Yoko a appris qu’il était dangereux de faire confiance à des gens. Non pas parce qu’elles sont forcément malhonnêtes, ou bien parce que tout le monde est empli de mauvaises intentions. On peut devenir ami avec une personne, de manière sincère et réciproque. Mais cela dure jusqu’à ce que l’un des avenants se fasse bouffer par cette société corrompue. Qui sait qui est la personne qui sera prise d’une envie de nous poignarder dans le dos demain ?
C’est une femme sans gros défaut de personnalité apparent. Elle se montrait un peu naïve par le passé, mais est maintenant bien plus méfiante. C’est une personne studieuse et sérieuse, qui ne mâche pas ses tâches. Grande amatrice de couture, elle a pour habitude d’être rigoureuse dans son travail.
De manière clichée, les vilains sont souvent vus comme des rejetés qui ne veulent que commettre des crimes, parlent aux gens comme à des chiens, et urinent sur les faibles qu’ils croisent. Yoko n’est clairement pas un cas extrême. Elle conserve des traits de personnalité plus sympathiques, et ne tue pas pour le plaisir. Une certaine douceur subsiste encore, que l’on retrouve dans son pseudonyme Thready, un nom un peu mignon et qui contraste bien avec son statut. Lorsqu’on lui adresse la parole, elle n’a plus pour habitude de dessiner un sourire, mais ne montrera pas un air agressif pour autant. Elle se présentera même comme quelqu’un de plutôt poli. Par contre, elle ne manque pas de répartie.
En situation de combat, elle est assez calme, prenant le temps d’analyser une situation et d’y réfléchir, avant de passer à l’action. Son alter aux utilisations multiples lui permet une adaptabilité face à plusieurs types de situation. Ses séances de capoeira lui permettent également de faire bon usage de ses pieds, comme de ses mains. Bref, son style de combat se repose sur l’exploitation de tous les membres de son corps.
Sans en être paranoïaque pour autant, elle fait attention à sa ligne. Elle n’aime pas vraiment la nourriture grasse, et préfère manger équilibré.
« Yoko, aide-moi s’il-te-plait ! Ma pièce porte-bonheur est tombée sous la grille !- La grille ? Où ça ? »Le petit garçon, âgé d’environ 5 ans, guidait sa camarade de classe vers un caniveau en bordure de la cour de récréation de son école. Bienheureusement, celui-ci était peu profond.
« Mais je n’ai pas le droit d’utiliser ça comme ça Lucciano.- Personne ne nous regarde, personne ne le saura ! Aller steuplait !- Bon d’accord… »La petite fille mit sa main contre la grille. Les tissus de cette dernière commençaient à se déformer, allongeant le membre tout en l’amincissement, et lui permettant de se faufiler à l’intérieur et récupérer cette pièce étrangère.
« Merci, tu me sauves la vie ! Tu devrais devenir héroïne ! fit-il en partant rejoindre d’autres camarades.
- Héroïne ? »Yoko tira la manche de son pull pour recouvrir la main qu’elle venait de déformer, qui saignait à présent. Son alter était encore jeune, et son corps également. Ses membres s’adaptaient mal à une telle déformation.
Devenir héroïne ? Ce qu’elle voulait c’était être couturière, ce n’était pas vraiment la même chose… Elle ne savait pas très bien ce qu’était un héros, mais récupérer des pièces coincées sous des grilles d’évacuation ne lui semblait pas très amusant.
Malgré tout, cette idée l’intrigua. Et au fur et à mesure que les années passèrent, elle s’était renseignée sur le sujet. Elle imaginait même des techniques trop cools qu’elle pourrait exécuter avec son alter. Le genre de coup pour lequel tout le monde te connait ! Mettre en avant ses talents, pour sauver des gens, au final ça vendait du rêve. Et c’était déjà une battante. Ce type de fille qui mettait la misère à quasiment tous les garçons de la classe en cours de sport, et surtout les prétentieux. Pas forcément dans la force brute, mais dans l’endurance, et surtout l’agilité. Elle était très appréciée par les autres filles de sa classe, pour s’affirmer devant ces garçons qui se prenaient parfois un peu trop comme étant le sexe supérieur.
