Happy Haru-ween ! [NON-CANON]

23h48, le bar-saloon “White Muse”, Ertonmouth, dans le Far-West américain, 30 octobre entre 1865 et 2161.

Cling-e-ling

Mis à part l’air endiablé que jouait le pianiste du jour, le silence se fit dans le saloon alors que toutes les têtes se tournèrent pour voir qui venait de passer le pas de porte. Constatant qu’il ne s’agissait que de Billy, le fils adoptif du vieux fermier Baker, les conversations reprirent et les verres se firent servir de nouveau.

Le nouvel arrivant s’approcha du comptoir, où il s’installa, saluant le barman, Rachid, d’un signe de la main. Il se prit alors une sucette dans un plat de bonbons stratégiquement disposé sur le comptoir. Quelle drôle de tradition américaine que de distribuer des bonbons comme ça à la fin octobre. Alors que l’employé s’approchait de lui, il sortit une poignée de pièce de sa poche, qu’il déposa sur le comptoir.

- Comme d’habitude, Rachid.

Il fit tourner son tabouret pour jeter un coup d'œil au musicien qui jouait toujours et ce de plus en plus vite. Pas un visage qu’il connaissait. C’était plutôt rare, à Ertonmouth, tout le monde se connaissant et la ville ne recevant que très peu de visiteurs.

- Il joue bien le nouveau. Ça fait longtemps qu’il est là?

Rachid grogra un truc dans sa grosse moustache. C’était pas un bavard Rachid, mais Billy comprit un truc comme “une semaine”, “il paie bien” et “la patronne l’aime bien”.

Bien sûr, ils payaient tous bien, du point de vue de Sophia l’avare, la femme la plus riche de la ville et la propriétaire, entre autre, du saloon où ils se trouvaient.

Mais ils n’avaient pas tous un cache-oeil et un sourire un peu dément alors qu’ils se laissaient aller sur le piano public du bar. Bon, la clientèle avait l’air d’aimer, mais Billy, lui, ce mec lui foutait les jetons.

- Et le shérif Tantei lui, il en dit quoi?

Encore des grognements de Rachid. “S’en fiche”, “trop occupé à se plaindre”, “je suis pas ta secrétaire, Billy”. Voilà ce que le jeune homme en déchiffra.

Il hocha la tête, d’un air absent, tout en continuant de fixer l’inconnu. Bien sûr Rachid, bien sûr.

Cet homme… Un inconnu… Il serait sans doute parfait pour la mission qu’il devait remplir…

La chanson arriva enfin à sa fin, voilà le moment qu’attendait Billy pour se lever et aller à la rencontre de l’inconnu. Attrapant son verre de cola à saveur de whisky, la seule chose qu’on lui permettait de boire ici, puisque tout le monde savait qu’il n’avait en fait que 15 ans, le jeune homme s’approcha du pianiste qui se redressait sur son tabouret, en sueur après sa performance.

- Salut ! Moi c’est Billy ! Enfin, c’est comme ça qu’on m’appelle ici, parce que les gens trouvent mon vrai nom trop compliqué. Haru Sasaki, mon nom de naissance. J’habite avec le vieux fermier Baker, près de la gare. Et toi, t’es qui ? Je t’ai jamais vu ici?

Le jeune homme, d’origine asiatique dont les parents étaient décédé lors d’un voyage dans la région, avait en effet été élevé par le vieux fermier après ce malheureux incident où un train avait déraillé, presque 11 ans jour pour jour avant aujourd’hui, soit le 31 octobre (quelque part entre 1854 et 2150).

Depuis ce jour, cette date était considérée maudite par la ville, puisqu’un événement tragique s’y produisait chaque année. Haru-Billy, qui avait survécu au déraillement, mais qui avait perdu un bras lors de l’accident, s'était juré de lever le voile sur ces événements mystérieux… Et il espérait bien que le pianiste pourrait l’aider à sa tâche.

La nuit était noir. Je soufflai la fumée de mon cigare, tout en poussant un soupir. La fin octobre était toujours un moment difficile à passer pour les habitants de Ertonmouth et, en tant que shérif de cette ville, ils s'attendaient de moi à ce que je fasse quelque chose.

Mais chaque année c'était la même chose. On redoublait d'effort, on augmentait les patrouilles, puis une fois le 31 octobre arrivé, un malheur frappait et la responsabilité me tombait encore dessus. Vraiment, ma confiance envers le système dont j'étais moi-même représentant diminuait d'année en année…

Pouvais-je vraiment en vouloir à mes concitoyens d'en faire pareil ?

Alors que je réfléchissais à ce que nous pourrions faire de plus cette année, la porte de mon petit bureau s'ouvrit d'un coup, laissant apparaître mon adjoint, Jack. Jack Daniel. Oui.

- Shérif Tantei! Vous devez venir au saloon de m'dame l'avare! Tout de suite! Y'a l'étranger qui est là, il joue du piano… V'savez, celui dont l'irlandais nous a parlé…

L'étranger… Cet étrange personnage qui avait débarqué chez Sophia l'avare la semaine dernière… Certains, dont Johnnie Walker, le fameux irlandais, disait le connaître, l'avoir déjà vu enquêter sur des phénomènes étranges…

Peut-être était-il la clef pour résoudre notre problème?

