalistes d’investigations endurcis, pas des novices. Tout le monde savait que la petite peste n’aimait pas être suivie et qu’elle était tout à fait capable de se montrer violente. Le cadet de l’empereur n’avait pas peur de mordre.

"Héhéhé..."

Jiyūhito ricana. De là où il était, il avait une sacré impression de contrôle. Tout ça voulait dire que cette pisse-copie était aussi innocente que possible. Elle n’avait été envoyée par personne, elle avait juste sauté sur l’occasion sans vraiment comprendre dans quoi elle mettait les pieds.

Restait ce qu’elle venait de faire avec son Alter. Ça c'était vraiment très intéressant.

"Téléportation ? Noooon, bien sûr que non, c'est plus compliqué qu'ça... Tu manipules l'environnement, pas ta personne... Tu te déplaces comme dans une bulle temporelle ?"

Le prince impérial n’attendit pas la réponse, il s’était déjà fait sa petite idée. Tout ce qu’il voulait maintenant c’était en apprendre un peu plus. Il n’avait pas envie de se retrouver à la une d’un canard mais ça tombait bien, il avait la journaliste à bout de bras.

Peut-être qu’il pourrait se montrer convaincant ? En serrant la pression entre son avant bras et son épaule peut-être ?

C'est pas mal comme Alter chère sujet. J'aime bien, mais ton corps manque de muscles. Tu viens du Kansai non ? C'est pas la porte à côté dis-donc. Tu bosses pour quel journal ? Si c'est l'Akahata tu pousses le bouchon un peu trop loin, le procureur va pas apprécier."

Mei n’était pas particulièrement gênée par le comportement tactile et cavalier du prince impérial. Elle ne comptait aller nulle part, de toute façon. Et il ne lui faisait pas mal, sa prise était ferme, mais pas douloureuse. Elle était juste un peu agacée par le fait qu’elle ne pouvait pas vraiment lui montrer ses photos, dans cette posture. Mais bon, il finirait bien par la lâcher.

Elle sourit quand il émit des théories sur son Alter.

"Bingo, Ta Majesté, j’arrête le teng dans une zone maching. Jé peux pas le faire souveng mais ça me fait une belleuh photo gratis."

Bon, par contre là, il commençait à serrer un peu fort. Le prince-héros était assez fidèle au portrait qui était dressé de lui par certains papiers un peu insolents. C’était parfait.

"J’suis freelance, Ta Majesté, j’ai que seize ans. Et j’suis plus photographe que journaliste, c’est Juzo-news què achètent mes clichés. J’écris pas très bieng alors ils prennent pas mes piges, mais je fais d’mon mieux."

Petit flottement.

"Tu peux me lâcher maintenang ? Promis j’prends pas de photo gênante ou quoi heing, je voulais juste te poser des ptites questions et prendre des ptites photos."

Elle était sincère. À 16 ans, elle considérait que ça aurait été "la loose absolue" de construire ne serait-ce qu’un micro-bout de carrière sur des photos compromettantes. Elle ne voulait pas s’abaisser au niveau des journaux torchons, et de toute façon, Juzo n’aurait pas accepté ces clichés.

Plus la jeune fille utilisait sa bouche, plus Jiyūhito la trouvait intéressante. Elle sortait d'où cette fille ? Elle n'avait VRAIMENT pas l’attitude d’une journaliste chevronnée, elle se comportait plus comme… comme quoi en vrai ? L’adolescent n’en avait aucune idée et d’une certaine manière ça lui plaisait. Quelle que soit la vérité, elle était certainement bien plus excitante qu’une simple visite au zoo en solitaire. Jiyūhito n’avait pas pour habitude de faire les 400 coups avec des gens de son âge mais il était de bonne humeur : il pouvait se montrer ouvert à un changement pour cet après-midi. Après tout, plus on était de fous, plus on riait.

"Si tu t'es amusée à me courir après c'est que tu me connais de réput' non ? Bah bingo. T'as eu du flair. Je ne suis pas supposé être ici. Ma majesté s’est fait la malle pour prendre l'air, tout ça tout ça. Je voulais m'éloigner de la cour, rencontrer des filles sympas... La complète quoi !"

