One flew over the yaku's nest

Après que la Forge leur ait si aimablement indiqué vers où ils pouvaient diriger leurs efforts, les enquêteurs du contingent chinois avaient initialement prévu de suivre ses conseils en s’attaquant au dernier groupe qu’elle avait nommé, à savoir le Nekogumi. Ce plan avait toutefois dû être abandonné, car le revers de fortune dont avait parlé la trafiquante avait apparemment affaibli ou apeuré les yakuzas à un tel point qu’ils s’étaient repliés sur eux-mêmes comme une tortue s’abritant dans sa carapace. Ils faisaient désormais profil bas et avaient renforcé leurs mesures de sécurité, compliquant singulièrement la tâche des forces de l’ordre.

Mais parfois quand une porte se ferme, c’est une fenêtre qui s’ouvre à la place. Le monde des organisations criminelles étant ce qu’il est et la nature ayant horreur du vide, d’autres groupes profitaient que leur compétiteur cède du terrain pour essayer d’accroître leur influence. L’un de ces clans mineurs dans l’orbite des Tosabe, le Rokujū-kai – ainsi nommé car il était dirigé par six hétéromorphes –, s’était montré un peu trop audacieux dans cette entreprise et n’avait pas pris suffisamment de précautions ; c’était ainsi que les chinois avaient eu vent d’un deal qui devait avoir lieu cette nuit entre des membres du groupe et des représentants d’une organisation étrangère. La rencontre aurait lieu dans les docks de Yokohama ; un cadre on ne peut plus classique pour ce genre d’affaires louches, mais les classiques l’étaient généralement pour une bonne raison.

Zhihao n’allait pas s’en plaindre en tout cas, car c’était l’environnement parfait pour elle. Entre les grues, les navires, les entrepôts, les rails et les containers, elle avait tout le métal dont elle avait besoin pour manœuvrer en évitant les sentinelles postées un peu partout. C’était précisément pour ça qu’on l’avait envoyée ici : trop de guetteurs pour pouvoir faire une descente en règle, les malfrats les verraient venir de loin et n’auraient aucun mal à mettre les voiles ; la meilleure alternative était donc de miser sur la discrétion en n’envoyant qu’un seul agent.

Elle était venue par la mer plutôt que par la route pour accéder aux docks, comptant sur son équipement pour lui permettre de faire la traversée sans avoir à remonter à la surface. Puis elle était passée de zone d’ombre en zone d’ombre, s’était propulsée par-dessus les clôtures, avait escaladé les murs des entrepôts et les montagnes de caissons, faisant usage de la lévitation magnétique pour se déplacer sans faire de bruit et se servant de son sixième sens pour repérer et contourner caméras et capteurs de mouvement avant qu’ils ne la détectent à leur tour. Même en ayant les plans de la zone à sa disposition, progresser jusqu’à l’endroit du rendez-vous n’avait rien eu d’une partie de plaisir, mais elle y était finalement arrivée !

« Pas d’armes lourdes en évidence ; peut-être dans le coffre de la voiture... » murmura-t-elle dans son communicateur en observant la scène en contrebas. Une scène qui aurait pu sortir tout droit d’un film, là encore : un quatuor de yakuzas fumant et discutant autour de leur voiture parquée à l’entrée d’un entrepôt, donnant sur une allée délimitée par deux rangées de containers où une paire de leurs congénères montaient la garde. La militaire elle-même s’était tapie à plat ventre dans un recoin sombre entre deux caissons au troisième « étage » d’une des rangées. Un peu trop loin pour utiliser son électroperception avec précision, mais la façon dont les éclairages étaient disposés était à son avantage et elle pouvait toujours voir et entendre ses cibles, alors elle n’allait pas faire la fine bouche.

« Nous avons les résultats de la reconnaissance faciale. Aucun Alter bien inquiétant a priori mais restez tout de même sur vos gardes. » lui répondirent ses supérieurs alors qu’une suite de photos accompagnées de blocs d’informations pertinentes défilait sur son HUD.

« Reçu. » confirma-t-elle, même si l’avertissement était superflu : il fallait toujours faire attention quand il était potentiellement question de Trigger. « Plus qu’à attendre. »

La suite à donner à l’opération était encore incertaine, mais les informations recueillies en espionnant cette rencontre permettraient de décider s’il valait mieux arrêter tout ce beau monde dès maintenant ou les laisser repartir pour mieux les prendre en filature. Si tout se passait comme il faut, évidemment...