J’hochai la tête et j'attrapai mon badge et mon chapeau, avant de me lever d'un bond et de faire signe à Daniel que je le suivais. Ensemble nous prirent la direction du bar-saloon. Qu’est-ce que cet étranger pourrait bien nous apprendre de plus ? Ces événements semblaient si aléatoires… Mais en même temps, je me devais d’en apprendre plus… Je lui devais ça à lui… Mon ancien capitaine, Morgan. Celui qui m’avait tout appris du métier. C’était lui qui était shérif de Ertonmouth avant moi. Et ce jusqu'à il y a 7 ans…

Quelque part entre 1858 et 2154, un 31 octobre, bien entendu, le toit de l’église de la ville s'était effondré en pleine messe et 16 personnes étaient mortes ce jour-là, dont Henry Morgan, mon mentor… J’avais juré de le venger, tout en restant à l’intérieur de ce système pourri… Mais sans succès, pour le moment.

Enfin arrivé au saloon, mon adjoint poussa la porte et j’entrai à sa suite. Petit silence traditionnel à notre entrée, mais les discussions reprirent de plus belle. Les gens savaient que je n’étais pas là pour eux. Apparemment, le pianiste venait de terminer une chanson et devant lui se tenait le jeune Haru “Billy” Sasaki. Je soupirai… Bien entendu, le jeune était là pour les mêmes raisons que moi.

Je m’approchai d’eux, retirant mon chapeau.

- M’ster Billy, m’ster… J’ai pas votre nom je crois ?

Je tendis la main vers lui.

- Sherif Tantei… Billy, si tu pouvais nous laisser entre adultes, je dois discuter affaire avec notre invité ici…

Une petite touche de maquillage par-ci. Un petit ajustement à la coiffure par-là…

Et voilà.

La plus belle (et la plus riche) dame de Ertonmouth était maintenant prête à faire son apparition tant attendu. Au rez-de-chaussé de son établissement, elle entendait la musique de son nouveau pianiste. Vraiment, un virtuose cet homme. Elle avait bien fait de l’encourager à rester.

Bien entendu, ses talents de musicien n’étaient pas l’unique raison pour laquelle elle avait tenu à ce qu’il prolonge son séjour.

Quand Sophia Axelsson, dites “l’avare” (comme elle détestait ce surnom, ça lui semblait si… Vulgaire), souhaitait obtenir quelque chose, elle l’obtenait.

La seule chose qu’elle n’avait pas pu obtenir à ce jour, c’était la vengeance. Et, apparemment, l’homme qui jouait présentement de la musique dans son saloon pouvait lui apporter des informations qui lui permettraient de faire un pas de plus dans la bonne direction.

Si on pouvait se fier aux dires de l’irlandais, bien sûr. Et, justement, rien n’était moins sûr. Pas que Walker était connu pour mentir, à proprement dit, mais il pouvait parfois… "Embellir la réalité”, dirons nous.

Mais si c’était vrai et que le bel inconnu œuvrait dans le paranormal, peut-être pourrait-il aider la ville… Et l’aider elle, la jolie veuve suédoise.

En effet, le mari de Sophia, le propriétaire initial du saloon, était décédé, 4 ans auparavant, dans d’étranges circonstances le, vous l’aurez compris, rendu à ce point, 31 octobre. Pour plusieurs, il n’était qu’un victime de plus de la malédiction que cette date amenait sur leur petite ville et vivait dans la résignation.

Mais pour la tenancière, c’était bien plus que ça. C’était une affaire personnelle.

Et c’était ce soir que tout se réglait. Avant que minuit ne pointe son nez et que le 31 octobre viennent prendre un autre vie dans leur ville autrement si paisible, le mystère de la malédiction serait levé, parole d’Axelsson.

La chanson s'achève. Son moment était venu. Elle s’approcha des marchés et commença tranquillement à les descendre. Elle se devait de faire une bonne entrée. Après tout, elle était la propriétaire des lieux et la femme la plus riche (et la plus belle) de tout Ertonmouth.

Du coin de l'œil, elle aperçut son pianiste avec… Le jeune gamin qui habitait chez le vieux fermier Baker ? Que faisait-il ici aussi tard ? Et c’était le shérif Tantei, avec eux ? Elle fronça les sourcils. Quel étrange trio.

D’un pas rapide, elle s’approcha d’eux.

- Shérif ! Il est si rare qu’on a votre visite ! J’espère que mon nouvel ami ne s’est pas attiré d’ennuie ! Je peux témoigner pour lui, il a passé la journée ici avec moi… Quant à toi jeune homme, ton père va s’inquiéter de te savoir ici à cet heure !

