Les affres de l'insouciance [pv Leo]

Un ciel clément annonçait une journée radieuse. Et une certaine jouvencelle avait tenue à convier sa grande amie pour une expédition loin des siens et ses devoirs. L'évadée à sa juridiction d'enquêtrice trouvait l'occasion judicieuse et méritée, si bien que l'insolite duo s'offrait un maigre répit, à l'écart, deux petites journées affreusement intimistes. Mais si le trajet en train n'avait pas éventré l'ambigüité tenace de leur relation étrange, tantôt amicale et parfois d'avantage, au demeurant, ces drôles de dames n'allaient s'en plaindre. Chacune se gardait bien d'évoquer la chose, l'impie chasseresse n'y songeait pas même, à dire vrai. Parvenues au lieudit, non sans quelque taquineries et détours plaisants, l'on se navrait presque d'avorter la balade idyllique afin de singer nombre congénères à l'inertie grouillante. Le phénomène n'était d'ailleurs pas pour déplaire à la vile femelle hypocrite, dont la moiteur n'ennuyait nullement la tendre mimine qui l'étreignait avec allégresse.

Hélas, les pensées de sa camarade s'égaraient, comme bercées d'une lassitude trop bien voilée. Manquer à sa parole signifiait forfaire en plus de perpétrer parjure. D'autant qu'elle répugnait à décevoir et attrister sa chère et tendre partenaire d'investigation. Si bien que sa bravoure se défiait d'une éventuelle affreuse onde, à paraître, sans nul regret aucun. Et la jeune détective se réjouissait par ailleurs à ne pas déceler d'hominidé suspicieux, tandis que son esprit vif demeurait aux aguets et s'adonnait discrètement à l'observation de ses semblables ici amassés. Fort peu lui éveillaient hélas une once d'intérêt. Un mioche obèse commettait caprice, des jumeaux difformes échangeaient des banalités, un couple charmant roucoulait en toute insouciante. Une horde de groupies piaillait en excès et tombaient en pamoison devant leur idole, un bellâtre écervelé et étoile de la scène. Maints marmots de tous âges se voulaient encadrés par des tuteurs ou des moniteurs, et bien d'autres niais touristes venaient engraisser les maîtres du domaine de plaisance.

De bien fades déductions pour une si lasse donzelle qui s'apprêtait à arpenter l'endroit, de crainte de déplaire à sa seule amie si sensible et éprise de sa compagnie. La jeune Kisara avait beau préférer des soirées endiablées au karaoké, elle lui concédait une présence salvatrice. Et la belle Aiko Uzume, fille d'une illustre diva des arts, s'était-là parée d'un bien bel ensemble, trop saillant. Sa comparse n'avait qu'endossé une robe blanche, si simple et agrémentée d'une coiffe rustique, un grand chapeau de paille lui faisant ombrage. Le phénomène ajoutait à son humble aura, épurée des vanités du monde, qui tranchait diablement de sa moitié d'avantage coquète et peu furtive, au contraire d'un modeste sac à dos noir. L'insolite duo se tenait du reste sur le seuil du portique d'entrée du parc. Et la patience de ces exemplaires jeunes filles si semblables n'éludait en rien leur conviviale complicité si palpable. La chose transparaissait à leurs jolis minois aux traits délicats, radieux et enivrés par l'aventure, ou peut-être la proximité de l'autre. Celle aux carmines mirettes, garnie de ravissantes éphélides ainsi que d'élégantes oreilles pointus évadées à sa rose chevelure, paraissait alors la plus émoustillée de la marée humaine, elle qui tendait à s'engouffrer dans la faille bondée.

Cette jouvencelle un peu niaise admirait avec une telle fascination sa brochure, tandis que sa mélodieuse verve fourchant en mandarin par mégarde, lui attirait la vilénie d'une jumelle factice. « J'en suis fort aise, my dear. » Confiait la démone au timbre suave, faisant là étalage d'une facétie bien à elle. Une bien espiègle attention, prodiguée à l'aide d'une obscure suivante. L'appendice taquin prodiguait dont une caresse équivoque, à l'égard de jolies jambes maigres, avec une sensualité féline. Ce qui ne manquait pas d'accabler d'un léger sursaut écrevisse, suivit d'un bon rire, à l'unisson. A vrai dire, la bête cléricale n'éprouvait qu'une minime crainte, hormis celle de voir surgir et sévir un malandrin quelconque, un désaxé en vadrouille ou un dément notoire ; lorsqu'un simple petiot pouvait s'éprendre à loisir de sa chétive queue, au détour  d'une pulsion enfantine. Mais elle n'irait pas blâmer un garnement, sauf méprisable, d'ainsi s'en saisir et jouer d'une ferme poigne. Yomi présentait parfois du reste ce phrasé vieillot, du fait d'humeurs propices mais également de sa nature, perfide, toute encline à la comédie. Son excentricité la trahirait en cette foule, tout du moins pour un œil averti. Et nul doute que ses manies et manières lui attireraient tôt ou tard quelque égard intrigué., qu'une éventuelle ruade accueillerait.

Spoiler:

« Nous on y va. Nous ne serons pas là pour le dîner non plus. Léo, occupe-toi bien de ta sœur.
- Chef, oui chef ! » répondit-il avec un salut militaire.

Les parents de la famille Oxton s’absentaient pour la journée. L’une des premières missions de héros de l’aîné était de prendre soin de sa petite sœur durant cette journée.

