Si Eiko intervenait rarement sur le terrain, son business lui imposait parfois d’entrer physiquement dans l’illégalité. Toute vêtue de noir et son masque lui couvrant le visage, elle se glissa dans le trou qui venait d’être découpé dans la grille protégeant l’entrepôt dans lequel se trouvait sa prochaine commande. Les systèmes d’alarme et de vidéosurveillance avaient été neutralisés par un talentueux associé posté dans un véhicule garé aux alentours. Cliché, mais toujours aussi efficace.
La cible de Maker était un bloc de terre rare appelée yttrium, dont l’utilisation principale résidait dans la fabrication de matières phosphorescentes. Enfin, ce minerai là était quelque peu différent car après avoir été manipulé par un ou deux alters, le matériau avait fini dans un alliage aux propriétés convoitées par de talentueux ingénieurs de l’ombre. Bien entendu, la jeune femme ne pouvait absolument pas décevoir ses clients, Maker obtenait tout, c’était la règle. Elle grommela intérieurement en repensant à ces mots qui étaient devenus son slogan. En toute honnêteté, elle avait un peu la flemme de jouer aux voleuses si elle pouvait dormir dans son immense lit bien douillet à la place.
Et pour cause, l’alliage ayant été façonné par une brute épaisse, il s’agissait en fait d’un énorme bloc de cinq mètre de côté. Alors bien sûr le plus pratique pour Eiko aurait été de préparer une opération de plus grande envergure en volant une partie de l’alliage (ou tout le bloc, pourquoi pas) mais là elle n’avait pas le temps. Les clients étaient pressés et le marché faisait qu’elle se retrouvait obligée d’aller prélever un échantillon elle-même. Enfin prélever, copier plutôt. Si elle faisait ça suffisamment discrètement, personne n’en saurait jamais rien.
Une voix grésilla dans l’oreillette placée dans l’oreille de la jeune femme, lui indiquant quelle direction prendre. Avec elle, trois complices, les plus discrets qu’elle avait pu dénicher en aussi peu de temps.
Il fallut quelques minutes seulement au groupe pour arriver devant une grosse caisse à la serrure électronique. Tiens ? Ils étaient plus prévoyants que ce qu’elle avait imaginé.
« Ouvrez-moi ça. », ordonna-t-elle, alors que l’un de ses hommes de main sortait des outils adéquats.
Si Eiko n’était pas de nature paranoïaque (ou du moins, pas tout le temps), il n’empêchait que cette petite excursion de nuit se déroulait vraiment bien. Et pourtant, ça n’était pas sa première, les autres étaient plus mouvementées d’habitude. L’unique garde qui patrouillait avait été gentiment assoupi à coup de dard somnifère dans la fesse gauche et le système de surveillance était encore ko pour un bon quart d’heure au moins. La jeune femme tâcha de se détendre, elle réfléchissait peut-être trop, tout simplement.
« Hop, ouvert ! », lâcha la voix masculine dans son dos alors que la caisse s’entrouvrait, laissant apparaître une surface imparfaite aux allures de métal extraterrestre.
C’était presque trop facile. Les systèmes de sécurités avaient été neutralisés en quelques secondes, caméras éteintes, alarme désactivée, garde de nuit endormi, ce petit groupe de voleurs n’est pas une simple bande d’amateurs. Les yeux rivés sur mon écran de téléphone, je les observe s’approcher du coffre-fort central de l’entrepôt, malheureusement pour eux, ils ne pouvaient pas savoir que mes propres appareils de surveillance avaient été ajoutés à ceux existants… Un simple petit système ajoutés aux caméras qui s’active quand ces dernières sont désactivées, m’envoyant une notification par la même occasion.
Depuis quelques temps mes fournisseurs principaux se plaignaient d’intrusions dans leurs entrepôts, avec un mode opératoire toujours efficace, les intrus ne laissaient jamais de traces vidéos de leur passage… Mais parfois, ils ne volaient rien. Les murs étaient percés, les coffres ouverts, mais les matériaux les plus difficiles à déplacer étaient laissés sur place, dans le même état qu’auparavant. Et je pense que le gigantesque bloc d’yttrium créé par les ingénieurs de la STRFactory ne fera pas exception.
J’avais remarqué que mes petits voleurs avaient un penchant pour les matériaux rares ou uniques… Et cette fois-ci, je suis prête à les cueillir la main dans le sac.
“Ils approchent du cube, t’es en place ?”
Metal Knight et moi sommes déjà sur le site, le piège est déjà en place, ils ne le savent pas encore, mais ils ont déjà pénétré dans la gueule du loup.
“Oui, je bloque leur porte de sortie. Tu peux y aller.”
“Deux secondes.”
Juste sous mes yeux, ils viennent de briser la serrure du coffre, qui s’ouvre lentement. Je pourrais intervenir maintenant, mais je suis curieuse. Je veux savoir pourquoi ils s'intéressent à l’yttrium, il est évident qu’ils ne vont pas le transporter…
La fille masquée semble mener les opérations, mais je n’en sais pas beaucoup plus sur eux, je vais attendre le moment opportun, je ne veux pas en laisser un seul s’échapper.
Eiko ôta ses gants puis posa une main nue sur la surface argentée, glaciale au toucher. Elle resta ainsi quelques secondes avant de lâcher un grognement et de sortir une tablette de sa sacoche. La formule était complexe et malgré ses efforts rien n’y faisait, elle n’arrivait pas à copier la matière. Sa main droite était désagréablement couverte d’une fine couche de particules brillantes qu’elle épousseta sur son pantalon avant de se mettre à pianoter sur la tablette. C’en était frustrant, elle sentait qu’elle y était presque, mais il lui manquait juste un petit bout de la formule quelque part. Elle mit quelques secondes à retrouver le document qui lui avait été fourni par une source sûre, comprenant entre autres la formule chimique de l’yttrium de synthèse. Ah bah tient, il lui manquait un atome de cuivre.
