Par une froide matinée d'été - Kaza Nousagi

Un baillement difficilement masqué vint à suivre de peu l’annonce de la voix robotique de la station de métro. Il faisait encore si sombre dehors qu’il ne semblait plus y avoir une âme consciente dans le kilomètre. Enfin, à l’exception de ceux qui avaient le malheur de travailler de nuit et de qui n’attendaient que les aurores pour retrouver le confort de leur oreiller. Drôle de rythme tout de même, mais cela devait être une question d’habitude et de choix de vie. Ou à défaut, car il en fallait pour tous. J’étais toujours un peu surprise de savoir que parmi mes anciens camarades de classe, il y en avait qui se couchaient presque tous les jours à des heures si tardives que, parfois, je me réveillais avant.

Certes, je n’avais pas été exemplaire à ce sujet là… Mais les raisons étaient bien différentes. Mes courtes nuits avaient pour origines tous les problèmes que j’avais pu avoir dans mon cercle familial, et non pour jouer à quelques MMO durant trop d’heures. A moins que cela ne soient pour eux la seule source d’évasion possible ? Peut-être… Et je me surprenais à me poser ce genre de question. Peut-être que j’étais forcée d’être un peu plus empathique ou ouverte d’esprits ?

Ou alors la fatigue faisait que je n’avais pas la force de résister, même à moi-même.

Il était encore bien tôt, même pas cinq heures à vrai dire, et j’avais un rendez-vous. Pas du tout le genre romantique à vrai dire, même si une plage au levé du soleil pouvait avoir ce genre d’ambiance. C’était plutôt une sorte de… D’exercice. Un test. Nikita m’avait demandé de mes nouvelles, et avait proposé que l’on se retrouve ici, à des heures bien matinales. Au début, j’avais été très surprise, autant de sa proposition que de l’heure, mais il avait proposé lorsque l’on s’était vu après l’incident du métro, et l’heure s’expliqua à cause du fait qu’il avait ses cours, tout simplement. Et oui, tout le monde n’était pas déscolarisé comme moi, même si cela n’était sensé durer qu’un semestre. Et c’était loin, mais alors loin d’être une simple « pause » comme certains le prétendaient.

Pendant que je marchais, mon téléphone vint à vibrer, laissant apercevoir après quelques touches la photo de l’étudiant, accompagné de sa position. Au moins, je n’allais pas devoir le chercher sur l’ensemble de la plage à l’aveuglette. Mais bon, je devais avoir l’air fine, entre mon jogging et mon gilet. Bref, autant lui répondre :

‘’Pas autant que j’aurais voulu, mais mes devoirs de grande sœur ont fait que je devais préparer les bentos du jour. Je n’ai pas eu le temps hier soir.’’

D’autant que je devais me coucher tôt, bien expliquer quoi faire à Noki et prier pour qu’en rentrant tout à l’heure l’appartement ne soit pas complètement en proie aux flammes. Elle pouvait être maladroite, mais je devais lui faire confiance. Après tout, qu’est-ce qui pouvait mal se passé ?

Beaucoup de chose en fait…

‘’J’arrive dans dix minutes.’’

Avec l’heure, peut-être aurais-je un peu de retard, mais le temps de sortir de la rame de métro et de m’y rendre… Mais même s’il était encore tôt, il ne faisait pas si froid. Du moins, cela restait supportable avec mes quelques couches de vêtements, et sitôt l’entrainement commencé, tout cela serait oublié. Et déjà, je pouvais sentir l’air de la mer, une odeur assez forte tout de même, assez salée. Au début, la supporter avait été une sacrée épreuve, mais l’habitude avait remplacé le désagrément. Auquel cas, approcher de la moindre poissonnerie ou des rayons des supermarchés serait mission impossible.

Mais j’y étais, et l’entrainement allait pouvoir commencer.

‘’Salut, j’espère que tu ne t’es pas trop décalé exprès pour ça.’’

