Rin Suzuki : L'héroïne de la paperasse

Rin se définit parfois, en plaisantant, comme un “investissement raté”. Une description qui, mine de rien, n’est pas si éloignée de la réalité que ça.

La petite Rin Suzuki est une enfant précoce. Curieuse, elle apprend à lire et à compter en autodidacte à l’âge de 3 ans. Son Alter s’éveille dans des circonstances tragiques : un cambriolage tournant à la catastrophe, au cours duquel ses parents sont grièvement blessés. Le cambrioleur ne souhaitant pas se mettre en danger plus qu’il ne le faisait déjà, essaya de fuir, mais Rin s’interposa. Lorsqu’elle fut poussée sur le côté, elle se fracassa contre le sol, littéralement, ce qui eut pour effet de plonger le malfrat dans une panique irrationnelle. Il redoubla d’ardeur dans sa fuite... Avant de faire une mauvaise chute lors de sa course effrénée et de se rompre la nuque. Les autorités arrivant sur les lieux conclurent que la petite avait vaincu, et tué, un criminel à elle toute seule. Un bilan qu’elle n’osa pas corriger.

Les parents de Rin finirent par mourir des suites de leur blessure, mais eurent le temps de demander aux autorités compétentes de prendre soin de leur fille, non sans vanter l’intelligence de cette dernière. Le potentiel intellectuel de l’enfant, couplé à son Alter étrange et plein de mystères, finit par convaincre la Commission de Sécurité Publique Héroïque, qui décida de proposer à Rin de rejoindre leur programme de formation privée.

La petite accepta, sans trop comprendre ce que cela impliquait.

Tu aimais ça, l'attention. Être qualifiée de génie.

Malheureusement pour elle comme pour ses nouveaux gardiens, elle se révéla ne pas vraiment être à la hauteur de l’éloge fait par ses parents. Si Rin appréciait apprendre par elle-même, les méthodes rigides de la Commission, constamment sur son dos, n’étaient pas pour lui plaire. Dans le même temps, son Alter se révéla être un pétard mouillé. Passée une brève période de progrès fulgurants, il s’avéra que Graphitomorphose était une faculté au potentiel incroyablement limité. Elle découvrit rapidement tout ce dont l’Alter était capable, et le poussa à son maximum. Un maximum décevant. Surtout quand, en parallèle, des petits génies comme les jeunes Tadao et Keigo étaient formés au même moment.

Si la Commission aurait pu tout simplement faire quitter le programme à Rin et l’intégrer dans une famille d’accueil quelconque, quelques facteurs les empêchèrent d’agir ainsi. En premier lieu, la gamine s’avéra être bien plus intéressée par les dossiers qui traînaient dans les bureaux que par les séances d’entraînement. Tout d’abord réprimandée pour ce comportement, ses responsables constatèrent rapidement que Rin était dotée d’une mémoire et d’une capacité de compréhension prodigieuse dès lors que le sujet l’intéressait. Et rien n’intéressait plus une enfant que des dossiers interdits.

De plus, la petite avait développé une admiration et une affection importante pour la présidente de la Commission, qui supervisait le programme d’entraînement. Cette femme, autoritaire, intelligente et charismatique, était appréciée de la plupart des jeunes du programme. Mais Rin voyait en elle un peu plus qu’une simple mère de substitution. Elle était une déesse, à ses yeux, et elle désirait plus que tout être encouragée par cette personne. La présidente n’était pas dupe, et en dépit de sa dureté, ne pouvait pas rester parfaitement insensible face aux efforts de Rin.

Être un chiot fidèle avait payé. Tu allais agiter la queue et tendre la patte pour le restant de tes jours. Avec le sourire.

Les méthodes d’enseignement changèrent alors quelque peu, pour Rin. Les dossiers étaient laissés inaccessibles… Ou presque, judicieusement laissés en évidence de sorte à ce que Rin s’imprègne des bons dossiers, dans le bon ordre. La présidente, elle, demandait de temps en temps à ce que la petite lui fasse part de ses dernières lectures. Un moyen de vérifier qu’elle retenait et comprenait les informations qu’elle absorbait, tout en l’encourageant à progresser afin de se rapprocher de son idole.

Avec le temps, Rin finit par être formée de façon plus intensive. Les méthodes redevinrent progressivement plus orthodoxes, à mesure que Rin développait une véritable capacité de travail. Dactylographie avancée, lecture sur les lèvres, capacités relationnelles, sans omettre les bases du combat… Rin était formée à devenir un croisement entre une espionne, une héroïne, et une employée de bureau ultime.

Ses 14 ans furent marqués par le départ sanglant de l’un de ses camarades, un incident qui coûta la vie à deux autres jeunes. À la suite de cet événement, Rin fut placée directement sous la supervision des hautes instances de la Commission. Elle était redevenue, à force de travail, un élément prometteur. Elle ne revit plus les autres jeunes de la Commission jusqu’à plus tard dans sa vie, mais elle était ravie de pouvoir fréquenter plus directement la Présidente.

Quand tu y repense, tu te dis que c'est probablement à partir de ce moment que tu as réalisé que tout ça n'était pas normal, que votre entraînement n'était pas aux normes, que tu ne devrais pas regarder les corps sans vie de tes deux amis avec une telle neutralité, que la voix dans ta tête n'était pas seulement ta conscience. C'est aussi à partir de ce moment que tu as réalisé que tu t'en fichais, et que ça te convenait très bien comme ça.

À ses 18 ans, Rin devint officiellement une employée salariée de la Commission de Sécurité Publique Héroïque. À 19 ans, elle fut également officiellement habilitée à officier en tant qu’héroïne professionnelle. Néanmoins, ce titre est surtout utile à titre exceptionnel, Rin n’étant ni amatrice de combats et sauvetages, ni spécialisée dans ces domaines.

Aujourd’hui, alors que le symbole de la paix n’est plus, Rin se retrouve investie d’une mission capitale par les hautes instances de la Commission : surveiller l’évolution des mentalités et des méthodes au sein des professionnels et des apprentis héroïques des écoles les plus prestigieuses de Tokyo. Les étrangers d’Aegis, les anciens vigilants du Guide, les jeunes génies de Yuei et Shiketsu… Rin a du pain sur la planche.

Et au fond, tu as un peu hâte de t'y mettre. De remettre un peu d'ordre dans tout ça.