« Un problème, madame ? »
« Non, silence. »
De nouveau, la jeune femme posa sa main sur le bloc et fit jouer son alter. Cette fois, elle sentit la copie se créer progressivement dans la paume de sa main gauche, sous la forme d’un petit ovale de quelques centimètres de diamètre.
« Hah ! Bah voilà c’était pas si compliqué ! »
Sans plus de cérémonie, elle rangea sa création dans une petite boîte qu’elle cacha soigneusement dans sa sacoche. Elle avait drôlement soif maintenant, quelle plaie ce matériau ! Heureusement, elle n’avait besoin que d’une petite quantité.
« Rangez-moi tout ça et demi-tour. » fit-elle froidement avant de porter une main à une petite oreillette qui lui servait à communiquer avec le reste de l’équipe postée à l’extérieur.
« On remballe, préparez vous pour dans 5 minutes. »
Eiko marqua un temps d’arrêt, portant automatiquement la main à l’arme de poing dans sa sacoche.
« De quoi tu parles ? » dit-elle lentement, son cœur battant maintenant suffisamment fort pour qu’elle sente le sang circuler dans ses tempes.
« Je crois que vous avez été repérés, le geek me dit qu’il y a un deuxième circuit de surveillance. On surveille dehors mais il y a rien, sortez de là au plus vi- »
Eiko lâcha un juron, aussi bien dans sa tête que haut et fort. Et il ne le remarquait que maintenant, le petit génie ? Elle fit plusieurs pas rapides dans la direction inverse de leur arrivée puis s’arrêta, bientôt rejointe par ses collègues du soir qui avaient compris que la situation n’était peut-être pas aussi prometteuse que cela, finalement. Immobile, la jeune femme pesait ses options, ses yeux filant de droite à gauche sous son masque à mesure qu’elle imaginait les possibles scénarios. Non, ils étaient faits, elle en était maintenant sûre. Un bruyant soupire s’échappa de ses lèvres avant qu’elle ne lève le bras à la verticale, le canon de son arme pointé vers le plafond.
« Tu es là, non ? Sors de ta cachette, on n’a plus l’âge de jouer à cache-cache. »
Les calculs d’Eiko l’avaient menée à une unique conclusion ; la confrontation était inévitable. Et puisque c’était le cas, autant au moins enlever l’effet de surprise à son adversaire. Le problème était que la jeune femme ignorait tout de l’identité du trouble-fête. Il restait donc à voir sur quel type de menace elle était tombée. Et après, elle aviserait.
Je n’en crois pas mes yeux. Si cette fille vient réellement de faire ce que je pense… Cet alliage a nécessité plusieurs semaines de travail, plusieurs experts et sûrement des alters très rares… Et elle vient juste d’en recréer un échantillon ? Sans utiliser la matière de l’original ?
“Holy sh*t.”
Si je ne me suis pas trompée, son alter a une valeur exceptionnelle. Tellement de question se bousculent maintenant dans ma tête, lui suffit-il de toucher l’objet pour en créer la copie ? Peut-elle l’utiliser à l’infini ? Si elle n'en a fait qu’un petit échantillon, alors elle peut sûrement réutiliser son alter sur sa propre création.
Alors que je me perds dans mes pensées, une alerte émet un bruit sur ma tablette et un petit logo rouge s’affiche en haut à droite de mon écran. Un sourire se dessine sur mon visage, et je porte ma main à mon oreille en même temps que la voleuse sur l'image de la caméra :
“Metal Knight, ils ont une aide extérieure. Je lance un tracking, occupe-t-en.”
Je crache le cure-dent que je mâchouille depuis quelques minutes maintenant avant de sortir un chewing-gum de ma poche.
“Mais, tu…”
“Ne t’en fais pas pour moi.”
“Très bien.”
Et, sur ces mots, je pianote rapidement sur ma tablette avant de la ranger, juste après avoir vu l’autre sortir une arme, pour l’effet de surprise, on repassera. Mais j’ai encore quelques cartes dans ma poche.
“...Sors de ta cachette, on n’a plus l’âge de jouer à cache-cache.”
Je déballe le chewing-gum, le pose sur ma langue et esquisse un sourire en l’écrasant entre mes dents alors qu’un frisson d’adrénaline me parcourt le dos. Je passe mes mains dans mes gantelets, serre les poings et… je bondis à travers la vitre. Le verre vole et, dans une acrobatie maîtrisée, j’atterris dans un vacarme métallique face aux voleurs, une main au sol.
“Bien le bonsoir ! Métal Punch au rapport !”
Je me redresse et place mes mains devant moi, parcourant mes adversaires du regard. Mes gants s’activent et passent en mode défense dans une série de cliquetis satisfaisants.
“Laissez-moi vous expliquer vite fait la situation…”
D’habitude, les héros sont censé faire un speech pour demander aux vilains de déposer pacifiquement les armes et de se rendre… Mais je préfère ma méthode.
“Si vous résistez, vous perdez vos dents.”
Mes yeux se posent sur la chef du groupe.
“Sauf toi, j’ai des questions à te poser alors j’aimerais que tu sois encore en capacité de causer quand je t’aurais passé les menottes.”
C’est ma cible numéro un, il n’est pas question qu’elle s’en tire.
Metal Punch, encore une bourrine. Décidément, Eiko s’attirait le courroux des grosses brutes dans les rangs des héros. Après North Star, Metal Punch donc. Celle là aussi avait sa petite réputation, et vu la dégaine, les rumeurs semblaient plutôt raccord.
Eiko baissa son arme, la pointant vers le sol mais refusant de la lâcher. Ses hommes à l’autre bout de l’oreillette avaient probablement eu l’info de toute façon, et elle se savait incapable de juste plomber une héroïne sans préparation. Un soupire mêlé d’un râle s’échappa de sous le masque violet.
« Et dire que je faisais justement attention à gérer ce genre de situation proprement. Décidément, travailler en temps limité n’est vraiment vraiment pas profitable. »
Son regard se posa enfin sur Metal Punch et ses deux gros poings métalliques.