Déjà, la bonne nouvelle avant de commencer était le fait que cet entrainement n’allait pas casser le rythme scolaire qu’il devait s’imposer. Cependant, se lever avec le soleil était tout de même assez impressionnant. Certes, je n’étais pas une adepte de la grasse matinée, mais pas non plus une de la rosée matinale. C’était un rythme à prendre je supposais, comme chaque chose, et avoir une routine chaque semaine ne devait pas être une insurmontable, même si cela signifiait de dire bonjour à l’aube.

Bref, cela me rassurait quelque peu, et cela fut suivi rapidement d’une plaisante surprise : il avait prévu quelques « récompenses ». Je ne pensais pas être du genre à marcher à la carotte (évitons tout de suite quelconque comparaison, mais je devais admettre que cela serait assurément le bienvenu lorsque nous aurions terminés cette session, qui pour l’heure restait pour moi un mystère. Ce qui était au programme allait être une surprise, et j’avais le curieux sentiment que cela serait bien différent des entrainements plus classiques que j’avais pu faire ou connaître.

‘’Avec ça à la clef, je crois que je vais devoir me donner au maximum.’’ Fis-je avec un petit sourire en coin. Je me sentais toutefois un peu coupable de n’avoir rien prévu. J’avais juste eu le temps de prendre un petit déjeuner particulièrement léger faute d’autres options, et mes autres idées consistaient à prendre quelque chose surplace une fois l’appétit creuser par les efforts qui allaient arriver.

Mais autant commencer d’une manière plus simple, plus traditionnelle : les échauffements. Autant dire qu’il s’agissait de la partie la plus ennuyeuse, si ce n’était le gainage fatidique qui me donnait l’impression d’avoir une toute autre perception du temps. Surtout que les professeurs de sports adooooraient nous en faire faire. J’en ai même déjà surpris un à marmonner dans sa moustache concernant l’image que donnait des étudiantes en plein effort. Autant dire que d’avoir un pervers en train de se rincer l’œil pendant que nous peinions à tenir était une expérience assez désagréable…

Rien de bien sorcier donc. Etirements, de haut en bas. Lentement, mais de manière régulière. Les mêmes exercices, les mêmes passages. Au moins cela permettait de me vider un peu la tête, et de penser à autre chose qu’au vent frais qui pourrait me faire greloter. Mais le plus important à échauffer pour moi était mes jambes. Je leur en demandais beaucoup de manière générale, et compte tenu de ce que nous allions faire, il était préférable que j’évite un claquage ou quelconque blessure. Ce serait particulièrement frustrant de louper les examens d’entrée à cause de l’entrainement pour justement les passer ! Cependant, Nikita fit un peu la conversation durant ce temps, autant en profiter un peu, tant que mon souffle n’était pas trop court.

‘’Ça se passe convenablement. J’ai réussie à organiser un peu plus mon temps, surtout par le fait que je n’ai plus à passer des heures entières à répondre à des mails et au téléphone. Il y en a toujours qui continuent de sonner, mais nettement moins. Répondre aux assurances et à l’académie ne m’occupe plus des journées entières.’’

C’était déjà ça de prit, et au moins je pouvais me permettre de me concentrer sur autre chose.

‘’Du coup, j’ai commencé à courir un peu, au parc. C’était dur au début, mais ça va de mieux en mieux, si ce n’est les personnes vraiment bizarres que je peux rencontrer là-bas où là… C’est compliqué.’’ Je soupirais un coup, haussant ultimement les épaules : ‘’Mais ce qui occupe le plus clair de mon temps maintenant, c’est mes sœurs. Ça se passait mal entre mes grands-parents et ma petite sœur, du coup elle est revenue à la maison. Et lorsque j’ai une piste, j’essaye de chercher ma grande-sœur, mais… Pas vraiment grand-chose.’’

J’imaginais que je donnais encore cette impression de me plaindre tout le temps, et ce n’était pas forcément ce que je voulais renvoyer.

‘’Mais globalement, ça va. Et toi ? Tu n’as pas eu de problème avec l’incident du métro ou les cours ?’’