« Alors, on part quand, super-héros ? »

Pour faire passer la journée, Léo lui avait proposé de l’emmener à un parc d’attraction. Enfin non, à l’origine c’était l’idée de Lucie. Ils étaient déjà allés en famille dans un parc quand elle était plus jeune, et cela s’était très mal passé. Lucie Oxton avait un alter à double tranchant. Comme beaucoup d’alter certes, mais le « si je ne l’active pas, il ne peut rien m’arriver » ne fonctionne pas dans ce cas de figure. Elle avait une perception permanente de toute personne qui l’entourait dans un rayon de 5 mètres. Et en plus de leur position, elle visualisait chacun de leurs mouvements. Dans un lieu très fréquenté, un cerveau si jeune peinait avec autant d’informations à traiter, ce qui donnait lieu à d’atroces maux de crâne, parfois même un malaise. Elle a dû travailler son alter pour maîtriser la fluctuation d’informations, elle arrive maintenant à manipuler le rayon de détection.

« Faites vos affaires, nous partons dès que vous êtes prête, mademoiselle », lui répondit-il en souriant.

Il fallait partir assez tôt, pour prendre en compte le temps des transports. Leurs parents leur avaient laissé un peu de monnaie pour la journée, qui sera complétée par l’argent de poche respective des deux siblings. Léo avait fait de simples sandwichs avec du pain acheté fraîchement ce matin, de la charcuterie, salade et tomates, ainsi qu’un peu de fromage. À cela s’ajoutait principalement deux bouteilles d’eaux, casquettes, et médicaments au cas où. Une fois prêts, le grand frère ouvrit la porte d’entrée et déclara en levant le poing :

« En avant !
- En avant ! » imita-t-elle.


Les transports étaient toujours la partie la plus fun d’un voyage. À l’époque, il occupait Lucie avec des jeux de mains et autres gamineries. Maintenant elle avait grandi donc ça n’avait plus le même effet. La petite sœur laissa sa tête tombée sur l’épaule fraternelle. Il y avait une relation bien affectueuse entre les deux-là. Léo, par sa volonté de devenir héros, considérait naturellement que ses liens avec sa sœur étaient quelque chose à chérir et à protéger. Lucie, elle, constate au fil des années l’évolution de la figure héroïque qu’est son frangin. Bien qu’il ne grandit plus en taille et en apparence, il lui semble ne pas s’arrêter de grandir, en tant que grand frère.

« Les stages c’est bientôt je crois… tu attends ça depuis longtemps non ?
- Oui ! Ce soir il faut que je me renseigne sur les héros qui pourraient m’intéresser. J’ai hâte d’apprendre plein de choses ! »

L’engouement de son frère ne vieillissait pas non plus. Lucie était contente, quand elle le voyait comme ça.


Après un certain temps, ils arrivèrent à l’entrée du parc. Forcément, il y avait du monde. La file d’attente était un passage plus amusant encore que les transports… puisque cette fois-ci on attendait en étant debout. Mais faisons abstraction de ce lourd passage où les deux enfants ne faisaient que de se plaindre en chuchotant. Surtout la petite. Mais ils finirent par entrer dans le parc, suffisamment en forme, même s’ils avaient déjà envie de s’asseoir. Enfin, jusqu’à ce que Lucie ait un aperçu global de ce qui les entourait maintenant.

« Waaaaaah ! Grand frère, je veux aller… partout !
- P… Partout ? La journée va être longue… »

L'originalité du parc lui venait d'un esprit à l'excentricité notable et désireux de concilier tradition et modernité, en plus de réunir en son domaine des attractions classiques ainsi que des estivales, d'où le fameux partenariat florissant qui avait marqué la région. Un zoo proche, un aquarium grandissant et même les cirques vagabonds en bénéficiaient. Les sites séduisaient la multitude par leurs tarifs aussi abordables que la démarche publicitaire commune n'enjouait à la dépense. Cette histoire de pouvoir d'achat des ménages revalorisé devait d'ailleurs faire débat à la capitale. L'inquisitrice n'y voyait hélas qu'un mobile pour les détracteurs que menaçait une éventuelle expansion de cette politique. Les attractions les plus massives se dessinaient du reste par-delà les quelques échoppes à friandises, boutiques en tout genre et bâtisses de restaurations diverses qui se tenaient aux prémices de l'enceinte. Une grande roue tournoyait au nord tandis que des installations estivales et aquatiques s'élevaient à l'est. La belle rose s'en laissait conter les moindres détails.

Cette dernière s'avérait d'ailleurs bien indécise, seule cette place de transit ne suscitait pas la moindre envie d'y demeurer. Aussi la donzelle chapeautée l'enlevait-elle au-delà de la foule, au seuil de la croisée des chemins, où figurait un modeste stand au parasol accueillant, à l'image de ce brave tenancier. Le bel éphèbe avoisinait leur âge mais même un sourire des plus ravageurs ne pouvait hélas engendrer rougeurs. Quoiqu'il était plus agréable à admirer que l'autre écervelé à la gloire insipide. Ce sinistre séducteur d'opérette s'en était d'ailleurs allé, tout comme les autres énergumènes qu'une détective avait su remarqué. Et elle ne laissait plus trop voguer ses mirettes qu'aux minois d'une compagne et d'un joyeux lascar. Voilà que cette dernière jetait enfin son dévolu sur quelque chose, Yomi désirait également le même parfum. Une unique boule de fraise à chacune, de quoi savourer l'errance à valeur de balade. Une fragrance d'idylle éventuelle où nulle n'osait rompre la moite poigne de l'autre.

