Soif du combat - Isak Svedberg

Isak démontra dès son plus jeune âge que la finesse n’était pas vraiment son genre. C’était pour commencer un bébé énorme, incroyablement bruyant et doté d’une aptitude à faire des bêtises défiant la raison. Si des infrastructures existaient bel et bien pour accompagner les parents qui éprouvaient des difficultés, plusieurs auxiliaires parentales durent se relayer pour s’occuper du garçon… difficile. Son enfance déjà turbulente et son adolescence s’annonçant pire encore, les Svedberg, sentaient qu’ils ne pouvaient de toute façon pas accorder à leur fils l’attention astronomique qu’il requérait. Ils eurent aussi la brillante idée de canaliser son énergie dans le sport. Aujourd’hui encore, ils se demandent s’ils ont fait le bon choix.

C’est ainsi qu’à l’âge de 11 ans, Isak fut inscrit dans le club de boxe de son quartier. Se découvrant immédiatement une passion pour les sports de combat (à base de « je cogne tout ce qui bouge »), le garçon se fit inscrire à tous les clubs dont il trouvait le contact. Rapidement, l’ensemble de son emploi du temps fut rempli par d’autres activités sportives incluant le krav maga, la lutte, la MMA, la natation ou encore la course. Il arriva un moment où Isak passait le plus clair de son temps à se dépenser, ce qui permit à ses parents à survivre à son adolescence. Ouf.

Cette canalisation réussie eut en revanche deux effets supplémentaires. D’abord, Isak –déjà destiné à être grand- devint un véritable titan, et ensuite son goût pour les affrontements grandit avec lui, au point où il basa principalement son identité sur sa force physique.

Dire qu’il était bon aurait été un euphémisme. Isak devint un champion. Sitôt sa majorité atteinte, il fut propulsé dans le monde de la MMA Suédoise, où il rencontra un succès plus que prometteur. Collectionnant les titres, son charisme naturel lui valut même d’être choisi pour incarner quelques rôles dans les films d’action, sa popularité explosant lorsqu’il joua le rôle d’All Might dans une série populaire auprès des adolescents du pays.

Seulement voilà, Isak était un artiste et plusieurs éléments le dérangeaient dans le milieu des sports de combat professionnels. Tout d’abord, l’audience était majoritairement composée de personnes n’ayant aucune réelle aptitude en combat, ce qui ne faisait pas beaucoup de sens pour lui. Il aimait être sous le feu des projecteurs bien sûr, mais les cris et encouragements de non-combattants ne lui faisaient ni chaud ni froid. Et puis il s’ennuyait ferme. Les combats avaient beau le stimuler par moment, il ne pouvait jamais vraiment y aller franco sous peine d’être disqualifié. Décidant que les règles bridaient son esprit créatif, Isak s’engouffra dans le milieu des combats clandestins, où tous les coups étaient permis. Là, il se heurta à un mur qu’il démolit dans le sang et la sueur, affinant à la fois ses techniques et le contrôle sur son alter et écopant au passage de blessures à la pelle. Ce nouveau monde était tout ce qu’il avait toujours recherché : l’adrénaline du combat, des opposants féroces et puissants, le sentiment de se battre au maximum de ses capacités avec à la clé la gloire d’une véritable victoire.

S’il ne lui fallut pas longtemps pour devenir champion, il lui fallut encore moins de temps pour réaliser l’envers du décor : dettes, blessures graves et règlements de comptes sanglants étaient monnaie courante. Après une longue réflexion, il décida finalement de se retirer, abandonnant dans le même temps son titre et la gloire qui y était attachée. Quatre années dans le monde des combats clandestins lui avaient plus appris que deux décennies dans la « bonne » société suédoise et il arborait désormais un véritable code d’honneur du guerrier. Avant de partir, il fit donc le ménage, se faisant quelques ennemis dans la foulée. Comme par hasard, ce fut le moment que choisit le destin pour lui tomber dessus. Sa participation aux combats fut relayée à la presse ce qui mit fin à sa carrière de sportif et sabota durablement sa carrière d’acteur, qui était petit à petit devenue son occupation principale. Mais Isak s’en sortait bien et il le savait. En Suède, les apparences comptaient plus que tout et cela n’était de toute façon pas vraiment en accord avec sa philosophie. Il se retira donc sans faire d’histoire et fit profil bas, gardant quelques rôles de cinéma sous le coude malgré son passage dans les journaux. Ses aptitudes et son physique étant les deux seules lignes sur son cv, le rejeton des Svedberg se redirigea vers le domaine de la sécurité. Il devint garde du corps sur papier et, concrètement, la personne qu’on allait voir lorsqu’on avait un problème. Sa carrière de sportif avait peut-être eu une fin prématurée, mais l’opinion publique n’avait pas réellement suivie celle des média. En fait, Isak se rendit rapidement compte que sa popularité n’avait que peu chutée. Jouissant d’une seconde chance dans son domaine préféré, –la castagne- il se vit même encastrer des vilains dans le sol à plusieurs reprises, chose qui ne plut pas vraiment aux autorités du coin, autant pour le côté légal que pour les dégâts matériels engendrés par ses interventions.

Sa vie ayant bifurqué dans une direction qu’il n’avait pas anticipée, les rôles dans le cinéma ne pleuvaient plus comme lors de ses années de gloire mais suffisaient à lui assurer un revenu convenable. Il se maria l'année de ses 28 ans sur un fabuleux coup de tête, avec sa nouvelle collègue rencontrée lors du tournage de son dernier film en date. Son irresponsabilité le garda de fonder une famille, cependant. Isak aimait profondément Magdalena. C'était une belle femme, droite et qui avait réussi dans la vie et surtout, surtout elle l'empêchait de faire des bêtises, le gardant sur ce qu'elle appelait le "droit chemin". Mais en faisant cela elle bridait également sa passion. Le géant arriva à un stade où ce qu'il avait ne lui suffisait plus. Certes, il avait tout ce dont la plupart des gens rêvaient d'avoir, mais Isak, lui, gardait en lui une flamme qui refusait catégoriquement de s'éteindre. Il se surprit à se demander si passer le concours héroïque n’était pas la meilleure façon de ressentir le frisson du combat, chose dont il manque cruellement depuis sa reconversion. La trop grande emphase sur l’image en suède l’a cependant poussé à se tourner vers le Japon, où se trouvent non seulement les meilleurs héros, mais également les vilains les plus puissants, puisqu’ils arrivent à tenir tête aux gardiens de la paix nippons. Décidant spontanément de sauter le pas, Isak laissa derrière lui sa femme, ses parents et son réseau et pris le premier avion vers le pays du soleil levant. Après tout, on n’a qu’une seule vie.