Premier tour - pink plague contre ippo

      Une fois encore la détective s’essayait à l’art du duel, loin des rixes de rue ou traquenards de parking, se risquant ici à la pernicieuse perspective d’un match équitable. Et puis l’enjeu ne se résuma guère qu’à l’étude de spécimens divers, afin que sa mémoire musculaire s’affine et retienne des coups nouveaux, meilleurs, utiles à une future agression de malfrat. Peu coutumière du combat ni trop adepte de l’éthique martiale, son inscription releva presque de la pure fantaisie. Une lubie loin de sa marotte habituelle, l’investigation. Une manière alors d’échapper à l’ennui, comme se parfaire, là où le chaos des combats innombrables et brouillons lui permit de s’illustrer.

Nul doute que sa modeste performance émoustilla surtout sa bonne amie des gradins. Laquelle parée d’un ravissant accessoire –si onéreux-, sorte de casque de dj, remédia à merveille à son hyperacousie naturelle. Sans quoi miss éphélides n’aurait put survivre à la clameur vociférante ni à un certain commentateur. Sa simple présence mue par l’optique d’une forme de support et d’une très probable consolation. Là, blottie parmi l’entière fratrie, deux jeunes filles énergiques et chaleureuses. Voilà dont l’hydre radieuse, sa seconde famille. Unie dans la fièvre du spectacle.

Dommage que la gladiatrice à barrette à fleurs commit maladresses du fait de sérieuses lacunes. Une survie pénible, harassante. Quelques brèves phases d’inattention lors d’une fatigue inexorable. Terrassée sur la fin. D pour diablesse, puis dragonne et enfin défaite. La peste –sous tous ses sens- dès lors vaincue, déracinée de son insolence. Plusieurs purent lui vouer rancune, quelques valides la suivant aux vestiaires. Elle perdura autant que possible, présumant de ses forces, saisit moult ouvertures et failles alentours tandis que l’esquive aux périls ou d’audacieuses perfides furent fructueuses dans la mêlée. Fussent-ils aussi vainqueurs, leur ambition brisée d’avance.

La bête s’eut même limée les ongles, d’ordinaire un brin griffus, de sorte à ne lacérer ni éborgner quiconque par mégarde. Il lui parut par ailleurs fort peu probable d’y dénicher d’éventuels criminels latents. Et sa vêture, simple uniforme de lutte légale, n’arborait -du reste- pas la moindre effigie d’affiliation à la police locale. Juste un brassard au nombre 154. Au moins n’y avait-il plus en face de mini maître de kung-fu ni cet immense sumôtori. Le genre d’adversaire infranchissable seule, pour sa part. Elle salua dont comme de juste sa rivale -d'une brève révérence-, une fois hissée en lice, sans assurance pour cette joute derrière son joli minois.

Spoiler:

      Mademoiselle s’engagea dans l’esprit de soumission des circonstances, trop rétive pour se résigner d’office. Presque fière d’exhiber sa frimousse à défaut de sa longue et drôle queue, ainsi qu’un sobre dossard. Signe d’un minime triomphe, ou la preuve d’une indéniable chance. Concept puéril au logicien froid, méthodique. Elle sut tout juste mettre à profit des probabilités. Et ses groupies ne surent trop s’accorder à ce propos. Pour peu superstitieuses, si le flair des sagace Kisara n’en décelait pas une adresse louche. Surtout sans son appendice, un terrible handicap. La sensation du membre fantôme devint évidente, sa perte synonyme d’un déséquilibre mental. Comme un singe charcuté. Yomi tenait d’avantage du lézard, un brin habituée à n’y avoir recours ainsi qu’oublier cette singulière extension de son être. Un effort de longue date. Advienne que pourra, ces fers devraient l'endurcir.

Nul besoin d’un intellect supérieur pour déduire que sa comparse possédait des compétences qui transcendent son potentiel. Un monstre de puissance et de réflexes, sans la moindre gestuelle futile. Quoique ces lutteurs de carrière usaient de feintes ou de façons de se mouvoir trompeuses. Un défit énorme, sans doute insurmontable pour l’heure, mais la tentative vaudrait la chandelle un jour. Ne serait-ce que pour discerner de fausses postures, de menus pièges et autres assauts de costauds cerbères. Elle n’avait pas l’alter pratique d’un confrère ni sa propension à l’usage d’armes à feu, sa préférence allant aux lames courtes, aussi s’échina-t’on à n’en pas dépendre depuis toujours. Sûre de sa défaite, mais brave, ambitieuse. Dût-elle n’en laisser rien paraître, par égard pour Ippo. Une triste mine ou attitude craintive aurait pareillement déçu ses proches, voire refroidi un partenaire.