Mais alors que la plus dégourdie mandait à sa partenaire de farfouiller son sac à dos, et d'ainsi s'enquérir de quoi rétribuer le bel éphèbe qu'un autre pressait au service, à l'arrière, l'appendice malingre s'entichait d'un cornet qu'une paume humide n'irait étreindre. Lequel se gardait bien de commettre une intentionnelle maladresse, et d'ainsi souiller un pouacre impatient. Et que lui servait-il d'agir ainsi, triste frustration que celle-là, qui dévisageait d'une mine noire celle garnie d'éphélides. Ce genre de grossier personnage manquait d'aggraver la lassitude chronique de la bête silencieuse mais pas ignare de cette scène navrante. Sans doute une envie pressante de glucose ou la perspective d'une délivrance salvatrice, laquelle éludait l'intenable attente dans la foule, subie à l'entrée. L'impudent n'avait pourtant pas l'air d'un homme d'affaire ou autre squale d'ordinaire pressé. Le malotru n'avait de plus rien de l'employé d'administration ou du commis de gardiennage d'un moutard exigent, nul petiot illustre ne fulminait à la ronde.

Et puisque l'autre jeunot de glacier paraissait d'avantage confus que serein ou amusé, la détective aux prunelles de rapaces n'y décelait pas d'éventuelle complicité ou pression d'aucune sorte exercée à son encontre. Sa nervosité découlait du professionnalisme. Quoiqu'elle se permettait de douter un brin de l'intégrité dudit lascar, au cas où, par pure habitude. La drôlesse n'aimerait guère à devoir confondre un misérable dealeur en cette heure. Yomi avait d'ailleurs saisit l'objet de la confusion de sa camarade, elle dont les doigts de fée trainassaient en sa besogne. La petite cachotière ne pouvait se résoudre à ôter la moindre chose du sac et farfouillait dont à l'aveugle, car elle risquait de dévoiler des ajouts surprises. L'autre espérait du reste se fourvoyer sur la nature de ce fardeau pouvant lui gâcher la journée, tandis qu'une poigne enlevait non loin sa créature toute entichée d'un met savoureux. Sa factice jumelle s'y adonnait de concert, avec plus de malice ceci-dit.

L'inquisitrice conviait sa chère et tendre amie à chevaucher les destriers féériques du grand carrousel, ainsi que d'arpenter les lugubres méandres du train fantôme dont les terribles yôkai défrayaient la chronique. La vilaine se délectait d'avance d'éprouver sa pleutre compagne à l'émoi palpable. Et il n'y avait qu'elle pour fonder crainte et s'émoustiller tout ensemble. De quoi lire une myriade d'émotions fugaces en ses traits splendides, distordus au fil de la pensée. Cette légère étourderie se jouait hélas de la gourde, alors que sa chétive enveloppe maigre chancelait prestement au détour d'une impolitesse virulente. Le maraud impudent comptait s'enfuir sans vergogne, profitant de la foule grouillante pour s'y tapir, mais une suivante funèbre et vigoureuse lui imposait l'étreinte justicière. Voilà que dédain et mépris raisonnaient en ces mirettes tandis qu'une cavalière attention s'entichait d'une donzelle en détresse.

La gestuelle gracile et vive épargnait fracas et ridicule, en plus de dédier de bien équivoques embrassades, chastes mais chevaleresques. La chair agrippée au derme délicat, frêle et démunie, tout abandonné à la tendresse d'un héroïsme anodin. On déchantait dans l'édifiante proximité de ses figures figées dans l'instant ambigu, comme savouré à l'unisson, où des prunelles de mauve taciturnes fixaient de manière inlassable la proie de ses bras, la belle aux prises du désir. Mais l'engeance d'une actrice avait le regard fuyant, comme mutilé par l'embarras que suscitait ce genre de scène étrange. Bagatelle qu'une autre trouvait futile. Elle se ravisait pourtant à la délivrer tandis qu'un cri glaçant déchirait l'assemblée médusée. Sans doute du fait d'une glace égarée dans les airs lors de la collision,  la sienne s'était laissée choir en hâte. Et si la bête avait agit d'instinct, elle préférait d'ordinaire évaluer les priorités et méditer chaque approche ou manœuvre.

« Navrée les enfants, vous n'avez rien ? », déclamaient d'harmonieuses voix mélodieuses aux bouilles confuses, une fois gagné le chevet des petiots.

ça donne plus ou moins ça dans l'ordre :

Les siblings s’aventurèrent dans le parc, ne faisant que tourner leur regard vers la droite et la gauche, en boucle, observant tout ce qui les entouraient. L’air était un peu frais, et le soleil ne tapait pas trop. Très agréable. Le regard enjoué de Lucie ne put être dévié une fois que celui-ci se soit reposé sur un marchand de glaces, qui proposait des parfums variés.

« Léo Léo, je peux avoir une glace s’il-te-plait ? »

Ça commençait à faire enfant gâté quand même, non ? Bon on va mettre ça sur le compte de l’euphorie de faire une sortie avec son grand frère, ce n’était pas souvent que ça arrivait.

« Très bien, bonne idée. »

Ils s’en approchèrent, puis après un poil d’attente, c’était à eux.

« De la vanille s’il-vous-plait !
- Et fraise pour moi, s’il-vous-plait.
- Haha, très bien les petits. Combien de boules ?
- Une s…
- Deux !
- Très bien, voilà pour vous. Bonne journée, et amusez-vous bien ! »

Léo soupira intérieurement. Bon, ce n’était pas bien grave, passons.  Reprenant leur marche quelques instants, ils s’arrêtèrent finalement devant un plan.

