Ban Hammer n°10 : Des millions à la prison. [PV Alcidia]

L'ascenseur, hors service. La machine à café, hors service. Le distributeur automatique, hors service. Ban faisait le tour des machines de la salle de repos, après avoir monté un nombre incalculable d'étages, sans succès. La Station tombait en ruine et elle emportait avec elle tout le bonheur d'un café et d'un kit-kat avant le travail. Et aussi le fait de ne pas faire un marathon avant de parler à des milliers de gens. Heureusement que l'émission n'était pas filmée puis rediffusé sur internet, sinon le dos trempé de notre animateur aurait été affiché partout. Il en aurait peut-être même perdu son travail, qui sait ?
Renonçant à un remontant, Ban se dirigea vers le studio d'enregistrement avant d'être coupé dans son chemin par Lizzy, l'assistante du directeur de "News Wars".

"Baaaaaaaaaaannnnnnneeeeeeeuuuuuuuh ! Enfin je te trouve ! Tu es un peu en retard, non ? Ça va ? Non attend, on a pas le temps. Tiens, voilà tes fiches pour l'émission de tout à l'heure, si tu as besoin de plus d'infos y'a qu'à demander, voilà, bisou, byyyyye !"

Instantanément la jeune femme surexcité s'enfuit en direction d'un autre membre du staff à agressé avec sa paperasse. Le spectacle n'était pas inhabituel. Lizzy était une pile électrique, toujours à courir de bureaux en bureaux pour relier des informations que le patron n'a pas le temps de faire lui-même. Shokushu ne s'attarda donc pas sur la situation et se remit en route. Maintenant assis sur sa chaise dans le studio, les pieds sur la table, casque sur la tête, Ban attendait son tour en lisant ses fiches. Il avait un sujet piquant entre les mains, un sujet qui tenait à toute la nation. Mais il avait pour débattre, sur cette chose très importante, une jeune fille de 15 ans. Était-ce une blague faite par la production ? Est-ce que dès l'épisode 10, le "Ban Hammer" devait se réorienter sur le bully d'enfants ? Non, impossible. Depuis sa première émission l'audience ne faisait que grimper en flèche.
Ban continua de lire jusqu'à comprendre l'importance de la fille dans l'affaire. Rejeton de traîtres à la nation, qui aspirait à devenir héroïne. ÇA, c'était du piquant. Néanmoins, Shokushu hésitait. Devait-il agir à son habitude face à une enfant ? À voir, pour l'instant la rubrique news était terminée. Il descendit donc ses pieds de la table, se rapprocha du micro et 3, 2, 1.

"Bonsoir et bienvenue à tous, ici Ban pour votre émission préférée du soir, le "Ban Hammer" ! En cette belle soirée nous avons un débat de qualité qui nous attend, sur un sujet plus actuel que jamais et qui, j'en suis sûr, ne vous laissera pas de marbre ! Pour ceux qui ne savent pas, ou qui n'ont juste pas écouté la rubrique précédente, après les regrettables événements de Musutafu plusieurs entreprises ont été révélées comme mécènes du plus grand terroriste que le Japon n'ait jamais connu. Parmi ces groupes, l'un d'entre eux est plus plaqué sous les projecteurs que les autres, le groupe automobile Aviéis. 50ème richesse du monde et maintenant derrière les barreaux en attendant leur procès, les parents De Aviéis ont laissé derrière eux leur fille, Alcidia Chionéis Sophitia."

Un prénom qui faisait plus riche que la famille ne l'était et c'est pour dire. Ban s'apprêtait à introduire la jeune fille. On lui avait conseillé d'y aller doucement, enfin, c'était écrit dans ses fiches. Si la petite appréciait l'interview, elle verrait la Station d'un bon œil et si un jour elle héritait de la fortune parentale, "News Wars" pourrait en profiter. Mais Ban n'était pas prêt à se vendre, il voulait divertir son audience avec des opinions controverses et une guerre mentale entre lui et son invité, pas en léchant les bottes d'une gamine. En plus il était presque sûr que c'était illégal.
Cependant, elle restait jeune et du point de vue de Ban elle n'était surement pas totalement développé là-haut. Il allait donc peut-être y aller moins fort, tout cela dépendrait d'Alcidia. Si elle s'avérait être un monstre du débat, il jetterait tous ses principes par la fenêtre. Et de même, si elle se comportait comme un cliché d'enfant gâté, il n'aurait aucune pitié. Par contre, s'il voyait l'innocence de cet enfant dans ses réponses, là il se calmerait.

"Jeune aspirante Héros, nous pouvons nous poser la question, à quel point ressemble-t-elle à ses parents ? Est-ce qu'elle a décidé d'infiltrer le réseau héroïque pour le détruire de l'intérieur ? Mérite-t-elle vraiment sa place à Yuei avec un alter de ... Ahah ! Penguin ?! Réellement ? Chers auditeurs, je pense que nous sommes tous d'accord pour dire qu'une bonne somme d'argent a été mise sur la table pour enrôlé ce petit oiseau dans la plus grande école de Super-Héros du Japon. N'est-ce pas ? Bon, quittons le nid et revenons au sujet. Pour répondre à nos questions aujourd'hui nous l'avons à l'appareil, la seule, l'unique, l'aviaire, Alcidia De Aviéis ! Bonsoir Alcidia, comment vas-tu ? Peux-tu te présenter pour que nos chers auditeurs n'est pas que mon avis sur ton sujet ?"

