"Et cet ampli il passe dans la réserve?! -Ho oui, t'as amplement la place! Décale les fûts! -Euké!"
Traînant des pieds, il pousse les fut et lâche l'ampli sur le béton de l'arrière-salle. Comme à chaque fois qu'il bouge de toit, Naoya a l'habitude de déplacer ses instrument dans un endroit proche. La plupart du temps il s'arrange avec les bars pour y rester quelques semaines, et comme celui-ci ils acceptent sans grandes difficultés. Il faut dire, de par sa proximité à la base de la Ligue et la ville où il se situe, on peut douter de la bonne foi et du casier vierge des gérants du lieux.
"Bon ça devrait être bon... C'est bon les mecs vous pouvez récupérer le camion! -Tu veux une clope, après on s'occupe de tout installé pour ce soir. -Ho j'dirais pas non!"
Il se sert dans le paquet que le patron du troquet lui tend. C'est un quarantenaire au crane chauve et à la barbe blanche fournie. Le genre qui des bras aussi gros que les cuisses. Si son style et sa veste en cuire peut lui donner un air de lombard, il est en réalité un ancien machiniste qui suivait ses parents sur certains concerts. C'est peut-être ça aussi qui l'a aidé à avoir ce local gratuit. Alors que le moteur du camion résonne, Naoya allume sa clope tout en balayant tout son matériel des yeux. Il prend un bouffé, puis deux, avant de s'avachir sur un des futs. Une sonnerie résonne, mais son attention est trop occupé à vérifier si tout était à bout port. Et surtout par la musique qui sortait de son casque autour de son cou. Sans rien dire, le propriétaire retourne dans son bar, laissant Naoya seul dans ces pensées qu'il marmonne.
"Câble XLR... Yep... Guitares... Yep.... HO LE CON!"
Quand le propriétaire reviendra quelques minutes pluparts, il retrouvera la pièce vide. La porte grande ouverte, Naoya ne penserait jamais à la refermer dans la hâte.
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"Mais quel boulet putain!"
S'il avait de la batterie, il pourrait appeler les conducteurs du camion et les prévenir. Mais non. En plus vu l'heure qu'il est, même en courant impossible pour Naoya d'arriver avant la fermeture du service de location et il n'est même pas la peine de penser qu'il puisse laisser un instrument une nuit là-bas. Vider le camion et oublier une basse sur le siège passager, du Fudo tout craché. C'est pour ça qu'il n'avait pas hésité à foncer casque sur les oreilles et qu'il se retrouve ainsi à se propulser grâce à son alter pour tenter de rattraper un camion de déménagement. Il zigzague entre les passants, les évitant dans de souples mouvements paraissant désarticuler. Il avait de la distance à faire, pas question d’éclater ses baskets avec le retour qu'il devra se refaire après, et n'utilise donc que ses mains pour prendre de la vitesse.
"J'y serais jamais à temps... Bon tant pis pas l'choix, on passe en Medium 100!"
Jusqu'à là, il s'était contenté de suivre les trottoirs, mais en augmentant le volume il peut se propulser de toits en toits! Ça fait déjà un moment qu'il a quitté les ruelles sombres du coin de la Ligue pour courir entre les immeubles du quartier résidentiel, où se trouve son but. Il vire dans une ruelle, grimpe les escaliers de secours d'un petit immeuble en augmentant le volume de son casque et se retrouve sur le toit en quelques minutes quelque peu essoufflé. De là où il est, il peut apercevoir la devanture du magasin au loin et à mi-distance le camion qui continue sa route comme si de rien n'était, même le conducteur ne s'est pas rendu compte de l'instrument? Il connaissait la quasi-totalité des bâtiments assez bas pour qu'il puisse se créer un trajet sans risquer une chute de plusieurs d'étage. S'il a l'habitude de s'amuser à jouer le yamakasi dans ce quartier sans trop se faire remarquer, la précipitation le fait quelque peu négliger la discrétion. C'est donc une silhouette sautant au dessus des ruelles que pouvait apercevoir les quelques civils rentrant chez chez après le travail, une silhouette qui grommelait la même chose en boucle.