« Alors, une préférence pour commencer ?
- Mh… Là-haut ! fit-elle en pointant du doigt la partie nord du plan.
- C’est d’accord, on aura le temps d’en faire pas mal de toute façon »

Ils se dirigeaient maintenant vers le nord du parc. L’étudiant héros jetait des coups d’œil réguliers à son insouciante sœur. Elle semblait bien se porter, appréciant l’instant présent. Elle avait sûrement bien réduit son champ de perception, lui permettant de bien se porter malgré la foule. Il la quitta des yeux environ trois secondes. Puis, lorsqu’il porta à nouveau son attention dessus, quelque chose avait changé. Du liquide dégoulinait sur son visage. Sur la tête, elle avait un cornet qui était retourné. WAIT WHAT ?

Léo tendit son propre cornet à sa sœur avec un « Attends, tiens-moi ça s’il-te-plait. ». Alors qu’il sortait un mouchoir de son sac, sa sœur se léchait les babines, grattant une partie de la froide glace qui coulait.

« Comment as-tu réussi à te mettre ta propre glace à la vanille sur la tête ? lui demandait-il en lui essuyant le visage.
- Ce n’est pas moi ! Regarde, la mienne est là. fit-elle en lui montrant sa propre glace à la vanille qui reposait dans sa main droite, que Léo n’avait pas pris le temps de vérifier dans sa précédente précipitation.
- Ah, oui. Comment c’est arrivé là alors ? »

Le jeune garçon aperçut alors deux filles un peu plus âgées que lui, toutes deux aux cheveux roses. La bonne paire. Étaient-elles sœurs, comme lui et Lucie ? Elles s’excusèrent alors, cela devait leur appartenir, un accident probablement.

« Ce n’est rien, fit Léo en leur souriant. Hein Lucie ? »

La sœur approuva d’un signe de la tête. Puis elle regarda sa main gauche, et leur tendit.

« La glace était à vous non ? Vous pouvez prendre celle-là, si ça ne vous dérange pas qu’elle soit commencée… »

Elle… elle venait de tendre la glace à la fraise de Léo !

Si nos drôles de dames s'inquiétaient fort à propos de la minuscule licorne à la crinière de jade, dont l'absence de trouble tranchait diablement avec l'émoi suscité, elles déchantaient de manière harmonieuse. La surprise stupéfiait même la détective que trop habituée à des accès de hargne, caprices et autres élans d'hystérie. Hors un calme olympien n'avait pas quitté cette frimousse un brin niaise. Une telle insouciance soulageait les quelques spectateurs tandis que la honte délaissait presque ces mirettes violacées, accablées d'aventure par le remord et la rancune, toutes affairées à ôter son sac à dos noir avant d'y précipiter griffes. Et sa comparse si confuse demeurait toute accroupie, plongée au mutisme qu'inspirait un torrent d'émotions contraires, et manquait là d'enjouer les réjouissances. Aiko se gardait ainsi d'accepter l'offrande. Malgré l'absurdité de s'imaginer indigne, car il n'y avait pas lieu de culpabiliser. Hélas, c'était bien sa glace qui avait failli blesser la petite. Chacune partageait dont pareillement cette sensation cuisante, raisonnant de concert, pulsant d'une bien virulente frénésie.

D'autant qu'on trouvait étrange qu'un seul membre de la fratrie profite des saveurs fruités. De plus, l'idée que ces demoiselles lèches ensemble le même met s'avérait presque indécente en ces lieux. Quoique glamour ou viable pour qui fabulait à une factice jumélité à l'œuvre. « C'est très gentil de votre part, mais nous ne voudrions pas priver votre frère de ce plaisir. », confiait Yomi d'un murmure, en se saisissant avec délicatesse du cône égaré. La petiote étonnait dont par sa générosité, quel altruisme débordant, songeait-on d'ailleurs à admirer la marmaille sereine. En plus d'éluder d'éventuelles circonstances dramatiques au détour de probabilités qu'une autre ne pouvait dénigrer. Si bien que la bête en sa blanche robe affichait là encore cet affreux air peiné et éhonté, alors qu'une de ses mimines s'attelait à débarbouiller la figure et chevelure de la gamine. Ou s'y essayait tout du moins. Et si son jumeau préférait s'y adonner, la rose lui cèderait prestement son mouchoir en tissu rouge, si pratique pour masquer une plaie ou faire disparaitre la présence d'hémoglobine. Le modeste présent d'une jeune fille à une amie aventurière trop intrépide.

« J'imagine que ... vous vous dirigiez vers le grand carrousel ? Nous y allions justement. », soufflait cette verve hésitante, la gorge nouée et les mirettes fuyantes.

La bête avait d'étrange son assurance formidable face aux périls encourus, et l'aspect ici pénible de se déclamer face à l'innocence incarnée, si inoffensive qu'elle en émoussait pourtant d'une fameuse ironie son esprit incisif et d'ordinaire plus solide qu'aucun autre agent de justice. De telles palabres arrachaient prestement une autre jouvencelle à sa transe macabre, qu'une inquiétude naine avait d'ailleurs pu déplorer, l'extirpant d'une touchante attention comme d'une nouvelle étrangeté juvénile. Et l'unique mâle s'était-il seulement entiché d'une initiative de ce genre, ou bien l'embarras et l'incertitude au devant d'une situation équivoque l'accablait-il, le pauvre ? L'ignorance de sa maturité induisait en erreur l'insolite duo, se fourvoyant sur la moindre réaction éventuelle qu'il pourrait bien dévoiler. Mais qui blâmerait ces femelles d'imaginer là un minot ?

