Caught in a bad romance [PV Chiruki & Iku]

« An evening. Somewhere. With no other friends. And telling her during that evening or near the end... »

Il était bien marrant, le Léo Oxton, mais des soirées de libre, c’était quelque peu dur à trouver, quand on était deux étudiantes en filière héroïque. D’abord il y avait eu le temps de récupération du TFW, puis les évènements de Musutafu, maintenant les temps partiels… Sans oublier qu’Iku avait, en ce début d’année, élu domicile à l’internat de Shiketsu, rendant d’autant plus compliqué l’organisation d’un tel moment.

Aslinn avait l’impression que l’univers cherchait à lui faire comprendre quelque chose. Et elle n’appréciait pas vraiment ce message cosmique. Oui, le règlement intérieur stipulait que les relations entre élèves étaient interdites mais… Mais voilà. Aslinn n’était pas particulièrement attachée au règlement.

Mais, alors qu’elle secouait ses jambes dans le vide, allongée sur son canapé, elle réalisait bien que blâmer le règlement ou Léo ne faisait que détourner le problème. Le vrai problème, c’est qu’elle n’avait rien tenté, tout simplement. Elle qui était pourtant si directe et sociable, elle se retrouvait à danser bêtement autour de la question. Ça ne pouvait pas être si compliqué, si ? Une fois le premier pas fait…

C’était une semaine sans temps partiel. On était samedi soir… Demain, il n’y avait pas cours. Et pas d’examens en vue.

"Well, fuck it."

Aslinn s’empara de son téléphone et se mit à rédiger un message pour Iku. Aussitôt fini, elle l’envoya, sans prendre le temps de se relire. Elle savait bien qu’elle ne l’enverrait jamais, si elle prenait un instant de pause.

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Aslinn avait peu dormi, cette nuit-là. Et elle s’était affairée toute la journée. Iku avait accepté, après tout. Et elle allait arriver d’un instant à l’autre. Enfin, pas exactement. L’irlandaise avait, après tout, une bonne demi-heure d’avance. Mieux valait ça que l’inverse, de toute façon. Et si elle lui demandait, elle lui dirait qu’elle était là depuis à peine 5mn. Elle avait l’habitude de rêvasser, de toute façon, le temps allait passer vite.

L’apprentie héroïne était sur son 31. "Si Enya me voyait..." pensait-elle. Enya à qui elle n’avait pas manqué de demander quelques conseils pour se faire plus présentable. Robe longue, maquillage, talons, "cheveux" longs... Rareté pour elle, l’irlandaise ne portait pas d’habits à manches. Ses bras musclés étaient totalement exposés, laissant voir notamment les points laineux sur ses poignets, qui la complexaient quelque peu. Aujourd’hui, elle n’avait pas à se battre.

Il était bientôt 18 heures, heure du rendez-vous. Elle croisait les doigts, espérant que tout allait se passer comme prévu.

Aslinn se serait presque sentie bête de s’être autant apprêtée au vu de la tenue très détendue d’Iku. Mais elle était, paradoxalement, bien trop stressée pour faire cas du contraste entre elle et son amie. Elle se disait juste qu'elle était aussi jolie que d'habitude.

"Tozu-chan ! Tu vas bien ?"

Elle adressa un petit signe de la main, vaguement nerveux, à son amie. L’irlandaise était à la fois ravie de la voir et terrifiée. Elle se serait probablement changée en statue sur place si son stress n’avait pas laissé la place à une immense surprise quand elle aperçut, se dirigeant vers les étudiantes de Shiketsu, un visage familier. Familier, mais inattendu. Impossible d’oublier cette tignasse bleue.

"Et… Issuo-san !"

