Question de point de point de vue - PV Zihao

L'ordre du joir n'était pas vraiment différent d'habitude, encore une enième convention où j'étais chargée de rester debout pendant 8h pour dissuader de potentiels perturbateurs grace a mon allure terrifiante. Cette fois-ci mes clients n'étaient pas des objets de luxes mais des portes paroles d'opinions politiques. Autant dire que j'étais pas super anthousiaste à l'idée de la journée qui allait se dérouler.

Pour changer j'avais réussi a m'endormir tôt hier, en contrepartie je m'étais réveillée a 4h du matin et impossible de me rendormir.

J'avais donc profité de ce petit temps extra pour prendre un bain extra long parfumé à la lavande. À la fin, des lambeaux d'écorce molle flottaient paraisseusement à la surface. Ça faisait du bien d'avoir la peau douce et souple.

Après un énorme petit dej, il était temps de me rendre au boulot.

Le point de rendez-vous était au sein même du batiment de Stainless Security, de là on rejoignait le lieu de la convention grâce aux véhicules de l'entreprise.
L'ambiance était plutôt bonne et j'en vins même a oublier la raison de ma mauvaise humeur.

" ...mais vous comprenez madame, laisser des individus faire usage de leur force pour faire respecter la loi, c'est une regression in-co-men-su-raaableu. On ne peut pas (laissez moi parler) on ne peut pas, sous reserve que le monde a basculée dans l'obscuritée suite a l'émergence des alters, justifier un tel retour en arrière!"

Après deux heures à écouter des gus affirmer des trucs tous plus stupides les un que les autres, je n'avais plus aucuns doutes sur pourquoi l'idée de cette journée me faisait chier depuis que j'en avais pris connaisance.

En faite j'étais tellement concentrée sur l'échange entre les trois personnes sur le plateau que je n'avais même pas vu Lopez approcher.

Sa lourde main sur mon épaule manqua de me faire sursauter d'autant plus que son visage n'affichait rien de l'air un peu beauf qu'il avait d'habitude.

"T'es pas là pour écouter ce qu'ils disent et encore moins pour les regarder avec cette tête. T'es là pour faire gaffe aux mecs comme ça."

Je suivi son regard et compris instentanément de quoi Lopez parlait. Devant moi, au milieu de la foule, un type se balançait d'un pied à l'autre, le visage rouge comme une tomate.

"Ouais déso, je vais me reprendre."

Je ne sais pas sur quoi le débat continua mais les reactions de la foule étaient très hétéroclites. Certains hochaient vigoureusement de la tête tandis que les autres leur lançaient des regards tanto choqués tanto colériques à leurs voisins.

J'avais l'impression d'être dans un tonneau de poudre.

Nouvelle journée, nouvelle tâche. Par une curieuse coïncidence, l’électrokinésiste avait été affectée à une mission en rapport avec la politique pour la troisième fois en peu de temps, alors qu’elle s’était jusqu’ici scrupuleusement tenue à distance de ce domaine. Il ne s’agissait cependant pas d’apparaître au bras d’un quelconque dignitaire lors d’un dîner mondain ou de servir de garde du corps à une candidate à la mairie de Tokyo, cette fois-ci : son travail pour la journée était de faire partie du dispositif de sécurité pour une convention assez particulière. Particulière car, si elle ne regroupait guère de personnalités de premier plan, elle était en revanche censée donner la parole à divers groupes d’intérêt, courants intellectuels et autres mouvements politiques peu connus du grand public, en leur permettant de promouvoir leurs idées et de débattre les uns avec les autres.

Un objectif louable en théorie. En pratique, les choses étaient moins reluisantes : précisément parce que les organisations représentées ici étaient relativement marginales, peu de gens avaient fait l’effort de se déplacer pour visiter la convention, et la plupart de ceux qui s’en étaient donné la peine étaient des passionnés aux convictions bien arrêtées. L’événement étant ouvert aux adeptes de multiples points de vue souvent opposés les uns aux autres, cela pouvait créer des frictions entre leurs défenseurs respectifs. Elle avait déjà dû intervenir plusieurs fois depuis le début des festivités, lorsque des échanges avaient cessé d’être simplement animés pour devenir houleux, voire violents, et cela n’avait rien eu d’une partie de plaisir, car elle ne pouvait pas se montrer aussi ferme qu’elle l’aurait voulu face à de simples civils.

Le manque de coordination entre les différents acteurs chargés de maintenir l’ordre n’avait rien arrangé, mais il fallait s’y attendre puisque les organisateurs avaient décidé d’impliquer à la fois une société privée ainsi que des héros locaux et étrangers. Cette dernière décision était apparemment due au fait que nombre de conférenciers venaient d’autres pays, et que quelqu’un avec plus d’argent et d’autorité que de neurones avait trouvé que c’était une bonne idée de refléter cette variété au niveau de la composition de la force de sécurité, sans leur laisser le temps d’apprendre à se connaître avant de les envoyer dans l’arène. Résultat ô combien prévisible : un incroyable fatras.