La chinoise s’était armée de patience, mais elle commençait tout de même à trouver le temps long. Un avis partagé par les yakuzas, qui commençaient eux aussi à regarder leurs montres de plus en plus souvent. L’un d’eux se servit même de son téléphone pour contacter les sentinelles ; elle était trop loin pour entendre la conversation, mais elle devinait sans peine à sa démarche énervée que la réponse de son interlocuteur n’était pas celle qu’il attendait. Le groupe qu’ils étaient censés rencontrer avait déjà plus de vingt minutes de retard, et il n’y avait toujours aucun signe annonçant leur arrivée. Qu’est-ce qui pouvait bien les retenir autant ? Zhihao espérait que rien n’était venu leur mettre la puce à l’oreille, il aurait été dommage d’organiser toute cette opération uniquement pour que cela finisse en coup d’épée dans l’eau.

Elle en était là de son attente lorsqu’un nouvel élément vint apporter un possible début de réponse à sa question : en effet, il y avait du mouvement à l’étage supérieur. Quelqu’un se dirigeait vers elle – elle doutait que ce soit par hasard, car si les gardes au sol auraient beaucoup de mal à la voir, une personne empruntant la même voie qu’elle n’aurait pas ce problème. Elle n’aurait sans doute pas pu détecter la présence de cet individu si elle s’était reposée uniquement sur sa vue et son ouïe, car il faisait attention à se déplacer à pas de loup et dans son angle mort ; peu de chances qu’il s’agisse d’un amateur, donc.

Un garde plus compétent que les autres peut-être, tentant de la prendre à revers ? Un qui aurait volontairement omis de prévenir ses collègues pour éviter que leur réaction n’alarme sa proie, mais aurait tout de même averti l’autre groupe pour qu’ils gardent leurs distances le temps qu’il élimine l’intruse ? Plausible.

« Je crois que j’ai été repérée, quelqu’un s’apprête à me tomber dessus. Pas de réaction des cibles en bas. » murmura-t-elle dans son communicateur. « Vos instructions ? »

« Restez en position, essayez de vous en débarrasser discrètement. »

Plus facile à dire qu'à faire, mais Zhihao s’exécuta néanmoins. Elle fit semblant de n’avoir rien remarqué, gardant la tête tournée en direction des yakuzas ; elle n’avait pas besoin de ses yeux pour suivre la progression du nouvel arrivant, de toute façon. Elle se prépara néanmoins à une confrontation en accumulant une charge électrique à l’intérieur de son corps et en désengageant les sécurités de ses armes. Mieux valait employer le taser à aiguille dans un premier temps : avec ça, il y avait encore une chance d’arriver à se débarrasser du gêneur sans se trahir alors que si elle se servait de l’électrolaser, le son et lumière révélerait sa position à tous les occupants des docks.

Elle attendit le tout dernier moment pour reculer hors de portée des regards des malfrats à l’entrée de l’entrepôt, en faisant usage de son magnétisme plutôt que de ses jambes pour ne pas faire de bruit. Dans le même temps, elle leva un bras pour le pointer droit sur le nouvel arrivant, un homme masqué dont la tenue éliminait toute possibilité qu’il s’agisse d’un péon lambda. Elle se figea, mais il ne fallait pas s’attendre à ce qu’ils restent bien longtemps à se regarder en chiens de faïence...

Non, il ne s’agissait définitivement pas d’un simple yakuza : ceux-ci opéraient rarement avec ce genre de déguisement, et préféraient généralement un équipement plus létal et traditionnel que le bâton magnétisé ou le masque truffé d’électronique de l’inconnu. Un vilain membre d’un groupe rival venu faire capoter la transaction, ou peut-être un mercenaire engagé pour prêter main-forte aux yakuzas ? Possible, mais comme son arme semblait être conçue pour neutraliser plutôt que pour tuer, il était plus probable qu’elle ait affaire à un vigilant. Ce qui, quelque part, était encore pire.