« On ne peut pas passer la partie castagne inutile et passer directement à la discussion ? Tu peux casser leurs dents si tu veux mais je ne suis pas vraiment du genre à boxer, personnellement. »
À côté d’elle, ses trois acolytes du soir commençaient à s’agiter sérieusement, cherchant une occasion pour attaquer l’héroïne. De son côté, la jeune femme était à l’affût du moindre son provenant de son oreillette, mais rien ne lui parvenait à part un petit grésillement qui s’était rapidement tût.
L’un des gaillards s’élança finalement, brandissant un tournevis qui s’agrandit brusquement en une longue tige de tungstène filant droit vers la cage thoracique de Metal Punch. Un deuxième suivit, des poings américains ornés de piques recouvrant ses phalanges qui s’enflammèrent lorsqu’il arriva au contact. Le dernier homme, membre de la garde d’Eiko, ne bougea pas mais était prêt à dégainer à chaque instant.
La jeune femme regardait quant à elle l’affrontement. Qui sait, peut-être que sur un malentendu la cohue lui permettrait de s’enfuir ? Autant être optimiste, elle était déjà dans la gueule du loup après tout.
Mon petit coup de pression semble avoir porté ses fruits. D'habitude les vilains réagissent assez basiquement du genre "tiens on est quatre contre une, on va l'éclater !" mais là, la fille baisse son arme et les trois autres restent sur leurs gardes.
Comme quoi, mes entrées s'améliorent.
"On ne peut pas passer la partie castagne inutile et passer directement à la discussion ? Tu peux casser leurs dents si tu veux mais je ne suis pas vraiment du genre à boxer, personnellement."
Un sourire se dessine sur mon visage alors que je lève un sourcil. Discuter ? Elle pense vraiment que je vais lui laisser le temps de préparer sa sortie ? Elle semble même prête à sacrifier son équipe pour s'en tirer.
"Commence par lâcher ton arme, puis lève tes mains, et je te promets que je ne te taperais pas trop fort dessus."
Mais j'ai à peine le temps de lui dire ça que ses sbires passent à l'attaque ! L'un deux m'attaque avec une gigantesque tige en métal qui vient s'écraser tout droit dans ma garde.
"Here we go.”
Malheureusement pour lui, mon gantelet encaisse le choc avec un son métallique ridicule et c’est à peine si je chancèle. Alors, quand son pote aux poings enflammés arrive à mon contact, je l’attends de pied ferme. Il tente de me frapper plusieurs fois, mais j'esquive chacun de ses coups. Il est rapide, mais je lis chacun de ses mouvements avec précision, il est tombé face au mauvais adversaire.
“Metal Punches…”
Je me penche légèrement pour éviter une droite flambante de peu, cramant quelques-uns de mes cheveux au passage, et je pousse sur mes appuis pour me propulser d’un coup vers lui, tout en tournant violemment mon poignet pour activer mes gantelets :
“Fight mode.”
Mon poing droit se serre violemment, créant une énergie phénoménale, immédiatement absorbée par les mécanismes de mes appareils. Et l’uppercut touche le malfrat en pleine figure ! Et un menton de travers pour monsieur. Les aiguilles indiquant la pression de mes poings passent du rouge au bleu en une fraction de seconde et une onde de choc se propage à l’instant où l’impact se produit, créant une légère bourrasque.
Le criminel vole à travers la pièce et s’écrase droit dans le mur du fond, y laissant même une silhouette précise de son corps, avant de tomber lamentablement au sol, K.O. Mais j’ai à peine le temps de me vanter que je lève mes poings devant moi d’un seul coup… Et qu’un coup de feu retentit.
Une fulgurante douleur me traverse l’épaule. Le dernier sbire vient de tirer, il attendait le bon moment. Heureusement, j’ai pu dévier la balle au dernier moment et elle m’a simplement écorchée. Mais sans mes réflexes, ça aurait pu être pire.
“Tes gars ne sont pas très communicants dis-moi. C’est ça l’équipe d’élite que tu as assemblée pour venir copier de l’yttrium ? C’est bien ce que tu as fait avec ton alter non ?”
Je ne la lâche pas du regard. Si elle ne se rend pas, je vais devoir tenter de la neutraliser avant qu’elle ne prenne la poudre d’escampette. Elle est la clé de ces cambriolages.
Sans surprise, la fine équipe d’Eiko se fit démolir. Bon c’était des ingénieurs, pas des combattants mais ça lui faisait presque de la peine pour eux. Une mine contrariée s’afficha sous le masque de la jeune femme alors qu’elle se prenait une bourrasque, résultat du boulet de canon humain qu’était devenu l’un des sbires. D’un coup, l’ingénieur en chef avait l’air bien moins confiant. Surtout qu’il n’avait plus son tournevis. Ah les amateurs, Eiko avait déjà de l’expérience dans le combat contre brute épaisse, elle ne referait plus les mêmes erreurs.
“Tes gars ne sont pas très communicants dis-moi. C’est ça l’équipe d’élite que tu as assemblée pour venir copier de l’yttrium ? C’est bien ce que tu as fait avec ton alter non ?”
Quoique. Eiko avait horreur de voir ses petits secrets dévoilés de la sorte. Pas que Maker et son alter étaient réellement secrets, mais les enquêteurs auraient déjà le travail prémâché si le lien entre l’Yttrium et Maker était établi d’office. Derrière ils pourraient potentiellement retracer les ventes et remonter à la production avant que cette dernière n’ait le temps d’être relocalisée et toutes ces questions logistiques allaient lui provoquer un mal de crâne. Bon elle était peut-être moins bête qu’elle en avait l’air, l’héroïne aux gros poings.