Un nouveau jour, une nouvelle patrouille. La vie de l'indestructible héroïne d'acier Factory poursuivait son cours, avec peu d’événements notables. Ce qui était considéré par d'autres comme des catastrophes ou des traumatismes était son quotidien. Un incendie ? Un boulot comme un autre. Un effondrement causé par un séisme ? La routine. Un accident de voiture ? Une banalité. Elle entrait, elle sécurisait les lieux pour éviter que la situation s'aggrave, puis elle aidait à évacuer les blessés. Certes, elle y récoltait toujours plus de cicatrices, mais sa peau était déjà couturée et son corps en piteux état, l'usure ne pouvait plus y changer grand-chose.
Les petits événements, en fait, en devenaient presque plus marquants. Les nouvelles rencontres, les petits accidents, les fois où tout se passait bien. Ce jour-là, au lieu de remarquer la colonne sombre d'un nouvel incendie ou les cris de victimes en détresse, la ronde de l'héroïne fut interrompue par la vision d'une silhouette, humaine et solitaire, qui sautait de toits en toits. Les bonds laissaient peu de place au doute, le sauteur utilisait un alter. Peut-être un collègue héros en détresse ? Dans le doute, et parce que rien ne requérait son attention pour l'instant, Factory décida de le rejoindre. Il progressait vers elle, de toute façon.
Elle commença par changer de trottoir, rejoignant la ligne de bâtiments que suivait l'athlète inconnu. Elle rassembla ensuite le métal dans ses jambes et sous ses pieds, formant peu à peu deux échasses si hautes qu'elle s'éleva jusqu'aux toits. Chaque pas lui faisait franchir une demi-douzaine de mètres, assez pour que le bondissant la rattrape sans pouvoir la dépasser. L'opération avait demandé plus de matière que prévu, et à part ses jambes qui devaient soulever tout le poids du métal, elle apparaissait maigre et chétive. Cela ne l'empêcha pas d'aborder l'inconnu avec confiance quand il arriva à sa hauteur.
"Lut !"
Maintenant qu'elle le voyait de près, il n'avait pas une dégaine de héros. Il était habillé en civil, avec un gros casque sur les oreilles. Et les civils n'étaient pas supposés utiliser leurs alters sur la voie public comme ça, même s'il ne faisait de mal à personne dans le cas présent. Et il pouvait toujours ne pas porter son costume, pour une raison ou une autre.
C'est comme le vélo, ça ne s'oublie pas. S'il paraît pressé, les gestes de Naoya répètent le même schéma. Les genoux fléchissent pour rapprocher sa main du sol et pouf, une première impulsion pour faire décoller son corps se courbant au vent suivi d'un deuxième plus faible de l'autre main pour amortir la réception. Le temps qu'il traverse un toit jusqu'au nouveau saut, son tympan a déjà capté assez de décibel pour recommencer. C'est pour ça que c'était devenu si naturel pour lui, et si l'on rajoute son casque audio il est tout à fait normal qu'il ne capte pas la présence qui saute à côté de lui. Elle était pourtant arrivé face à lui, mais son attention semble fixé sur le camion qui disparaissaient et réapparaissait entre les bâtiments.
"Lut! Ya un 'blème, j'peux aider ?"
Tout naturellement, la demoiselle se prend un vent. Pourtant il aurait dut y faire attention, c'est évident que c'est une arrestation qui l'attend de la part d'une héroïne robotique s'il continue à utiliser son alter sans se poser de question. Comme le refrain de ce qu'il écoute, ses gestes se répètent sans même qu'il y fasse attention. Éjection. Réception. Course. Un regard à gauche, rien à part quelques pigeons. Un regard à droite...
"WOW!"
Surpris, sa nouvelle partenaire de course éclate la bulle dans laquelle il a l'habitude de se mettre, le déséquilibrant dans son saut. C'est donc un magnifique double salto carpé que nous présente Naoya, avec réception triple roulade latérale sur le toit d'en face.Plus de peur que de mal, il se relève sans difficulté, mais avec un débardeur déchiré. Premier réflexe, vérifier le casque. La musique continue, il a l'air en un seul morceau, il peut enfin voire ce qui l'a coupé dans sa course.
"Wow, tu m'as fait flipper! Ça fait longtemps que tu me suis comme ça?"
Faisant face à son interlocutrice, Naoya semble enfin comprendre à qui il avait à faire... Ou alors il n'a vraiment pas envie de parler. Même si le son empêchait d'entendre clairement les prochaines paroles de la possible héroïne, il garde son casque fixé sur sa tête, qu'il puisse à tout moment s'enfuir, ou reprendre sa chasse à la basse.