Avec deux personnes pour lui débarbouiller le visage et les cheveux, la petite Lucie était comme une princesse dont on faisait la toilette. Les regards des passants vers les deux duos, au milieu du chemin, pouvaient être un peu gênants, mais Léo n’y pensait même pas.

« Je t’avais dit de prendre ton parapluie Lucie, la météo est parfois imprévisible, se moquait-il avant de sortir légèrement sa langue de sa bouche.
- Très drôle grand frère. Tiens, prend plutôt ta rémunération », rétorquait-elle en lui tendant sa glace à la fraise.

Elle avait tenté sans honte de la refiler aux inconnues. Heureusement pour l’étudiant héros, elles avaient bien compris que c’était celle du frère, et ont refusé. Bien sûr, la sœur n’avait pas vraiment de mauvaise pensée en proposant cela. Léo et Lucie s’aimaient beaucoup, mais ils aimaient aussi se taquiner. Une manière comme une autre d’exprimer son affection ! Ils ne se le cachent pas d’ailleurs, l’un comme l’autre savait très bien que ce n’était pas sérieux. Et puis avec leur sourire qui revenait très vite, les personnes aux alentours pouvaient facilement comprendre qu’il ne s’agissait guère d’une querelle fraternelle. Et cela se voyait encore plus à présent. Alors qu’ils reprenaient leur route, Lucie saisit la main de son frère, comme une petite fille attrape celle de son papa quand ils marchent côte à côte dans la rue. Ne s’y attendant pas sur ce coup-là, le grand frère fut un poil gêné, surtout maintenant qu’ils étaient aux côtés de ces deux adolescentes aux cheveux roses. Mais bon, quel était le problème avec un tel amour ? Puis ce n’était pas la première fois qu’ils marchaient ainsi. Et non pas que ça le dérangeait réellement, au contraire.

« Oui exactement, nous allons au grand carrousel ! »

« Ah bon ? » avait envie de répondre Léo. Cette destination avait sûrement été improvisée suite à la question qui leur avait été posée. En tout cas, si sa sœur voulait aller là-bas, c’est que cela signifiait que cette nouvelle petite compagnie lui convenait. Pourquoi pas après tout ? Peut-être cette journée sera-t-elle d’autant plus amusante.

Marchant toujours avec sa main dans celle de son frère, elle observait avec curiosité celles qui les avaient rejoints. Un élément toutefois lui porta à l’interrogation, elle qui ignorait encore tant du monde.

« Excusez-moi, c’est une queue que vous avez ? »

Ah, la question sur les alters. Même si les alters de mutation ne se cachaient pas facilement, certaines personnes n’aimaient pas vraiment parler de ça. Après tout, cela ne regardait que l’individu concerné, c’était assez personnel. Quelle épreuve, Léo espérait tellement que sa sœur ne s’attire pas d’ennui lorsqu’il devait s’en occuper tout seul, qu’il voyait le mal partout. Allons, il n’y avait pas de quoi, ces jeunes demoiselles semblaient sympathiques, la question n’était probablement pas si gênante. Et au pire elle apprendra que pas tout le monde n’a envie de raconter sa vie à une personne inconnue, aussi aimable semble-t-elle.

La bravoure d'un nabot à la maturité édifiante stupéfiait l'enquêtrice, à l'instar d'une plus sensible âme, cette jeune actrice en herbe d'aventure silencieuse au creux d'une foule agitée, véritable marée humaine où rodaient bien des niais pouvant là se gausser en sourdine. Ce drôle plaisantin préférait alors l'ironie et comique de situation plutôt que reproches et autres rictus susceptibles de leur dépouiller toute gaité et quiétude. Voilà qui lui sublimait l'être et balayait un brin les vestiges de la ruine en ces mirettes voisines, funestes pensées chassées par l'aube impérieuse et pure. Quelle bonté magistrale et irréelle, songeait-elle médusée dans l'acte à la gestuelle toute aussi délicate que frémissante, tandis qu'une phénomène plus poignant l'accablait. La diablesse altruiste et son compère nain dorlotaient dont de concert la cadette du quatuor. Mais la rosée perlant à ces prunelles de mauves, ruisselait aux joues pâles presque écrevisses, comme rougies d'un sanglot terrible, dessinait là une perspective insolvable. La bête succombait à un tel étalage d'humanisme, qui la pardonnait peut-être, là où elle n'espérait pas même expier un jour la moindre faute.

La belle rose en sa blanche robe immaculée n'aspirait pareillement guère laisser entrevoir son émoi ruisselant. Lui qui se voulait voilé au détour d'une frange épaisse, une mâchoire lui avalant à demi la figure. L'inquisitrice se réservait d'ordinaire ces instants de faiblesses en n'engendrant lignée de larmes qu'à l'écart, à l'abri des regards. mais elle n'avait ici que faire de se trahir en public et l'intimer désarroi ou risible âme. Nul ne devrait s'inquiéter d'une telle contemplation. D'autant que son élégante et coquette compagne s'avérait quelque peu encline à l'y enjoindre, comme fondre à son tour dans l'émoi palpable et fugace. Et la pénombre instaurée par la coiffe rustique n'était pas sans ajouter à la furtivité du phénomène, la ballade enchantée éludait l'éventuelle mine taciturne tandis que son vif esprit s'en trouvait des plus émoussé. Dès lors incapable de prévenir aux périls, hélas. Le ravissant duo qui ouvrait la marche paisible ne rencontrait fort heureusement pas la moindre embûche au tracé. Aiko Uzume au demeurant niaise assurait là une présence guère étourdie, dévouée et attentive à ces mignonnets, en l'attente d'une résurgence.