Zhihao en était là de sa réflexion lorsqu’elle termina sa quatrième ronde depuis qu’elle avait pris son service. Elle aurait aimé pouvoir en profiter pour écouter un peu ce que disaient les intervenants – certains d’entre eux étaient de véritables illuminés dont elle se demandait comment il était possible que qui ce soit les prenne au sérieux, mais d’autres racontaient des choses réellement intéressantes –, sauf que pour cela, il faudrait qu’elle puisse passer plus de dix minutes sans avoir à s’interposer au milieu d’une altercation. Enfin, elle devrait bientôt pouvoir prendre sa pause… pour peu que le type au visage rougeaud qu’elle voyait gigoter parmi les auditeurs massés devant l’une des scènes ne cause pas un nouvel incident.

Avisant une autre équipe qui regardait déjà dans sa direction, elle se rapprocha d’eux pour voir ce qu’il en était.

« Bonjour. Vous pensez que cet homme va poser problème ? » demanda-t-elle en indiquant l’agitateur potentiel. Une entrée en matière sans doute un peu abrupte mais encore une fois, ce n’était pas comme si les organisateurs leur avaient laissé l’occasion de prendre contact plus en douceur.

J’avais remarqué dès notre arrivée que la sécurité n’était pas gérée seulement par des agents de Stainless Security. Pour tout dire, on devait représenter peut être deux tiers des effectifs, la part restante étant composée de policiers et de héros en uniforme.

Je savais pas trop quoi penser de cette présence des forces de l’ordre. C’était un peu rassurant de savoir qu’on avait des gros bras sur place et l’appui de l’autorité mais en même temps l’idée que cette aide extra soit nécessaire était un peu stressante.

En gros on était là que pour grossir les effectifs mais concrètement on ne pouvait pas faire grand chose d’autre que de demander poliment à une personne de quitter la convention calmement. (J’exagérai un peu quand même mais bon)

On pouvait aussi faire office de bouclier humain mais honnêtement, en cas de pétage de cable général et en l’absence d’une personne spécifique à protéger, je ne vois pas trop pour qui je devrais servir de bouclier en priorité.

Le gars que mon collègue avait repéré semblait de plus en plus remonté. Il répondait aux commentaires des porte-paroles par des cris accompagnés d’un méchant poings levé. Lopez n’avait d'ailleurs pas quitté mes côtés et sa tension était palpable.

J’avais vu le héros arrivé vers nous de loin et je remerciai le bon dieu lorsqu’elle nous adressa la parole.

« Bonjour. Vous pensez que cet homme va poser problème ? »

Je me permis de quitter la cible des yeux quelque instants, le temps de répondre à l’armure ambulante.

“ J’ai bien peur que oui. “

Puis je me tournais vers López histoire de voir s' il avait quelque chose à ajouter sur la question mais l’Argentin ne me rendit pas mon regard. Il avait l’air prêt à sauter dans le tas à tout moment.

Le problème c’est que la cible en question était au milieu d’une foule déjà bien agitée. Je donnais pas chère de la peau de celui ou celle qui allait se foutre dans ce traquenard.

“Je pense pas que jouer des coudes pour aller le chercher soit une bonne idée, y’en a plus d’un ici qui semble pas apprécier votre existence.”

J’étais la plus discrète des trois ici mais j’avais pas très envie de me faufiler entre des aisselles puantes pour éviter à ces bêtes de s’entretuer.

Les deux agents de sécurité observaient l’énergumène depuis plus longtemps qu’elle, et ils étaient parvenus à la même conclusion. Parfait, elle n’était donc pas seule à avoir cette impression, ils pourraient donc lui servir de renforts, ou à défaut corroborer son rapport si elle intervenait seule, puisqu’ils n’avaient pas l’air très enthousiastes à l’idée de se frayer un chemin à travers cette masse d’humanité de plus en plus excitée. Zhihao ne pouvait pas leur en vouloir, elle non plus n’aurait pas voulu se retrouver avec des ennemis en puissance de tous les côtés sans sa protection, surtout qu’avec tous ces corps pressés les uns contre les autres, elle aurait du mal à en électriser un sans que la décharge soit transmise à quelqu’un d’autre qui n’avait rien demandé.

Bon, qu’est-ce que le conférencier actuellement en possession du micro était en train de raconter pour que le trublion s’insurge autant ? Cela ne changerait rien à ses obligations, mais si la militaire parvenait à savoir ce qui mettait le rougeaud dans tous ses états, elle aurait une chance de réussir à le calmer par la parole plutôt qu’en faisant usage de la force…

Bref. L’orateur était une sorte de… hipster, était-ce bien ça le mot ? De hipster donc, occupé à déclamer à qui voulait l’entendre que l’usage des Alters n’avait absolument pas sa place dans les opérations de maintien de l’ordre, ce qui, comme on pouvait le prévoir dans un pays aussi accro aux héros que le Japon, ne plaisait pas du tout à la majorité du public. Deux autres intervenants censés représenter des points de vue différents attendaient patiemment leur tour, assis sur le côté de la scène, mais elle craignait qu’ils n’aient pas le temps de réfuter sa tirade à l’aide de propos mesurés avant que le perturbateur ne perde le peu de self-control qu’il conservait encore.

