Attachez votre ceinture de sécurité s'il vous plait [PV Anastasia]

Jamais. Plus jamais. C'était les mots que Sophia se répétait alors qu'elle déambulait dans les large couloir du centre commercial. Les cuites en solo au bureau, c'était fini pour elle. Les grands verres fumés qu'elle portait en ce moment n'avait pas la même fonction aujourd'hui qu'à l'époque où elle était encore en Suède et s'en servait afin d'éviter qu'on la reconnaisse. Non, aujourd'hui, ils étaient là afin de la protéger de la lumière artificielle projeté dans tous les magasins qu'elle arpentait sans but précis.

Elle se sentait tellement mal en se réveillant le matin qu'elle s'était rapidement eclipsé du bureau, avant que les trois autres n'arrivent et s'était, après quelques heures d'errance douloureuse, retrouvé devant le plus grand centre commercial de toute la métropole nipponne. Et quel était le meilleur remède contre la culpabilité ? Le shopping bien sûr !

Par contre, elle n'avait pas prévu la force des néons ainsi que la volonté de ceux-ci de l'achever en ce bon matin. Elle avait entendu parlé de la vilaine Iluminacion, mais elle ne pensait pas que c'était tous les systèmes d'éclairages qui partageait cet amour pour les homicides… Et le tout mélangé au bruits ambiants omniprésents en ces lieux... Clairement pas sa meilleure décision.

Combattant la migraine, l'envie de vomir et le déséquilibre, elle parcourait les couloirs, s'arrêtant parfois devant une vitrine, faisant mine d'observer ce qui s'y trouvait, mais en fermant simplement les yeux derrière ses lunettes noires, question de reprendre un peu le contrôle d'elle même. Finalement, après plusieurs longues minutes de vagabondage, elle s'avoue vaincu et s'échoua sur un banc juste devant une boutique de chaussure, sac à main et autres accessoires modes. Un enfant passa devant elle à ce même moment, avec sa glace dans une main et un ballon dans l'autre. Le stéréotype même du gamin chiant dans un endroit public. De sa main tenant la glace, il pointa l'héroïne du doigt, son autre main avec le ballon tirant sur la jupe de sa mère pour attirer son attention. White Muse émit un son à mi-chemin entre un grognement et un haut-le-cœur au même moment où la dame se retourna. Choqué, celle-ci attrapa la main de son môme et l'attira rapidement au loin.

Définitivement, rien allait en ce bon dimanche matin, pour notre héroïne nordique.

Sauf...

Qu'est-ce qu'elle voyait, dans la vitrine qui lui faisait face ? Une ceinture très simple, noir, en cuir, avec un léger motif discret... Exactement ce que White Muse cherchait pour compléter le dernier costume qui lui avait été offert. Pratique, discrète... Et surtout. Surtout. En solde. Les revenus se faisaient rare et ses fonds de bases s'épuisait à un rythme alarmant. C'est que c'était dur, la vie d'héroïne freelancer...

Elle se leva (trop) rapidement, manqua de s'écraser au sol, mais se ressaisi rapidement, puis entra dans la boutique. Elle se dirigea rapidement vers la ceinture, mais vit, à son grand désarroi, qu'il n'en restait qu'une et qu'une autre dame semblait elle aussi être très intéressé par le même item. Elle ne se taperait pas une autre défaite. Pas aujourd'hui. Elle s'approcha lentement de l'autre cliente.

- Excusez moi, madame... Si j'étais vous, je euh... Je n'achèterais pas cette ceinture là, elle ne va pas euh... Très bien avec votre euh... Comment on dit... Couleur ? Non euh... Teint? Oui ! Une autre serait sans doute mieux pour vous...

Elle sourit gentiment à la dame. De plus près, Sophia était certaine qu'elle avait déjà vu cette femme. Mais où? Elle ne pouvait pas se souvenir...

- Excusez moi... On s'est déjà vu quelque part, non?

Bouche pâteuse. Yeux qui brûlent. Ma tête qui hurle.

J’avais peut-être un peu forcé, hier soir, lors de ma célébration du contrat signé avec l’Alliance. J’avais… Tant de choses à leur fabriquer. Pêle-mêle, des kunaïs à ressort, des led rechargeables à l’énergie solaire, un casque modificateur de voix et amplificateur de sons…

J’avais 3 semaines devant moi, mais vu la mine que je me payais, j’allais peut-être en passer une entière alitée… Non, je devais au moins faire mes emplettes. Je ne pouvais pas me pencher sur la table à souder, mais je pouvais au moins passer une après-midi dans les magasins, non ?

