Héros un jour - Pv Jiro

Les secours sont arrivés pas mal de temps après que j’ai gobé le dernier gâteau. Je me sentais de pire en pire mais je ne voulais pas être un poids pour tout le monde, aussi j’ai pris sur moi et me suis hissé sans un mot dans le gros fourgon tout terrain.

Il n’était pas venu que pour moi et il me fallut me faire petit pour trouver une place au milieu des civiles.

Sur le chemin je commençai à avoir sérieusement froid, un frisson incessant me parcourait des pieds au bout des branches et je manquais de m’éclater la gueule au sol au moment où il fallut descendre pour rejoindre le camp de premier soin établi en haut de la plus haute colline de Matsudo.

Une femme me guida jusqu’à une tente blanche, une main tenant fermemant mon bras droit. Je me serais sans doute écroulé si elle n’avait pas été là.

Mon corps m'a définitivement lâché au moment où mon cul à touché le sommier de lit de camp. Malgré mon costume je pouvais sentir ma peau me brûler, j’avais sans doute trop forcé sur mon alter. Surtout après que la folle m’ai explosé la main, je n’ai que des souvenirs flous de ce moment. Si ça se trouve j’ai soudé l’entièreté de la rue en un bloc unique avant de réussir à l’atteindre elle.

Le monde commence à tourner autour de moi, la douleur remonte jusqu’à mon torse et un sale acouphène me prend.

J’ai envi de vomir.

Le lit de camp se rapproche bizarrement de ma tête jusqu’à se retrouvé projeté contre ma tempe.

Il me faut quelque secondes pour comprendre que je suis en fait à l’horizontale.

- Qu’est-ce qui m’arrive…

Sacré journée. Déjà ce matin, impossible de mettre la main sur les clés, j’ai passé une bonne demi-heure à les chercher pour pouvoir sortir de chez moi avant de me rendre compte qu’elles étaient dans ma main et finalement j’ai couru comme un malade, loupé mon train pour arriver en retard à l'hôpital et je me suis fais passer un savon par mon référent. Heureusement que le fleuve Edo a débordé à ce moment-là. Enfin, je ne me réjouis pas de ça, loin de là, mais ça m’a évité un mauvais quart d’heure.

J’ai donc vite rejoint l’équipe d’intervention qui se préparait à partir sur le terrain et embarqué dans la première ambulance que j’ai vu.

“Encore en train de bouffer Jiro ?”

Un frisson me parcourt alors que je croise le regard de Nao, l’autre étudiante en alternance avec moi qui regarde avec jugement la brioche coincée entre mes dents.

“Ché pa chque tu crois ! Chai pas eu le temps che matchin !”

Elle grimace et me réprimande :

“Je comprends rien, articule ! Oh, et puis de toute façon c’est pas important. Le fleuve Edo a débordé, il y a une énorme inondation et des milliers de civils sont évacués, c’est pas le moment de rigoler. Alors tiens-toi prêt.”

Je suis sérieux ! Pourquoi elle me cherche des noises ce matin ? Ok je suis arrivé à la bourre et on a pas pu se retrouver au matin comme on fait d’habitude mais c’est une raison pour m’en vouloir ! Moi, je ne m'en voudrais pas. Bon, c’est bien son style de m’en vouloir pour ça par contre. Est-ce que je dois m’excuser ? Pas sûr que ça serve avec elle.

“Mais che…”

“Avale ta brioche avant de parler !”

---

En haut d’une colline, à l’abri de l’inondation, plusieurs tentes avaient été montées par mon équipe d’intervention, abritant les civils blessés de la pluie. Je m’occupe de la troisième aux côtés de mon maître de stage et de Nao, aidant les civils à prendre place sur les lits de fortune et leur apportant du réconfort et des soins comme je le peux.

“Tiens, c’est pour toi, t’as été bien courageuse. Ne bouge pas d’accord ? Même si ça ne fait plus mal tu peux encore te blesser si tu essayes d’appuyer sur ta cheville.”

Dis-je en donnant un bonbon à une petite fille qui tient entre ses bras un petit chat encore mouillé. Elle hoche la tête et commence à déballer son bonbon alors que je me relève pour passer au blessé suivant.
En me levant, j’aperçois Pyrus, le héros de la JTDF quitter la tente. Je l’ai croisé tout à l’heure, il ne m’a même pas regardé. Je ne le connais pas mais il n’a pas l’air très amical.

Je me dirige finalement vers une femme qui me tourne le dos, assise en tailleur sur son lit, et m’approche d’elle.

“Bonjour, je suis médecin, comment vous sentez-vous ?”

Elle relève la tête alors que je m'assoit sur son lit de camp et ses yeux se pose sur moi à travers ses cheveux blancs. Je remarque immédiatement les fers entravant ses chevilles et la paire de menottes maintenant sa main droite au lit et reste bloqué un instant.

“Jiro, c’est la voleuse capturée par Pyrus, ne t'occupes pas d’elle. La police est bloquée par l’inondation.”