Recevoir des heures de colle pour faire ce qu’il cherchait à devenir. Je trouvais ça tout de même particulièrement ridicule. Devait-on punir un sportif car il s’entrainait ? Un musicien car il répétait ? Cela n’avait pas de sens. Après, je concevais sans problème que la filière héroïque était particulièrement différente, notamment avec les conséquences que cela pouvait avoir. Mais là, c’était juste quelques sales types qui avaient eu une bonne correction, sans qu’ils ne finissent pour autant à l’hôpital. A ce titre, je devrais en recevoir également, vu que j’avais le réflexe de placer un coup bien placé pour me libérer de l’entrave initiale.

‘’Tss… Si tu en reçois pour ça, je suis sûre que tu ne dois pas être le seul à avoir des problèmes disciplinaires.’’

En tout cas, je risquais d’en avoir également, vu que je n’aimais pas rester impassible dans une telle situation. Après, il fallait être raisonnée, et je n’allais pas défier seule une bande de terroriste armés jusqu’aux dents. C’était une leçon que j’avais apprise dans la douleur, et qui devait être bien appliquée, mais probablement devrais-je connaître avant tout mes limites et mes capacités, et cela viendrait avec l’expérience… Enfin, je pense ? Et peut-être l’entrainement… Enfin bref, ça viendrait !

Cependant, il sortait une anecdote pour le moins… Surprenante. Il avait dansé dans la rue ? Avec une héroïne ?! C’était… Particulier.

‘’Tu m’intrigues. Serait-ce une deuxième récompense pour l’entrainement à venir ?’’

Et en parlant d’entrainement, c’était l’heure de commencer. Un simple exercice donc, quelques sauts qui se passèrent bien, jusqu’à… Eh bien, l’échauffement final. Des pompes. S’il se montrait prévenant, je me permettais de le rassurer.

‘’Ça va, je peux en faire. C’est juste que…’’ Il y avait un problème. Tout bête. En me mettant dans cette position, et en descendant, j’étais comme qui dirait un peu « bloquée ». Bloquée par le fait que ma poitrine était contre le sable. '’Problème de fille.’’

Voilà pourquoi les pompes étaient un exercice délicat pour moi… Mais bon, pas inatteignable non plus. Bref, j’allais éviter de trop m’attarder dessus, pour que nous nous concentrions sur le cœur même de cette rencontre, à savoir… Récupérer une chaussure.

‘’Hein ?’’

Quatre minutes. Un jeu qui consistait à attraper une chaussure, située derrière lui. Evidemment, il allait y avoir des pièges et cela n’allait pas être aussi simple. Autrement… Quel intérêt ? Je levais tout de même un sourcil, un peu confuse de la teneur même, avant toutefois de rouler un peu des épaules. Il avait plus d’expérience que moi dans le milieu, et s’il pensait que c’était un exercice viable, alors il n’y avait pas de raisons de douter.

‘’Tous les coups hum ? Je suis prête.’’

Après, tous les coups d’accord, mais probablement fallait-il que j’évite de lui mettre un grand coup dans le bas ventre. C’était peut-être un peu extrême… Surtout pour une chaussure. Bref, autant y aller, et je commençais pour le moment à avancer, essayant de tester un peu ses réactions en faisant quelques pas chassés autour. Cela me surprendrait si je réussissais à le surclasser ainsi, mais j’avais une idée, et cela fut simplement de changer de direction rapidement, et essayer d’avancer ! C’était audacieux surement, mais peut-être que cela fonctionnerait ! Au pire, j’avais encore plusieurs minutes pour réussir ça !

Feinter était une solution assez simple en y pensant. Si je ne pouvais pas le dépasser de vitesse, chose difficile étant donné qu’il avait l’intérieur, alors il fallait que je le prenne de court. Même si cette fois là échouait, il y aurait bien une occasion qui se révélerait payante ! J’avais toutes mes chances avec cette technique, et le fait que je réussissais à le contourner lors de ma première tentative fut particulièrement encourageant ! Peut-être que cet exercice allait être une formalité !

