Parmi les rats. [Ft. Satoru Akameshi]

Parmi les rats

Ft : Linda Kuruma

Le mois de mai touchant à sa fin, cela faisait maintenant presque quatre semaines que j’avais envahi le manoir de Nekoza au côté du vigilant au masque super stylé. L’opération que je m'apprêtais à entreprendre était similaire en de nombreux points bien que, cette fois-ci, j’y allait préparé et ne prétendait pas rester quinze heures planqué derrière des bombonnes de gaz.

Mon frère était retourné à Kyoto trois jours plus tôt, l’inspection médicale qu’il m’avait fait passer avait révélé pas mal de trucs… inquiétants? Il me semble que c’est le terme qu’il avait employé. Mon avant-bras gauche avait donc eu droit à une jolie petite attelle et Shigeru m’avait fortement recommandé de ne plus utiliser mon alter… du tout.

L’incident avec North Star avait fini par remonter à la surface de mes souvenirs au travers de cauchemars fort désagréables. Ma mémoire vive avait clairement pris un sale coup et je m’étais retrouvé à devoir me laisser des notes à moi-même pendant les trois premiers jours. Cela ne m’avait pas empêché de continuer mon enquête.

Les cambrioleurs étant tous derrière les barreaux, j’étais revenu à ma première source dans l’espoir de glaner plus d’informations. La mort de Nasagaro l’avait pas mal déstabilisée et après m’avoir traité de monstre, d’assassin, de m’avoir menacé d’appeler les flics une bonne quinzaine de fois, Todari avait fini par craquer. Le démantèlement du groupe à l’origine de FlipCat, c’était aussi la disparition de sa dette. Une chance pour une vie nouvelle où elle ne serait plus esclave de qui que ce soit.
Du moins ça c'est si je parvenais à mes fins. Sinon c’était certainement une mort longue et douloureuse qui attendait la prostituée.

Quoi qu’il en soit, après avoir usé de toutes les ficelles à sa disposition, elle m’avait finalement donné un nom, une adresse et une heure. Cela avait un petit goût de déjà vu? Certainement. Les coordonnées devaient cette fois m’amener jusqu’à Arakochi, le … disons… directeur financier de la bande? Lui couper la tête c’était faire s’effondrer le tout comme un château de cartes.

Tuer le bougre n’étant pas une option, il me fallait trouver des preuves me permettant de l’inculper et pour cela, il fallait que j’infiltre sa base. Quelle ne fut pas ma surprise en découvrant que l’adresse que j’avais obtenue était quasiment la même que celle où j’avais rencontré Rosa il y avait tout juste une semaine, la seule différence étant que ces nouvelles indications m’amenèrent à un lieu six pieds sous terre, dans les égouts.

C’est comme ça que je me retrouvai perché sur une échelle à quelques mètres au-dessus du sol, toute mon attention rivée vers la plaque métallique se trouvant au-dessus de moi. Hormis les petits cris sporadiques de quelques rats, tout était calme. Il restait encore une bonne dizaine de minutes avant l’horaire que m’avait passé Todari et je n’avais aucune idée de ce qui allait se passer.
   

Parmi les rats

Ft : Linda Kuruma

Perché sur mon échelle j’attendais donc que l’heure sonne, sous moi, les égouts étaient plongés dans une obscurité épaisse et il m’était impossible de distinguer quoi que ce soit. Je m’apprêtais à augmenter ma vue et mon ouïe par pure habitude mais les conseils de mon frère me vinrent à l’esprit, tels des souvenirs brumeux. Si je ne voulais pas finir en légume, il me fallait réduire l’usage de cette habilitée.

Ne pas avoir recours à mon alter, c’est aussi rester ouvert à des douleurs normalement cachées et à des craintes enfouies. Mon cœur battait étonnamment rapidement et ma respiration se faisait difficile, la faute allant aux multiples perforations que j’avais accumulées au fils des années, ainsi qu’à… la peur?  Un sentiment étrange et désagréable que j’avais pas l’habitude d’éprouver et que je réservais normalement pour mes visites chez la psy.

Mme Osoki n’était pas une simple psy, elle était spécialisée dans la rééducation d’alter, et travaillait quatre jours sur cinq dans diverses prisons de la région. Je suis presque sûr qu’avec elle le secret médicale est inexistant. Ne pas passer ses tests, c’est se retrouver fiché comme potentiellement dangereux pour la société et être placé sous surveillance constante. C’est du moins l'impression qu’elle me donne derr…


A la vue de l’arbre de noël qui se tenait sous moi, toute bonne résolution de préserver ma santé mentale m’avait quitté et Satoru le tank était de retour. L'adrénaline qui avait soudainement envahi mon organisme avait fait disparaître toutes douleurs et mon alter s’était chargé de mes émotions négatives. J’analysais vivement la situation qui se présentait à moi.