Confirmant son choix de carrière d’héroïne, elle intégra finalement la célèbre école Yuei. Elle n’avait peut-être pas autant de conviction que d’autres élèves de son âge, mais ça la bottait bien, et cela lui convenait parfaitement. À côté, la carrière qu’elle prévoyait initialement dans le textile lui semblait moins intéressante et palpitante sur le long terme… bien qu’elle conservait cette passion à côté. Elle y retrouva d’ailleurs un ami qu’elle avait perdu de vue durant le collège.
« Lucciano ? Je ne pensais pas que tu voulais aussi devenir héros.- Je n’aurais pas pensé que tu aurais autant pris à cœur ce que je t’avais dit à la maternelle Yoko.- Tu n’as fait que me souffler l’idée, j’ai déterminé moi-même si cela correspondait à mes envies.- Peu importe au final, de toute façon je serai au-dessus de toi.- Tu rêves mon gars. »Une rivalité, mais bien amicale. Tantôt c’était l’un des deux qui avait un meilleur score, tantôt c’était l’autre. Au bout des trois années, tous les deux obtinrent leur diplôme et leur licence de héros. Heureusement, les scores n’étaient pas donnés, ne leur permettant pas de déterminer qui était le grand gagnant, qui pourrait se moquer de l’autre à vie.
« On a notre première mission de héros, Heaven’s String !- Oh vraiment ? » fit Yoko, enjouée.
Heaven’s String, les cordes du paradis. Tel était le nom de héros qu’avait choisi l’héroïne fraichement diplômée. Elle et Lucciano avaient décidé de régulièrement travailler en duo, lors de leur carrière. Et ici était le commencement… mais pas seulement.
[Note aux lecteurs : ici, les couleurs de l’apparence de Yoko dans son costume de héros étaient différentes de sa tenue d’aujourd’hui]
- Spoiler:
« Des vilains se sont introduits dans cette entreprise et ont pris le directeur en otage. Il va falloir s’infiltrer à notre tour, il a sûrement pris le contrôle des caméras de surveillance. Il va falloir être prudent.- Ça, ce ne sera pas un problème pour moi. Mais j’ai une question.- Oui ?- Pourquoi c’est toi qui fait ça comme si tu étais le chef. Tu n’es pas mon supérieur, disait-elle de son regard perçant.
- Oh ça va ça va, on aura qu’à alterner ! Il faut bien un meneur de toute façon ! La prochaine fois ce sera toi !- Je ne manquerai pas cette occasion. »L’alter de Yoko était bien pratique pour l’infiltration. En déformant son corps, on pouvait se faufiler dans tous les recoins non surveillés. Le système de surveillance était bizarrement permissif, il n’y avait pas eu de problème à se faufiler jusqu’au bureau du président.
« Pro héros, plus un geste !- Qu’est-ce q- ? »Un homme assez baraqué était sur un fauteuil en cuir noir, derrière le bureau. Dans un coin de la pièce se trouvaient des hommes ligotés.
« Et qu’en est-il si je bouge ? »L’homme commençait à ouvrir discrètement le tiroir du bureau, mais cela n’échappa point à la perception de l’héroïne en herbe. Elle dirigea son bras vers la lampe fixée au plafond qui illuminait la pièce. Le bras se déforma en une multitude de câbles et s’y accrocha. Yoko bondit et traversa la pièce en se balançant, arrivant finalement dans la face du type pour lui administrer un bon kick, le faisant tomber en arrière. Tournant ensuite la tête vers l’arrière, elle remarque que le tiroir contenait un revolver. Elle s’empressa de le saisir, afin d’éviter les mauvais tours.
« Je pense ne pas avoir besoin de répondre à cette question.- Pro héros, plus un geste !Yoko se retourna, se demandant d’où venait cette voix. À l’entrée de la pièce se trouvaient trois personnes qui étaient probablement aussi des héros professionnels
« Jeune femme, nous vous arrêtons pour intrusion et prise d’otage, en complément de cette arme que vous tenez dans votre main. »Elle écarquilla les yeux.
« Pardon? Il y a erreur, c’est cet homme au sol qui est responsable de tout ça.- Vous moquez-vous du monde ? C’est vous qui êtes entré dans son bureau. Au vu de sa réputation, il est peu probable qu’il ait ligoté ses propres employés.- Je… Je ne comprends pas. Qui était l’intrus qui a été signalé alors ?- Vous, et uniquement vous. Aucun signalement de la sorte n’a été fait avant que vous ne pénétriez dans ce bâtiment. C’est ce gars-là qui a fait sonner l’alerte. »Un jeune homme se montra alors, au visage trop familier.