Mais… Il y eu un mais. Sitôt que je me retrouvais derrière lui, je sentis comme une entrave au niveau de mes jambes ! Comme si j’avais les pieds dans de la vase ! Une sensation déjà peu agréable, mais  surtout particulièrement gênante compte tenu de la situation, où je devais le surclasser. Et l’inévitable arriva, sous la forme d’une bousculade qui m’envoya de nouveau à la case départ.

‘’Humpf.’’ Fis-je en me relevant, le dos couvert de sable maintenant, alors que lui félicitait ma tentative. Il y avait quelque chose qui m’avait prit au dépourvu. Quelque chose qui m’avait clairement empêché d’atteindre mon objectif, mais quoi ? Hum… Il semblait que le sable était plus sombre, comme humide ou quelque chose de similaire autour de la chaussure, et donc qu’il n’avait pas du tout choisi cet endroit au hasard. Mais lui ne semblait pas éprouvé la moindre gêne. Autant dire, il avait l’avantage du terrain. Serait-ce en rapport avec son alter ? Avait-il un rapport avec le sable ? S’il l’avait utilisé dans le métro, ce n’était pas ça.

‘’J’imagine qu’il y a quelque chose que j’ai loupé.’’ Fis-je, en croisant les bras. Autant dire que cette technique venait de prendre l’eau, et que de poser le pied sur ce sable risquait d’être nettement plus difficile. Il allait falloir que j’innove donc, mais comment ? Je pouvais peut-être sortir la chaussure de cette zone, mais avec lui en travers, ce serait bien trop difficile. Ou alors il fallait que je réussisse à arriver directement à l’objectif sans poser le pied dans cet endroit. Et ça, c’était un sacré challenge.

Cependant, j’avais encore quelques idées à tenter avant de baisser les bras ! Le sable n’allait pas être à mon avantage. Mais j’avais la possibilité de prendre un peu d’élan au préalable, ce fut donc ce que je fis, m’éloignant d’une dizaine de mètre, avant de commencer à courir, avant de prendre appuis et de tenter de sauter jusqu’à la chaussure ! Je risquais d’être un peu courte, notamment car il fallait que je réussisse à passer soit au-dessus, soit à côté de lui, mais si cela pouvait m’éviter de me retrouver dans cette zone délicate, alors cela sonnerait comme une victoire !

Peut-être était-ce un peu trop présomptueux que de penser qu’il n’aurait pas une solution face à cette nouvelle tentative. Le prendre de hauteur et de vitesse était envisageable certes, mais étant donné l’élan que je m’étais donné, cela avait été comme annoncer que j’allais tenter quelque chose, et que donc, par conséquent, qu’il fallait qu’il s’y prépare. Et il avait surement une meilleure connaissance de mon alter que moi du sien, donc il pouvait s’attendre au plus évident.

Et il me réceptionna ! D’abord par une sorte de pilier de sable en plein milieu de ma trajectoire, avec lequel le contact fut tout de même un peu rude même si je passais au travers dans une explosion de gravillons, puis dans ses bras lorsque la gravité vint à me ramener au sol et d’être raccompagné en direction de l’extérieur.

‘’Humpf…’’ Poutais-je, un peu vexée que cette nouvelle tentative ne soit pas concluante, d’autant que celle-ci s’accompagnait de bien des désagréments : J’avais du sable partout sur le corps ! Certes, me vêtements n’étaient pas vraiment sensible, mais en avoir dans les cheveux était déjà plus démangeant. Mais assurément le pire, c’était d’en avoir dans les oreilles, et la douche, déjà obligatoire après ceci, se révélerait d’une importance encore plus stratégique une fois ceci passé.