Ah ! Et ils ont pensé que ce serait une bonne idée de l'enchaîner au milieu de civils ? Ils n'avaient pas de meilleur endroit où la mettre ? Dans un fourgon de police par exemple ? Ah non, j'écoute vraiment rien moi. La criminelle détourne alors le regard et je la vois grimacer, serrant son poing libre.

“Hm.” Une foulure au poignet et sûrement une ou deux côtes cassées, vu comment elle bouge son torse... Je pose alors ma main sur son bras, apaisant la douleur qui l’accable sûrement. “Évitez de bouger, la douleur est partie mais pas vos blessures. On va vous apporter une attelle.”

La fille se détend et pose son regard dans le mien.

“Occupe toi du gamin plutôt.” Dit-elle, pointant le menton vers Nao, qui traîne un jeune homme jusque dans le lit voisin. Je me relève pour m’approcher de lui alors qu’un merci est grommelé à voix basse par ma patiente.

Je m’assois alors aux côtés du garçon et découvre sa main… J’oserais presque dire en bouillie mais je pense que ce sont les morceaux de ferraille dans la peau qui donnent cette impression. En tout cas, il n’a même pas l’air de m’avoir remarqué tellement son visage transpire la douleur.

Je pose ma main sur son poignet et active mon alter. De légères douleurs commencent à se faire sentir au niveau de mes phalanges mais je continue jusqu’à ce que mon patient semble se détendre un peu.

“Hey, ça va mieux ? T’as mal autre part ?”

---

HORIUCHI NAO

• NOM : HORIUCHI
• PRÉNOM : NAO
• METIER : Etudiante en médecine
• COULEUR : #7a7d28
• Notes supplémentaires : : Meilleure amie et collègue de Jiro Kouumoto. Susceptible, impulsive, légèrement prétentieuse , elle a quand même un bon fond.

Je ne sais pas combien de temps s’écoule. Le monde s’écroule autour de moi, j’ai l’impression de me noyer, j’essaye d’appeler à l’aide, mais j’ai oublié comment utiliser mes cordes vocales.

Je ferme les yeux dans une veine tentative de chasser les couleurs qui dansent devant mes eux. Une feuille se pose sur mon poignet, d’où vient-elle? Je ne sais pas. Elle reste quelques instants puis s’en va emportant avec elle le mal qui m’avait doucement envahi.

J’ai encore la nausée, mais je peux ouvrir les paupières sans avoir envie de mourir.

“Hey, ça va mieux ? T’as mal autre part ?”

Au-dessus de moi se trouve un gars. C’est qui? Je sais pas, on dirait un peu monsieur tout le monde. C’est lui qui accompagne les âmes défuntes vers l'au-delà?

Je me redresse tant bien que mal sur un coude avant de regarder autour de moi. Une tente blanche, des lits de camp, le bruit de la pluie qui rebondit sur la structure éphémère. Les événements de la matinée me reviennent peu à peu, je dois être au poste de secours en haut de la colline de Matsudo.

“J’ai mal partout, mais rien d’insurmontable.”

Mes yeux se posent sur ma main gauche avant de s’en écarter rapidement. Je lance un regard inquiet au jeune homme.

“Par contre je ne sens plus ma main et …”

… Et elle à l’air complètement détruite. Les mots me restent coincés en travers de la gorge, j’ai envie de pleurer.

“Je vais jamais réussir mon évaluation de kanji.”

Ma voix se brise, alors qu’un sanglot me prend, j’essaye tant bien que mal de rire de mes paroles et noyer mon trouble dans un humour qui ne me ressemble pas. Il y à plein de gens mal en point autour de moi et sûrement plus encore dans le quartier. Je suis en sécurité, ce n’est pas le moment de m’apitoyer sur mon sort.

“Je dois appeler mon père.”

La requête semble enfantine, mais j’ai de bonnes raisons de vouloir mon père à mon chevet. Il est capable de soigner ce genre de choses, c’est un héros spécialisé en soin! Je jette un regard paniqué aux alentours, comme si j’allais trouver un téléphone juste là, à la disposition de tous.

"J’ai mal partout, mais rien d’insurmontable."

Dit mon blessé en grimaçant avant de se redresser. Mal partout, vu l'état dans lequel il se trouve, c'est peu de le dire, il est à moitié trempé, ses habits sont abîmés et chaque partie de sa peau que je peux voir est abîmée d'un hématome. On pourrait croire qu'il a dévalé une pente à toute vitesse avant de finir dans l'eau, c'est peut-être ce qui lui est arrivé en fait.

“Par contre je ne sens plus ma main et …”

Ouch, je n'ose même pas regarder. Elle sera peut-être réutilisable un jour s'il va voir un spécialiste, mais il aura besoin de rééducation, c'est certain.

"Je vais jamais réussir mon évaluation de kanji."

Ah. C'est donc la première chose qui lui vient à l'esprit ? J'en sourirait presque s'il n'affichait pas cet air aussi triste, ça doit vraiment lui tenir à cœur. Ou alors ses l'émotion le submerge à cause de la fatigue. Hmmm. Est-ce que je réfléchis trop ?