La jeune fille se plia docile au protocole désuet puis ouvrit soudain les hostilités sans mot dire –une fois la brune prête-, initiant la chose par une offensive directe, brutale ; tandis que portée de profil avec de solides appuis –au demeurant- un poing droit s’espéra loger sous la poitrine, au niveau du plexus solaire ou à défaut le sternum. Adopter une démarche agressive d’emblée dérogea certes au naturel dépeint plus tôt, au sein du grand désordre, or elle craignit qu’on ne soit renseigné au préalable sur le style des survivants. Le sien alors mi-passif, d’avantage dans la riposte.  Impossible là de jouer de suite en défense contre un tel adversaire, d’autant que sa stature ne pouvait la desservir. Autant s’élancer vers la surprise, quoiqu’elle douta que l’autre déchante, quitte à morfler pour s’instruire puis aviser, jouer d’improvisation afin d’ébranler repères et appuis, plutôt que se heurter à une machine susceptible de l’envoyer paître d’office. Sa raison se tût au profit de l’instinct.

      Un vrai mur, plus vif qu’un nurikabe cela dit. L’ouverture pittoresque amusa au moins une partie du public. Lorsque l’autre, et plus, s’excitèrent à voir à l’œuvre la favorite du match. Aucun dépit ni regret, juste le poing gourd, endolori. De la stupeur envahit la novice. La vélocité de l’adversaire la surprit au-delà de sa conception de la chose. Une mitraille chirurgicale, économe. Une once d’admiration jaillit dans ses yeux aux sourcils froncés. Son crâne encaissa d’une légère inclination, seul réflexe intelligible dans l’instant suspendu alors que ses guiboles perdaient peu à peu leur ancrage, malgré des orteils raides, comme si ses ongles pouvaient faire office de serres. La discole geint à peine lorsque plut l’averse de ces frappes rudes raisonnant en sa caboche. Ce front en proie au vertige n’en put essuyer que deux avant qu’elle déchante, défaillisse. La frêle silhouette qui chancelle tandis qu’on encaissa un dernier poing. La joue rouge, les mâchoires crispées. Incapable d’agripper cette masse, l’enclume se laissa happer au tapis du ring, n’allant hélas pas embrasser son fade arôme de détergeant aux infimes relents de sueur. Mademoiselle s’engagea d’aventure dans l’affaire scabreuse, afin de ne pas se laisser acculer. Souple, agile et malingre, la bête se réceptionna par le flanc lors d’une grossière et convenue tentative de balayage d’une cheville, puis se porta en quadrupède pour mieux varier son erratique charge et saisir l’improbable occasion d’un adversaire désarçonné par ces manières autodidactes, sauvages. Bondir, bloquer ces fichus poings ou les retenir dans l’élan d’une riposte susceptible de l’envoyer valdinguer, ainsi qu’enfin cogner du coude ou plutôt d’un genou au ventre, voire au menton si l’ouverture des bras le permit, à moins qu’une jambe ne puisse atteindre un flanc démuni sur ce laps d’agression mutuelle ? La meilleure alternative trottant sa petite tête étant d’anticiper un recul soudain comme un pas de côté, puisque la mobilité d’Ippo lui permettait ce genre d’esquive sereine, et d’ainsi lui envoyer une jambe avec toute la fluidité qu’aurait pu avoir son cher appendice. Hélas, là encore, ses réflexes moindres induisirent toujours cette latence fâcheuse, cet écart de détente.

     Miss mèches fushia n’affichait aucune sorte d’entrain. Victime d’une malencontreuse espèce de prise de soumission, remarquable riposte d’ailleurs, désarçonnée depuis son saut de fauve, désormais mise à bat. Le souffle perdu, pour peu sonnée, surtout surprise de la pleine maîtrise de l’entièreté d’un corps. Chaque partie prompte à agir à merveille, les rouages d’une machine plus sophistiquée. Voilà le talent d’un perfectionniste. Un détail la sortit e sa torpeur contemplative, un tantinet jubilatoire. L’infernal décompte humiliateur qui s’égrène sur chaque lèvres, retentit parmi mille gorges unanimes ou presque. Pas une once de hargne, la jeune détective saluait d’une bouille détendue [la prodige]. Une agréable démonstration de timings et de parades pertinentes à assimiler ou reproduire. Une belle leçon d’humilité pour sa part, contre une volonté hélas flagrante de la ménager. Tout du moins à son sens. Mais l’autre désira sans doute faire durer le plaisir, l’inciter à dénigrer d’aventure l’adversité de sa personne ainsi que faire preuve d’ingéniosité nouvelle, de sorte à transcender son potentiel lattent ici bridé, amoindri par de multiples handicaps.