Pourquoi tant de haine ? Zhihao était d’accord avec le conférencier pour dire que l’adulation dont les justiciers faisaient l’objet représentait un regrettable retour à une forme de néo-féodalisme édulcoré et qu’il ne fallait pas que les forces de l’ordre se reposent excessivement sur les détenteurs de pouvoirs innés, mais elle trouvait aussi qu’il allait trop loin dans ses paroles. Les méthodes conventionnelles pré-Alters avaient leurs limites, et il fallait parfois se résoudre à combattre le mal par le mal. Néanmoins, malgré son désaccord avec ce discours si extrême qu’il en ressemblait à celui d’un homme de paille, elle restait parfaitement calme, contrairement à l’agitateur qui, après les invectives, semblait maintenant prêt à bondir sur scène pour en venir aux mains avec le hipster. Ok, elle n’avait plus le choix.

« Bon, on dirait que nous n’y couperons pas. » dit-elle à ses collègues du jour. « Je passerais bien par le haut pour éviter la foule, » continua-t-elle en désignant les piliers métalliques qui montaient jusqu’à l’armature également métallique soutenant le plafond de l’édifice, « l’ennui c’est qu’après je n’aurais plus la place pour redescendre, ils sont trop serrés. Si je passe devant pour ouvrir un chemin, pourriez-vous couvrir mes arrières ? Sinon ce n’est pas grave, je me débrouillerai seule. »

Elle attendit quelques instants la réponse des agents de sécurité puis, l’ayant obtenue, s’approcha du public pour rejoindre sa cible. Les premiers spectateurs s’écartèrent sans se faire prier face à son air menaçant, mais plus elle progressait à travers cette multitude, plus cela devenait difficile… et la personne qu’elle cherchait à rejoindre se trouvait en plein milieu, évidemment, ce serait trop facile sinon.

« Pardon, je suis de la sécurité, je dois passer, désolée du dérangement... » répéta-t-elle encore et encore, mètre après mètre… et le plus dur restait à venir. Le sortir de là contre sa volonté serait encore plus compliqué, parce qu’à le voir ainsi remonté comme un coucou, ses espoirs d’arriver à le raisonner avaient fortement diminué, et ce même si elle faisait partie de ces héros au nom desquels il s’indignait aussi violemment.

Sous l’armure, pas facile de deviner le genre du héros qui s’était présenté à nous. La voix était fine, okay, mais ça pourrait juste être un gars avec une petite voix, ou un ado pré-pubère.

“Je vais avec elle, reste là.”

Mais Lopez était sûr de lui, monsieur au gros bras en mission pour protéger la gente féminine. Beurk. Je fronçais le nez mais pas plus. On est au boulot, faut rester pro. Partir à trois dans cette foule au bord de l'implosion, c'était pas le plus intelligent et rester sur mon perchoir loin des aisselles puantes m’allait très bien.

“Pardon, je suis de la sécurité, je dois passer, désolée du dérangement…”

La progression de mes collègues se passait plutôt bien jusqu’au deux tiers du trajet je dirais. Le premier bloc de personnes semblaient plutôt content de voir un héros venir défendre leur peau, contredisant les propos du hipster que plus rien n’arrêtait.

En voyant leurs réactions, je me suis même dit que le gars tout rouge allait être super heureux de voir l’armure brillante et qu’il allait instantanément se plier à ses recommandations sans faire chier.

Sauf que pour ça il leur fallait arriver jusqu’au gars en question.

En vrai, maintenant que j’y pense ça me semble logique mais sur le moment ça ne m'avait pas traversé l’esprit. Le conférencier avait peut-être des propos un peu cons et tranchés au couteau, mais ce qui avait vraiment amené notre cible au bord de l’explosion c’était probablement les commentaires des gus autour de lui. Ces mêmes gus qui se trouvaient à présent entre mes collègues et leur objectif.

De là où j’étais j’ai pas trop pu entendre ce qui se disait, mais au vu de la gestuelle d’une femme plutôt grande, je dirais un truc du genre : “Mais comment osez-vous m’arrêter, vous ne pouvez pas m’interdire de m’exprimer, vous êtes que des agents de la dictature, blablabla” des trucs du genre quoi. Elle avait l’air complètement outrée mais ne semblait pas avoir laissé le temps à l’héroïne de s’expliquer. Derrière elle, deux types semblaient être en accord avec son point de vue et derrière eux, la tomate ambulante avait changé de cible. Son visage était maintenant anormalement rouge, j’avais même l’impression que ses yeux étaient injectés de sang et ses cheveux semblaient s’hérisser sur son crâne. Il dominait les hommes d’une tête et regardait la nuque de la femme de manière très préocupante.

Un coup d'œil vers le hipster me permit de confirmer qu’il avait bien conscience de la situation. C’était un sourire qu’il affichait là? Mais quel connard!