Sa très chère amie la flanquait toujours l'air absent à sa pensée, si troublée, malgré un sourire béat aux lèvres gravé. Leurs bras maigres entrelacés dénotaient de la facétie d'une petiote sans pourtant déchirer l'image d'une union solennelle, plus qu'affective. Là où une verve innocente manquait d'en ébranler les fondations. Yomi émergeait de sa transe et se figeait un bref instant, sans s'avérer intriguée pour autant. « Une vraie de vraie, mais de quelle nature je te laisse deviner. », proférait un douillet soupir à l'étouffée d'une main, tandis que s'avançait l'ondoyeuse suivante, fine et élancée tel un fouet. Sa gestuelle emprunte d'excentricité retrouvée lui rendait ses agréables couleurs, son joli minois aux traits si aguicheurs et plaisants, ici maternels. Et l'autre nouille aux mains gantées ne s'étonnait guère de cette vivacité pétillante, pimpante même. Ces drôles de dames désiraient d'instinct émoustiller la marmaille. Aussi l'acte devait-il ravir la gamine, avant que chacun n'emboîte le pas aux abords de plus modestes échoppes et attractions encadrant l'allée à destination de la grande roue. Miss éphélide proposait haltes attrayantes avant de s'élancer vers le fameux manège aux destriers dansants, tel un circuit de véhicules destinés à de molles collisions dans un esprit tout aussi drôle de compétition, mais encore de la pêche à l'épuisette traditionnelle japonaise de fête foraine et de festivals d'hameaux reculés.

Déambulant dans les chemins du parc, sur la route du carrousel, les jeunots du groupe regardaient à droite et à gauche, observant chaque attraction avec intérêt, voir avec émerveillement pour certaines. Il y en avait qui étaient vraiment super. En même temps, Lucie réfléchissait à l’origine de cette queue qui lui faisait se poser tant de questions.

« Mh je ne sais pas trop, en tout cas je ne vois pas d’animal avec une telle queue… »

Pour Léo, ça ressemblait à une queue de diable, bien que dans les représentations qu’il avait vu, les diables étaient généralement en rouge. Il se demandait si son alter ne faisait que lui ajouter cette queue, ou s’il y avait d’autres pouvoirs qui étaient offerts avec. Si on part sur cette idée, c’était peu rassurant. Mais les personnes ne choisissent pas leurs alters, et ceux-ci n’influent pas forcément sur l’éducation ou le caractère d’une personne. Un alter qui ne peut faire que des bienfaits comme celui de Recovery Girl, l’infirmière de Yuei, peut très bien être attribué à une personne qui cherche à faire régner le chaos. Après, les objectifs sont plus ou moins compliqués en fonction de l’alter que l’on hérite. Dans une telle société, on ne nait pas tous égaux, malheureusement.
Sortant de ces brèves pensées, il remarque que l’attention du groupe s’était portée sur une attraction particulière.

« Hé grand frère, si on faisait des auto-tamponneuses ? »

Des auto-tamponneuses ? Aller, pourquoi pas, il venait de finir sa glace. Sûrement le seul moyen pour lui de conduire des voitures dans sa vie, sans avoir besoin d’un rehausseur… Plus sérieusement, ça faisait partie des choses qu’il ne prévoyait pas spécialement à l’avance, par rapport à son cas si particulier. Il atteindra l’âge légal pour la conduite de quatre roues un jour, mais sa taille restera peut-être un problème. Anyway, il avait encore un peu de temps pour cela, et puis il n’avait pas tant besoin d’une voiture, en centre-ville de Tokyo

« Ça marche, allons-y ! Si cela vous convient aussi », fit-il en se tournant vers l’autre duo du groupe.

Toujours main dans la main, ils se dirigeaient alors vers cette attraction qui avait retenu leur attention. De toute façon, ils s’étaient pris leur après-midi, alors autant en profiter.
Les voitures étaient monochromes, peintes de belles couleurs métallisées. L’attraction proposant des automobiles à deux places, les équipes étaient vite faites. En accordance avec leur couleur de cheveux si particulière, les siblings choisirent un véhicule vert. Léo avait déjà fait des auto-tamponneuses il y a plusieurs années, mais pour Lucie c’était la première fois. Jusque-là elle s’était contentée des voitures des manèges, un peu moins libres. Et la liberté, c’était bien. Rien de bien compliqué dans une auto-tamponneuse, ce n’était qu’un volant, et de quoi faire avancer le tout. Ils étaient à deux, alors autant partager un peu. Léo ne lui posa pas la question « Wheel or pedal ? », il était évident qu’il y avait beaucoup plus de fun à manier le volant. Il plaça ses mains sur les pédales avant de commencer à accélérer, alors que la sœur venait de poser ses propres mains sur le volant. Elle commença à tourner le volant vers la gauche, puis la droite, afin de jauger la sensibilité de la machine.

« C’est trop cool ! »

Léo était content de voir son plaisir, mais alors qu’il profitait de l’instant présent, Lucie orienta déjà son volant vers une nouvelle cible : le duo aux cheveux roses.

« Chef héros Time Breaker, nous avons trouvé des vilains, nous arrivons dessus pour les arrêter, terminé, à vous.
- Hein quoi ? demandait-il, soudainement déconcerté.
- J’ai dit : terminé, à vous », répéta-t-elle.