Terrible erreur. J’étais malmenée par mon environnement. Mes lunettes noires ne suffisaient pas à parer les assauts des sons et lumières. Et après ça on se demandait pourquoi je préférais rester à la maison.

Me voilà à errer dans les magasins, à la recherche de ce qui me fallait. Bien sûr, les produits rares et dangereux, je me les procurerai en ligne, sur le marché noir, et j’avais des stocks, mais je n’avais pas tout ce qui me fallait. Alternant les cartes bancaires, payant parfois en monnaie, le tout afin d’être le moins traçable possible, je passais de boutique en boutique. Des soies de toutes formes et couleurs, des bobines de fil… Des mèches pour perceuse, des micros hors de prix, des fils électriques dans tous les sens. Et là, je faisais face à la ceinture PARFAITE.

Vraiment, elle irait à merveille à la cinglée, surtout si je la customisais… Alors que mes yeux étudiaient l’objet, je fus interpellée par… Quelqu’un. Quelqu’un de très louche. Qui me reconnaissait ? C’était mauvais. Je décidais de l’identité à emprunter. Rita Olsen, ça irait très bien. Alors je lui répondit en norvégien. Elle parlait mal japonais et semblait avoir un physique européen, mais il n’y avait aucune chance qu’elle parle couramment norvégien, non ? Et personne n’aimait tomber sur un étranger qui racontait n’importe quoi.

"Aaaaaah je suis désolée j’achète pas ça pour moi c’est mon mon amie elle est mexicaine, du coup le teint n’est pas le même, c’est le sien pas le teint de mien. Vous comprenez elle est victime du racisme systémique de la société japonaise et a du mal à sortir faire ses courses, du coup elle profite de ma complexion semi-asiastique pour que je lui apporte le nécessaire. J’ai vu la ceinture et je me suis dit que ça lui remonterait le moral, et sinon pour ce qui est de mon visage j’ai juste le genre de têtes qu’on voit partout, hahahahahahaha."

Insupportable personnage que Rita Olsen. Elle souriait trop, parlait vite, parlait beaucoup. J’espérais que la femme serait assez confuse pour me fiche la paix. Et qu’elle ne me reconnaissait pas, en vrai.

Quel ne fut pas la surprise de Sophia lorsque l'autre dame lui répondit... En Norvégien ! Incroyable ! Une autre originaire des pays nordiques ici, en sol japonais ! Ils étaient pourtant si rare ! Quelles étaient les chances qu'elles se croisent en ce dimanche maussade où la suédoise regrettait même d'être en vie? En tant normal, elle aurait été ravi de rencontrer une compatriote (qui n'était, heureusement, pas finlandais (elle les détestait, ces êtres hautains)), mais aujourd'hui, elle n'avait aucunement envie d'être gentille et et compréhensive. Courtoise, oui, bien sûr. Mais aujourd'hui n'était pas la journée de la privé d'une ceinture sur laquelle elle avait l'œil.

Heureusement, elle parlait couramment le norvégien. Beaucoup plus que le japonais. Elle put donc facilement répondre à la demoiselle.

- Une norvégienne ! Quel hasard ! Je suis moi même de la Suède ! Entre voisin, on peut bien en arrivé à un... Compromis, non ?

Grand sourire de White Muse. Un compromis, oui, bien sûr. Elle partirait avec la ceinture et l'autre trouverait un autre article pour son amie mexicaine victime de racisme. En même temps, quand le grand exemple de mexicain pour les japonais était une criminelle notoire, vous serez surpris que les japonais n'étaient pas chaud chaud à l'idée de voir des sombreros dans les rues ! Drôle de duo quand même, une mexicaine et un... Norvégienne? La Norvège... Lors de son dernier voyage dans ce pays, c'était pour un défilé, où elle avait croisé... Oui !

- Oh ! Je sais ! Vous êtes la journaliste que j'ai croisé lors du grand défilé héroïque d'Oslo !