Et il semblait être content de lui, ayant résisté mes assauts jusqu’à maintenant. Il en était même à un point où il sautillait sur place. Après tout, le temps jouait en sa faveur, et je ne comptais pas m’avouer vaincue dès le premier exercice. Certes, ce n’était qu’un entrainement, et il avait l’avantage d’être un apprenti héros contrairement à moi qui n’avait commencé que très récemment à m’entrainer sérieusement, mais abandonner ou être défaite aurait une autre saveur désagréable.

Si je ne réussissais pas maintenant, serais-je capable de passer les tests pour devenir une étudiante dans l’un de ces lycées ?

Bon, j’extrapolais quelque peu, et le fait d’avoir été aussi facilement reconduite n’était pas forcément très plaisant, mais c’était que je me prenais au jeu. Je n’avais pas forcément un grand esprit de compétition, la musique ne développant pas réellement cette partie là, mais je reconnaissais quelques magouilles qu’avait pu faire Riku à notre égard, lorsque nous étions plus jeune. Mais ici, pleurer auprès de mère ne serait pas vraiment une solution et…

Oui bon, le temps, il fallait que je trouve une nouvelle méthode. Si les feintes ne fonctionnaient pas, si mes capacités pouvaient être prédites, s’il était capable d’anticiper la moindre des choses que je pourrais faire, alors… Comment pourrais-je passer ? J’allais devoir changer de stratégie, et ne pas simplement me contenter de me focaliser sur la chaussure. Il en était le gardien, et ce ne serait qu’en passant sur son corps que j’allais pouvoir atteindre mon objectif. Mais même s’il insistait sur le fait que je devais me donner à fond, je n’étais pas vraiment certaine que lui donner un grand coup au ventre ou plus bas serait une bonne solution. En tout cas, je ne me sentais pas capable de le frapper. Mais bon… Il fallait au moins que je puisse le neutraliser durant une seconde ou deux, juste le temps de prendre l’avance et de compenser sa zone avec un bond.

Il avait toutefois l’avantage du terrain, de sa zone. Et moi… Eh bien, le terrain ne jouait pas vraiment en ma faveur. Ou tout du moins, je n’avais pas vraiment l’impression que je pouvais faire quelque chose ici. A part improviser une bataille d’eau ou le distraire avec un château de sable, je… Hum, peut-être que ça pourrait marcher en fait… Mais il faudrait qu’il ne le voit pas venir.

‘’Bon, j’imagine qu’il va falloir que je persévère non ?’’ Dis-je sans me retourner, m’écartant d’une dizaine de mètre pour reprendre un élan, comme j’avais fait précédemment. Et jusque là, rien ne changeait. Il pouvait me voir sautiller un peu, me concentrer, avant de taper un nouveau sprint dans sa direction. Peut-être prévoyait-il la même technique, vu qu’elle avait fonctionnée jusqu’à maintenant, mais…

Eh bien, je ne sautais pas. Non, je n’allais lui mettre un énorme tacle, car mes jambes allaient servir. Mais plutôt que de sauter, ce fut un grand coup de pied au niveau de la plage qui fut la suite de cette nouvelle tentative ! Le but n’était pas de simplement faire beau ou autre, mais bel et bien de lui projeter un nuage de particule dans sa direction ! Ce n’était pas vraiment une méthode très élégante ou noble que de lui lancer ainsi du sable. Cependant… Eh bien, il fallait que je remporte ce défi, et sitôt ce coup donné, un bond sur le côté suivit d’un autre en direction du centre fut ce qui conclut mon mouvement ! Cette fois-ci, je comptais bien l’avoir, cette satanée chaussure !

‘’*Kof kof*’’

La situation était… Pour le moins désagréable. Je devais ressembler à une autruche maintenant, avec ma tête dans le sable. Mon saut, aussi désespéré qu’il avait pu l’être au cours de cette nouvelle tentative, avait été ultimement intercepté par Nikita, qui avait réussi à me faire tomber sur le sol. Je sentais contre mes lèvres plusieurs dizaines de grains de sable, et le pire était que quelques-uns avaient, via le choc, réussit à se glisser dans ma bouche. Comme sensation, il y avait clairement mieux, surtout avec le fait qu’il était mi-humide mi-froid… Mais je crois que ce n’était pas le sentiment qui me dominait actuellement. Bien au contraire.

