Les lacs, deux connes, un marin [Sophia]

" ♪ Terre brûlée au vent, des landes de pierre… ♫ "

Mei était radieuse. Elle avait, après tout, été choisie, parmi des millions d’autres candidats tirés au hasard dans tout Tokyo pour participer à une croisière de luxe tout au long de l’après-midi, sur le lac Kawaguchi du mont Fuji. Nourriture payée, invités de marque, hôtel réservé… Quel pied. L’apprentie photographe avait sauté pour l’occasion, et fui l’internat pour ce qui était peut-être la millième fois, afin de profiter de son samedi sans soucis. Elle relisait en boucle le mail porteur de bonne nouvelle, toute ravie, en chantonnant et, occasionnellement, prenait une photo du paysage qui défilait.

Dehors, on discernait le Mont à travers la fenêtre du bus. Bus fort peu peuplé. Un homme à tête de toucan était assis quelques sièges devant Mei, et semblait tout aussi heureux. Plus au fond, un homme à l’air inquiet vérifiait, incrédule, un message sur son téléphone depuis le début du trajet. Bientôt, elle serait à bord d’un navire, à prendre des photos magnifiques en sirotant un cocktail, en profitant de ce prix gagné dans un concours auquel elle ne s’était jamais inscrite, accompagnée d’à peine 2 autres gagnants de ce prix, voguant sur un navire massif qui n’était pas du tout visible quand on regardait le lac, tous frais payés dans un hôtel visiblement réservé à peine 2 jours à l’avance.

Mei Kurikuriku n’était pas particulièrement intelligente.

---

"Hum."

Au bord du lac, il y avait elle. Le toucan, le businessman. Un vieux bonhomme à lunettes qu’elle avait déjà pu voir à travers les fenêtres lorsqu’elle espionnait Shiketsu. Il y avait le navire. Enfin, plutôt le rafiot. Est-ce qu’ils pouvaient tous tenir là-dessus ? Et enfin il y avait l’homme qui tenait Mei en otage, un couteau sous la gorge.

"Kesseu que c’est queuh cet’emboucanade ? Hé fada, t’cherches la bastonnade ?"

Le preneur d’otage, celui qui tirait les ficelles derrière tout ça semblait… Franchement dépassé par la petite photographe furibonde qu’il avait entre les mains. Mei était prête à se battre… En théorie. En pratique, elle était toujours ridiculement faible. Elle n’avait pas peur, loin de là, elle était plutôt excitée par la situation, mais elle était juste agacée par le couteau du criminel, qui avait un peu entaillé la dragonne de son appareil photo.

"La petite a raison, vous n’êtes pas raisonnable..."

"L… La ferme ! Fermez-là ! Vous allez tous crever, de toute façon ! Une fois que White Muse sera là… Je vais vous mettre sur le rafiot, et vous crever !"

"Hiiii !"

Le comptable semblait sincèrement effrayé par le matelot du dimanche qui les menaçait. Le toucan et le vieux monsieur, eux, restaient plus calmes.

"Mais pourquoi prendre un otage si vous comptez nous tuer quoi qu'il-"

"Boucle-là sale piaf ! C’est pour attirer White Muse ! T’y comprends rien !"

La situation n’avançait pas...

Quand elle avait eu la bonne nouvelle, Sophia n'en croyait pas ses yeux. Une croisière ? Incroyable ! Elle qui ne gagnait jamais rien, voilà qui était réjouissant ! Elle ne se souvenait pas vraiment d'avoir participer à ce concours précis, mais elle avait donné son nom pour tellement de truc du genre en espérant que sa chance tourne un jour qu'elle avait accepté sans trop réfléchir de réclamer son prix. Bon, une croisière sur les lacs du Mont Fuji, ce n'était pas une croisière sur la Méditerranée, mais c'était mieux que rien, quand même !