« Tu parles, ce n’est que l’équipe technique… d’habitude les entrepôts ne sont pas gardés par des héros. »
Elle ignora volontairement la question sur son alter, il ne servait à rien d’y répondre de toute façon. Bon maintenant il lui fallait trouver comment se sortir de là parce que la situation n’était pas prometteuse. Elle avait un garde avec elle, armé uniquement de son sang-froid et d’une arme à feu, et son équipe d’évacuation était injoignable. Donc en soit elle se retrouvait dans la même situation que lorsqu’elle avait affronté North Star sauf que maintenant elle n’aurait pas de diversion spontanée pour l’aider à se tirer du bourbier dans lequel elle avait plongé. Son regard descendit jusque sur sa sacoche avant de revenir sur la boxeuse.
« Bon, maintenant que tu as bien cogné partout, es-tu disposée à m’écouter ? Comme je te l’ai dit, je ne suis pas vraiment du genre à me battre, personnellement, aussi je propose qu’on règle ça à l’amiable, si tu le veux bien. »
L’avantage qu’avait Eiko, c’est qu’il y avait actuellement deux armes à feu prêtes à tirer sur Metal Punch. Elles permettaient au moins de la tenir en respect, tout le monde n’était pas assez fou pour se jeter sur un barrage de balles. Enfin, on n’était jamais trop prudent.
« Voilà mon offre : Je te donne les ingénieurs et en échange, tu me laisses partir gentiment. De cette façon, tu auras des malfrats à mettre en cage et tu ne seras pas blessée –ou tuée- dans le processus. En plus, je n’ai rien volé, donc il n’y a pas de mal. »
La proposition fut accueillie par les protestations véhémentes de l’ingénieur en chef, qui se tût aussitôt qu’Eiko pointa le canon de son arme dans sa direction. Metal Punch ne pouvait pas le voir, mais Eiko souriait sous son masque. Un sourire un peu crispé malgré tout, le silence dans son oreillette commençait à l’inquiéter sérieusement.
La jeune femme raffermit légèrement la prise sur son arme, elle pouvait sentir sa main devenir moite. Et pour cause, il n’y avait aucune chance qu’une héroïne accepte ce marché ridicule.
Dernière édition par Eiko Yoshida le Mer 25 Mai - 23:28, édité 1 fois
La cambrioleuse ne semble pas vraiment impressionnée par mon coup d’éclat, dommage. Cependant, ses sbires semblent avoir compris que je n’étais pas là pour faire de la figuration, il ne repassent pas à l’attaque et gardent une distance de sécurité plus que raisonnable avec mes poings.
“Bon, maintenant que tu as bien cogné partout, es-tu disposée à m’écouter ? Comme je te l’ai dit, je ne suis pas vraiment du genre à me battre, personnellement, aussi je propose qu’on règle ça à l’amiable, si tu le veux bien.”
Hey ! Ce sont eux qui ont ouvert les hostilités ! S’ils ne m’avaient pas sauté dessus, je n’aurais envoyé personne valser dans le mur, on me reproche déjà bien assez souvent d'abîmer la voie publique avec les crânes de mes adversaires comme ça.
Cependant, elle m'intéresse. Tout en restant sur mes gardes, je me redresse pour la regarder droit dans les yeux, intriguée. Je ne compte pas la laisser s’en tirer, mais si elle peut m’apprendre quelque sur son alter et ses activités, je dis pas non, surtout que je commence à me demander ce qu’elle fait des matières qu’elle… récupère.
“Voilà mon offre : Je te donne les ingénieurs et en échange, tu me laisses partir gentiment. De cette façon, tu auras des malfrats à mettre en cage et tu ne seras pas blessée –ou tuée- dans le processus. En plus, je n’ai rien volé, donc il n’y a pas de mal.”
Étonnée, je reste silencieuse devant sa proposition arrogante. D’ailleurs, son camarade à l’arme en métal semble aussi étonné que moi et essaye de râler avant de se faire braquer par sa boss sans aucune forme de justice. Ouh, j’aimerais pas être à sa place. Un silence se crée alors qu’elle attend ma réponse… Ce qui ne manque pas de m’arracher un rire franc.
“Hahaha ! Eh beh, j’aimerais pas être ta pote.”
L’ironie de la situation est vraiment hilarante, je m’attendais à ce qu'elle me donne des indices, mais elle semble plutôt prête à tout pour s’en tirer sans rien lâcher, quelle égoïste !
“J’vais résumer rapidement sweetie, car t’as pas trop l’air de comprendre la situation. En fait, si y’a bien une seule personne que je compte pas laisser partir ici, c’est toi. Je sens que t’as des réponses qui m'intéressent.”
Mon poing vient alors s'écraser dans ma paume avec un bruit métallique significatif :
"Ces derniers temps y'a des vilains qui se baladent avec des équipements héroïques de très bonne qualité, et ce n'est clairement pas du matériel volé, c'est du sur-mesure."
Mon regard se fait plus sérieux :
"Ça fait quelques jours que je suis sur une piste, et maintenant que j'ai vu ce que tu as fait avec ce minéral… Tes activités m'intéressent. Fortement. Pour faire des équipement héroïque il faut du matériel de bonne qualité, tu me suis ?"
Elle pourrait avoir un lien avec mon ingénieur de l'ombre. Aussi infime soit-il, je ne peux pas la laisser s'échapper. Et malheureusement pour elle, j'avais prévu de faire un gros coup de filet aujourd'hui, j'avais anticipé un combat avec des potentiels super-vilains, pas une bande d'ingénieurs.
J'esquisse un sourire fier, et dire qu'elle a osé imaginé pouvoir poser ses conditions. Je pose une main sur ma hanche et ajoute en haussant les épaules :
"Ah et au fait, je sais pas si t'as remarquée mais… Tu es tombée dans un piège."
A peine ai-je prononcé le mot piège, qu'une détonation retentit dans le fond de la pièce derrière eux. Un grand filet en fils d’acier fond et se referme sur son camarade armé d’un seul coup ! Le sbire totalement immobilisé est déséquilibrée par la puissance du filet et roule jusqu’à mes pieds, totalement saucissonné.