Ses domestiques semblaient nerveux, quand elle avait mentionné son passage chez News Wars. La jeune héritière ne comprenait pas pourquoi. Elle aimait beaucoup News Wars, et surtout le Ban Hammer. C’était des gens qui osaient dire tout haut ce que beaucoup pensaient tout bas, et qui mettaient les corrompus devant leurs contradictions.

Alcidia n’avait rien à craindre, de son point de vue. Elle n’avait rien à se reprocher. Bien sûr, elle n’était pas naïve, elle avait été invitée parce que ses parents étaient tombés de haut. Mais justement, c’était une occasion de redorer le blason de la société, déjà bien traîné dans la boue.

Du moins, c’était ce qu’elle pensait avant que l’émission à proprement parler ne commence.

Ban tapait fort, et pas forcément au bon endroit. À mesure qu’il parlait, les sourcils de la princesse des glaces se froncèrent de plus en plus, jusqu’à presque toucher son nez. S’ils avaient été face-à-face, son regard aurait probablement suffi à cryogéniser sur place l’animateur. Elle rationalisa cette agressivité en la mettant sur le compte d’un manque d’informations. C’était pour cela qu’elle était là, après tout. Pour informer. Enfin, on lui passa la parole.

"Bonjour M.Shokushu. Je suis votre émission depuis un certain temps, c’est un plaisir d’y être invitée."

Quand bien même l’échange était purement audio, Alcidia était sur son trente-et-un. Assise dans une salle de conférence totalement vide, au bout d’une immense table, elle avait à sa disposition un micro de haute qualité, un PC portable tout à fait correct, et une bouteille d’eau. Personne n’était supposée la déranger pendant son entrevue. Un peu partout dans l’immeuble-résidence du groupe Aviéis, des employés se mordaient les doigts jusqu’au sang en écoutant le direct.

Le ton d’Alcidia était clair, posé, et faisait ressortir son intelligence. Malgré la pression du direct, elle gardait sa contenance.

"Mon nom est Alcidia Chionéis Sophitia de Aviéis, héritière du groupe Aviéis. La semaine prochaine, j’entamerai mon premier semestre en tant qu’étudiante héroïque dans le lycée Yuei, une étape essentielle pour ma future carrière en tant que Première Ministre. Je tenais également, si vous le permettez, à vous reprendre sur un point, avant tous les autres."

Parmi tout le vomi pseudo-journalistique qu’elle s’était pris sur la tête, un point seulement lui paraissait essentiel à corriger avant que l’entrevue ne continue.

"Mon Alter est un Alter de manchot empereur. L’usage du terme "pingouin" est un abus de langage qui, s’il est populaire et répandu, reste totalement incorrect et tend à induire en erreur au sujet de mes capacités comme à celles du noble animal. Contrairement aux pingouins, les manchots de tous types sont totalement inaptes au vol, mais sont en revanche des nageurs redoutables."

Il fallait dire les termes, au bout d’un moment. Alcidia avait l’habitude de cette correction, et était contente de pouvoir tirer les choses au clair à la radio. Peut-être que ainsi, au moins parmi les auditeurs et auditrices de l’émission, certains abandonneraient le terme "pingouin" pour désigner un animal terriblement supérieur.

Une fan dit-elle ? Si jeune ? Le doute qui animait Ban plus tôt se renforça. Il ne pouvait pas simplement détruire une enfant et une fan à la fois. Non seulement perdrait-elle foi en l'une de ses idoles, si elle le considérait comme tel, mais en plus sa réputation deviendrait aussi terne que celle de ses parents. Ce serai condamner la jeune fille.
Cependant, quelque chose dans sa voix lui hérissait les poils. Un pressentiment qu'il n'aimait pas. Et en y réfléchissant bien, la petite devait s'attendre à la suite. Enfin, si elle était si fan que ça. Ban n'était pas un bon samaritain à l'antenne, il enchaînait les questions jusqu'à voir l'hésitation. De là, il savait où creuser et il s'enfonçait dans les brèches pour causer la panique et découvrir les failles dans les discours. Ainsi, d'ici la fin de l'émission il avait détruit la crédibilité de quiconque aurait osé lui mentir ou trop lui dévoiler. Si Alcidia savait cela, pourquoi semblait-elle aussi calme ? Et pourquoi Ban devrait-il se retenir ?