Elle avait malheureusement raté le premier bus qui devait la mener aux abords du lac Kawaguchi d'où le bateau devait partir. Elle avait donc du prendre sa moto personnelle et appuyer sur l'accélérateur afin de s'assurer de ne pas être en retard. Ce serait vraiment le pire. Pour une fois qu'elle avait quelque chose de gratuit, elle allait peut-être rater sa chance. Elle était presque à destination, le mont étant maintenant très visible et elle avait commencé à suivre le pourtour de l'étendu d'eau depuis quelques minutes déjà. Le départ était prévu pour un endroit un peu éloigné des quais habituels, surement pour éviter les curieux ou les passagers clandestins. White Muse comprenait ce genre de précautions.

Elle arriva enfin au point de rendez-vous, freinant brusquement en se stationnant, retirant son casque et figeant devant la scène qui s'offrait à elle.

Le regroupement de personne devant elle ne ressemblait absolument pas à des gens qui allaient bientôt profiter de la croisière de leur vie. Encore moins à des gens qui avait gagné la dite croisière. Son regard se posa sur chaque éléments de la scène qui s'offrait à elle, tour à tour, commençant par le rafiot derrière l'attroupement et terminant par la jeune dame, menacé d'un couteau. Elle ramena ses yeux sur celui qui semblait le plus calme du groupe, soit la tête de toucan.

- Je crois... Que je me suis tromper d'endroit. Vous pouvez m'indiquer le départ de la croisière sur le lac?

Il n'y avait pas de croisière, bien sûr, elle était tombé dans le panneau, comme quatre des cinq personnes devant elle. Mais elle refusait d'y croire, choisissant plutôt de continuer à s'accrocher au mince espoir que ce n'était qu'une mise en scène. Un jeu de rôle pour les touristes. Un... Un...

Sophia soupira. Elle était héroïne avant tout. Sa journée de congé venait, ironiquement, de tomber à l'eau. Devant l'absence de réponse, elle se devait de se rendre à l'évidence.

- Pas de croisière, j'ai compris. Quelles sont vos exigences, monsieur le vilain, qu'on en finisse, que je puisse vous foutre en taule et que je puisse retourner chez moi manger de la glace pour oublier ce fiasco?

Si ça continuait comme ça, elle finirait vieille et aigri par la vie en très peu de temps...

"White Muse ! Te voilà espèce de salope !"

"Attention les vulgarités..."

"L’est loin d’uneuh cagole en plus, tu manqueuh de goût, elle est tarpin belle la gadji."

"MAIS TA GUEULE TOI C’EST PAS POSSIBLE ! JE COMPRENDS RIEN À CE QUE TU DIS TU FAIS CHIER !"

Le couteau trembla un peu contre sa gorge et Mei déglutit. Elle savait qui était White Muse, bien sûr, elle était dans pas mal de magazines et elle avait fait une petite sensation à Musutafu, et après avec l’annonce de son partenariat avec Ryukyu. Elle connaissait même son Alter, mais malheureusement il lui serait compliqué de l’utiliser avec cette situation. Mei devait réussir à prendre la photo, mais ça ne serait pas possible au vu de l’énervement du coupable. Ce dernier pointa White Muse du bout de sa lame.

"T’as arrêté mon frère, Tawagoto-o Nusumu ! Moi, Tawagoto-o Koroshi, je suis là pour le venger !"

Koroshi aboya en direction de l’homme-toucan.

"Toi ! Le piaf ! Tu prends la corde, là, et tu attaches les mains de White Muse ! Et pas d’entourloupe ! Si vous jouez aux héros, la gamine y passe."

Mei contint avec difficulté un "Je suis déjà au lycée, té, espèceuh de couillon" tandis que le toucan s’emparait de la corde indiquée par le criminel avant de se glisser derrière White Muse.

"Ensuite… Tous ensemble, on va faire une petite balade en bateau."

Sans tourner le dos au groupe, le criminel recula, emportant Mei avec lui, jusqu’à atteindre la barque juste à côté. Il monta précautionneusement à bord.

Contrairement au comptable, le regard de Mei ne trahissait aucune peur. Elle semblait juste incroyablement agacée par la situation. Il n’y avait pas beaucoup de bus, après tout, et si l’hôtel n’était pas payé...