Qui qu’il soit, l’homme masqué fut le premier à rompre le silence en demandant à ce qu’elle s’identifie. Aussitôt, elle ressentit une pointe d’irritation : c’était elle la représentante de la loi ici, c’était donc à lui de décliner son identité. Elle se retint toutefois de réagir, car il était vrai qu’elle ne présentait pas elle-même l’image d’une héroïne typique – à dessein, mais dans ce cas précis, cela jouait contre elle. De plus, s’il avait engagé le dialogue, c’était soit pour la distraire, soit parce qu’il pensait qu’il était encore possible de régler les choses par la discussion, auquel cas il fallait qu’elle saisisse cette chance de sauver ce qui pouvait encore l’être. Les criminels en contrebas ne semblaient encore s’être rendus compte de rien, le bruit qu’ils faisaient eux-mêmes ayant couvert celui de la question, mais il ne fallait pas s’attendre à ce que cela reste le cas s’ils commençaient à se battre.

« Lodestone. » répondit-elle finalement d’une voix aussi basse que possible, de sorte que seul l’encapuchonné puisse l’entendre. Elle espérait vraiment qu’elle n’allait pas regretter d’avoir choisi de faire preuve de diplomatie au lieu de tenter une attaque-surprise. « Et vous, qui êtes-vous et que faites-vous ici ? »

Révisant son évaluation, Zhihao estima qu’un coup de taser ne serait sans doute pas suffisant pour le mettre au tapis s’il décidait de lui sauter dessus. Il faudrait sans doute assortir l’électrochoc de quelques tirs de railgun ; avec leur vélocité bridée sur le sol japonais, les balles à enveloppe plastique qu’elle utilisait ne devraient pas le tuer mais feraient tout de même un mal de chien.

Quant à savoir si elle devrait en arriver là ou non... Il ne serait guère surprenant que son pseudonyme, largement inconnu du grand public, ne dise rien à son interlocuteur, ce qui pouvait aussi bien être un avantage qu'un inconvénient. Mais que pouvait-elle faire d'autre ? Elle n'allait pas donner son vrai nom à tous les individus louches qu'elle croisait en pleine nuit sur les docks, quand même !

Bon, il était clairement en train de se payer sa tête. Certes, elle n’avait pas non plus fait preuve de beaucoup de transparence, sauf que ce n’étaient ni le moment ni le lieu pour ces enfantillages. Enfin, au moins il ne s’était pas montré agressif jusqu’ici, et tout n’était pas à jeter dans ce qu’il venait de dire. Rabbit, donc… n’y avait-il pas un groupe de hors-la-loi qui utilisait des noms de code animaliers ? Ce n’était pas le critère d’identification le plus précis – les bandes utilisant des pseudonymes de ce type étaient monnaie courante, ils avaient d’ailleurs leurs propres amateurs de bestioles en Chine, plus d’autres qui préféraient faire usage de couleurs, de plantes, de constellations et même de personnages historiques ou mythologiques – mais cela lui rappelait effectivement quelque chose. Pas autant de détails qu’elle l’aurait voulu toutefois, car leurs activités n’étaient à sa connaissance pas liées au Trigger et n’intéressaient donc que peu les autorités de Beijing.

« Ah. Moriarty et compagnie, c’est ça ? » chercha-t-elle à confirmer. Elle était en train de se demander si elle pouvait se permettre de mettre de côté une partie de sa capacité de concentration pour envoyer un message silencieux à ses supérieurs lorsque ceux-ci la devancèrent, leurs instructions s’affichant sur son HUD. Leurs ordres n’étaient guère surprenants : les forces de l’ordre de son pays avaient beau haïr cordialement les vigilants, elles avaient également le sens des priorités et étaient suffisamment pragmatiques pour traiter avec eux lorsque la situation l’exigeait. Elles faisaient parfois la même chose avec certains criminels, comme la Forge : l’ennemi de mon ennemi est mon ami, il faut savoir choisir le moindre mal, et ainsi de suite.

« Je fais partie des forces chinoises. Nous n’avons pas de problème avec votre organisation pour le moment, alors du moment que vous n’êtes pas un associé des gentlemen d’en bas, nous fermerons les yeux si vous partez sans perturber davantage notre opération. »

Zhihao n’avait pas cessé de le tenir en joue alors qu’elle lui rapportait cette proposition. Il pourrait très bien avoir menti, ou n’attendre que de la voir baisser sa garde pour passer à l’attaque. En fonction de sa réponse, il restait tout à fait possible que les choses tournent au vinaigre. Quoi qu’il en soit, elle espérait qu’il se déciderait rapidement : chaque seconde qui s’écoulait augmentait les chances qu’ils soient tous deux découverts par les yakuzas, qui ne seraient pas éternellement dupes.