Tss, ça n’a pas touché la cible principale mais tant pis. Posant mon pied sur le vilain incapacité, j’esquisse alors un sourire fier :
“Lance-Filet NK.07. Précision parfaite jusqu’à 50 mètres, envoie des filets de capture à plus de 150 km/h, Assez puissant pour capturer sa cible en 1 seconde, pas assez pour la découper en lamelles. Je te déconseille de bouger trop vite, il a un détecteur de mouvement. Oh, et c’est de moi.”
L’ingénieur désarmé, quant à lui, me regarde bouche bée, juste avant de se prendre un poing métallique en pleine face, le mettant K.O sur le coup.
Maintenant, il ne reste plus qu’elle debout. Alors, confiante, je marche tranquillement vers la voleuse, mes poings devant moi :
“Tu voulais causer ? Alors causons. Dis-moi, qu’est ce que tu fais ici ? Et qu’est ce que tu as fait avec l’yttrium ? Si tes réponses me plaisent, je pourrais me montrer plus clémente qu’avec tes camarades. Et si tu lâches ton arme maintenant, tu t’éviteras un poing dans la gueule.”
Mes sens sont tournés vers elle à 100%, si elle tente quoi que ce soit, ça finira mal pour elle.
C’est qu’elle jugeait facilement l’héroïne. Voilà qu’Eiko se faisait presque insulter en direct. Enfin en réalité, les propos de la jeune femme étaient presque flatteurs ; elle l’avait cernée comme la cheffe égoïste qu’elle était. Eiko ne pouvait pas s’offusquer, c’était bien là le trait de personnalité qui lui était reconnu dans l’univers du marché noir. Tout pour la richesse, et toute la richesse du monde pour elle.
"Ces derniers temps y'a des vilains qui se baladent avec des équipements héroïques de très bonne qualité, et ce n'est clairement pas du matériel volé, c'est du sur-mesure."
Un sourire radieux se dessina sous le masque de la criminelle, si large qu’il en devenait discernable sur son visage. La Forge laissait sa marque sur la surface. Les héros avaient commencé à remarquer, c’était la preuve que leur association portait lentement ses fruits. Oui ! C’était parfait ! Elles grandiraient encore plus, et bientôt le monopole sera à portée de main. Dire qu’Eiko était ravie aurait été un euphémisme. Son attention vacilla momentanément avant de revenir au moment où Metal Punch prononçait un mot bien particulier :
"… piège."
« Huh ? », eut-elle à peine le temps de lâcher avant qu’une bourrasque à sa droite ne fasse voler ses cheveux. Elle avait été poussée ? Était-ce l’œuvre de son garde ? Elle vit le filet saucissonner l’homme en un clin d’œil et le projeter aux pieds de l’héroïne. S’il ne l’avait pas protégée…
Ah, ce sourire. Elle était fière, la garce.
“Lance-Filet NK.07. Précision parfaite jusqu’à 50 mètres, envoie des filets de capture à plus de 150 km/h, Assez puissant pour capturer sa cible en 1 seconde, pas assez pour la découper en lamelles. Je te déconseille de bouger trop vite, il a un détecteur de mouvement. Oh, et c’est de moi.”
La bouche d’Eiko s’entrouvrit, elle venait de percuter quelque chose. Quelque chose qui allait grandement lui servir.
“Tu voulais causer ? Alors causons. Dis-moi, qu’est ce que tu fais ici ? Et qu’est ce que tu as fait avec l’yttrium ? Si tes réponses me plaisent, je pourrais me montrer plus clémente qu’avec tes camarades. Et si tu lâches ton arme maintenant, tu t’éviteras un poing dans la gueule.”
Un silence accueillit la phrase de Metal Punch qui avait toujours l’air aussi fière avec ses gros poings et son arrogance. Et puis, un petit bruit étouffé se fit entendre de sous le masque, avant de se muer en un rire de crécelle qui résonna dans le hangar.
« Haha.. hahaha attends mais... à tout hasard, tu ne serais pas un petit peu jalouse ? »
Son ton se fit narquois : « Tu dois t’en mordre les doigts, à voir tous ce matériel de pointe aux mains des vilains non ? Tout s’explique. Metal Punch l’ingénieure est en concurrence avec les petits génies de l’ombre ! »
C’en était risible. Eiko en pleurait littéralement de rire. Une rivalité d’ingénieurs. La boxeuse ne supportait pas de voir des vilains lui tenir tête dans son domaine, c’est ça ? Quelle que soit la véritable raison, c’était probablement ce point là qui avait déclenché une traque à l’ingénieur sur la surface. Ce qui expliquait la présence de ses gros poings ici.
[ Aaaah… Ma petite Forge, tu me causes bien des soucis.]
« Mais soit ! » reprit-elle d’une voix plus forte, un sourire toujours plaqué sur son visage. Elle devait agir vite, Metal Punch devait mourir d’envie de la frapper maintenant. Elle recula lentement de quelques pas pour conserver sa distance avec l’héroïne.
« Je vais parler, nul besoin de me cogner avec ces deux là. Je ne pourrais probablement rien prononcer si tu me frappes de toute façon. »
Elle pointa son arme vers le sol, toujours sans la lâcher et glissa lentement une main dans sa sacoche, montrant par la gestuelle qu’elle n’allait rien tenter. Assez ironique lorsque l’on prenait en compte le fait qu’elle avait une arme dans l’autre main mais de toute façon, les chances qu’elle possède quelque chose de plus offensif qu’une arme à feu dans sa petite sacoche étaient moindres. Sans compter que Metal Punch était apparemment à moitié par balle.