Jiyūhito desserra sa prise avec un petit grognement enjoué avant de placer ses deux mains à l’arrière de son crâne pour signifier son pacifisme. Il était progressivement sorti de son alerte rouge mais se tenait toujours sur ses gardes. Pas question de relâcher sa vigilance, l’alter de la fille était dangereux et elle pouvait très facilement lui donner un coup de couteau. Reste que, dans cette position, il pouvait l’observer sans sourciller. Autant dire qu’il n’allait pas se gêner.

"J’aime bien les gens comme toi chère sujet, t’as pas l’air d’avoir peur de grand chose. J’ai rien de mieux à faire en vrai, autant répondre à tes questions. Comment tu t’appelles ?"

Le prince impérial faisait face à un petit gabarit. 1m65, pas plus de 50 kilos, pas beaucoup de seins, pas beaucoup de fesses, pas beaucoup de muscles. C’était un physique de sprinteuse, quelque chose qu’il pouvait détruire sans vraiment y penser. Avec le recul il l’avait surestimé physiquement, pas étonnant donc qu’elle se soit sentie écrasée tout à l’heure. Quant au reste, c'était classique. Cette fille était probablement japonaise à 100%. Il n’y avait pas plus typique que ce visage, ses yeux marrons, cette coupe de cheveux sombre. Mais il y avait tout de même ce regard… ça lui plaisait beaucoup. Jiyūhito n’avait pas l’habitude de voir des locaux dans cet état.

Mei était quelqu’un de vivant, ça c'était certain. Elle n’était pas très imposante mais elle avait du cran.

"Tu veux aller quelque part de sympa pour discuter Mei ou tu préfères qu'on se pose dans les toilettes, juste derrière les poubelles ?"

Le prince impérial était un chic type. Et il était perspicace. Mei n’avait en effet peur de rien, sauf peut-être de trouver une tête de poulet dans son bucket de tenders, un jour. S’il acceptait de jouer le jeu, alors elle allait s’en donner à cœur joie. Il proposa de changer d’endroit, une offre appréciable, elle ne comptait pas forcément passer cette belle journée derrière les toilettes.

Les deux jeunes se retrouvèrent rapidement dans la queue d’un train fantôme. Mei n’avait peur de rien, mais elle trouvait les costumes et les effets très intéressants. La queue n’était pas bien longue, et à vrai dire, elle se vida même un peu quand Mei commença à poser certaines de ses questions.

"Alors… Quelques mois après l’attaque terroriste de l’Alliance, est-ce que tu te sens serein à l’idée de visiter un lieu aussi bondé, tout en sachant qu’un vilain aurait le temps de tuer pas mal de monde avant qu’un héros n’arrive ? J’veux dire, dans l’train surtout on va vraiment s’retrouver immobiles, le moindre accident et paf, on d’vient de la pâte de haricots rouges. Après j’sais que toué té balèze, ils en ont parlé un peu. C’est vrai d’ailleurs ce qu’ils disent sur l’Alliance et Shike ?"

Grognements de certains, qui n’avaient visiblement pas envie de vivre des frissons aussi réels que ça. Une mère, deux groupes devant eux, bouchait les oreilles de son fils.

Tout en questionnant le prince, Mei prenait des photos de ce qu’elle pouvait. Tout immobilisés qu’ils étaient, dans la file d’attente, la fille ne tenait pas vraiment en place. On sentait que, si elle le pouvait, elle aurait couru le long des rails plutôt que d’attendre.

Mei était vraiment infatigable.

Même Jiyūhito, pourtant connu pour son manque de manières, était capable de comprendre que la jeune fille détonnait dans cet environnement on ne pouvait plus familial. Elle parlait sans doute un peu trop fort aux goûts des oreilles les plus chastes. On était dans un parc d’attraction après tout. Si les gens venaient ici c’était pour oublier le réel. Ils n’avaient aucunement l’intention d’écouter l’interview un peu bizarre d’une journaliste surexcitée. Pour monsieur et madame commun, les attaques de l’alliance des vilains étaient des choses qu’il fallait oublier au plus vite. On laissait la douleur dans son coin, et on passait à autre chose. Cette névrose, issue d’une coucherie entre le stoïcisme japonais et la tendance qu’avait le pays à enchaîner périodiquement les désastres, exaspérait Jiyūhito au plus au point. Souffrir ne servait à rien si on faisait semblant de n’avoir rien vécu. C’était de la faiblesse, et ça ne lui plaisait pas beaucoup. L’oublie, c’était pour les idiots. Jiyūhito refusait d’être un idiot.