Péniblement, laborieusement, Zhihao continua d’avancer, précédant le grand baraqué. L’autre jeune femme était restée derrière, mais non sans exprimer d’abord son mécontentement. Était-elle irritée que son collègue ne la juge pas capable de les accompagner, ou de le voir la laisser en plan pour se joindre à une inconnue ? Quelle qu’en soit la raison, il n’y avait vraiment pas de quoi : elle aurait eu du mal à traverser la cohue avec son gabarit, et il valait mieux que quelqu’un demeure à l’extérieur pour pouvoir garder une vue d’ensemble sur les événements, et appeler à l’aide en cas de besoin.

« Et All for One, vous auriez voulu qu’on l’arrête comment, en lui offrant des fleurs peut-être ?! »

« L’armée et la police auraient très bien pu s’en charger sans l’aide de cette oligarchie de surhommes autoproclamés, surmédiatisés et surpayés qui passent plus de temps à se donner en spectacle qu’à protéger les innocents ! »

« Quoi, vous voulez qu’on vive sous la loi martiale à la place ?! En quoi c’est mieux ?! »

Le duo était maintenant assez près pour comprendre les vociférations du rougeaud – dont la couleur du teint n’avait cessée de s’intensifier jusqu’à ce qu’il ait l’air d’avoir pris feu, était-ce dû à son Alter ? –, ainsi que celles des autres membres du public qui lui répondaient, et ne faisaient par là-même qu’attiser les flammes. Allez, ils y étaient presque… mais pour cela il faudrait d’abord que l’espèce d’hystérique qui leur bloquait le passage se pousse un peu. Elle semblait s’être complètement méprise sur leurs intentions, et hurlait à la censure et à l’oppression, paradoxalement sans laisser l’occasion à la militaire d’en placer une. La chinoise tenta bien de profiter des moments où elle devait reprendre son souffle pour résoudre le quiproquo, sauf que la paire d’acolytes derrière elle prenait le relais à chaque fois. Voyant qu’elle n’arriverait à rien comme ça et qu’elle n’avait plus beaucoup de temps avant que le premier agitateur n’attaque quelqu’un, l’électrokinésiste éleva finalement la voix :

« Madame, vous vous trompez, je ne suis pas là pour vous mais pour la personne derrière vous. Ceci dit, continuez de me parler sur ce ton et je vous demanderais à vous aussi de partir. »

Elle ponctua sa réplique en générant un léger champ électrique – après avoir vérifié à l’aide de son sixième sens que personne autour d’elle n’avait de pacemaker ou autre appareil vital qui pourrait dysfonctionner sous son influence –, trop faible pour être perçu consciemment mais suffisant pour provoquer un sentiment de malaise inexplicable. Puis, elle repoussa la femme et ses compères sur le côté, fermement mais sans brutalité. Hélas, cette action ne passa pas inaperçue du hipster au micro, qui ne manqua pas de la prendre à parti haut et fort.

« Regardez, les agents du régime viennent justement nous rendre visite et museler les voix dissonantes, mais ils ne nous feront pas taire ! »

Était-elle autorisée à appréhender les conférenciers lorsque l’un deux incitait délibérément au désordre ? Sans doute pas, ce pourquoi au lieu de lui rétorquer qu’elle était au service d’un régime bien moins permissif que celui dont il se plaignait tant ou de lui faire remarquer que dans le cas présent, c’était l’un de ses opposants à lui qu’elle venait calmer, elle l’ignora superbement. Il était plus difficile d’ignorer l’homme au faciès incandescent et aux poings serrés, ceci dit.

« Je suis de votre côté, pourquoi c’est à moi que vous vous en prenez ?! Vous entendez pas ce qu’il dit, ce salopard ingrat et pédant ?! »

« Ce que je pense n’a pas d’importance, je ne fais que mon travail. Maintenant, ce sera votre unique avertissement : allez-vous arrêter de vous comporter comme vous le faites ou devons-nous vous escorter dehors ? »

Dans une belle démonstration d’hypocrisie, le trio qui lui avait barré la route profitait qu’elle se trouve entre le trublion et eux pour le narguer comme le feraient des enfants de maternelle, croyant sans doute qu’elle ne se rendrait compte de rien tant qu’ils restaient silencieux. Malheureusement pour eux, elle avait des yeux derrière la tête… plus ou moins, et se retourna donc pour les foudroyer du regard. Le message était on ne peut plus clair, quand bien même ils ne pouvaient pas voir son visage.

« Et vous, n’en rajoutez pas. »

Sans blague, avait-elle réellement affaire à des adultes ? Était-ce trop demander que les gens discutent de manière civilisée ?

« Regardez, les agents du régime viennent justement nous rendre visite et museler les voix dissonantes, mais ils ne nous feront pas taire ! »


Mais il va fermer sa gueule lui? Sans All Might et les héros, le pays n’aurait jamais pu atteindre le niveau de stabilité dont on jouissait actuellement. Dont ce type jouissait actuellement!