Tawagoto-o Nusu... Mu? Qui? Elle avait arrêté très peu de gens depuis son arrivé au Japon, il s'agissait donc soit du voleur de sandale, soit du voleur de sac à main, soit du voleur de ceinture. Oui. Elle avait une certaine spécialisation. Pendant que Toucan-man lui attachait les mains derrière son dos et qu'elle se laissait faire, elle tentait d'obtenir un peu plus d'informations.

- Dites monsieur euh... Tawago...Shit? Dans la famille, c'est quoi votre accessoire mode favori?

Au mieux, elle aurait une réponse. Et au pire, elle restait dans l'ignorance, mais elle s'en foutait un peu au fond. Ce à quoi elle devait commencer à réfléchir, c'était comment s'en sortir et comme faire s'en sortir les civils sans dégats. Bon, si elle voulait faire vite, l'idéal serait d'accepter le sacrifice de la jeune adolescente que l'hurluberlue tenait en otage en ce moment... 1 sur 4, c'était pas si mal.

Non, elle était une héroïne, elle n'avait pas le droit de penser comme ça.

Sauf si...

Non. Elle suivit le criminel et ses victimes sur le bateau qui n'avait absolument rien de stable. Qu'est-ce que Ryukyu aurait fait dans cette situation ? Discuté ? Non. Dans cette même situation, l'héroïne du top 10 se serait probablement transformé en dragon géant et aurait rapidement écraser l'excentrique. Ouais, elle ne pouvait pas vraiment envisager ça.

Les passagers savaient-ils nager? Si jamais pour une raison x ou y, l'embarcation chavirait, sauraient-ils comment réagir? Comment pourrait-elle venir en l'aide à quatre personnes en plus de maîtriser un fou furieux. Pourrait-elle rejoindre Ryukyu pour qu'elle vienne les aider ? Si seulement elle pouvait accéder à son téléphone dans sa poche. Elle devait réussir à détourner l'attention du vilain...

À voir l'énergie qu'elle avait, l'adolescente pourrait sans doute l'aider dans cela. Même si c'était involontaire.

- Vous devriez relâcher cette jeune femme, elle n'a rien fait de mal ! Une jeune dame fragile et faible comme ça ne mérite pas un tel traitement !

La demoiselle n'avait en rien l'air fragile et faible, mais si cela pouvait la provoquer un peu et faire une réaction en chaine qui lui donnerait l'opportunité d'agir. Faites qu'elle morde à l'hameçon !

"Désolé White Muse hein, je fais pas ça par plaisir."

Avait murmuré le toucan en serrant solidement le nœud autour des poignets de l’héroïne. Le criminel, lui, réfléchissait à la question de l’héroïne.

"Notre… Accessoire préféré ? LA VENGEANCE, WHITE MUSE !"

Mei se mordit l’intérieur de la joue jusqu’au sang. Des larmes commençaient à apparaître au coin de ses yeux. Mais en la regardant, on comprenait qu’elle ne contenait pas sa crainte en se mordant, et qu’elle ne pleurait pas de peur. Non, il était clair que ce qu’elle retenait était un pur fou rire. Fort heureusement pour elle, Koroshi ne pouvait pas voir son visage, rouge à force de retenir son hilarité.

Si dur était le fait de retenir son explosion qu’elle ne calcula tout simplement pas la perche de White Muse, qui lui passa au-dessus de la tête à des kilomètres.

"Et maintenant..."

Le criminel et son otage avaient atteint le fond de l’embarcation. Le toucan et le vieillard s’étaient déjà assis dedans, à leur suite, tandis que le comptable semblait hésiter à avancer.

"Dès que White Muse est à bord, vous ramez ! Et ensuite, j’aurais tout le temps de vous expliquer mon plan diabolique."

"Et bien, ramons."

Le vieil homme semblait en avoir vu d’autres. En tant que documentaliste de Shiketsu, il avait en effet déjà eu son lot d’aventures. C’était, à vrai dire, sa vingtième prise d’otages en 15 ans. Bien que, la plupart du temps, c’était sous sa gorge à lui que le couteau était placé, il avait tout de même derrière lui la force de l’expérience.