Mais bien sûr ! C'était exactement elle ! Identique ! Et Norvégienne en plus, ça ne laissait aucune autre possibilité ! Elle n'avait jamais su la nationalité de la journaliste, mais ça tombait sous le sens, après tout ! La mexicaine était dans doute une assistante ou une autre journaliste !

- Vous êtes incognito, c'est pour ça les lunettes ! Je comprends je euh... fais la même chose, oui...

Elle baissa ses lunettes rapidement, question de ne pas trop exposé ses yeux injectés de sang, puis fit un clin d'oeil à la journaliste. Sans doute, celle-ci la reconnaitrait aussi, à ce moment !

- Si votre amie ne sait pas que vous vouliez lui apporter cette ceinture, ça ne lui fera pas de mal que vous ne lui apportiez pas et que vous choisissiez autre chose ! Et... Si vous me faites cette fleur, je vous accorderai même une... Euh... Une entrevue exclusive?

Mais pas aujourd'hui. S'il vous plait, pas aujourd'hui. Elle voulait seulement prendre sa ceinture et retourner dormir. Pitié.

Je vais gerber sur les chaussures de cette bécasse.

Il fallait qu’elle parle norvégien ? Vraiment ? Je suis naïve et peu observatrice lorsque je suis dans cet état. Elle avait une peau parfaite, des seins plus gros que ma tête et les yeux clairs, bien sûr qu’elle était nordique. Bigre.

De quoi est-ce qu’elle me parlait, avec ses histoires de journaliste ? C’était une drôle de méthode de drague, si cela en était une. Mais soit. Rita Olsen était supposée être une blogueuse qui notait les restaurants dans lesquels elle voyageait à travers le monde, je suppose que journaliste n’est pas trop éloigné de ma couverture initiale.

Ma théorie actuelle : la blondasse était complètement allumée. Je n’avais jamais conduit d’interview de ma vie, elle devait être une petite célébrité qui confondait les gens, non ? Bon, ça me faisait une belle jambe. J’eus alors une idée de génie quand elle mentionna l’entrevue exclusive.

"Maaaaaaais c’est une merveilleuse idée ! Je suis ravie que vous vous souveniez de moi, hahahahaha, j’y pense, je n’avais pas eu l’occasion de vous donner ma carte, à l’époque !"

Je sortis l’une des cartes de visite de mon deuxième set. Celui qui n’arborait pas les cordonnées de La Forge, mais l’une de mes boîtes mails. Je la mis devant moi, de sorte à être la seule à voir le nom dessus.


Un battement de paupières, et les lettres devinrent :


Tant pis pour les fautes, de toute façon personne ne lisait les cartes que je donnais en tant que civile. Je fourrais la carte entre ses mains et, d’un mouvement leste, effectuais la célèbre « Manœuvre du gros gêneur rustre » et glissais, tel un serpent en descente de vodka, mon bras sous le sien avant de tourner avec elle vers la sortie du magasin.

"J’ai repéré un a-do-rable petit café à deux pas d’ici. Je vous paye la consommation et après, vous pourrez acheter votre ceinture. Hmmmmm ?"

Pourquoi est-ce que je faisais-ça, aurait-on pu se demander. Qu’est-ce que j’avais à y obtenir ? C’était bien simple. Cette greluche essayait de me prendre ma ceinture ? J’allais lui pourrir son après-midi. Bien sûr, de façon objective et rationnelle c’était probablement risqué et inutile, mais je m’en fichais. J’avais déjà mal au crâne, un café me ferait du bien, et si l’autre change d’avis face à l’inarrêtable Rita Olsen, j’avais tout gagné.

"J’ai pleiiiiin de questions à vous poser, hahahahaha."

Rita... Olsenne? C'était vraiment ça le nom de la journaliste de ce jour là? Sophia n'arrivait plus à s'en souvenir exactement... Et, elle n'était pas une experte en langue, mais, journaliste, ça s'écrivait vraiment comme ça? Elle n'était pas trop certaine... Elle allait posé une autre question quand, tout d'un coup, elle se senti tirer vers la sortie. Qu'est-ce que le bras de l'autre demoiselle faisait maintenant sous le siens ? Où ils allaient comme ça? Un café? Elle ne voulait pas de café ! Elle voulait sa ceinture et retourner dormir !

- Euh, madame Olsenne, je ne veux pas prendre de votre temps... Je voulais... seulement... ma ceinture...