Cette pensée qui soulage ailleurs permit de nuancer la teneur des propos. La débraillée minime s’essaya en outre à résister à ce qui aurait pu être une paralysie du sommeil, avec cet implacable adversaire juché sur son poitrail, là où d’autres auraient frémi d’effroi sous son écrasante puissance. Fabulant dès lors à une banale manœuvre d’humiliation de novice. D’un coude valide, l’enfant força pour se redresser [dans la mesure du possible]. Grossière tentative, un peu vaine alors que sa trogne retrouvait son sérieux de disciple. Téméraire à en amuser d’autres. Qu’importe que le pied tapi à l’ombre d’un relief l’y rabatte d’office. Son élan maigre utile au transfert d’énergie cinétique. Une énième diversion. En aucune façon dépourvue d’alternative, d’ailleurs. Ses genoux envoyés secs ensemble à l’assaut de guiboles, par l’arrière, en-deçà du niveau des rotules. Une collision inopinée au creux des jointures enverrait à peine mieux à terre sa rivale aux appuis moins solides, mais la rose souhaita surtout se défaire de son emprise. Et puis si cela pouvait l’affaiblir par la suite, debout, en dépit du fait que ses muscles meilleurs amoindrirent la force de l’impact [traitre], qu’un simple bond de dérobade par le flanc ou par-delà son crâne –dont l’impulsion ébranlerait son entreprise- rendrait caduque à moins que la vilaine ne lui agrippe cheville au vol pour qu’on trébuche si la sauvageonne n’envoyait pas de jambe faucher sa réception, le corps désarticulé qui pivote, tournoie sur une paume incertaine avec sa fichue latence. L’instinct parasité par d’intenses réflexions revanchardes.

D’autres frimousses à tignasses rose fixèrent avec incrédulité ces échanges plus limpides qu’au cours des phases éliminatoires. Deux styles farouches, des approches radicales. Chacune fit fort à sa manière, l’une plus honnête hélas. Au moins ces messieurs aux micros rendirent honneur à ces lutteuses offrant spectacle fluide et palpitant. Le ballet des bêtes en cage, splendide et rude. La fourbasse déplut à certains. Elle qui s’échinait pourtant à faire abstraction de bassesses pires. L’absence de sourire n’empêcha l’émoi de transparaitre à ce cher triumvirat, ni une forme d’entrain de naître au cœur de ces iris mauves. L’éclat vif de la prédation. Tout autre rictus l’aurait trahie. Aussi n’arbora-t’elle rien en dehors d’une subtile lueur passionnelle, synonyme de gratitude.

La suite, si toutefois la brune n’endiguait aucune réplique là où elle dut bien s’attendre à de pareilles pitreries, auquel cas Yomi lui réserva –au détour d’un regard en arrière- une frappe de son poing valide à la cheville déjà meurtrie. Une perspective moins reluisante, certes. Il lui fallut saisir la moindre probabilité d’agir, même au risque d’endurer une riposte sur ce bref laps de temps, car l’on craignit le pied dans la figure comme sous la mâchoire inférieure. La dentition crispée pour ne pas d’aventure se mordre la langue. Une roulade par le côté, donc. Puis encore cette posture quadrupède, synonyme de ruade. Or au lieu de pouvoir porter le coup de grâce à la femme en déséquilibre, depuis sûre de ses appuis ou au moins prête à l’accueillir d’une technique terrifiante, avec une jambe qui tournoie aux reins et laisse se vautrer ; elle opta pour une approche plus sympathique. Laissant tout répit à Ippo de la voir venir. L’animale singeait sa gestuelle. Fausse adepte de la boxe, on tenta d’embrouiller le monde. Une mystificatrice forte d’une modeste garde au visage mais vulnérable dès l’abdomen, sautillant gracile, ses petits poings fermes comme s’il lui prenait l’envie véritable d’en faire l’usage. Autant réitérer sa botte secrète qui démolit à demi l’énorme sumo, plongeant au contact, les paumes en guise de tremplin vers une ruade d’un talon fracasse-figure. Trop risqué à son sens, mais la tentative jaillirait si aucune frappe conventionnelle n'aboutit.