La soi-disant fan continua. Elle dévoila ses objectifs en tant qu'héroïne et reprit notre animateur sur le nom d'un animal dont tout le monde se moquait. Alors, comme ça elle allait utiliser la voie héroïque comme tremplin politique ? Ce n'était pas étonnant pour Ban. Une héritière d'une grande famille aspirerait forcément à de grandes-choses et puis la petite était déjà bien engagée.
Ses fiches toujours en mains, il avait vu que l'une d'entre elles détaillait ses différents engagements politiques, ses donations à différents organismes écologiques et ses idées sur l'utilisation d'Alters dans le domaine scientifique. Qu'est-ce qu'on pouvait en trouver des trucs sur internet.
Plus Alcidia parlait, plus elle vieillissait dans la tête de Shokushu. Sa voix, ses mots, ses idées. Tout cela peignait le portait d'une femme de 40 ans tout au plus. Ce qui aida Ban à peu à peu se débridé. Si elle avait l'air si mature que ça, elle s'attendait sûrement à ce qu'il ne soit pas clément. Il allait donc la traiter comme n'importe quel autre invité.

"Merci Alcidia pour cette correction inutile, mais revenons au sujet. Tu as dit que tu voulais devenir héroïne pour plus tard tenter de devenir Première Ministre, mais je pense que ni moi, ni mes auditeurs ne voient la connexion. Les Héros sont le bras armé de l'état comme l'est la police ou l'armé. Et comme quand un général prend le contrôle d'un pays, on appel ça un Coup d'État. Un Héros qui devient Premier Ministre, on appel ça un Super Coup d'État. Ne penses-tu pas que ce n'est pas la bonne filière pour toi ?"

Si elle voulait tant devenir Première Ministre, pourquoi ne pas faire les études adaptées ? Comme l'église et l'état devrait être séparé, l'héroïsme aussi. Voilà l'opinion de l'animateur radio le plus en vogue du moment. Une opinion partagée par beaucoup, selon les retours des auditeurs sur le net.
Dans une salle adjacente à celle d'enregistrement, seulement séparé d'une vitre, une femme levait un pouce en l'air en direction de Ban comme pour approuver ses dires. Mais il n'allait pas s'arrêter là, puisque ce n'était pas le seul problème dans le plan de l'aspirante Héros.

"En plus de cela, ne penses-tu pas que la réputation de tes parents puisse te fermer des portes ? L'argent ne peut pas tout résoudre, si le peuple voit le rejeton d'un couple de traître monter les échelons politiques il ne restera pas silencieux. Personne ne sait ce qu'ils t'ont inculqué et même si tu réussissais à rentrer ne serait-ce qu'en cursus héroïque, tu n'aurais l'air que d'une bombe à retardement. Prête à suivre l'enseignement de tes parents."

Alcidia trouvait cela très bizarre. Quand elle entendait Ban à la radio, il disait toujours des choses très pertinentes à des gens qui méritaient d’être mis en face de leur imbécilité. Mais là, il racontait n’importe quoi, selon le point de vue de la jeune fille.

Alcidia projetait une aura de maturité autour d’elle, mais était en réalité tout aussi naïve que beaucoup de jeunes de son âge. En revanche, l’attaquer sur ses parents ne fissurerait jamais son armure de glace. C’était un coup de marteau dans l’eau, que Ban venait de donner. Dommage pour lui, c’était sur ce point qu’il avait choisi de conclure son attaque. Alcidia ferma les yeux, prit une seconde pour se recentrer, puis reprit la parole.

"Vous émettez des critiques judicieuses, mais auxquelles je peux répondre. Au sujet des coups d'État, ces derniers se caractérisent par un usage de la force pour obtenir le pouvoir. Il va sans dire que je n’utiliserai que de méthodes légales pour évoluer en politique. De la même manière que des avocats sont devenus ministres de la justice et des commissaires sont devenus ministres de l’intérieur, pourquoi cela ne s’étendrait-il pas aux héros ? La Commission de Sécurité Publique Héroïque est une force politique et héroïque à la fois, les deux aspects ne sont pas contradictoires. All Might et Endeavor sont les symboles de notre nation autant que l’Empereur Kenko et le Premier Ministre Daijin, si ce n’est plus encore."

Elle s’accorda un très, très, très léger sourire. Le coin droit de sa bouche se releva d’un millimètre. Ça, c’était bien dit, elle n’avait pas bégayé un instant. Restait à régler la question de ses parents. C’était une question plus facile, elle avait l’impression d’y répondre sans cesse. Elle s’éloigna du micro pour se racler la gorge avant de parler.

"Pour ce qui est de la réputation, c’est également une question simple. La meilleure école héroïque du pays m’a accepté alors que le procès de mes parents est actuellement en cours, et que l’opinion publique les estime, très majoritairement, coupables de tous les chefs d’accusation. Si des portes me sont fermées, elles m’importent peu. Les médiocres qui me jugeront pour les crimes desquels mes parents sont accusés ne valent pas grand-chose par rapport à l’approbation de Yuei."

La princesse s’était fait une raison. Elle avait décidé que tous ceux qui la rejetteraient parce que ses parents ont pactisé avec le diable n’en vaudraient pas la peine. Elle n’avait rien à voir avec eux, de toute façon. Les mots de Ban étaient durs, mais pour l'instant elle arrivait à garder la tête hors de l'eau. Tout le personnel de l'immeuble ne pouvait qu'espérer que cela continue.