La surprise commença à doucement laisser place à une terreur existentielle lycéenne profonde. Et si la présence de Machine-Girl n’était pas une simple coïncidence ? Entre le TFW et la remise des licences provisoires, Aslinn avait bien compris qu’elle et Iku étaient amies. Est-ce qu’elle se serait montrée trop peu claire dans son invitation ? Elle n’avait, après tout, pas spécifié qu’elle souhaitait particulièrement être seule avec Iku. Dans sa tête, c’était une évidence, née de son objectif réel. Si Iku ne l’avait pas compris ainsi, alors cela voulait probablement dire que ses sentiments n’étaient pas partagés et…

Voilà qu’Aslinn commençait à vraiment se sentir mal. Elle faisait de son mieux pour garder malgré tout un air avenant, et pour ne pas penser au fait que la fille-crevette était capable de voir la température de son corps augmenter à chaque seconde qui passait. L’espace d’un instant, elle se surprit à souhaiter qu’un événement impromptu et surprenant vienne bouleverser la totalité de ce qui s’annonçait être un grand moment de gêne.

Aslinn voulait disparaître six pieds sous terre, creuser sous l’Asie, refaire surface dans la campagne irlandaise et y refaire sa vie en tant qu’agricultrice. À partir du moment où Iku avait annoncé que, oui, Chiruki allait bien venir regarder le film avec elles, l’irlandaise se plongea dans un de ses monologues intérieurs, qui s’étaient fait très rares après sa première année à Shiketsu. Elle regardait un peu dans le vide, en dodelinant de la tête doucement, perdue dans ses pensées.

Dude, this fucking sucks ass, why does it have to be like this. Like, come on, Tozu-chan, I clearly said "go together", it wasn’t a suggestion, it was the whole plan. Shit. And does Issuo hates me or something, what did I even do to her. Come to think of it, she didn’t come to dinner after the tournament. Did she forget we also met for our licenses ? Why does she looks so bored and angry at the same time. Oh my god is she racist ? No wait, Tozu-chan would never be friend with a racist bitch. Is she just awkward as fuck ?

Elle sortit de ses rêveries quand Chiruki se présenta officiellement à elle. Aslinn sursauta presque, et répondit avec un entrain forcé dans la voix.

"Aslinn Mc Megido ! Nice to meet ya. Again."

L’angoisse était totale. L’européenne évitait le regard d’Iku. Un pigeon, un passant, une poubelle, tout regarder mais pas elle. C’était bien trop embarrassant. Heureusement, et quand bien même elle semblait être la moins heureuse d’être ici, Chiruki fut celle qui désamorça un tant soit peu la situation, en ramenant le sujet du cinéma au centre de la conversation. Elle proposa un film de super-héros et d’enquêtes.

"Oh euh, ouais, pourquoi pas, whatever, ok !"

Elle avait du mal à simuler l’enthousiasme. Des super-héros et des enquêtes policières, c’était déjà leur quotidien à toutes les trois, désormais. Pour une jeune fille qui justement s’était habillée de sorte à évoquer une image différente de celle qu’elle renvoyait à l’école, c’était assez contre-productif. Le film qu’Aslinn avait prévu d’aller voir, c’était Jump-kick Romance, une comédie romantique sur fond de boxe thaï. Et le film qu’Aslinn avait vraiment envie d’aller voir, c’était Cross-Examination of the Dragon, une production chinoise dans laquelle faire appel au cours d’un procès, c’était défier le procureur en duel d’arts martiaux.

Mais Aslinn était douce, amicale et arrangeante. Quand bien même elle aurait souhaité, à cet instant, que Chiruki n’ait jamais existé, elle ne voulait pas que quiconque passe un mauvais moment. Et surtout, Machine-Girl la faisait complètement flipper, et elle n’avait vraiment pas envie de se lancer dans un débat avec elle.

D’un coup, ses oreilles animales se redressèrent. Son nez venait de capter une odeur puissante et inhabituelle, qu’elle n’arrivait pas vraiment à identifier. Ça venait…

"Y’a un truc bizarre dans le cinéma."

Elle ne savait pas ce qui se passait, mais elle avait un mauvais pressentiment, qui éclipsait petit à petit tous les sentiments de gêne et de malaise qu'elle ressentait.