"Désolé mais j'ai vraiment pas le temps, mais j'suis chaud pour qu'on refasse la course sur le retour."
Il finit sa phrase en dépoussiérant ses habits, prêt à repartir dans la direction du loueur qui ferme dans une dizaine de minutes...
Définitivement pas un héros. On leur apprenait à être attentif, à ne pas se fermer du monde alentour pour ne pas être pris au dépourvu, surtout quand on était en intervention. Le pauvre gars restait très inoffensif bien sûr, et plutôt amusant, donc difficile de lui en vouloir d'être simplement pressé. Son petit accident fit glousser Factory, qui s'avança pour l'aider à se redresser – trop lentement, il s'était relevé tout seul.
Ça n'était pas certain cela dit, il était plus dans l'urgence que dans le besoin. Sans prendre le temps de lui répondre, il s'excusa poliment avant de repartir à la même vitesse. Ça aurait pu n'être qu'un passant comme un autre, qui avait décidé qu'une petite infraction à la loi à l'occasion ne ferait de mal à personne. Mais quelque chose intriguait l'héroïne, qui de toute façon trouvait l'occasion de chasser l'ennui trop belle. Elle reprit donc sa marche à grandes foulées, enjambant précautionneusement les passants pour ne blesser personne. Elle n'allait pas tout à fait aussi vite que l'inconnu, qui bondissait avec célérité et adresse de toits en toits, mais l'altitude signifiait qu'elle ne pouvait pas le perdre de vue. En plus, de là où ils étaient, ils étaient assez écartés de la rue pour que leurs bruits et ceux de la foule en contrebas ne se mélangent pas. Elle concentra donc un peu plus de métal dans sa cage thoracique et enfla sa voix.
"T'as pôs vraiment l'droit d'faire ça, normal'ment, mais si tu m'dis c'qui va pas, on peut p'tet s'arranger !"
Ça serait loin d'être la première fois que la Team Idaten fermait les yeux sur des utilisations illégales d'alters par des civils. On leur reprochait parfois d'être trop laxistes avec les Vigilants, par exemple, mais Ai partageait pleinement l'avis de son patron sur ce point : s'ils aidaient et/ou ne faisaient de mal à personne, alors à quoi bon venir les embêter ? La loi était claire et absolue pour éviter les cas de conscience ou les petits malins qui chercheraient la faille, mais au quotidien, c'étaient aux héros de faire appliquer la loi, et certains plaçaient d'autres valeurs avant la stricte application des règles. La justice, le bien commun, la sécurité, entre autres.
Avec son casque, cependant, pas certain qu'il l'ait entendue. Il ne l'avait pas remarquée la première fois non plus, après tout. Peu de chances qu'il lui réponde. Pour l'instant, elle préféra se contenter de suivre sans le perdre de vue. Il finirait forcément par s'arrêter ou s'épuiser, alors qu'elle était infatigable.
"T'as pôs vraiment l'droit d'faire ça, normal'ment, mais si tu m'dis c'qui va pas, on peut p'tet s'arranger !"
Ha ça Naoya le savait, c'était même l'une des seules choses qu'il déteste réellement devoir se passer de son alter. Ce qu'il savait aussi, c'est que sa récente admission à la Ligue pourrait aggraver son cas si l'héroïne l'attrapait. Puis même auprès de l'organisation, une arrestation ferait tâche au bout d'à peine quelques jours. S'il a entendu les paroles de l'héroïne, c'est que cette dernière ne l'a pas lâché mais peut surtout augmenter sa voix par ses mécanismes robotiques, si ces derniers ne sont pas qu'un style qu'elle se donne. Après tout, qui est Naoya pour juger avec ses yeux noirs? Mais maintenant qu'il fait attention à ce qu'il l'entoure, il peut enfin remarqué le laxisme que dégage sa poursuivante. Elle a l'air plutôt sympa, Naoya peut donc rester naturel. Enfin, c'est tout ce qu'il sait faire après-tout!
"T'inquiète, c'est bientôt réglé!"