Le comptable finit par venir à bord, et Koroshi entama son monologue, détaillant la réservation de l’hôtel, le faux concours… Mei, elle, tentait désespérément de se calmer pour ne pas exploser de rire devant l’absurde du tout. Bien sûr, elle pouvait facilement envoyer un coup de boule derrière elle et emmener le criminel à l'eau avec elle, quitte à se couper un peu. Mais elle ne pouvait pas se le permettre.

L’un de ses appareils photos n’était pas waterproof, après tout.

Pas de coopération de la jeune fille donc, qui ne semblait pas l'avoir entendu. White Muse soupira. La vengeance ? Qu'est-ce qu'il racontait ce type? Il lui manquait clairement quelques vis pour raconter des trucs du genre. Clairement, ils étaient tous un peu blasés par la situation et avaient tous autant envie d'être là que dans un diner chez leurs beaux-parents, mais l'homme commandait tout de même un certain respect. Sans doute était-ce le couteau qui faisait cet effet. Les otages se mirent à ramer et le vilain à parler.

À parler. Et à parler. Sans arrêt. À un moment, Sophia perdit un peu le fil et se mit à regarder le paysage. C'était quand même très jolie autour d'eux. La montagne, la forêt. Le lac paisible. Une croisière dans ces lieux aurait vraiment été apprécié. Tout ça la mettait encore plus en rogne. Elle rapporta son attention sur le criminel qui parlait encore et sur la jeune fille qu'il tenait. Avait-elle si peur? Elle tremblait presque... Pauvre petite, elle semblait vraiment sur le point de... De...

D'éclater de rire? Vraiment? Elle trouvait la situation si drôle? Peut-être pourrait-elle profiter de cette situation? Si elle réussissait à la faire rire, ça déstabiliserait sans doute le vilain et elle pourrait ainsi agir. L'homme qui semblait d'ailleurs avoir presque terminé son histoire...

- Monsieur Jangmo-o. Je... Je ne veux pas vous interrompre, mais... Je ne suis pas sûr d'avoir tout bien compris... Pourriez vous reprendre juste après le moment où vous nous avez dit que vous avez commencé par vous réveillez avec une idée il y a 3 semaines avec une idée?

Peut-être que d'entendre la même histoire ridicule une seconde fois ferait rigoler la demoiselle? Sinon et bien... Si elle pouvait gratter un peu de temps et ainsi pouvoir réfléchir à une idée pour conclure cette mésaventure sans trop de dégât, ce serait vraiment l'idéal. Aucune des personnes présente ne semblait vraiment pouvoir l'aider au cas où un combat éclatait... 1 contre 1 sur une barque à peu près aussi solide que... Que rien en fait. Elle avait rarement vu quelque chose d'aussi peu fiable que leur embarcation du jour.

Discrètement, alors que l'homme au couteau parlait encore, elle tenta de faire sortir son téléphone de sa poche en se tortillant un peu sur son banc. Si elle pouvait le faire sortir et tomber juste à coté d'elle, elle pourrait utiliser la commande d'appel rapide pour rejoindre Ryukyu... L'héroïne dragon, si elle était disponible, pourrait ainsi accourir et être sur les lieux rapidement. Assez rapidement pour les sauver tous, Sophia l'ignorait. L'adolescente devrait peut-être réellement devenir un sacrifice. Pour le bien de tous...

"Hahaha, pauvre cloche ! Enfin, soit, puisque tu insistes, je vais reprendre. Tout a donc commencé dans mon lit..."

Mei s’en remettait, doucement mais sûrement. Elle prenait de grandes inspirations, et expirait lentement. La même histoire n’aurait pas deux fois le même effet sur elle. Mais quand même… Quel panorama ! Elle aurait bien aimé prendre quelques photos. Peut-être que...

"Yaaaaaah !"

Moment de courage ou de folie du comptable, il avait donné une secousse qui se voulait violente dans l’embarcation. Cette dernière ne bougea pas d’un poil. Un sourire cruel apparut sur le visage de Koroshi.