Autant dire que le prince impérial n’allait pas se gêner pour répondre à la question mais que, contrairement à sa camarade, il allait le faire en parlant un peu moins fort.

"Sur l’Alliance et Shike ? C'est-à-dire ? C’était rien cette bagarre en vrai, personne n’est mort ! On a même pas eu de blessés graves, c’est pour dire ! Même les terroristes s’en sont tirés sans cadavres, c’était vraiment surréaliste. Tu veux une cigarette au fait ? Ce sera sympa après le p’tit tour."

Le prince impérial, qui venait de se caler ce qui ressemblait à une cigarette derrière l’oreille, profitait de l’absence de sécurité devant l’attraction pour faire un peu ce qu’il voulait. Il n’était pas assez rebelle pour fumer du cannabis en lieu fermé, il ne fallait quand même pas pousser, il y avait des enfants dans le train fantôme ; mais dès qu’il ressortirait à l’air libre, il n’allait pas se gêner.

"Tout à l’heure tu me parlais de la flippe. Avoir peur du fait que quelqu’un de violent puisse débarquer comme ça, d’une minute à l’autre, et commencer à mitrailler. Moi j’ai pas trop peur de ça."

Et puis les questions, ça allait bien dans un sens ! Si le prince impérial arrivait à faire fumer Mei, peut-être qu’il arriverait à lui en poser une ou deux. Après tout elle était agréable à regarder, et quelque chose lui disait que son cerveau devait être tout aussi intéressant. Il fallait juste arriver à la sortir de son espèce de transe ce qui, vu le profil, n’était pas gagné d’avance.

Sacré programme.

"Je ne sais pas trop quoi en penser. C’est assez normal en vrai ? Enfin non, pour 90% des gens c’est pas normal du tout, mais pour moi ça l’est. Ça peut arriver, de temps en temps. Faut juste que je garde ça dans un coin de la tête. Que je me fasse un plan de fuite avant de rentrer quelque part, tout ça tout ça..."

Mei n’était pas branchée sur la cigarette. Elle était déjà assez physiquement faible comme ça, elle n’allait pas, en plus, se bousiller la gorge et les poumons. Par contre, les réponses de Jiyūhito, elles, la branchait bien. En voilà un qui n’avait pas froid aux yeux, une qualité appréciable.

Et capable de répondre, qui plus est ! C’était rare qu’on lui pose une question, au-delà de "Mais t’as rien de mieux à faire ?", ce serait dommage de rater cette opportunité.

"Mmmmmh, je vois c’que tu veux dire. J’pense aussi à des plans de sortie quand j’entre dans des endroits, parfois. Mais euh, que quand j’ai pas l’droit d’y être, ou que je l’sens mal. J’ai pas fait d’plan quand j’suis entrée ici, par exemple."

C’était à leur tour de monter dans le train fantôme. L’attraction semblait un peu datée, et probablement prévue pour ne pas aller très vite, à en juger par la présence de barres de sécurité uniques, prévues pour deux personnes. Mei s’installa.

"Là par exemple je trouve pas ça super cool d’être coincée dans un tunnel. Tu permets ?"

Sans attendre de réponse, la photographe s’avança d’un coup alors que la barre se baissait sur eux, et plaça devant elle son sac à dos. La barre se bloqua, le mécanisme pensant avoir affaire à des individus environ deux fois plus épais que ne l’étaient réellement Mei et Jiyūhito. Elle avait opéré avec le plus grand des naturels et une nonchalance totale.

"C’est pour qu’on descende si y’a un truc intéressant."

Le train des horreurs partit. Mei profitait de la mobilité exceptionnelle apportée par sa fraude pour prendre des photos dans tous les sens. Non sans continuer de parler à son compagnon.

"J’pense que les gens d’ici avaient pas peur avant, grâce à All Might. C’est un peu naïf, hein, mais je l’pense vraiment. Maintenant, sans lui, j’pense que y’aura de plus en plus de monde qui vont imaginer des plans de fuite avant d’entrer quelque part."