Sa voix ce fit de plus en plus faible. L'autre la tirait très rapidement et s'en était trop pour son petit coeur sensible en ce matin difficile. Elle préféra se taire afin de garder son euh... Son erreur de la veille à l'intérieur. Elle ignorait si elle serait capable de garder un café à l'intérieur d'elle, mais elle ne devait pas montrer sa faiblesse à l'autre étrangère. Elle hocha donc la tête tranquillement et la suivit jusqu'au café dont elle parlait.

Une fois devant la porte de celui-ci, l'héroïne parvint enfin à se libérer de la poigne de la journaliste et entra devant elle dans le commerce. Elle s'approcha d'un pas décidé vers le comptoir afin de passer sa commande. Autant profiter de la générosité de l'autre, après tout, elle n'avait pas encore prit de café aujourd'hui... Et elle avait déjà entendu parlé de cet établissement auparavant, donc elle connaissait de réputation...

-Bonjour, on m'a dit que vous faisiez un excellent latte espresso à la noisette... J'aimerais essayer votre format le plus grand... Avec un peu de cacao sur le dessus, s'il vous plait...

Avait-elle prit quelque chose de trop sucré? Peut-être, vu son état... Mais bon, elle n'aimait pas quand son café était trop corsé, elle devait absolument user d'artifices du genre afin de pouvoir apprécié le brevage chaud...

-C'est ma très sympathique euh... Compatriote, ici présente, qui se charge de la facture, donc vous pouvez bien sûr prendre sa commande avant de préparer la mienne !

Elle fit un grand sourire comme ceux qui avait fait sa réputation dans son pays natale avant de reculer un peu, tentant toujours tant bien que mal de contrôler ses hauts le coeur qui, couplé avec son mal de tête, la faisait regretter d'en faire autant pour une simple ceinture...

"Je vais vous prendre… Un thé glacé au citron. Ne lésinez pas sur les feuilles de menthe."

J’étais partie sur un thé, finalement. L’odeur du café était un peu trop agressive à mon goût, et je n’aurais pas supporté le son de la cuiller tintant contre la soucoupe. Déjà qu’en temps normal je l’exècre, mais alors là, ce n’était vraiment pas le moment.

Je menais, sourire bizarre aux lèvres, la bimbo jusqu’à une petite table vacante.

"Aloooooors..."

J’oubliais quelque chose. Mais quoi ? Ah, oui, de quoi prendre des notes. Les journalistes faisaient ça. Enfin, la plupart utilisaient un dictaphone, mais cette ahurie de Rita préférait probablement griffonner sur un calepin ou taper à l’ordinateur. Je n’avais pas d’ordinateur sur moi, mais j’avais toujours un calepin, un stylo plein d’encre et un crayon à papier bien taillé. Après avoir fixé l’étrangère dans le blanc des yeux pendant quelques secondes (le temps de me souvenir où j’avais fichu tout ça), je sortis le nécessaire.

Mes sacs de course étaient posés à côté, et je priais juste pour qu’elle ne soit pas trop curieuse à leur sujet. Oui, bien sûr, en soi, ce n’était rien que l’on pourrait qualifier d’incriminant. C’était juste… Un peu trop varié pour ne pas être louche.

"Depuis Oslo, comment se porte votre carrière ? Vous étiez impressionnante, là-bas."

Un compliment vague, qui pouvait s’appliquer qu’importe les circonstances de notre "rencontre". Je ne voulais pas prendre de risques. Elle avait parlé d’un défilé héroïque… C’était une héroïne ? Probablement, au vu de sa tête. Elle était relativement musclée ET jolie. Donc elle gagnait bien sa vie, et bougeait beaucoup. L’hypothèse d’une technicienne en son ou lumière ayant gagné à la loterie était envisageable également. Et puis…

Rah, non, j’avais trop mal à la tête. Concentre-toi, "Rita" ! Tu pourras acheter une ceinture ailleurs, mais tu n’auras qu’une seule occasion de la faire tourner en bourrique.

Un thé ? Elle n'aurait pas cru que la dame un peu désagréable (était-elle si désagréable, la dernière fois?) serait du genre thé. Plutôt café noir. Bon, comme quoi il ne faut pas juger au premier regard. Elle s'installa donc face à la Rita qui fixa quelques secondes directement dans les verres fumées de l'héroïne, comme si elle tentait de lire son âme au travers de ceux-ci. Ensuite elle sortie un calepin et s'installa pour prendre des notes.