Eiko ressortit lentement sa main et dévoila ses doigts écartés, au bout desquels on pouvait discerner des résidus d’une substance argentée. « Pour répondre à tes nombreuses questions, j’ai bien effectué une copie de l’yttrium. Tu as l’œil. Tiens, regarde », fit-elle alors que la substance grandissait sur ses doigts, comme une sorte de plante observée en accéléré. « Et comme tu l’as probablement déjà deviné, cet yttrium va servir à créer ces équipements que tu détestes tant. »
Sa gorge s’asséchait, conséquence de l’utilisation de son alter. Cette saleté de substance la déshydratait comme un désert assoiffé. Elle fit danser ses doigts sous les yeux de Metal Punch puis posa la question qui lui brûlait les lèvres.
« Alors dis-moi ; que penses-tu des équipements de vilains, en tant qu’ingénieure ? J’ai gentiment répondu à tes questions comme je l'avais promis, tu peux bien me dire ça. »
Ca n’était pas souvent qu’Eiko avait l’occasion de parler avec un héro, autant en profiter pour avoir quelques informations honnêtes d’un point de vue diamétralement opposé au sien.
Acculée, sans un seul allié encore debout, la fille masquée reste silencieuse un instant… Quand un rire aigu et hystérique s’échappe soudain de son masque, ah ça y est ? Elle craque ? Elle était restée bien calme jusqu’ici pourtant. Si elle pouvait se rendre, ça me faciliterait vraiment la journée, je ne lui ai pas dit que mon lance-filet n’avait droit qu’à un tir et je n’ai pas envie de risquer de prendre une balle bêtement.
“Haha.. hahaha attends mais... à tout hasard, tu ne serais pas un petit peu jalouse ? Tu dois t’en mordre les doigts, à voir tout ce matériel de pointe aux mains des vilains non ? Tout s’explique. Metal Punch l’ingénieure est en concurrence avec les petits génies de l’ombre !”
Mon sourcil se lève, ouep elle a complètement déraillé. Il y a deux secondes elle me reprochait de ne pas la laisser parler et maintenant elle parle pour ne rien dire. Je soupire, ennuyée, j’vais peut-être lui mettre mon poing dans la gueule finalement, j’aurais au moins la satisfaction de l’avoir fait taire. Mais une chose avait retenu mon attention dans sa phrase, elle est bien au courant du trafic d’équipement parmi les supers-vilains. Et c’est sûrement ça qui me permet de l’écouter jacasser quelques secondes de plus alors qu’elle garde ses distances avec moi, ce qui a le don de m’énerver un peu plus.
Et c’est là, au milieu de deux piaillements, qu’elle me révèle enfin son alter. Brandissant sa main avec fierté devant moi, elle me montre l’yttrium pousser sur ses doigts, attestant qu’elle le copie en ce moment même ! Une insulte à l’américaine me glisse entre les dents alors que j’observe le miracle avec un intérêt grandissant… Quel alter incroyable ! Je veux en savoir plus, comment il marche, ses limites, la composition des matériaux copiés…
“Et comme tu l’as probablement déjà deviné, cet yttrium va servir à créer ces équipements que tu détestes tant.”
Contrairement à ce à quoi elle s’attendait, un grand sourire se dessine maintenant sur mes lèvres. Si elle dit vrai, que c’est bien ses matériaux qui servent à la création des équipements héroïques que j’ai récupérés sur des vilains, alors elle a réalisé une copie parfaite de cet yttrium.
“Alors dis-moi ; que penses-tu des équipements de vilains, en tant qu’ingénieure ? J’ai gentiment répondu à tes questions comme je l'avais promis, tu peux bien me dire ça.”
J’en suis maintenant convaincue, j’ai devant moi une pièce importante du puzzle, peut-être même le puzzle complet. Elle est forcément le fournisseur principal de mon ingénieur de l’ombre et je me demande même… Si je ne l’aurais pas sous les yeux à cet instant précis. Je ne peux plus rester sans riens faire.
“Ils sont excellents.”
Et, sans lui laisser une seconde de plus pour préparer sa retraite, je bondis en avant, propulsée par mes bottes mécaniques. Surprise, la cambrioleuse met un peu de temps à lever son arme, ce qui me permet de réduire énormément la distance qui nous séparait. Lorsque le canon est pointé vers mon crâne, j'effectue un pas sur le côté éclair pour éviter le tir…
RATATATA
Qui se révèle être une véritable rafale ! Une mitraillette ?! Merde ! Tout en continuant de foncer vers elle, je lève le poing pour bloquer les tirs qu’elle réoriente vers moi dans un vacarme métallique. Heureusement, ce ne sont pas de ridicules balles de fusils qui égratineraient mes Metal Punches. Cependant, une des balles ricoche et se fiche dans ma jambe gauche, m’arrachant un hurlement, mais il est déjà trop tard pour elle.
Arrivée à son corps à corps, ma main gigantesque se referme sur son arme pour la lui arracher des mains avant de la broyer et de la jeter au sol. Elle se retrouve alors face à moi et mes poins, totalement désarmée. Elle ne peut plus rien faire, je n'ai techniquement pas besoin de lui asséner la mandale promise. Je hausse les épaules, elle l'a bien cherché après tout.
“I warned you.”
Mes gants tombent alors au sol, laissant apparaître mes poings de boxeuse, ouais je vais quand même éviter de lui fracasser le crâne, j’ai besoin qu’elle parle. Et c’est alors ma droite qui vient se ficher dans le masque de mon adversaire, la faisant tomber à la renverse, sonnée. Pfiou, ça détend.
Avant qu’elle ne puisse se relever, je la plaque sur le ventre avant de lui tordre les bras dans le dos pour lui passer des menottes made in Kara aux poignets. Ces menottes, extrêmement résistantes, ne peuvent être mises et enlevées qu’avec mon alter et sont même réglables pour maintenir les mains dans la position choisie. En l'occurrence, copie-girl ne peut maintenant même pas les atteindre avec ses doigts. Et, afin d’être sûre qu’elle ne s'enfuit pas quand j'ai le dos tourné, je lui en passe une seconde paire aux chevilles.
Une fois ma cible immobilisée, je viens m’asseoir devant elle, satisfaite de ma victoire :
“Et c’est pour ça que je dois retrouver celui ou celle qui les produit. Ce serait pas toi par hasard ?”