Cela ne faisait plus aucun doute, le gus à la tête rouge était sous l’effet de son alter et il fallait le calmer, sinon il risquait des ptits problèmes avec la justice. Ayant moi même un alter incontrôlable, je compatissais un peu pour ce gars qui se laissait emporter sous les émotions. D’autant plus que c’était pas à moi de le gérer.

Ma seule arme contre un gars pareil serait ma matraque rétractable. Certains agents avaient le droit de porter des armes à feu et d’autres, détenteurs d’une licence héroïque, pouvaient utiliser leur alter. Ce n’était pas mon cas et en dehors de la diplomatie, ma seule option serait de le frapper.

Plutôt archaïque comme solution.

Les héros eux pouvaient agir tout en minimisant les dégâts physiques et moraux, comment un type pouvait-il ignorer cela?

En contrebas la situation chauffait salement. On aurait dit une cour d’école avec les 3 sales gosse en train de chercher des noises au vilain petit canard et la surveillante au milieux faisant de son mieux pour calmer tout le monde.

Lopez sembla réagir aux mots que l’héroïne avait jeté à la tronche des fauteurs de trouble. Ils avaient beau être grands, l’argentin les dominait d’une tête et il n’hésita pas à faire usage de sa carrure et de sa grosse voix pour les repousser vers l’estrade.

De mon côté, j'avais saisi ma radio portable afin de résumer la situation aux autres équipes postées dans le secteur et j’avais conclu en demandant la mobilisation de ressources pour  calmer un alter potentiellement hors de contrôle.

Pendant que son musculeux compagnon se chargeait simultanément d’intimider et de garder les trois idiots à l’œil, l’électrokinésiste continua d’essayer de désamorcer la situation en se montrant plus conciliante après une entrée en contact un chouïa autoritaire.

« Soyez raisonnable et attendez simplement que vienne le moment des questions du public, vous aurez alors tout loisir de lui opposer vos propres arguments. Nul besoin de vous énerver. »

« Parce que vous croyez qu’il va me donner la parole, cet enfoiré ?! Les gens comme lui sont très forts pour crier à la censure, mais quand il s’agit de défendre la liberté d’expression de ceux qui ne sont pas d’accord avec eux, là il n’y a plus personne ! »

Le pire dans tout ça, c’était qu’il n’avait pas tout à fait tort, les doubles-standards de ce genre étaient monnaie courante. Mais elle n’y pouvait rien, alors il ne lui restait plus qu’à évacuer le fauteur de trouble avant que le respect qu’il avait pour son uniforme ne suffise plus à le retenir. Lui et quelques autres agités du camp d'en face, histoire d’équilibrer, car il avait depuis longtemps cessé d’être le seul à mettre le bazar dans ce qui était censé être un échange civil d’opinions. Luttant pour se faire entendre au milieu de cette foule qui la traitait de tous les noms – même si le mot « fasciste » revenait plus souvent que d’autres –, elle mit donc son ultimatum à exécution :

« Très bien. Je vais donc vous demander de nous suivre, et si vous refusez, nous nous verrons obligés d’employer la force. Vous aussi madame, votre comportement dépasse les limites de ce qui est acceptable. »

La femme en question porta une main à son cœur en une mimique choquée des plus théâtrales, comme si Zhihao ne l’avait pas déjà prévenue que ses actions auraient des conséquences. Mais sur son podium, l’homme au micro n’en avait pas terminé : après que l’un de ses assistants soit venu lui murmurer précipitamment quelque chose à l’oreille, il afficha une mine réjouie puis recommença à aiguillonner ses auditeurs, ceux qui étaient du même avis que lui comme ceux qui ne l'étaient pas. Un tel timing, c’en était à se demander s’il n’était pas de mèche avec la harpie, et s’ils n’avaient pas fait exprès de provoquer un incident.

« Vous voyez, ils montrent leur vrai visage : ils font semblant d'être patients et bienveillants, mais ce n’est qu’une façade, le recours à la violence revient dès que l’on refuse d’obéir. Ce n’est pas comme si nous pouvions nous attendre à mieux de la part de soi-disant « justiciers » chinois, car oui, rappelez-vous, les protecteurs vénérés du Japon sont si incompétents qu’il a fallu en faire venir d’autres pays, dont une dictature pure et dure ! À moins que le gouvernement ne veuille s’inspirer de leurs méthodes pour mieux opprimer la population ? »

Face à ce discours, les huées redoublèrent d’intensité et, pour l’homme au visage de tomate – qui ne devait pas avoir beaucoup de respect pour les héros étrangers en fin de compte –, ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Il chercha donc à la frapper pendant qu’elle avait le dos tourné, cependant elle intercepta son poing sans même tourner la tête dans sa direction. Les capteurs de sa combinaison l’informèrent que la température corporelle de son assaillant était anormalement élevée – comme quoi son tempérament bouillant était très littéral –, assez pour infliger des brûlures superficielles à ceux qui le toucheraient, toutefois la couche thermo-isolante fit son travail et elle ne ressentit rien.