Impressionnante, à Oslo ? Elle n'était là que comme consultante cette fois là pourtant, pas pour défiler... Avait-elle tant pris de place alors que ce n'était pas elle que les gens étaient venu voir ? Tout d'un coup elle se sentait mal. Et en plus, l'entrevue réalisé ne concernait même pas le défilé, mais bien l'orphelinat qu'elle parrainait ! Encore une chose qu'elle ne faisait pas pour la gloire...

Mais qu'elle image projetait-elle ?

Bon, répondre à la question, pour l'instant.

- Hum... Après Oslo, j'ai continué quelques mois en Suède avant de déménager ici, à Tokyo, où j'ai ouvert mon agence depuis quelques semaines déjà... Un nouveau départ, si vous voulez. De nouveaux défis, tout ça

Elle ne devait pas faire tourner la conversation autour d'elle, surtout si c'est l'image qu'elle avait déjà donné par le passé.

- Le Japon est un endroit merveilleux. Les gens y sont super, le pays en lui-même est magnifique. J'ai eu l'occasion de collaborer avec des collègues extraordinaires! Prenez exemple, l'autre jour, à Nii... Nii...

Elle ne se souvenait plus du nom de la ville du tsunami. Incroyable. Il était impossible pour elle de mettre le doigt dessus. Et les coups de marteau qu'elle sentait à l'intérieur de son crâne n'améliorait en rien sa concentration. Elle prit une gorgé de son café chaud, se brula et déposa vivement la tasse sur la table, renversant du liquide chaud partout sur le surface et, bien entendu, sur les cuisses de son interlocutrice.

- Fan !

Ce n'était vraiment pas sa journée. Rapidement, elle se leva pour aller chercher des papiers afin d'essuyer le dégât qu'elle venait de faire. Elle revint rapidement vers la journaliste, les mains pleines de papier absorbant.

- Förlåt ! Vraiment désolé !

Une héroïne. Bien ma veine ça. Bon sang, la gueule de bois et mon dédain de sa personne me posaient vraiment des soucis. J’étais obligée de me concentrer à fond, sinon je n’entendais que "Et gnagnagni et gnagnagna blablablabla je suis une servante de l’État complètement ahurie qui soutient un système mort-né et participe à l’oppression des masses par le biais d’un hard power déguisé en soft power gnagnagnagnagnagna je suis fasciste mais mignonne".

Cette authentique andouille nordique était incapable de se souvenir de ce qu’elle avait fait la semaine dernière, c’était magistral. Nii, Nii, mais confesse, parbleu, j’ai tout le temps du monde mais quand même.

Et là, l’évènement arriva. Cette… Cette… Bon sang j’ai mal au crâne à force de penser à des piques. Mes traits d’esprits ne sont pas droits. Enfin bref, cette dame renversa son café sur moi. C’était atroce.

"Блять !"

Je me levais en couinant. Chaud, chaud, chaud, chaud. Mais c’est pas POSSIBLE d’être aussi CRUCHE. Au moins la douleur avait pour avantage le fait de me secouer un coup. J’avais toujours mal au crâne, mais je me sentais mieux. Je plaquais les papiers qu’elle me tendait sur mes cuisses humides tout en me préparant mentalement à reprendre le rôle de Rita et en maudissant les peuplades suèdes.

"Héhéhé, rien… Rien de bien grave, rien de grave. Nous allons pouvoir reprendre."

Je me rassis avec un sourire contrit sur les lèvres. J’allais passer à la vitesse supérieure. Elle me pourrissait mon pantalon ? J’allais la mettre en stress pour rien.

"Reprenons, reprenons… Ah, oui, qu’est-ce que vous avez à dire sur les rumeurs qui courent vis-à-vis de votre relation avec Yoroi Musha, le héros numéro 8 ? On prétend vous avoir vu sortir d’une chambre d’hôtel avec lui, et certains dans notre milieu prétendent avoir des preuves. Est-ce que vous pourriez dire quelques mots là-dessus ?"

Tiens, sorcière des glaces. Voyons comment tu réagis à un scandale improvisé. Et si, par un hasard incroyable, j’avais visé juste, alors j’allais réellement refiler le tuyau à un journal quelconque.