Eiko savait déjà quoi dire si cette réponse tombait. En revanche, voir l’héroïne lui foncer dessus à la vitesse d’une formule 1, ça, ça n’était pas dans ses plans.
Un clic sur le bouton latéral de son arme plus tard et une rafale traça une ligne de balles mortelles en travers de Metal Punch. En théorie du moins. En pratique, cette tarée en mangea une sans broncher, façon North Star et un quart de seconde plus tard Eiko voyait son arme en miettes se répandre au sol. Son sang se glaça momentanément dans ses veines lorsqu’elle réalisa le danger que représentait l’héroïne. Si elle avait attrapé sa main au lieu de son arme…
Les gants tombèrent au sol et l’instant d’après Eiko sentit son masque s’écraser violemment contre son visage alors que ses pieds décollaient du sol. La douleur sourde dans son os malaire lui rappela une montagne de mauvais souvenirs. Le sol en béton du hangar était aussi froid que la cave où elle avait grandit, son visage lui faisait aussi mal qu’à l’époque. Ah, elle allait avoir un sacré hématome, comme avant. Le goût désagréable dans sa bouche la fit grimacer. Non, elle avait déjà surmonté ça. Ses années dans les rues pourries d’Osaka l’avaient forgée. Elle avait été battue, escroquée, ridiculisée et plus encore. Mais petit à petit elle avait su piétiner ses anciens ennemis. Certains n’étaient plus de ce monde, les autres avaient été marqués à vie par le démon des quartiers pauvres. On lui avait collé un surnom aussi, Oni, à cause de ses cornes. Elle avait une sacrée réputation à l’époque. Si elle avait fait d’autres choix à l’époque, sa vie serait bien différente aujourd’hui.
Sortant peu à peu de ses pensées, Eiko s’adossa contre une caisse. Ses bras étaient inconfortablement liés dans son dos et même ses jambes avaient eu le droit aux menottes. Elle se serait bien passée de ces bijoux là. Elle releva la tête vers Metal Punch, assise devant elle avec un air de satisfaction insupportable plaqué sur le visage. Le regard de Maker était meurtrier. Par chance son masque était encore partiellement sur son visage et seule la partie où le poing avait frappé était partie en miettes. Malgré la douleur, Eiko remit ses méninges en marche, il était hors de question qu’elle cède face à cette brute. Elle devait faire un point sur la situation et établir les options qui s’offraient à elle. Si elle récapitulait, son chemin de sortie s’était fait neutraliser et elle n’avait plus de nouvelles. Ses hommes s’étaient fait oblitérer en quelques secondes et elle avait échoué sur sa manipulation. La jeune femme réprima un soupire. Elle n’était pas faite pour affronter les héros en face à face et elle le savait. Elle aurait dû emmener Satoru, ou au moins sa garde habituelle pour la couvrir dans ce genre de situation. Elle avait été négligente, son ascension lui montait-elle à la tête ? Peut-être, mais pas seulement. Des héros patrouillant sur un cite tel que celui-ci, elle aurait dû en entendre parler. Si l’hypothèse seule avait été soulevée, elle aurait envoyé des larbins récupérer un échantillon. Eiko bouillonnait et maudit mentalement le monde entier. Lorsqu’elle retrouverait le coupable, elle lui ferait regretter le jour de sa naissance.
« J’ai une tête à être ingénieure ? », demanda-t-elle sans se laisser démonter, des mèches de cheveux lui retombant sur le visage. La douleur irradiait sa mâchoire lorsqu’elle parlait, aggravant la rancœur qu’elle éprouvait à l’encontre de Metal Punch. Mais du calme, Maker était devenue ce qu’elle était aujourd’hui grâce à son sang froid. Et une chose était sûre, rien ni personne ne pourrait la faire craquer.
« De toute façon, soupira-t-elle, donner des informations sur ses collègues n’est pas très bien vu. Surtout dans mon milieu, les gens ont tendance à disparaître du tableau quand ils ne jouent pas le jeu. »
Son calme était revenu en un clin d’œil, heureusement. A vrai dire, Eiko se sentait étrangement apaisée, comme si savoir qu’elle était toujours maitresse de ses émotions rendait la situation présente secondaire. Elle posa la tête contre la caisse derrière elle. Sa défiance commençait tout juste à revenir. La criminelle se surprit à se demander si Metal Punch avait déjà eu affaire à un gros poisson de la vilénie.
« Et donc, tu comptes faire quoi après avoir trouvé ton Némésis ? L’enfermer dans une cellule en lui parlant d’ingénierie moderne ? » Un sourire se dessina sur les lèvres de la jeune femme, à moitié visible au travers du masque. « Ce serait quand même peu intéressant comme fin de périple. »
Les images de son passé étaient bien loin maintenant, suffisamment pour que son registre langagier revienne à la normale. Cela eut pour effet de finir de l’apaiser. Il semblait que son cerveau l’avait doublé dans la manœuvre, et sa langue de vipère claquait déjà au contact de l’air avant qu’elle-même ne s’en rende entièrement compte.
« Je crois que vous ne réalisez pas exactement à qui vous avez affaire, vous autres les héros. » Un regard de défiance se verrouilla sur les yeux de la boxeuse. « Si vous détrônez les piliers actuels, ils seront remplacés en quelques jours. Oui, le marché noir sera perturbé quelque temps mais tôt ou tard une nouvelle tête émergera et tout rentrera dans l’ordre. Vous vous retrouverez donc à la case départ comme des idiots. L’avantage d’un système stable en revanche, est que vous avez une chance de converser avec, de marchander. »
Eiko secoua légèrement la tête : « La raison pour laquelle vous êtes des perdants perpétuels est que vous refusez de vous adapter à quelque chose que vous ne pouvez contrôler. Tu peux me croire, vous êtes bien mieux lotis avec l’architecture actuelle du marché noir qu’avec une autre. »
Il ne s’agissait pas de l’Alliance, la Ménagerie ou de la Confrérie. Non, ce à quoi Eiko faisait référence c’était tout le reste du peuple des vilains. Des petites frappes aux receleurs de grande envergure, c’étaient ces rouages là qui étaient en véritable contrôle de ce qui se passait dans l’ombre. Sans la chaine de production, les vilains n’étaient qu’une bande d’énergumènes dopés aux superpouvoirs. Alors bien sûr la plupart haïssaient profondément la société héroïque et n’envisageraient jamais de seulement ouvrir un dialogue avec le gouvernement, mais la simple possibilité d’une conversation était une ressource qu’Eiko avait toujours considéré comme primordiale. Et cela était valable dans n’importe quelle instance.