Ah, voilà qui risquait de poser problème, se dit-elle en écoutant l’inconnu au pseudonyme de lapin – pourquoi un lapin d’ailleurs, qu’est-ce qui dans sa tenue en évoquait un ? le cercle rouge sur son masque était-il censé représenter la Lune ? – lui faire part de son objectif. Son but à elle était plus ou moins le même, oui, mais sur le long terme : elle n’était pas supposée ferrer le menu fretin ici et maintenant, car cela ne ferait qu’effaroucher les gros poissons qu’elle recherchait vraiment avant qu’ils n’aient le temps de mordre à l’hameçon. L’enquête de ses collègues avait déjà du mal à progresser du fait de l’extrême prudence adoptée par bon nombre de yakuzas, alors si ceux-là aussi se mettaient à faire profil bas, leurs investigations allaient se retrouver au point mort.

« Ne pourriez-vous pas les remettre à leur place une autre fois ? » s’enquit la militaire. « Nous essayons de savoir qui sont leurs partenaires, afin de faire un coup de filet massif plus tard et ainsi faire tomber tout le réseau d’un coup. Les attaquer maintenant serait contre-productif. »

Elle ne savait pas si l’homme masqué se montrerait très réceptif à cet argument. En apparence, il aurait tout intérêt à accepter la proposition : si les forces de l’ordre voulaient se charger d’éliminer ses rivaux sans qu’il n’ait à lever le petit doigt, pourquoi ne pas les laisser faire ? Cependant, seul un héros novice ferait l’erreur de penser que n’importe quel hors-la-loi avec un minimum d’intelligence se rangerait sans discuter derrière un tel raisonnement. Pas parce que ledit raisonnement était invalide, mais parce qu’il était trop superficiel : de la même façon que les gardiens de la paix ne laissaient pas les criminels se battre entre eux n’importe comment par peur que les dommages collatéraux provoqués par de tels règlements de compte n’affectent des innocents, les criminels en question avaient eux aussi leurs propres raisons de ne pas laisser une tierce partie se charger de leurs ennemis à leur place. Le plus souvent, c’était une affaire de réputation : quelle organisation illégale pouvait espérer se faire respecter si elle ne démontrait pas les capacités de ses membres, si ceux-ci ne se comportaient pas en prédateurs mais en charognards ?

C’était en tout cas l’objection qu’elle s’attendait à recevoir, si elle avait correctement interprété les paroles de Rabbit. Et s’il refusait catégoriquement de faire ce qu’elle lui demandait… Zhihao détestait ça, mais elle n’avait même pas besoin de lire les quelques lignes supplémentaires qui défilaient devant ses yeux pour savoir ce que sa hiérarchie voulait qu’elle fasse. Si elle se mettait à affronter le probablement-vigilant, les yakuzas et leurs associés mettraient les voiles et elle se retrouverait sans rien. Alors que s’ils leur tombaient dessus dès maintenant, comme le voulait l’énergumène encapuchonné, le reste de leurs organisations se planquerait, mais elle aurait au moins  quelques prisonniers à interroger. Des miettes, comparé au festin d’informations qu’elle aurait pu recueillir si Rabbit n’était pas venu l’importuner, mais ce serait toujours mieux que rien. Ses supérieurs étaient des gens logiques, leur décision ne faisait donc aucun doute.

« Alors, qu’en dites-vous ? Choisissez vite, ils vont finir par se rendre compte de quelque chose. » demanda-t-elle à nouveau, espérant contre toute attente qu’il consentirait à battre en retraite. La chinoise n’avait vraiment pas envie de faire ce qu’il voulait, pas seulement à cause de la perte de renseignements que cela représenterait, mais surtout parce que cela voudrait dire qu’un hors-la-loi avait pu lui forcer la main et, pire encore, l’obliger à lui servir de sous-fifre. Elle survivrait à cette indignité, comme elle avait survécu à toutes les autres, néanmoins si elle pouvait éviter d’en arriver là...