      Une véritable anguille cette brune, ou un macaque local. Si vive et agile, brusque et gracile. Difficile d’élaborer une quelconque tactique. Sa cadette ne pouvant qu’espérer l’avoir à l’improviste, par pure anticipation. Elle accueillit dont sa dérobade une preste main, le souffle hors d’haleine. Trop bref répit d’ailleurs, la maigre emprise devenu traquenard. La pauvre, craintive sur l’instant pernicieux, retira ses doigts/poignet endolori(s), raide(s), alors qu’on s’affaira à profiter de l’élan qui l’enleva à la suite d’une jambe forte, musclée. Sorte de demi-roulade sur le flanc où ses vives guiboles pensèrent s’élancer, l’acte utile à l’en dépêtrer -même si l’autre en réchappa- dans la stupeur générale. Cette piètre apôtre de la capoeira aurait pu l’assaillir d’un placage en cas de chute soudaine, qu’une voix se sera distinguée d’un blâme. Des demoiselles vécurent le malaise d’une douleur imaginaire, puis vint le soulagement et la colère. Une miss à couettes naine se dressa dans l’assistance pour beugler qu’on ne l’y reprenne plus, sa petite sœur n’aimant trop frémir et faillit s’emporter  de plus d’un jet de paquet de pop-corn à l’égard de voisins pris à glousser. La grimace au râle étouffé devenu drôle à la multitude, engouement aveugle et cruel qu’elle abhorra lors du tournoi entre apprentis héros. L’émoi des masses l’indifféra, sa concentration retenue par l’ambiance fictive. Voilà le genre de blessures propice à la perdre en d’autres circonstances. Le fantasme ici crédible. L’illusion d’un duel à mort. Certes Ippo la ménageait toujours, à son sens, sauf si sa cheville l’empêcha d’enchainer avec frénésie. Fût-ce seulement viable en l’état ? L’inexpérience l’égarait en vaines conjectures. Aussi remise sur ses jambes, prompte à fondre au corps et tenter frappes au détour d’une imitation correcte d’un style propre à la brune, quoiqu'entraperçue. Son poing blessé surtout en garde.

      Aucune puissance concrète dans ces petits poings sans hargne ni ambition de victoire. La teigne rose se contenta de fendre l’air d’une cadence erratique, de sorte à rendre difficile à cerner feintes ou assauts réels tandis qu’on testait l’amplitude d’une posture de garde mêlée d’esquives et autres encaissements judicieux. Pas la moindre faille au visage comme dans la nuque ni les épaules ou au poitrail. Les jambes aussi promptes à faire barrage d’une perfidie. La bête s’essaya pourtant à surprendre par une forme de lunatisme martial, certes frêle et novice mais assez inventif, bizarre. Des coups brefs ou manœuvres inspirées de maints lutteurs des éliminatoires. De la frappe d’épaule en charge suite à l’échec d’un échange large en courbe vers une hanche, susceptible de décaler l’autre capable d’atteindre sa figure en une riposte concise et économe alors évitée ou presque ; au coup de crâne plongeant sur cette même garde dure lorsqu’un petit bond envoie ses genoux sous ces coudes, voire  des menues cabrioles aux jambes vives qui cherchent à induire cette tactique lâche à provoquer la souffrance d’une cheville trop sollicitée alors qu’on souhaite juste voir si les bras d’une brune endiguerons la subite vague de poings et de coudes opportuns. Même un coup de paume ou uppercut vain. Mais simuler fatigue pesante et guiboles lourdes puis au moins finir son baroud d’honneur d’une roulade arrière à valeur de ruade, sans toutefois entreprendre de meurtrir des bras ou le menton, lui put. Faire l’expérience de multiples styles pour sa propre approche d’un adversaire aussi rude, complexe. Un apprentissage qui n’échappait pas au regard d’ancienne disciple désormais maîtresse de son art. Or la discipline fit défaut à l’humble guerrière, trop bestiale et égarée aux brumes de sa propre quête. Once de transe où la clameur populaire et la relative retenue d’un professeur s’effaçait au profit d’une projection sordide, d’une conviction parfois hostile dans ces yeux mauves d’ordinaire mornes. Comme si la farce devint réelle, ses blessures irrémédiables et amères à endurer d’une impuissance notoire. Là une frayeur rageuse, le désarroi d’une véritable victime, rendit ses traits difformes, ses gestes gauches. Une laideur en outre si fugace, les mirages d’un tumulte équivoque. Et qui d’autre vécut malaise, perçut sa peur ? Sans doute ses sœurs, sa douce amie. Un vétéran.