Les deux filles de Shiketsu avait accepté mon film sans trop discuter, autant j'avais l'habitude qu'on suive mes directives sur un champ de bataille, mais pour une suggestion de film…

En plus je ne les trouve pas très enthousiastes, le film ne leur plaît pas ? J'ai juste fait une proposition moi, je ne veux rien imposer ! Je suis même prête à les laisser aller dans une autre salle toutes les deux, elle passeront sûrement un meilleur moment qu'avec moi.

Bah, après tout si ça ne leur plaît pas, elles n'ont qu'à ouvrir leur gueule, je suis bien trop peu douée pour deviner les pensées et les sentiments des autres humains.

Mais soudain, alors que Iku s'avance vers le guichet, sa pote s'alerte soudainement d'un "truc bizarre" qui se trouverait dans le cinéma. Je hausse un sourcil, comment ça bizarre ? Je jette rapidement un coup d'œil au dessus de l'épaule d'Iku mais je ne vois rien.
Ouais, la seule chose bizarre ici c'est elle, pourquoi je n'arrive pas à la sentir ?

“Donc… On y va quand même ?”

S'inquiète Iku, qui semble plus concernée que moi par ce que raconte son amie.
Agacée, je hausse les épaules :

"Il n'y a rien."

Cette situation me tape sur les nerfs. J'essaye de faire avec mais je n'y arrive pas, ce n'est vraiment pas mon truc. Il est évident que ces deux-là sont proches, j'ai l'impression d'être le cheveux sur la soupe. Pourquoi m'a-t-elle invitée bordel ?

"Si vous voulez pas voir ce film là, dites-le. Ça ira plus vite."

Pas envie de me casser la tête. Juste de regarder un film et d'oublier que je ne suis pas seule. Ça me soule.

Elle avait déjà senti cela, mais c’était il y a déjà quelque temps. Avant que son odorat ne se développe à ce point. C’était désagréable, comme odeur. À moitié âcre, à moitié purement puant. C’était, c’était…

"Et bien il y a une odeur..."

C’était dur de mettre des mots sur quelque chose comme ça. D’autant plus dur lorsque Chiruki les pressait de la sorte, lui coupant la parole. Si elle continuait de lui parler comme ça, elle allait finir par s’énerver. Ou par pleurer, au choix.

Et puis, sa question était une question piège. Aslinn ne voulait, à vrai dire, pas vraiment voir ce film-là. Mais elle ne voulait pas vexer Chiruki, et n’avait donc en aucun cas envie d’aller à son encontre. Toutefois, elle était supposée ne plus mentir, par promesse envers Iku. Elle ne pouvait donc pas vraiment affirmer qu’elle avait vraiment envie de voir ce film. Au final, c’était comme choisir entre l’amie de la fille qui lui plaît, et la fille qui lui plaît. Un choix moins évident qu’il n’en avait l’air.

Comment faire un choix ? Que dire dans une telle situation ? L’irlandaise décida d’être un bête mouton et de se contenter d’une réponse sans poids, sans impact, qui se forçait pour être enjouée.

"On va voir ça, c’est bon !"

Voilà, elle avait peut-être évité l’explosion de Chiruki et...

L’explosion.

Nitrate d’ammonium. Comme sur les chantiers où sa mère travaillait. C’était ça, l’odeur. Et à en juger par la façon dont elle devenait de plus en plus forte… Quelqu’un ou quelque chose en générait probablement.

Aslinn bondit, se plaçant entre ses deux camarades et la façade la plus odorante du cinéma, manquant de tomber à cause de ses talons. Elle brandit devant elle ses bras nus, et sa laine poussa d’un coup. Une demi-seconde plus tard, une explosion condensée éventra le mur, projetant quelques gravats à toute allure dans le mur laineux de Curly Locks. Elle tint bon, mais les larmes lui montèrent aux yeux, son odorat jouant en sa défaveur lors de ce genre de situations où un effluve agressif se répandait dans l’air.

"Vous allez bien ?"