Lucie s’était déjà inventé tout un scénario. Elle alors…

« Hum, bien reçu, terminé ? »

L’idée de parler comme ça de héros et de vilain comme s’il s’agissait d’un jeu, en citant en plus son nom de héros, ne lui plaisait pas trop. Surtout quand les « vilains » étaient de fraiches nouvelles connaissances. Enfin peu importe… Léo ignora finalement cette histoire. C’était des auto-tamponneuses, le but était de se rentrer dedans non ?

Ainsi dont, la minuscule verdâtre avait jeté son dévolu sur la proposition de compétition d'automobiles, l'embrassant avec plus de conviction que d'autres enfantillages moins trépidants. La pêche à l'épuisette en papier avait cela de pertinent qu'elle n'engendrait nulle blessure même minime, au contraire de ces ruades et charges endiablées d'engins mécaniques. Mais les quelques incidents isolés s'avéraient trop rares pour inquiéter quiconque. Aussi ces dames se seraient-elles éprises du moindre répondant chez cette belle bouche si adorable et attendrissante. Et l''harmonie d'un acquiescement conjoint traduisait leur niaiserie équivoque. Le cortège fendait la foule en douceur malgré l'impatience d'une mignonne excitée, pas le moins turbulente d'ailleurs, afin de parvenir à l'aire de bataille où la paire de rose chevelures s'entichait prestement d'un blanc bolide. Un véhicule qu'elles n'allaient pas ravir ni précipité pas. Une griffe s'emparait du volant tandis qu'une mimine plus délicate venait affirmer d'aventure la complicité de ces demoiselles étranges.

A vrai dire, la bête devait s'assurer que sa coiffe n'irait pas chuter du fait d'une collision, voire s'égarer à la moindre propulsion de leur part. Et l'appendice obscur s'était enroulé à sa taille, par pure précaution, de crainte qu'un fâcheux drame ne puisse l'accabler. Une pédale à chacune induisait confiance inestimable. Trois bonnes années à se côtoyer avait su forger cette symbiose, l'instinct aiguillant une gestuelle édifiante en ces traits délicats. Celle aux carmines mirettes lui confierait jusqu'à sa vie. Une dévotion aveugle que ne partageait peut-être pas l'éprise des flammes. Mais elle lui en rendait grâce si souvent, à chaque retrouvaille que la providence daignait lui accorder. La jeune détective devinait du reste un flagrant baptême du feu pour la petiote, quoique le phénomène paraissait presque subtil. Et l'affaire ne s'embarrassait fort heureusement pas de honte ou tracas, seule s'exaltait l'excitation pure de la jeunesse. L'adrénaline d'un quelconque frisson s'en suivrait sans doute d'une extase véritable, à moins d'un drame. Mais la bête veillait déjà à scruter ces figures défilant à leurs abords. Ne serait-ce qu'un regard de travers pour flanquer le manège.

Certes s'élancer d'un bond en pleine action lui serait préjudiciable, tout comme engendrer accident au profit d'une fausse alerte la saignerait fort. Sa fabuleuse propension à anticiper et endiguer la moindre incartade ne savait que trop bien lui nuire, la belle rose fabulait pourtant-elle à tort ? Soudain, la concurrence ouvrait les hostilités. Six bolides changeant de manière méticuleuse. Les duo cramoisis et azurs s'essayaient à prendre en tenaille un pauvre bougre vacillant en un sillage serré, tandis que les verts se voulaient flanqués d'un coquin sombre. Lequel tendait presque à se retirer dans l'ombre de leur avancée audacieuse, comme s'il espérait récolter lauriers de leur duel avec ces drôles de dames dont la machine espérait les défaire d'une telle emprise vicieuse. Mais l'arène ronde n'offrait que peu d'espace propice à les isoler de ce malandrin joueur. Et si nul ne venait perturber son entreprise, bien que ces roses jouvencelles laissaient tout loisir à leurs cadets d'y œuvrer à leur guise, l'insolite duo drapé de robes l'abuserait ainsi. Voilà dont que s'orchestrait l'éventuelle manœuvre où driftaient sourires, une fois effleuré flanc d'une verdure compagnie, de sorte à surgir au devant du noir adversaire qu'un postérieur de comète en traviole venait percuter.

Ils s’approchaient petit à petit du véhicule du duo rose. Lucie semblait déjà s’amuser, chose qui faisait plaisir à son grand frère. Ce dernier regardait autour de lui, et prit connaissance de la position des autres concurrents. Il constata aussi cette voiture noire qui leur fonçait dessus.

« Sergent Oxton, on est attaqué sur le côté, abandon de la mission. Terminé. »

L’ordre sembla la surprendre. Elle regarda sur le côté pour constater le problème. Mais elle était déjà engagée et commençait à paniquer avec le volant. Suffisamment pour que Léo n’arrive pas à se synchroniser avec elle, du côté des pédales, faisant complètement foirer la manœuvre. Mais le bolide rose se décala alors pour frapper le noir, avec un sacré dérapage.

« Merciii ! » leur disait-elle avec un signe de la main, comme si elle n’avait pas du tout prévu de les attaquer.

Elle se tourna ensuite vers l’aîné :

« Hé grand frère, je veux faire des dérapages comme elles ont fait ! »

Ah, ici l’émotion était passée au-dessus. Léo le ressentit au fait qu’elle l’avait à nouveau instinctivement appelé grand frère, délaissant temporairement le petit jeu de rôle. Très bien, allons-y.

« On peut essayer si tu veux oui ! »

Ils commençaient à s’éloigner un peu des autres voitures.