C’était celui-ci de la victoire.

Ou peut-être le soulagement. J’avais réussi à agripper cette chaussure ! Je l’avais empoigné et serré contre moi afin qu’elle ne m’échappe pas. Un test certes, un simple exercice, mais j’avais l’impression qu’il était nettement plus important et valorisant qu’une simple série de pompe ou un jogging. Cette fois-ci, mon alter avait été la clef pour réussir, et ce serait surement ce qu’on attendrait de moi dans les prochaines années. Il y avait –peut-être– une certaine fierté qui s’emparait un peu de moi là…

‘’Pas mieux de mon côté.’’ Fis-je en me retournant, essuyant du poignet ma bouche, non sans plusieurs passages pour parvenir à en être libérée. Du moins, suffisamment pour que cela soit tolérable. ‘’Mais la chaussure est mienne maintenant !’’

Bon, je n’allais pas non plus lui kidnapper sa chausse indéfiniment, et sitôt le trophé exhibé, je la reposais, avant de prendre sa main tendue pour qu’il m’aide à me relever. Cependant, le petit surnom qu’il me donna fut… Vraiment perturbant à entendre. « Miss Usagi »…

‘’Ça fait vraiment bizarre d’être surnommée comme ça…’’

Il n’avait probablement pas dit ça au hasard. Après tout, c’était le pseudonyme héroïque de ma mère. J’avais ses attentes et j’étais son héritage. Mais étais-je prête ? Pas vraiment.

‘’Je suis loin d’avoir son niveau. Ou même celui de ma sœur.’’

Même si j’étais plus jeune. L’expérience et l’entrainement avait fait d’elles de véritables machines à arrêter les criminels ! Probablement qu’un bon coup de pied aurait suffit à soulever suffisamment de sable pour en faire un véritable raz de marée ! Mais la curiosité faisait que je me demandais si elles avaient fait ce genre d’exercices plus jeunes… J’avais quelques notes de Riku, d’anciens cahiers où elle notait ses plannings, mais rien en rapport avec ma mère. Pour être honnête, je ne savais même pas comment elle avait obtenue sa licence ou par quelle école elle était passée.

Mais le fait d’être perdue dans mes pensées n’était pas vraiment top, et lorsqu’il m’envoya une pomme, ce ne fut que par réflexe pu miracle que je réussis à l’intercepter. Il me fallut tout de même quelques jongles maladroites pour réussir à la stabiliser, et si la manière n’y était pas, le résultat l’était. Du moins, c’était ce sur quoi je me basais pour le moment, même si ce n’était peut-être pas la bonne méthode à adopter.

‘’Merci !’’ Fis-je, alors qu’il précisait que le prochain serait ailleurs, dans les bois non loin. Et forcément, plusieurs questions volaient dans ma tête quant à ce qui allait suivre. ‘’La forêt ? C’est un peu tôt non pour un test de courage…’’

J’avais eu le droit à ça lors de quelques voyages scolaires, plus jeunes. Aller dans les bois et devoir aller jusqu’au bout du parcours malgré les « dangers » et les « monstres ». Evidemment, c’était ridicule de comparer ça maintenant, mais plus jeune, les bois me terrifiaient vraiment ! C’était que j’avais le malheur d’entendre beaucoup plus, donc forcément, une biche au loin était quelque chose de plus anormal. Sans compter les odeurs qui… Enfin bref.

‘’Ça allait.’’ Fis-je à sa question, affichant un léger sourire : ‘’Je ne m’attendais pas vraiment à ça, mais c’était instructif. Le fait de devoir réfléchir avec l’environnement, son alter… J’imagine que c’est la base, mais c’est encore nouveau pour moi. Et je ne parle même pas de frapper des personnes. Sauf en situation extrême, j’évite au maximum.’’