La question était adressée à tous, mais son regard alternait surtout entre le trou dans le mur et le guichet plein air, derrière lequel l’employé s’était retranché. Peut-être était-ce en partie par envie de s’éloigner le plus possible de la situation précédente, mais Aslinn était passé immédiatement en mode "héroïne". Et dans cet état d’esprit, les civils importaient bien plus que ses deux partenaires, amplement capables de se débrouiller.

Malgré mes paroles suggestives, les deux filles semblent se satisfaire du film que j’ai proposé, d’entrée de jeu, sans même proposer autre chose. Nan, sérieux, comme si j’allais y croire. En plus, l'autre mouton semble déjà complètement ailleurs, reniflant l’air avec tellement d’intensité que je m’attend à ce qu’elle déclare que j’ai lâché une caisse juste pour me casser les pieds.

Mais bon.

“Bon. Si c’est ce que vous voulez alors…”

Dis-je en soupirant, me retenant de lever mes yeux au ciel. Au moins, le film me plaira, tant pis pour elles.
Même si j’en veux à Iku de ne pas m’avoir prévenue, je n’ai pas non plus envie d’être méchante sans raison, je suis juste… très gênée. J’avais envie d’être seule. Enfin, seule avec elle… Passer un moment simple pour oublier un peu mes emmerdes, loin de David, Musutafu et de mes parents…

Tout ce que je veux, c’est réussir à tourner la page, et ces derniers temps, retourner à Yuei ne fait que remuer le couteau dans la plaie. Pour la première fois de ma vie, la vie d'héroïne me fait peur.

Soudain, un mouvement brusque me sort de mes pensées. C’est l’amie d’Iku, qui en une fraction de seconde avait bondi devant nous et déployé un épais mur laineux un instant avant que l’explosion ne retentisse.

*BOUM*

“Qu..”

J’ai à peine le temps de prononcer une syllabe et de sortir mes mains de mes poches pour me protéger que l’onde de choc me frappe de plein fouet ! Balayée, mes pieds quittent le sol un instant mais j’arrive à me réceptionner avec agilité après avoir fait quelques roulades douloureuses.

Qu’est ce qui vient de se passer ?!
Lorsque je relève la tête, la première chose que je vois c’est le trou béant qu’est devenu la façade principale du cinéma et, quand je tourne la tête, je découvre mes camarades, aussi incrédules que moi mais saines et sauves… Et qui perdent peu de temps pour immédiatement aller aider les civils à proximité.

“Tss…”

Mes dents se serrent, il est évident que cette explosion n’était pas un accident... Il ne manquait plus que ça.
Mc Megido et Iku sont bien assez de deux pour s’occuper des blessés, alors je vais m’assurer qu’il n’y en ai pas de supplémentaires.

“Il y a du mouvement à l’intérieur.”

Dis-je aux apprenties héroïnes avant de m’élancer en avant, passant devant le mouton en quelques bonds agiles à travers les débris, contrairement à elle, mes chaussures de villes sont bien plus pratiques dans ce genre de situations.
Plus je m’approche, plus l’odeur de soufre se prononce… C’est ça que le mouton avait senti ? Plusieurs secondes avant même l’explosion ? Je suis impressionnée…
Et après un parcours légèrement périlleux, j’arrive finalement à l’entrée fracassée et me retrouve nez à nez avec…

“T’es qui toi ?”

Un gars aux mèches rouges fumantes qui me lance un regard assassin avec ses yeux gris comme la cendre, le bas de son visage est caché par un masque. Mes yeux se posent sur ses mains nues encore fumantes et il me faut peu de temps pour comprendre que je suis face à l’auteur de l’explosion.
Mon cerveau a totalement coupé mes pensées extérieures, je me met mécaniquement en position de combat avant de dire simplement :

“Je suis Machine girl, apprentie héro…”

"CRÈVE !”

Je n’ai pas le temps de finir ma phrase que sa main crépitante se retrouve au niveau de mon visage et qu’une nouvelle explosion secoue les ruines du cinéma.