Je pouvais escalader mon échelle et fuir en revenant sur mes pas mais cela impliquerait que la guirlande de lumières viendrait me courser littéralement en face du QG d’Arakochi, il n’en faudrait pas plus pour que le gars décapite tous ceux ayant possiblement vendu sa position. La retraite n’était pas une option, il fallait donc que j'attaque.

Il ne s’était pas passé une demi-seconde depuis que le héros avait surgi que déjà je me laissais tomber de mon perchoir pour atterrir de son côté gauche.


Ma voix sourde résonna dans la structure de ciment comme le grondement d’un ours de mauvais poil. Je ne savais pas vraiment par quel moyen, mais cette personne savait où et quand me trouver ce qui voulait dire que des renforts pouvaient être mobilisés dans le coin. L’idéal serait donc non pas de lui régler son compte mais plutôt… de lui faire faire mon sale boulot. Envoyer des trafiquants derrière les barreaux n’était mon passe-temps que parce que certains semblaient agir librement à la vue de tous et que si les héros ne leur refaisaient pas le portrait, il fallait bien que quelqu'un s’en charge.


Je m’étais rapproché suffisamment de mon adversaire pour que celui-ci ne puisse pas me frapper d’un coup à pleine puissance. Les mains enfouies dans les poches de mon pull, j’avais sans doute l’air d’un chat au poil hérissé, je me voulais menaçant mais ne montrais pas encore les dents.


   

Parmi les rats

Ft : Linda Kuruma

Je n'avais aucune idée de ce que cette héroïne savait sur mon compte, mais le fait qu'elle ignore ce qui se trouvait de l'autre côté de ces parois ne me plaisait guère. Serait-il possible qu'elle ne soit là que pour moi? L'incident avec North Star avait-il fait plus de bruit que ce que les quelques articles avaient laissé entendre? Loin de me laisser intimider par ses vaines tentatives, j'affichai un large sourire révélant mes dents ébréchées et ma canine cassée.
Ça ne va pas se passer exactement comme ça.

Mon adversaire s'étant encore rapproché il me fallut faire un pas en arrière afin de pouvoir la regarder sans avoir à me casser le cou. Je n'étais pas particulièrement petit, mais le standard héroïque semblait admettre des tailles plutôt élevées. Entre Kara, Tim et North Face, j'étais systématiquement le plus petit.


De ma main gantée, je pointais une porte condamnée qui se trouvait derrière la demoiselle, enfoncée dans le mur à sa droite.


Sur quoi mes bras retrouvèrent le confort de ma poche kangourou ainsi que la lourde clef anglaise que j'avais prévu d'user sur ladite porte. Si mon alter me permettait de voir dans l'obscurité, les leds de l'armure de mon opposante m'éblouissaient au point qu'il me fallut reprendre la vue d'un simple humain, me battre dans l'obscurité risquait d'être plutôt compliqué.

Collaborer n'était pas mon fort et j'imaginais bien que mes explications étaient plutôt rases, mais le temps agissait contre moi. Au-dessus de nous, le son de quelques voix me parvint, je doutais fortement que l'héroïne puisse saisir ne serait-ce qu'un mot de la conversation, mais je savais qu'il s'agissait de mon feu vert.
   

Parmi les rats

Ft : Linda Kuruma

On avait pas beaucoup de temps, chipoter ne nous ferait que perdre de précieuses minutes et cette héroïne ne semblait pas vouloir agir sans que je me mette à poil dans un premier temps. Allons donc.


Parler de mon alter me faisait toujours grincer des dents. Révéler une telle information à quelqu'un m’ayant menacé de me coffrer quelques instants plus tôt, encore plus. Je me décidais donc de ne mentionner que les éléments les moins sensibles tachant de me maintenir le plus loin possible de ce qui était enregistré dans mon dossier médical. Un alter c’est un peu comme un tatouage, c’est tellement spécifique que l’on peut aisément retrouver l'identité du porteur en fouillant un peu.


J’hésitais un instant à lui expliquer le fait que je puisse affecter d’autres individus si mon sang se trouvait en circulation dans leur organisme, cet aspect n’avait jamais été officialisé et me permettrait peut-être d’immobiliser l’héroïne en cas de besoin… ouais, nan, le moins elle en savait, le mieux.  

Je m’étais approché de la porte tout en continuant mes explications.


Pas besoin d’être un génie pour comprendre que la porte n’était pas scellée mais simplement fermée de l’intérieur. Les trafiquants devaient l'utiliser fréquemment pour faire entrer et sortir leur marchandise sans éveiller les soupçons.  


Je me retournai vers l’héroïne.


L’idée de m’infiltrer par la porte d’entrée ne me plaisait guère, j’étais pas vraiment équipé pour exécuter une attaque frontale.