Sophia se sentait réellement mal. Physiquement et mentalement. Elle avait à la fois envie de vomir et de s'excuser. Dilemme très rigolo d'un point de vue externe, mais très difficile à vivre, en vrai. La journaliste semblait vraiment mécontente et poussa même un juron d'exclamation... En Russe? Drôle de réflexe, pour une danoise ? Ou norvégienne? Sophia ne s'en souvenait même plus, en fait... Mais une chose était certaine, elle n'était pas russe au début de leur conversation...

Son attitude changea du tout au tout alors qu'elle se calma et qu'elles se rassirent. Mais Sophia ne s'attendait pas à se faire attaquer comme se fut le cas. Encore plus violente que le mal de tête qui l'affligeait, la journaliste la bombarda d'information concernant une relation qu'elle entretiendrait avec un héros du top 10, un certain... Yoroi Musha? Sophia ne savait même pas de qui il s'agissait, n'ayant eu le temps, depuis son arrivé au pays du Soleil levant, de se familiariser qu'avec les pseudonymes du top 5... Yoroi Musha... C'était l'électroménagé sur pattes? Ou peut-être celui avec une tête d'orque? Elle ne savait vraiment pas... Piqué par les "accusations", elle se raidit sur sa chaise et répondit rapidement.

- Je n'ai pas commentaire à faire, puisqu'il n'y a absolument rien à commenter. Et puis, à ce que je sache, même si c'était vrai, une relation consentante entre deux adultes, il n'y aurait rien d'illégale là dedans, non? Enfin, je ne sais pas comment ça se passe chez vous en Norvège... Ou était-ce la Russie, madame Olsen?

Pour qui elle se prenait, cette journaliste ? Franchement, elle poussait le bouchon un peu loin. Et plus le temps passait, moins White Muse se sentait mal de peut-être devoir lui régurgiter à la figure, si la situation l'exigeait ! Oui, ça ferait un petit scandale, mais elle a avait la chance de ne pas encore trop être connu, ici, au Japon. En Suède, ça aurait fait (et ça ferait peut-être encore, d'ailleurs) la une des journaux, mais ici, on s'en fichait encore un peu beaucoup, de la vie de tous les jours de Sophia Axelsson. Pour son plus grand plaisir, à ce moment précis.

Elle fit mine de se lever, ramassant son sac à main.

- Si vous n'avez pas d'autres questions, je vais aller chercher ma ceinture et retourner chez moi.

HAHA ! Tu fais moins la fière hein ? Bon, par contre, mon interjection n’était pas passée inaperçue. Et j’étais peut-être allée un peu loin dans la violence journalistique. Voilà qu’elle voulait me fausser compagnie. Je ne savais plus quoi faire. J’allais vraiment perdre la ceinture ? Mon temps d’amusement avec cette idiote allait vraiment prendre fin si tôt ?

Mon esprit embrumé par l’alcool, paniqué par l’improvisation, agacé par ma brûlure de café, me hurla un ordre.

Défonce.

Ses.

Fringues.

"J’aurais bien d’autres questions à vous posez mais vous me semblez… ATCHA !"

C’était l’un des pires éternuements simulés que j’avais pu fournir de toute mon existence, mais il avait fait le travail. Avec un pseudo-spasme, je renversais mon thé à la menthe sur la nordique.

"Aaaaah ! Je suis désolée !"

Je me levais précipitamment et prit les serviettes absorbantes mouillées et vaguement décomposées qui avaient servi à m’essuyer moi, avant de les lui placer entre les mains. Bien sûr, elle n’aurait que plus sali ses habits si elle avait tenté de frotter avec ça.

"Oh euh… Ne bougez pas, je vais en chercher d’autres !"

Je pris le plus discrètement possible mes sacs et fonçais vers les toilettes… Avant de virer d’un coup en direction de la sortie, en espérant que la cruche ne s’était pas retournée pour vérifier où j’allais. Cette ceinture était à moi. Elle, elle resterait trempée et immobile jusqu’à ce que ses neurones se touchent par un quelconque miracle.