« Évitez de le toucher directement, son Alter génère une chaleur importante. » avertit-elle l’armoire à glace derrière elle. La foule autour d’eux reflua pour ne pas rester trop près du fourneau ambulant, autour duquel l’air commençait à onduler. Avec un cri de rage, il voulut la contraindre à le lâcher en lui assénant un coup de sa main libre, qu’elle stoppa aussi facilement que le premier avant d’utiliser son propre pouvoir. Les muscles de l’homme se raidirent sous l’influence du courant qui les traversait, ce dont elle profita pour lui passer les mains dans le dos et les y maintenir fermement. « Arrêtez-ça tout de suite, vous aggravez votre cas : oubliez l’expulsion du salon, vous risquez des poursuites judiciaires. »

J’étais trop concentrée sur ce qui se passait pour prêter attention à ce que l’agitateur de foule disait mais au vu des réactions générales j’aurais p’têtre mieux fait de faire gaffe à son baratin.

“On a besoin d’une intervention au secteur 3, un des invités est en train de semer le chaos dans la foule, on risque d’avoir un gros mouvement.”

“…qu’il a fallu en faire venir d’autres pays, dont une dictature pure et dure ! À moins que le gouvernement ne veuille s’inspirer de leurs méthodes pour mieux opprimer la population ? »


Maintenant qu’il avait fini de parler, le bordel pouvait véritablement commencer. L’homme tomate n’était plus l’unique problème et je pouvais déjà repérer 3 individus ayant décidé d’en venir aux mains. Un des agresseurs était une femme de petit gabarit qui avait giflé son voisin à 2 mètres de moi. Elle ne semblait pas pouvoir causer beaucoup de dégâts mais sa victime devait peser le double de son poids et semblait faire beaucoup d’efforts pour contenir sa rage.

C’est le sens du devoir qui me poussa à me jeter dans la foule.

“Madame, je vous prie de faire preuve d’un peu de civilité, si vous voulez bien me suivre maintenant.”

Et sans lui laisser le choix, je la saisis fermement par le poignet et entrepri de l’escorter hors du bordel.

Mes messages avaient bien été reçus et deux de mes collègues prirent la relève et emmenèrent la dame loin de moi. Il ne devait pas s’être passé plus d’une minute depuis que j’avais quitté mon poste mais la situation avait drastiquement évoluée. D’autres agents s’étaient mêlés à la foule pour arrêter les bagarres, Lopez se dirigeait vers des policiers accompagnés de deux des fauteurs de troubles et l’homme tomate…

L’homme tomate était à présent rouge sang, l’air était déformé autour de lui mais l’héroïne semblait l’avoir maîtrisé.

Les gens essayaient globalement d’éviter de s’approcher mais la foule était compacte et les bagarres produisaient des vagues qui projetaient certaines personnes dangereusement proches de l’individu.

Des policiers essayaient de se frayer un passage pour venir en aide à l'armure ambulante mais leurs mouvements ne faisaient qu’empirer les bousculades et je fini par craindre le pire.

Fichu hipster. Il avait complètement abandonné son exposé initial, n’avait cessé de jeter de l’huile sur le feu, et maintenant que les choses dégénéraient, il avait le culot d’avoir l’air content de lui. Il ne s’en cachait même pas !

Quoi qu’il en soit, Zhihao était dans la panade. Le grand baraqué qui l’avait accompagnée jusqu’ici – dont elle ne connaissait toujours pas le nom, d’ailleurs, il faudrait rectifier cela – s’était chargé d’interpeller les laquais de l’autre femme à problèmes, cette dernière ayant battu en retraite. Cela laissait donc la chinoise en plein centre de la mêlée, seule avec son captif qui n’arrêtait pas de se débattre en débitant une flopée de jurons tous plus grossiers les uns que les autres et qui, bien loin de suivre ses instructions, ne faisait qu’intensifier encore et toujours l’effet de son Alter. L’espace d’un instant, elle regretta de ne pas avoir le même accès aux informations apportées par la reconnaissance faciale que dans son pays natal ; cela lui aurait permis de savoir s’il désobéissait sciemment ou s’il était incapable de se contrôler.

Comment allait-elle faire pour s’en sortir… La fournaise émise par l’homme repoussait les gens d’autour d’eux, certes, mais il y en avait toujours qui étaient propulsés dans leur direction contre leur volonté par les remous de la masse humaine. Elle faisait de son mieux pour s’interposer à chaque fois, mais son prisonnier récalcitrant ne lui facilitait pas la tâche, et il manqua de peu de lui échapper à plusieurs reprises. Elle ne voulait pas se montrer trop violente avec lui, de crainte de se retrouver avec une véritable émeute sur les bras, sauf qu’il ne lui laissait pas le choix. Oh, et il fallait qu’elle pense à l’après aussi, car même si elle parvenait à l’extraire de ce chaos, elle ne serait pas encore tirée d’affaire.