"Héhéhéhéhé… Alors on joue au plus malin ? Désolé pour toi, mais mon Alter me permet de stabiliser n’importe quel objet en bois tant qu’il est en contact avec de l’eau ! C’est pour cela que je vous ai attirés ici ! C’est mon terrain de prédilection."

Cette fois-ci, c’est le toucan qui réprima un éclat de rire, moins discrètement que Mei ne l’avait fait. Le rictus n’échappa pas au preneur d’otage, qui en prit immédiatement ombrage.

"Ça te fait marrer, le piaf ? Et bien soit ! White Muse ! Tu vas assister à l’exécution de tout le monde ici ! À commencer par cette gamine !"

"Hum, monsieur le criminel ?"

Elle avait retrouvé son calme, et son accent était parti en même temps que son hilarité. Seules restaient les petites larmes au coin de ses yeux.

"Quoi encore ? T’as une dernière volonté, c’est ça ? Ben tu peux faire une croix dessus."

"Dites « Ouistiti » !"

Flash ! Mei venait de prendre un selfie dévastateur. Trop obnubilé par ce qui se passait devant lui, le criminel n’avait pas remarqué qu’elle s’était emparée d’un de ses nombreux appareils photos. En l’occasion, il s’agissait de son portable, qu’elle jeta rapidement aux pieds de White Muse, de l’autre côté du petit navire.

"Et fais vite hein."

"SALE GARCE !"

Remis de sa surprise, Koroshi brandit son couteau, haut au-dessus de sa tête, prêt à l’abattre sur Mei. White Muse avait environ une seconde pour agir avant que la jeune fille souriante ne soit assassinée.

Des actes héroïques les uns après les autres. D'abord le comptable qui fut celui à le plus la surprendre de par son action. Il n'avait pas l'air très courageux, mais au moins il avait tenter quelque chose. Le toucan lui attira l'attention suffisamment longtemps pour qu'elle puisse faire sortir son téléphone de sa poche. Mais juste avant qu'elle n'ait eut le temps d'en faire quoi que ce soit, c'est la jeune fille qui posa son action.

Et ce fut brillant. Le selfie qui aveugla temporairement le vilain, le téléphone lancer vers elle juste à ses pieds. Le tout était parfaitement chorégraphié. Sans aucun doute, la jeune dame savait qui elle était et connaissait son alter. Elle avait agit en conséquence. Par contre, elle ne connaissait pas les limites de son alter. Soit le fait qu'elle ne pouvait pas enfermer quelqu'un dans une photographie sur support numérique. La cliché, bien qu'une bonne idée de base, se retrouvait donc sans aucun utilité pratique. Et en plus, avec les mains liés, ses capacités d'actions étaient très limités. En fait, avec le couteau qui menaçait de s'abbattre sur la jeune demoiselle, Sophia ne voyait qu'une issue.

De toute ses forces, elle kicka dans le portable à ses pieds, celui-ci allant aussitôt s'écraser sur la figure du criminel qui, destabilisé, passa par dessus bord et tomba dans l'eau. Aussitôt que celui-ci ne fut plus en contact avec la barque, celle-ci se mit à tanguer, projetant le toucan et l'homme d'affaire par dessus bord à la suite du vilain.

- Quelqu'un, détachez moi ! Avec mes deux mains libre, je pourrai le maitrisé et appeler...

Du coin de l'oeil, elle aperçu son téléphone glissé hors de sa porter et dans un Plop discret, rejoindre les poissons au fond du lac.

- les renforts... Ou pas. Mais détachez moi rapidement, allez!

Elle devrait tout faire elle même dans cette barque, ma foi.

Clic ! Clic ! Clic !

Mei, enfin libérée, bombardait la scène de photos, en prenant bien garde à ne surtout pas tomber à l’eau. Avec toute l’agilité dont elle pouvait étrangement faire preuve en situation de crise, elle dansait presque au milieu des gens qui tombaient, traversaient la barque, s’agitaient dans tous les sens.