« Enfin, ce n’est pas comme si vous étiez réellement portés sur le dialogue, de toute façon. Rappelle-moi ton slogan, Metal Punch ? »
Oui, la raison qui avait poussé Eiko et tant d’autres citoyens à devenir des criminels était généralement la même : un gouvernement de pacotille qui se fichait éperdument du sort de sa population. Des inégalités, de la souffrance, de l’injustice… il y avait autant de motifs que de vilains mais la cause globale était toujours la même. Pointer une institution du doigt était facile mais pour Eiko la donne était un peu différente. Le gouvernement n’était pas en tort, les gens l’étaient. Si la loyauté d’Eiko était malléable une chose était certaine : elle détestait trop les héros pour leur donner une quelconque information.
Répond-t-elle avec défi, m'arrachant un soupir las. Elle vient de se faire rétamer et elle est encore assez fière pour se foutre de ma gueule ? Quelle sale peste. Au moins, elle a des couilles, j’aime ça. Ennuyée, je me relève en crachant à mes pieds avant de sortir une sucette au citron de la poche de ma veste. Tss, je n’ai pas envie d’essayer de lui tirer les vers du nez, si elle me dit qu’elle n’est pas l’ingénieur que je cherche, je la crois. Cependant, je suis sûre qu’elle reste un élément clé du trafic, elle me l’a elle-même confirmé et son alter est une très bonne explication aux ressources de ma cible.
Alors que je déballe mon bonbon pour le mettre dans ma bouche, la cambrioleuse me confirme qu’elle ne compte pas me lâcher une seule info, toujours autant emplie de sa fierté insolente, car elle ne compte pas entacher sa réputation. Compréhensible, même si une fois derrière les barreaux, cela n’aura plus grande valeur. Je lui jette un dernier regard pour constater qu’elle est bien impuissante avant de porter ma main à mon oreillette :
“J’ai terminé de mon côté, tout va bien pour toi ?”
“Oui, j’ai trouvé le groupe qui leur transmettait les infos de l’extérieur, je les ai neutralisés.”
“Bien.”
Il ne reste plus qu’à appeler les flics pour qu’ils l'embarquent elle et ses sbires, mais avant ça…
“Et donc, tu comptes faire quoi après avoir trouvé ton Némésis ? L’enfermer dans une cellule en lui parlant d’ingénierie moderne ?”
Intriguée je lève un sourcil. Elle ne la ferme jamais ?
“Ce serait quand même peu intéressant comme fin de périple.”
Alors que je pars rassembler et ligoter ses sbires inconscients, elle commence alors un monologue infinissable sur… Les avantages de faire affaire avec les vilains actuels ? Ou un truc comme ça ? Bah,c’est juste du blabla pour se tirer d’affaire, ses arguments ne tiennent pas debout, elle doit juste paniquer. Elle finit son discours sur une dernière provocation, comme si elle venait de lâcher la bombe du siècle, ce qui m’arrache un sourire.
“Ouais, un truc du genre “Continues de me les briser et je te brise la mâchoire.""
Dis-je avec ironie en finissant d’attacher l’ingénieur et le gars aux poings enflammés avant de me tourner vers elle et de m’approcher avec nonchalance :
“Quand j’aurais trouvé ton camarade, je l’enverrais dans la même cellule que la tienne, comme ça vous pourrez vous tenir compagnie.”
Je m'accroupis alors devant elle pour la regarder dans les yeux et soutenir son regard défiant avec assurance. Il faut qu’elle comprenne bien à quel point elle se trouve dans la merde.
“Tu sais, que ce soit les vilains du jour ou ceux de demain, je continuerais de vous combattre de la même façon. Je suis pas du genre à me casser la tête pour ceux qui rendent la vie des autres plus difficile.”
Je passe mes doigts sur son menton exposé pour légèrement tourner son visage et constater sa blessure. Sacré hématome, ça va la lancer pendant quelques jours encore, ma droite est toujours aussi percutante.
“Au lieu de faire de beaux discours à l'apologie du grand banditisme, tu devrais peut-être te soucier de toi-même non ? Si t’as un masque, c’est que tu tiens à ton identité là-dessous. Il me suffirait d’un seul geste…”
Dis-je lentement, glissant mon index sous son masque.
“Ou alors, tu réfléchis deux secondes à pourquoi les flics ne sont pas encore arrivés pour t’embarquer.”
Contrairement à elle, je sers mes propres intérêts. Pour l’instant l'ingénieur de l’ombre est discret, mais quand les héros se rendront compte que la totalité des super-vilains qu’ils affrontent sont autant équipés qu’eux, la chasse à l’homme commencera. Et je compte bien avoir une longueur d’avance sur eux pour récolter toute la gloire.
“Avec ou sans ton aide, je finirais par choper ton camarade que tu défends. Je peux t’envoyer au trou, ça ralentira sa production et il fera des erreurs qui me permettront de l'attraper. Ou alors…”
J’approche mon poing des liens à ses jambes et les desserre légèrement avec mon alter.
“On peut rendre ça plus simple pour toi et moi. Résumons ça simplement en : moi, j’ai besoin d’infos et toi, tu as besoin de mon alter pour te débarrasser de ces menottes.”