Ayant finalement décidé d’un plan d’action, elle commença par étourdir le remuant personnage à l’aide d’un nouvel électrochoc, puis activa son communicateur pour faire passer un message au reste des agents de sécurité – « Si quelqu’un pouvait me préparer un grand seau d’eau, avec des glaçons si possible, j’apprécierais beaucoup. » –, en espérant qu’ils ne seraient pas trop occupés pour répondre à sa requête. Enfin, elle attrapa solidement le forcené assommé par la taille ainsi que le dessous des épaules et, à la faveur d’un éclaircissement temporaire de la foule environnante, bondit en ajoutant toute la force de son magnétisme à celle de ses jambes. Cela leur permit de franchir les derniers mètres avant le cordon des agents de sécurité en passant par-dessus la tête des spectateurs, et d’atterrir presque en douceur.

« Je reviens vous aider dès qu’il sera refroidi. » dit-elle à la jeune femme – au nom également inconnu – à qui elle avait parlé il y a quelques minutes à peine, et à proximité de laquelle elle venait de revenir. Elle n’eut heureusement pas à attendre longtemps avant qu’un des collègues de l’agente n’arrive avec ce qu’elle avait demandé.

« J’ai trouvé de la glace pilée en cuisine. » expliqua-t-il fièrement, avant d’hésiter devant la chinoise et son captif qui avait repris connaissance et se démenait derechef, son regard passant et repassant rapidement de l’une à l’autre. « Euh… et maintenant... »

« Maintenant vous lui videz ça sur la tête. Allez-y, n’ayez pas peur de me mouiller aussi. »

L’homme déglutit, adressa un coup d’œil à sa collègue pour confirmer, puis s’exécuta. L’agité glapit de surprise sous l’effet de la douche froide, dont une partie se mua en vapeur mais qui sembla réussir à désactiver son Alter. Hagard et trempé comme un linge, ce dernier n’opposa plus aucune résistance lorsque Zhihao – qui n’avait rien senti grâce à sa combinaison imperméable – lui passa une paire de menottes plastiques aux poignets et le poussa vers le garde.

« Vous savez quoi faire s’il recommence. Tenez, je lui avais confisqué son téléphone et son porte-feuilles avant qu’il ne les ruine. » fit-elle en tirant les objets en question d’une de ses poches pour les remettre à l’agent de sécurité. Ceci fait, elle se retourna vers la jeune femme : « Dire qu’il a suffi de deux minutes pour en arriver là… Bon, il y en a d’autres à maîtriser ? »

La zone était chaotique. En contraste, les échanges ayant lieu à la radio étaient plutôt clairs, organisés et à peine l’héroïne avait-elle fait sa requête qu’une voix féminine répondit à l’affirmatif.

Je guidais comme je pouvais les quelques personnes qui souhaitaient s’éloigner du bordel si bien que je manquais l’arrêt cardiaque lorsqu’une armure noire se posa, presque doucement, à 30 cm de moi.

L’homme qu’elle tenait n'avait pas l’air bien. A vrai dire il avait même l’air … assommé? Un de mes collègue arriva promptement. La situation semblait être sous contrôle, aussi je me contentais de reculer et de les laisser faire. Pas besoin d’avoir une Ki dans les pattes en plus de tout le reste.

“…Tenez, je lui avais confisqué son téléphone et son porte-feuilles avant qu’il ne les ruine. »

J’aidais une dame a quitter la foule mais n’avais pas manquer le commentaire de l’héroïne. C’était vraiment stylé ça, un vrai symbole d’altruisme, juste incroyable. Je n’avais encore jamais entendu parler d’elle mais elle était sûrement super bien classée. En tout cas après une intervention comme ça c’est sûr qu’elle allait gagner en popularité. Même l’homme tomate, à présent tout peneau, voterait probablement pour elle.

J’étais en admiration, on va pas se le cacher, et un frémissement d'excitation parcourut ma colonne vertébrale lorsqu’elle s’adressa à moi.

Genre… De tous les agents et héros du coin, c’est à moi qu’elle décide de parler! Vraiment cool.

« Dire qu’il a suffi de deux minutes pour en arriver là… Bon, il y en a d’autres à maîtriser ? »  

Non, il n’y en avait pas d'autres. Lopez avait dégagé deux gars, un autre héros s’était occupé d’une autre montée et les policiers avaient calmé le dernier cluster. Il ne restait plus qu’à aider quelque civiles qui souhaitaient prendre l’air mais je n’en voyais déjà plus.

La cahu continuait mais se calmait doucement.

“Non c’est bon, ça retombe. Par contre lui il ne s’arrête pas, je ne sais pas qui gère cette table ronde mais il serait temps de faire tourner le micro là!”

En effet, le hipster continuait de sortir ses trucs anti-gouvernemental de merde. Il me tapait sérieusement sur les nerfs et j’étais heureusement surprise lorsque son micro arrêta de fonctionner comme par magie, laissant enfin la parole à l’opposition qui attendait son tour calmement.

“Attention à ce que vous dites Mr Toguchi, avec de telles paroles vous risquez de vous attirer des ennuis et serait obligé d’être sauvé par un héros, ce serait bien dommage pour vos idéaux hahahaha.”