« Je savais bien que tu ne voulais pas sérieusement être une héroïne. Tu étais trop louche, et dès la première mission, tu agresses déjà des innocents. Ta carrière a été courte.- Lucciano ? C’est quoi ces conneries ? Explique-moi !- M’expliquer ? La seule personne qui doit s’expliquer ici, c’est toi, je le crains. Mais tu auras assez de temps pour y penser d’ici ton procès.- ENFLURE ! »Elle se mit à courir vers lui, commençant à déformer son bras droit. Au même moment, à une vitesse incroyable, l’un des héros courut jusqu’à elle et lui offrit un violent poing dans l’estomac. Elle s’arrêta nette et tomba à genoux, n’arrivant plus à se maintenir debout avec une telle douleur. Busted.
Un cauchemar… ça devait être ça. Comment cela pouvait-il autant se dérouler contre elle ? Le procès était des plus improbables… L’homme qu’elle avait attaqué était bien le directeur de l’entreprise, et les otages étaient ses employés. Et ils ont tous témoigné que la personne qui était responsable de tout cela était… Yoko.
« Il semblerait que l’un de nous deux soit définitivement passé au-dessus de l’autre, "Heaven’s String". Ce ne sera pas le paradis qui t’attend, mais l’enfer. »Cet enfoiré… il avait tout orchestré ? Tous ces gens n’étaient que des complices, qui devaient agir de manière à lui faire porter le chapeau. Elle n’y croyait pas… Pourtant elle visionnait dans sa mémoire les yeux sincères de Lucciano qui désirait devenir un héros. Il n’avait pas prévu ce coup monté depuis tout ce temps. Il avait juste changé, changé par le désir de gloire, changé par cette société corrompue. C’était ça le monde réel ? Dégoûtant. Répugnant. La voilà maintenant en tôle, où absolument personne ne venait lui rendre visite. Elle n’avait pas commis un crime des plus graves, mais une telle sanction était des plus lourdes, quand on ne cherchait qu’à faire le bien. Et plus encore, quand tout cela n’était qu’un scénario dont le but était de la mettre derrière ces barreaux. Et elle avait foncé en plein dedans. Son cœur s’en déchirait. En tout cas, elle ne pourra pas récupérer sa licence de héros après ça. En avait-elle envie de toute façon ? Sauver une bande de connards qui vont essayer de la back stab le lendemain, à quoi bon ? Le monde a besoin de héros. Mais le monde n’a pas besoin de lâches et de traitres.
« Je vous salue, Yoko Kotsuki.- Qui êtes-vous ? » demandait l’intéressée d’une voix sévère.
Une fumée dont les couleurs allaient du noir au violet apparaissait dans la cellule.
« Laissez-moi me présenter. On m’appelle Black Mist. Je fais partie de la ligue des vilains.- Un vilain ? Suis-je tombé si bas ? fit-elle en soupirant.
Je pourrais très bien signaler votre présence ici, ce ne serait pas bon pour vous.- Mais le feriez-vous ? »Un silence plana quelques secondes. Puis, Yoko reprit la parole.
« Que me voulez-vous ?- L’affaire autour de vous et votre arrestation est parvenue à nos oreilles. Tout ce qu’il s’est passé… le pardonnez-vous à ce monde ?- Je suppose que non, répondit-il d’une voix un peu lassée, ne regardant même pas son semblant d’interlocuteur.
- À la ligue des vilains, nous cherchons à écraser la société actuelle. Les membres de notre organisation ont des motivations différentes, mais elles les assemblent dans la direction d’un unique but. Nous vous proposons notre hospitalité, si vous êtes intéressée par notre offre. »Étant données les conditions d’apparitions de ce type, sortir de cette prison ne semblait pas être un problème avec lui. Devenir vilain après avoir été héros ? Quelle ironie. Mais être vilain ne voulait pas dire qu’on voulait voir le sang de chaque personne qui passait devant nous. Elle avait le sentiment que le monde ne la méritait pas. Elle n’avait plus personne autour d’elle, si ce n’était cet homme qui lui promettait un nouveau départ. Difficile de faire confiance à quelqu’un après avoir connu Lucciano. Mais ces gens partaient sûrement du fond, quel était leur intérêt de jouer de leurs membres ? Oh, il pouvait très bien y en avoir. Mais là, elle avait envie de sortir de ce trou à rats. Elle lui répondit de sa voix neutre :
« Très bien, je vous suis. »Rejoignons le démon.