Accompagnant sa phrase d'un large sourire et d'un signe "OK" de la main, son regard suit le camion qui dévie vers sa destination. Pas le choix, il faut descendre. La ligne droite de Naoya se brise d'une pulsation de sa main droite l'arrachant de l'inertie. Si son corps semble se désarticuler sous la puissance du choc, le geste reste maîtrisé et sa course ralentie à peine après le virage. Il saute pour atterrir sur un bâtiment plus petit, puis une autre encore plus petit. Sous les yeux des rares passant trainant dans ces petite ruelles, le corps de Naoya se baladait comme une boule de flipper au vent des ondes de chocs pour regagner le planché des vaches.
"Haaaa... Mais quel con!"
Il ne peut retenir cette insulte destiné à lui même étouffé par la douleur de ses pieds nus atterrissant sur les graviers et quelques bris de verre surement. Même s'il peut amortir sa chute, sa plante des pieds n'est pas immunisé face aux saleté qui traîne en ville. Mais pas le temps de se plaindre, le magasin était à la sortie de cette ruelle et le camion ne va pas tarder à y être. Serrant les dents, il repris son élan d'une impulsion de sa main gauche dans son dos. Plus que quelques mètres, il allait y arriver au final...
Ah si, il l'avait entendue. Et il n'était pas décidé à s'arrêter. Alors certes, c'était louable de vouloir résoudre ses problèmes tout seul au lieu de faire perdre du temps à des professionnels, mais elle était venue lui proposer alors il aurait pu s'appuyer un peu sur elle au lieu de persister dans l'illégalité. Mais enfin, tant qu'il ne faisait de mal à personne… Elle préférait tout de même continuer à le suivre, pour savoir quel genre d'urgence le faisait courir ainsi, et pour s'assurer qu'il ne fasse rien de dangereux.
Et elle avait eu raison, d'ailleurs. Quand l'inconnu commença à descendre, bondissant de toits en toits pour se rapprocher du sol, Ai suivit son exemple en raccourcissant progressivement ses échasses. Le métal se glissa à nouveau sous sa peau, rampa le long de ses jambes avant de reprendre sa place et de devenir la matière première de ses bras, de son torse, de son corps. Cela réduisit aussi la taille de ses foulées et elle prit du retard sur le civil. Quand elle retrouva le sol, presque au même endroit que lui, il était arrivé à l'autre bout de la rue. Il n'avait pas l'air d'aller si mal mais elle remarqua tout de même les tâches de sang frais au sol. Il s'était blessé à la réception, ça c'était mauvais signe.
C'était la distinction entre un héros professionnel et un civil. N'importe qui avait un alter, et n'importe qui pouvait apprendre à s'en servir. Mais seuls les héros avaient reçu une accréditation qui prouvait leur capacité à utiliser leur alter sans risque dans la vie quotidienne. Pour les autres, ils n'avaient que leur propre avis pour juger de leurs compétences. Cela pouvait mener à des cas comme celui-ci, quelqu'un persuadé qu'il savait ce qu'il faisait, qui donnait l'impression de savoir ce qu'il faisait, jusqu'à ce qu'il ne sache plus. Factory elle-même était un mauvais exemple à ce sujet, elle se déchirait souvent la peau pour tirer au mieux parti d'Assembly Line, mais elle était surtout un cas particulier. Se blesser juste pour aller plus vite, c'était mauvais signe. Comment savoir qui d'autre il blesserait, comme ça ?
"Tu d'vrais vraiment pôs t'malm'ner comme ça juste pour aller p'us vite t'sais ? S'tu t'arrêtes, j'peux d'recoud' ça fastoche, p'is on verra c'qu'on fait pour ton aut' problème !"
Elle ne s'arrêta qu'un instant, le temps de regarder combien de sang exactement avait perdu le fuyard – pas beaucoup, ça n'était peut-être pas si grave – avant de se mettre à courir. Sans ses échasses, elle ne pouvait pas se contenter de marcher si elle ne voulait pas perdre le civil de vue. Il utilisait toujours son alter pour s'accélérer, lui. Alors elle profita de ses jambes mécaniques, immunisées aux claquages ou à la fatigue, pour se précipiter à toute vitesse, sans ménagement ni échauffement. De ses mains, elle ralluma son téléphone et jeta un œil à la carte des environs. Qu'est-ce qui pouvait attirer le civil, dans cette direction ?
"S'tu dérappes et blesse quelqu'un, j'pourrais pôs t'laisser filer, t'sais ? C'pôs qu'pour toi qu'c'est dang'reux, c'que qu'tu fais !"