Ma joie s’évapora laissant place à un sentiment bizarre. Je ne sais pas si c’était à cause de sa voix mielleuse ou de son calme excessif, mais la femme ne m’inspirait pas confiance.

L’agente de sécurité était en train de la regarder avec une drôle d’expression. Quoi, encore une qui trouvait excessif que la chinoise se ramène avec un équipement plus conséquent encore que celui d’un policier anti-émeute ? Elle avait déjà eu droit à la même remarque une bonne demi-douzaine de fois depuis qu’elle avait pris son service, mais elle espérait que cela cesserait après ce dernier incident : après tout, qui d’autre aurait pu se saisir du trublion à haute température sans écoper d’une brûlure ?

Zhihao acquiesça ensuite quand son interlocutrice s’insurgea face à la négligence du modérateur censé garantir le bon déroulement du débat. Effectivement, même si le hipster n’avait pas encore épuisé son temps de parole, il avait très certainement transgressé d’autres règles avec sa rhétorique provocatrice. Amusante coïncidence, ce fut à ce moment-là que quelqu’un se décida enfin à mettre ce dernier en sourdine, comme s’il n’attendait que le signal de l’agente. Le conférencier retourna de mauvaise grâce à son siège, laissant la place à l’oratrice suivante, qui commença par se moquer légèrement de son prédécesseur. L’électrokinésiste ne savait pas pourquoi, mais cela lui rappelait les menaces voilées d’un mafieux, et elle ne put empêcher une petite voix dans sa tête de paraphraser la réplique avec un mauvais accent italien : « Ce sont de bien beaux idéaux que vous avez-là, monsieur Toguchi, ce serait dommage qu’il leur arrive quelque chose... »

Son casque dissimulant fort heureusement son visage, elle n’eut qu’à retenir un bref ricanement pour conserver le sérieux qu’elle s’efforçait de projeter. Pendant ce temps, la femme – une membre du parti politique Heartseeker, apparemment – s’était lancée dans un discours prenant le contre-pied de celui du précédent intervenant, bien qu’il soit également agrémenté de quelques appels du pied et autres éléments démagogiques. Sa thèse à elle était que les lois régulant actuellement l’usage des Alters étaient trop restrictives, et devraient être relaxées afin de permettre aux civils de se protéger eux-mêmes, sans avoir à attendre l’intervention d’un héros.

Zhihao ne savait pas si un public japonais se montrerait très réceptif à sa vision, surtout dans la mesure où une bonne partie de l’argumentaire semblait repompé sur celui de politiciens de la droite américaine. Néanmoins le sujet était contentieux, et ils n’étaient pas à l’abri d’un nouveau débordement de violence, raison pour laquelle elle se remit à observer la foule.

« J’espère qu’avec autant de personnel de sécurité présent, ils ne recommenceront pas à chahuter. » confia-t-elle en avisant brièvement le cordon qui s’était formé autour de la zone, mélangeant policiers, héros et employés d’une compagnie privée. Leur présence était rassurante, mais n’étaient-ils pas un petit peu trop nombreux ? Cela ne créerait-il pas des trous dans le reste du dispositif ? « D’un autre côté, ne faudrait-il pas en renvoyer quelques-uns à leur poste initial, si nous ne voulons pas risquer que des incidents éclatent ailleurs dans le salon ? »

Elle profita derechef du fait que personne ne pouvait la voir pour grimacer en écoutant la femme sur le podium insister que la vie serait tellement meilleure si le gouvernement et le système judiciaire se montraient plus souples dans leur interprétation de la légitime défense. Son propos ne contenait a priori rien de trop extrême, mais la militaire savait que lors de la présentation d’une idée controversée face à un public non-acquis, les orateurs intelligents faisaient très attention à ne pas sortir de la fenêtre d’Overton. Elle savait également qu’il s’agissait d’une pente glissante, et elle avait vu ce qui attendait tout en bas de cette pente : la liberté totale d’utilisation des Alters, une idée séduisante en théorie et qui pouvait peut-être même fonctionner dans le cadre d’une petite communauté soudée d’individus responsables, mais qui s’était jusqu’ici toujours révélée intenable à plus grande échelle. Ce n’était pas pour rien que cette « liberté totale » n’existait que dans les États faillis.

« Celle-ci est plus polie et plus mesurée dans ses paroles, mais son discours n’est pas inoffensif pour autant. » conclut Zhihao en voyant un ou deux spectateurs manifester bruyamment leurs opinions, que celles-ci correspondent à celles de l’intervenante ou non. Aucun d’eux n’allait au-delà de brefs éclats de voix pour le moment, ceci dit. Puis, réalisant qu’il faudrait qu’elle remédie à son manque de courtoisie envers l’agente et son collègue, qui venait de revenir après mis dehors sa paire d’agitateurs, la chinoise voulut rattraper le coup : « Où sont mes manières, je ne me suis pas présentée. Lodestone, de l’agence Red Star. Vous êtes de chez Stainless Security, c’est bien cela ? »