Le probablement-vigilant refusait donc de faire machine arrière et, dans son infinie magnanimité, ne daignait lui accorder que huit minutes. Pourquoi huit minutes, là aussi ? Aucune idée, mais ce n’était pas ça le plus important. Le résultat de leur brève négociation, si l’on pouvait vraiment appeler ça comme ça – ce serait sans doute le terme choisi dans son rapport, cela valait mieux que la vérité, qui était qu’elle n’avait eu d’autre choix que de céder au chantage – était moins bon que celui qu’elle voulait, mais toujours meilleur que celui auquel elle s’attendait. La vie était une succession de contrariétés, il fallait apprendre à s’en accommoder…

« Huit minutes. » acquiesça-t-elle en jetant un œil à son propre chronomètre. Elle se remit donc à observer les malfrats dans leur allée, non sans toutefois réserver une part de son attention à son compagnon indésirable. Il avait peut-être rangé son arme, mais sa dernière interjection avait tout l’air d’une commande vocale – le courant parcourant son masque avait légèrement fluctué à ce moment-là – et la militaire n’avait aucune idée de ce qu’elle était censée activer ; cela pourrait tout aussi être quelque chose de complètement inoffensif qu’un signal pour que toute une bande lui tombe dessus.

Pendant que les deux invités clandestins à leur rencontre étaient occupés par leur concours de qui a la plus grosse, les yakuza n’étaient pas restés inactifs. L’un d’eux parlait de nouveau dans son téléphone, mais si son ton contenait encore une pointe d’irritation, l’impatience en avait par contre disparu. Terminant son appel, il remisa l’appareil dans sa poche avant de faire signe à ses collègues, qui se relevèrent pour ceux qui s’étaient assis, éteignirent leur cigarette pour les fumeurs, rajustèrent leur mise… en un mot comme en cent, s’efforcèrent d’adopter une attitude plus professionnelle. Leurs contacts ne devaient plus être loin.

Son intuition se confirma très vite : moins d’une minute plus tard, une deuxième voiture fit son apparition entre les rangées de conteneurs. L’apparence du véhicule était parfaitement banale, mais Zhihao nota qu’il était plus près du sol qu’il ne devrait l’être : soit il était très chargé, soit il avait été renforcé par un blindage supplémentaire.

« Je passe par ce conteneur par la droite pour m’occuper en premier des nouveaux arrivants et je vous laisse les Rokujū-kai, ça vous va ? » proposa-t-elle tout en indiquant le chemin qu’elle comptait emprunter. Tant qu’à se retrouver avec un équipier dont elle ne voulait pas et qui attaquerait quoi qu’elle en dise, autant faire preuve d’un minimum de coordination pour ne pas se gêner mutuellement. Elle n’aurait peut-être que des miettes à se mettre sous la dent, mais elle n’en laisserait aucune lui échapper. « Si oui, par où passerez-vous ? »

Au niveau du sol, les criminels étrangers étaient sortis de leur voiture, et l’un d’eux s’était avancé pour discuter avec le leader des yakuzas, en conservant tout de même une distance prudente. Elle n’entendait que des bribes de leur conversation mais pour l’instant, ils n’en étaient encore qu’aux salutations mêlées de bravades et autres menaces à peine voilées typiques des rencontres de ce genre. Les nouveaux venus n’avaient pas de signe distinctif permettant de les identifier à coup sûr, cependant même si leur organisation semblait plus prospère que le Rokujū-kai, aucun d’eux n’avait l’air particulièrement important.

Voilà qui posait problème : même si elle arrivait à les capturer tous, il y avait peu de chances que les enquêteurs parviennent à extraire quoi que ce soit d’utile d’un ramassis de péons. En cette ère où les Alters permettaient à certains de lire dans les pensées, de détecter les mensonges ou de contrôler l’esprit des gens, la sécurité opérationnelle était plus cruciale que jamais, et les groupes criminels adoptaient de plus en plus un modèle décentralisé et compartimenté pour minimiser les risques. À moins de réussir à appréhender un ponte – l’objectif d’origine de la filature que la chinoise était censée initier –, ce ne serait pas avec ça qu’ils feraient tomber le réseau.

Zhihao maudit intérieurement Rabbit et son horrible timing. Bon, il n’y avait plus qu’à espérer que l’amour des traditions pseudo-féodales caractérisant les yakuzas causerait leur perte… même si leur tirer les vers du nez resterait difficile. Qu’elles soient à la page ou tournées vers le passé, la constante chez toutes les mafias était qu'elles n'aimaient pas du tout les balances.