Juste lui parler n'allait sans doute pas le convaincre de ralentir, il l'aurait déjà fait sinon, mais l'héroïne ne voyait pas trop quoi faire d'autre. Elle n'allait pas non plus l'attaquer, il se contentait juste de sauter dans des rues peu fréquentées ou des toits désertés. Comme s'il esquivait les potentielles victimes de son alter, justement.
Est-ce qu'il avait prit ce chemin pour éviter les potentiel victime de son alter? Difficile à dire, mais Naoya n'est pas du genre à autant réfléchir dans l'empressement. Il ne suit que son instinct et ce dernier est plutôt efficace quand il s'agit de trouver la voie la plus rapide!
"Tu d'vrais vraiment pôs t'malm'ner comme ça juste pour aller p'us vite t'sais ? S'tu t'arrêtes, j'peux d'recoud' ça fastoche, p'is on verra c'qu'on fait pour ton aut' problème !"
Pas de bol pour elle, Naoya faisait parti des gens qui ne le savait pas. Après tout, ce n'est que quelques égratignure... et coupures aussi, qu'est ce qu'elles sont sales ces rues! Ce n'est ni la première, ni la dernière fois qu'il s'ouvre la plante des pieds dans la précipitation, à force il s'y fera si ce n'est déjà fait. Au pire il demandera à cette héroïne de le recoudre sur le retour.
"S'tu dérappes et blesse quelqu'un, j'pourrais pôs t'laisser filer, t'sais ? C'pôs qu'pour toi qu'c'est dang'reux, c'que qu'tu fais !"
L'enseigne approche, ce n'est clairement pas maintenant qu'il va s'arrêter. En sortant de la ruelle pour gagner la route où voitures et piétons se croisent, il commence à tourner la tête pour répondre à sa poursuivante.
"T'inquiète, je gè.."
Mais à peine pose-t'il son pied nue sur le trottoirs que toute autre chose attire son attention. Le camion de déménagement qui approchait? Non ce dernier a déjà eu assez de son intention. Devant le camion, quelque chose que son conducteur ne voit surement pas. Il ne doit pas avoir plus de dix ans, un âge où on ne fait pas forcément attention avant de traverser. A partir du moment où ce jeune garçon voulant retrouver ses amis de l'autre côté de la route rentre dans le champ de vision de Naoya, ses pensées ne font qu'un tour... Non, il ne suit pas ce cliché du cerveau en ébullition sous l'adrénaline avec ralenti. Naoya réfléchir, quelle idée! Il dévie au dernier moment la pulsation qui devait lui servir à traverser la route pour se propulser vers le civil. Bien-sur, la modération n'était pas au rendez-vous.
"COWABUNGA!!!"
La silhouette du musicien file à travers la route en gueulant le premier truc qui lui passe par l'esprit vers l'enfant se rendant à peine compte de ce qui fonce vers lui, que ce soit le camion ou Naoya. Par chance, il ne percute aucun passant ou véhicule avant d'arriver au niveau de sa cible, l’attrape à la volée avant d'essayer de se stopper sur le trottoir d'en face avec ses pieds. Essayer c'est bien le mot, car malgré la tentative sa vitesse ne peut s'annuler sur une si courte distance, et en à peine une seconde Naoya se retrouve encastré dans une étale de fruits et légumes en morceau, l'enfant sain et sauf dans ses bras.
"Hey p'tit gonz' fais gaffe, à ton âge si tu veux t'ballader en ville tout seul faut qu'tu fasses bien attention aut..."
En plein milieux de sa phrase, le d'une tomate écrasée dans ses cheveux commence à perler sur son visage, lui rappelant la situation. Il ève la tête d'un coup alors qu'il essayait de se relever avec l'enfant. Son regard passe sur ce dernier, sur la devanture du magasin qu'il venait de défoncer, sur le visage à la fois surpris et étonné des propriétaires qui étaient en pleine fermeture de leur commerce, le camion qui s'était arrêté dans un crissement de pneu attirant tout l'attention sur eux... Et enfin l'héroïne qui le poursuivait sortant de la rue et découvrant la scène.
"Me... Merci monsieur... Vous êtes un héros? -Heu... Heu... Nan pas trop p'tit."