« Mais comment on fait ça ? Elle se mit à braquer le volant sur un côté, mais elle tournait normalement. J’ai tourné et ça n’a rien fait de spécial.
« Il faut freiner en même temps ! Ça va bloquer les roues motrices, l’avant de la voiture va lutter pour ne pas bouger, mais l’arrière va continuer de tourner. Je vais te montrer, tu peux te contenter de tourner, je m’occupe du frein, d’accord ? »

Elle acquiesça d’un signe de la tête. Mais alors qu’ils se préparaient à mettre cela en pratique, la voiture rouge était à bâbord.

« Pas d’entraînement Sergent, on passe en pratique directement sur le terrain, prêt ?
- Chef, oui chef ! »

Alors que l’adversaire arriva, Lucie fit tourner le volant sur le côté, dont les gestes furent suivis la seconde suivante par le frein de Léo. Le véhicule se mit à tourner sur lui-même à 90% tout en parlant vers l’extérieur, évitant l’assaut. Mais à présent, les places étaient échangées.

« Chef, objectif accompli. Demande d’autorisation à engager l’ennemi, terminé ! »
- Autorisation accordée, attaquez dès maintenant, terminé ! »

La seule limite à l’amusement est notre propre imagination.

La machine immaculée assistait impuissante au curieux carambolage qui se tramait, toute distraite par la retraite sonnée prestement. Sans doute l'émotion avait-elle été trop vive pour la petiote, éventuelle craintive derrière sa mine brave et fringante. Ces roses chevelures ne pourraient l'en blâmer d'ailleurs, la stupeur et la frayeur étant des affres de jeune fille comme de la marmaille. D'autant que ces nabots les épataient par la suite, singeant à merveille pour mieux cueillir l'inadvertance inopinée. Une totale débandade où s'élevaient dont rires, sanglots et frustrations en un tourbillons de saveurs contradictions et spontanées. La foule scandant son indéchiffrable clameur envers les gladiateurs en lice. Les équipes rouges et bleues avaient percutés l'ombrageux coquin sonné par deux directions diamétralement opposées suite à l'impossibilité de fondre aux verts, tandis qu'un certain duo doré avait saisi l'occasion d'échapper à ses détracteurs afin de venir bousculer nos drôles de dames dont la lente manœuvre de dégagement semblait aussi opportune que ne pouvait être évidente l'alliance de ses premiers prédateurs.

Ainsi le noir succombait-ils au harcèlement alors que le malheureux martyrisé retrouvait vigueur, hardiesse et fougue dignes d'un revanchard pas moins espiègle et vif que la bête et l'elfette songeant à lui retourner la pareille, sans toutefois omettre de saluer l'initiative. Un simple sourire mesquin jumelé y suffisant plutôt qu'un égard théâtral, il témoignait la malice de ces jouvencelles fort bien drapées. Et l'ensemble saillant surprenait d'ailleurs le couple jaune de lycéens, quoiqu'à peine émoustillé ou envieux d'une telle coquetterie presque étrange par cette foire. Curieuse cuirasse pour porter la bataille, se devaient-ils dire en leur air amusé, jouasse et moins épris de subtilités romantiques. L'autre à la coiffe rustique avalant sa trogne dépeinte soudain d'une trompeuse rancune obligeait ces piètres tourtereaux à s'en retourner vers leurs adversaires, dans le fol espérance d'y trouver moins de hargne en plus d'y forger alliance avec le noiraud éreinté. Ceci chassés, il ne demeurait plus qu'une proie désirée à la joute, les marmots insouciants d'où émanait une audace nouvelle que rien n'émousserait plus. Hormis peut-être la ferveur employée à les charger tout aussi précipitamment ? Un nouvel assaut s'entonnait dont à l'initiative des petiots.

La princesse florale en sa belle robe bigarrée si bien marié à son carrosse scellait prunelles, s'abandonnant alors à la complice fièvre qui l'animait d'une si grandiose adrénaline et l'emplissait d'une même prodigieuse quiétude, une foi inouïe, afin de ne savourer que l'idylle intimiste en ces duels l'éloignant presque de sa terrible conquérante ; le cœur battant la chamade en une mélodie envoûtante qui lui berçait l'âme et l'esprit. Mais la véritable nature de cette jubilation silencieuse échappait à la créature qui la flanquait avec de toutes autres ardeurs. Celle au chapeau de paille enfoncée dans sa tignasse manquait dont d'enjouer le délectable, en plus d'admirer sa superbe surnaturelle en l'instant suspendu, malgré la profusion au souffle épique. Quand bien même il lui plaisait d'ordinaire et à loisir de s'adonner à la contemplation de ces joues à la teinte pivoine plutôt que l'habituel écrevisse et garnies de ravissantes et aguicheuses éphélides, les mèches ballottant dans la brises impétueuse ou délicate qui laissait découvrir des oreilles allongées, pointues, bien mignonnes de par leur singularité. Le blanc bolide avait du reste beau jeu d'être pourvu de ceintures de sécurité, que la jeune détective tendait d'aventure un bras prévenant à l'encontre de sa chère et tendre amie, couché en travers du poitrail et lui joignant les épaules afin de la clouer à son siège tandis que la chauffarde qui n'allait pas s'écarter pivoter un brin de sorte à pouvoir s'affaler sur son bras libéré, placé dans un angle perpendiculaire à son corps sur le volant où se cogner serait plausible. Un mou calvaire en perspective si jamais les jumeaux ne s'écartaient pas de la trajectoire.

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