"Je dois appeler mon père."

Dit-il soudainement avant de se mettre à regarder tout autour de lui. Il n'a pas de portable ?
Je cligne des yeux et l'interpelle en posant un main apaisante sur son épaule :

"Ne t'agites pas autant, ton corps a besoin de repos."

Je le pousse doucement pour le forcer à s'allonger.
Il doit vouloir prévenir sa famille qu'il va bien, ce que je peux comprendre. Mais il ne doit pas bouger inutilement, il a peut-être des objets dans le corps qui peuvent le blesser davantage.

"Ne t'en fais pas on va prévenir tes proches mais pour l'instant évite de bouger je dois m'occuper de ta main."

Je sors une nouvelle paire de gants en latex et les enfile avant d'attraper sur mon petit chariot une pince pour extraire les debris, des compresses pour absorber le sang qui coulera des plaies et du désinfectant.
Ses nerfs ont été inhibés avec mon alter, donc il ne sentira rien.

Bon, il ne me reste plus qu'à me mettre au travail, mais avant, je dois réussir à le détendre, alors je m'adresse à lui avec simplicité :

"Comment tu t'appelles ? Moi je suis censé être l'infirmier Kouumoto, mais tu peux m'appeler Jiro. Je préfère en fait. Je me sens vieux sinon."

Une main sur mon épaule me pousse à m’allonger. J’essaye de résister. Impossible. Mon corps n’est même plus capable de soutenir son propre poid, je cède et retrouve le confort du lit de camp.

"Ne t'en fais pas on va prévenir tes proches mais pour l'instant évite de bouger je dois m'occuper de ta main."

Je voudrais lui expliquer qu’il ne s'agit pas juste de prévenir mes proches mais il quitte mon chevet pour aller chercher ce qui s’apparente à du matos médical.

La vue du sang ne m’a jamais vraiment dérangée, mais je détourne le regard à la vue des compresses et autres outils. J’ai mangé des gâteaux ya vraiment pas longtemps et ils pourraient très bien décider d’aller faire un petit tour dehors. Ce serait un peu dégueu et franchement dommage.

"Comment tu t'appelles ? Moi je suis censé être l'infirmier Kouumoto, mais tu peux m'appeler Jiro. Je préfère en fait. Je me sens vieux sinon."

On essaye de détendre l’atmosphère? C’est ce que l’on nous apprend à faire lors des missions de sauvetage à Shiketsu. J’ai jamais été très doué pour ça.

“Nomori Nikita. Ou Niko pour faire court.”

J’évite de regarder Jiro, je risquerais d’apercevoir des choses moches.

La pression de ses mains qui s'affairent sur mes plaies me parvient très clairement, mais aucune douleur. Finalement je me détends un peu et laisse la fatigue faire place au repos.

“Vous avez reçu beaucoup de blessés depuis ce matin? C’est le chaos en bas de la colline.”

Je repenses au gamin sous l’immeuble et mon coeur se serre. Aux dernières nouvelles il allait s’en sortir, je me demande si il a été rapatrié ici lui aussi.

Sa main est vraiment très abîmée, je dois faire vite et bien si je ne veux pas qu'elle ne se transforme en un nid de bactéries, ce serait la pire chose qui puisse arriver. Mais heureusement mon patient, de son surnom "Niko", a de la chance. Les os sont brisés et la main ouverte de partout, mais rien d'irréversible.

"Vous avez reçu beaucoup de blessés depuis ce matin? C’est le chaos en bas de la colline."

Me demande-t-il, sûrement soucieux de ce qu'il se passe à l'extérieur. L'inondation a été importante, il y a un bon mètre d'eau dans les rues et le courant est violent, emmenant débris et civils dans sa course.
Dans ce genre de catastrophes, il y a peu de blessés, ce sont les disparus qui sont nombreux.
Mais je ne connais pas les chiffres et je ne compte pas faire stresser mon patient alors je me détend :

"Des blessés, pas tant que ça. Autant que toi ? Vraiment peu. Mais beaucoup de personnes trempées, choquées et qui ont besoin d'une bonne boisson chaude."

Je désigne autour de moi les nombreux rescapés sur leurs lits de camp, certains de la même famille, d'autres endormis, beaucoup sous des serviettes pour se sécher. Puis je me remets rapidement au travail.

"Sous notre tente, on peut accueillir une trentaine de personnes. Pour les 3 médecins que nous sommes, c'est un nombre élevé mais gérable. L'hôpital a déployé plusieurs tentes et équipes, il y en aura assez pour tout le monde."

À l'hôpital nous sommes toujours prêts pour ce genre de catastrophes, avec des moyens suffisants, on peut réagir efficacement dans n'importe quelle situation.

"Mais dis-moi plutôt, qu'est-ce que tu fais dans la vie Niko ?"

Demandé-je alors en retirant un gros bout de métal de sa main avant de compresser et désinfecter rapidement la plaie. Si je peux lui faire penser un peu à autre chose qu’à sa main explosée, c’est une bonne chose.