Il se contente de cette brève réponse à l'enfant qui se remettait de ce sauvetage catastrophique avant de foncer vers le camion, ouvre la portière passagère sans même sortir un mot au conducteur pour embarquer sa basse. La jetant sur son dos dans la foulée, il prend ses jambes à son cou quelque peu ralenti par l'état de ses pieds et la rencontre brutale de son corps avec l'étale en bois. Cette fois-ci il prend directement la route en prenant soin cette fois de diminuer le son à un petit Medium 50%, après ça il n'a aucun intérêt à recroiser l'héroïne mécanisé, même pour se faire recoudre les pieds.
Elle aurait peut-être dû l'arrêter, finalement. De là où elle était, l'héroïne ne pouvait pas voir le camion, ni l'enfant. Elle pouvait seulement voir l'inconnu changer brusquement de trajectoire. Sa main se tendit par réflexe, pour rien bien sûr. Elle ne pouvait pas accélérer plus mais elle maintint sa vitesse, traversant la ruelle en un instant. Comme elle s'y attendait, le civil avait perdu le contrôle et s'était encastré dans une échoppe, de l'autre côté de la rue. Les détails, cependant, changeaient un peu la signification de la scène. Le camion à l'arrêt, freinage brutal à juger par les traces de pneu et le crissement qu'elle avait entendu en arrivant ; l'enfant qui se relevait péniblement au milieu de l'étal éventré ; les regards plus surpris qu'horrifiés des passants. Peut-être pas une perte de contrôle, finalement.
"Hey…"
Après une cascade comme ça, par contre, l'inconnu était presque certainement blessé, il n'était plus juste question d'une écorchure aux pieds. Même chose pour l'enfant, il fallait l’ausculter au plus vite en cas de commotion. Il ne pouvait rien avoir de pire que si le camion l'avait percuté, mais les enfants étaient fragiles et le sauvetage n'avait pas été délicat. Et puis, il fallait bien remercier le héros du jour pour son action. Sans lui, il n'y aurait sans doute eu personne pour intervenir.
Il ne le voyait sans doute pas comme ça, cependant. Au lieu d'attendre soins et louanges, il se redressa en vitesse et bondit sur le camion pour en sortir une guitare, avant de décamper. De toutes les conclusions possibles à cette scène d'héroisme quotidien, c'était sans doute la plus imprévisible, à tel point qu'elle laissa Factory sans voix. C'était complètement un vol. Pas un gros, juste une guitare, mais un vol quand même. L'héroïne aurait dû courir après le criminel, donc. Mais là tout de suite, il y avait plus urgent. Un enfant à soigner, un témoin à interroger. Tant pis pour le mystère de l'homme blessé et le larcin musical surprise.
"Ava, gamin ? T'as mal que'qu'part ? 'Tends, ch'uis une héroïne, j'vais j'ter un œil au cas où."
Au final, il n'avait rien sinon quelques bleus dans le dos. Pas un miracle, donc, mais il s'en tirait très bien. Le livreur, lui, était resté assis devant son volant, en état de choc. Après avoir laissé repartir le gamin, et aidé la vendeuse à appeler la police pour constater l'accident, l'héroïne insista pour échanger quelques mots avec lui.
"Z'aviez pas vu l'gamin ?" "Non… Non, je… je faisais pas assez attention. C'est ma faute."
"Ouais. 'Fin vous torturez pôs, hein, y'a pôs eu d'blessé. La police verra pour les détails. La gratte, l'était à vous ?"
"La… La gratte ?"
"La guitare. Ch'uis curieuse."
"Oh, euh, non. Elle était au client, il l'avait posée devant pour pas qu'elle puisse s'abîmer dans le déménagement."
"Oh, ouais. Y va pôs aimer d'savoir qu'y s'l'est faite chourer. C'qui, l'client ? Va falloir signaler l'vol."
"C'est, euh… Vous savez, je crois que c'est lui. Le gars qui vient de la prendre. C'est sa guitare."
Factory regarda le livreur dans les yeux un instant avant d'exploser de rire et de se redresser. Les sirènes de police commençaient à se faire entendre, les agents seraient là dans un instant pour reprendre tout ça en charge. Elle leur ferait un résumé et tout ça serait vite classé.
"C'lui, hein ? L'a fait tout ça juste pour une gratte ? Comme quoi, p'têt b'en qu'la musique ç'peut vraiment sauver des gens."
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