Pas qu’elle s’inquiétait pour le jeune adopté, simplement, elle devait parler à son invité et minuit approchait…

Ses doigts dansaient sur les touches du piano alors que son esprit vagabondait et qu’il réfléchissait à toute allure. Pourquoi était-il encore là ? Il aurait du être loin, à l’heure qu’il était. Minuit approchait après tout, il ne restait plus beaucoup de temps avant le moment fatidique…

Tadao Kobayashi, pianiste itinérant à ses heures, oui, mais avant tout membre de la troupe de hors-la-loi connu dans tout le far west comme “La Ménagerie”, n’était pas arrivé dans la petite ville perdu qu’est Ertonmouth par hasard. Il était venu en observateur. Voir en éclaireur… Mais à la base, il aurait dû quitter la veille, car la ville n’était pas sécuritaire, une fois le 31 octobre arrivé. Tout le monde dans le métier le savait. Un sourire s’étira sur son visage.

Vraiment, s’il n’avait pas craint pour sa vie, il aurait adoré vivre ce moment.

Il s’arrêta de jouer net. Sa chanson était terminé et il ne cherchait pas à étirer sa présence. Peut-être pourrait-il encore s’éclipser? S’il s’enfuyait maintenant, peut-être pourrait-il quitter le périmètre de la ville avant qu’il ne soit trop tard.

Avant… Le cataclysme…

Alors qu’il allait se lever, quelqu’un se dressa devant lui. Un… Gamin? Pas plus de 14 ou 15 ans. Qu’est-ce qu’il faisait dans ce bar-saloon?

Celui-ci se présenta comme Haru “Bobby” Sasaki. Bien sûr, il était l’une des victimes de la malédiction. L’une des plus connu en ville. Avec…

Avec celui qui venait d’entrer dans l’établissement et qui se dirigeait en ce moment vers lui, soit le shérif Tantei… Avant même que Tadao n’ait pu placer un mot, l’homme de loi était sur eux et entamait la conversation.

N’écoutant qu’à moitié et cherchant plutôt comment s’éclipser, Tadao continuait de sourire lorsqu’il vit apparaître sa porte de sortie. Sa patronne, Sophia Axelsson. Mais était-ce vraiment ce dont il avait besoin? Non…Elle était elle aussi une victime… Elle voulait la même chose que les autres… Se venger contre un phénomène qu’elle ne comprenait pas…

Le sourire du criminel s’étira encore…

- Je sais pourquoi vous êtes là… Tous les trois… Vous voulez la même chose, après tout. Cette malédiction qui frappe votre ville… Vous la voulez levé, n’est-ce pas?

Dehors, au loin, le son d’une cloche. Ça y est… Il était trop tard, il était minuit. Il ne pouvait plus fuir, aussi bien les informer, maintenant…

- Laissez moi vous raconter l’histoire du grand Père Halloween, le fameux M…

Intérompu par un craquement sinistre, Tadao regarda le plafond juste à temps pour voir celui-ci céder avant que tout devienne noir.

Le bar-saloon “White Muse” n’était plus, tous ses occupants avaient péri avec l’établissement, alors que celui-ci c’était retrouvé écrasé… Sous ce que des témoins oculaires décrirent plus tard comme étant…

“Une citrouille géante qui avait ensuite rétrécie”, puisqu’en effet, seul une citrouille intact avait été retrouvé au milieu de tous les débris…

Ce job, c’était vraiment une tuerie.

Littéralement, chaque année, c’était une tuerie.

Près de 15 ans qu’il avait accepté de faire le “père Halloween” et pas une seconde il avait regretté son choix. Il était passé de simple vendeur de banane sur la côte est américaine à livreur de citrouille pour tout le far-west ! Que demander de mieux?

Franchement, Miles Smith vivait une belle vie.

Ouais, bon, il y avait eu quelques accrochages en cours de route.

Une année, son chariot tiré par des lézards était entré en collision avec un train qui avait déraillé.

Une autre fois, il avait voulu atterrir sur le toit d’une église et celui-ci avait cédé.

Oh, oh et aussi, une fois, il était entré dans le saloon pour une envie soudaine et il avait, littéralement, empoisonné les WC. En sortant, il avait croisé le proprio de l’endroit. Il espérait qu’il avait su retenir son souffle.

Mais cette année, ce serait différent. Son attelage de lézards, les Goupies, étaient en forme. Il avait maintenant un assistant, Victor, qui lui indiquait où se poser. Et finalement, il n’avait pas mangé de chili depuis au moins une semaine.

Plusieurs villes s'étaient ajoutées cette année, il avait donc décidé d’une nouvelle méthode pour gagner du temps. Il allait simplement lancer les citrouilles par-dessus bord en passant au dessus des bâtiments, mais en les enveloppant d’un ballon géant qui exploserait au contact du sol, laissant simplement au sol la jolie citrouille, intact.

Et comme ça, aucun risque que rien de négatif n’arrive, n’est-ce pas ?

Il y était, minuit. L’heure du départ. Il commencerait encore cette année par Ertonmouth, qui commençait à se dessiner sous lui. Ni d’une, ni de deux, il balança la citrouille du saloon, qui gonfla d’un coup, écrasant complètement le bâtiment avant d'exploser.

Sans se rendre compte de la destruction qu’il venait de causer, Miles s’éloigna tranquillement de la ville, vers sa prochaine destination, clamant de sa grosse voix de gorille…

- Joyeux Halloween!