Alors que Sophia était toujours en train de se lever et que l'autre journaliste tentait tant bien que mal de la retenir, l'improbable se produisit. Non, en fait, c'était à tous les coups ce qu'un White Muse en pleine possession de ses moyens aurait du s'attendre. Une vengeance pur et simple. "Oeil pour oeil, café pour café", comme ils disaient dans le domaine...

Quand elle reçu le thé chaud sur ses cuisses, elle en échappa ses sacs au sol, son appareil photo en sortant et roulant au sol, alors qu'elle poussa tous les jurons suédois qu'elle connaissait. Se redressant très (trop) rapidement pour jeter un regard noir à la peut-être norvégienne qui lui lançait des excuses vides de sens.

Celle-ci lui foutu ensuite dans les mains les serviettes déjà dégueulasses d'avoir été utilisé et se dirigea d'un pas rapide vers les toil... Vers la sortie. Et elle sortait. Et courrait presque. Elle allait où comme ça, la "journaliste" ? Après quelques secondes de réflexion, un rayon de lumière traversa l'esprit embrumer de Sophia.

La ceinture.

SA CEINTURE.

La salope.

Laissant son sac sur place, mais attrapant son appareil photo au sol, Sophia s'élança à la poursuite de l'imposteuse/voleuse de ceinture. En temps normal, elle n'aurait eu aucun mal à rattraper la demoiselle, mais son état du jour la ralentissait beaucoup et, à peine fut elle sortie du magasin qu'elle regretta de s'être élancé si vite. Mais elle ne pouvait plus s'arrêter. Ravalant sa douleur (et un peu d'autre chose), elle continua d'avancer rapidement, coupant la foule et cherchant du regard la mégère.

Elle l'aperçu soudain, toujours en direction du magasin où trônait encore la ceinture en vitrine. C'était assurément sa cible et, parole de White Muse, elle ne l'atteindrait pas. L'héroïne approcha son appareil photo, de son oeil. Il ne lui suffisait que d'une seule, bonne photo, et le tour serait joué...

Le moment parfait se présenta soudainement. Un trou dans la foule lui permit de voir la probablement russe au complet et Sophia ne perdit pas sa chance, appuyant sur la gâchette pour prendre un cliché. Elle récupéra la photo à développement rapide et repris un pas rapide pour rattraper l'autre.

- Madame Olsen ! MADAME OLSEN ! ATTENDEZ MOI !

Elle se doutait que l'autre ne s'arrêtait pas, mais si elle pouvait hésiter suffisamment longtemps pour qu'elle puisse rattraper un peu son retard et ainsi pouvoir la rejoindre au même moment où la photo serait suffisamment clair...

Elle pourrait la mettre échec et mat pour une dizaine de minute.

C’était la première fois de ma vie que j’étais coursée par une héroïne. Je ne pensais pas que cela se ferait dans des pareilles circonstances. En descente de cuite, dans un centre commercial, avec dans mes sacs de quoi construire des armes et dans ma gorge une pointe de bile parfumée à la menthe.

*FLASH*

Flash ? Comment ça flash ? Elle beuglait derrière moi. Qu’est-ce que j’allais faire ? Elle m’avait pris en photo, là, non ? Bon sang bon sang bon sang. Et maintenant ?

"J'AI RENDEZ-VOUS URGENT ! JUSTE SOUVENIR LÀ !"

Peut-être que je devrais m’arrêter. Lui laisser la ceinture. M’excuser. Repartir sur des bonnes bases, faire profil bas, une courbette, lui payer un autre verre…

Je chassais ces pensées absolument ridicules de mon esprit et recommençait à imaginer comment lui pourrir la vie jusqu’au bout. Je devais supprimer la photo qui avait éventuellement été prise, ça c’était certain. Avec mon Alter, je pouvais faire ça en un éclair… Si j’arrivais à poser mes yeux sur la dite photo. Mais si je me rapprochais trop, ma faiblesse physique risquait d’avoir raison de moi en affrontement rapproché.

Ne me restait qu’une seule solution. Le judo. Ou plutôt, le concept du judo. Sa substantifique moelle extraite pour mon intérêt propre. Sentant les pas derrière moi se rapprocher, je m’arrêtais d’un coup tout en me penchant légèrement en arrière, en espérant que ma poursuivante soit assez idiote et investie pour juste me percuter sans soucis. J’étais de constitution plus faible, mais je m’attendais à l’impact. Pas elle. Je serrais les dents.