"Je m’attendais pas à ça, White Muse, mais c’était parfait !"

Pourquoi n’avait-elle pas utilisé son Alter ? Probablement parce que ça manquait de panache. Mais Mei n’était pas là pour se poser des questions. Elle était là pour immortaliser cet instant.

"J’appelle la police, occupez-vous de le neutraliser."

Le vieil homme, resté sur la barque grâce au sens de l’équilibre sans faille qui avait fait sa célébrité au collège, lui valant le surnom de Tetsuro la Vieille Balance, avait détaché l’héroïne en un éclair. Le preneur d’otage refit surface, pataugeant pitoyablement jusqu’à s’accrocher au bord de l’embarcation, qui se restabilisa aussitôt. Il ne tenait plus le couteau en main. Le toucan et le comptable avaient déjà commencé à remonter à bord.

"Je filme, je filme, dites un truc cool avant de le capturer, White Muse !"

Mei devait se retenir de sauter sur place, pour la stabilité de l’embarcation comme pour la qualité du film, mais elle contenait mal son excitation. Placée derrière l’héroïne, caméra en main, elle ne manquait pas une miette de ce qui était en train de se passer.

Oh, bien sûr, elle en voulait un peu à la nordique pour l'avoir, indirectement, menée dans ce traquenard. Mais les plans étaient si beaux ! Si dramatiques ! Ça repayait bien au moins 20% de la dette de l'héroïne auprès du groupe rassemblé ici.

L'héroïne qui pointait depuis peu au quarantième échelon du classement héroïque japonais était complètement dépassé par la situation. C'était donc ça la vie d'un héros professionel. Les journées de congés, c'était réellement chose du passé. Et la petite dame caméraman qui faisait sa paparazzi et qui ne voulait apparrement rien manqué de l'arrestation qui n'avait absolument rien d'extraordinaire, si on excluait le ridicule absolue de la situation.

White Muse poussa un soupir. Être héroïne classé signifiait aussi avoir une image à conserver. Encore plus alors qu'on était la partenaire d'une figure du top 10. Et ça, Ryukyu lui avait rappelé à plusieurs reprises.

Le douteux personnage était en train de remonter par ses propres moyens à bord de l'embarcation quand White Muse lui attrapa le col et le remonta d'un coup, le projetant au sol. Le tout, sans que le bateau ne tangue, grâce à l'alter affreusement utile du malfrat. Alors que le vilain était couché sur le ventre, Sophia lui ramena les deux bras dans le dos.

- Monsieur.... Monsieur le vilain !

Elle avait complètement oublié son nom.

- Je vous arrête pour avoir mis en danger de pauvres innocents dans votre quête inutile de vengeance ! Moi, White Muse, du duo "White Dragons", ne tolérerai pas ce genre d'agissement sous ma surveillance !

Ça allait ? Ou c'était trop théâtrale peut-être? Bon, peut-importe, au moins, c'était chose faite ! Maitenant, pour détenir le... Le... Elle ne savait même pas comment bien définir l'hurluberlue...

- Quelqu'un a un bout de corde ? Ou... Encore mieux, mademoiselle, dans votre euh... "Collection", vous avez pas un appareil à développement rapide ? Question que je puisse l'enfermer quelques minutes...

La petite dame pourrait s'avérer utilise. Quel hasard quand même qu'une photographe amatrice ce soit trouver sur sa route aujourd'hui !

Mei leva le pouce pour faire comprendre à White Muse que sa réplique choc avait bien été enregistrée. Quelle chance, quand même, de tomber sur une héroïne aussi populaire ! Ça repayait au moins… 10 % de la dette de l’héroïne.

"Y’a la corde avec laquelle il voulait vous ligoter, White Muse."

Le toucan se mit à faire le nœud. Oh, bien sûr, le criminel n’en avait pas fini avec ses tirades. Mais elles commençaient à se répéter, et n’étaient pas grand-chose de plus qu’un bruit de fond, au final, pour les occupants de la barque.

"Tenez !"

Mei sortit d’on-ne-sait-où un polaroid en état impeccable. Elle était contente de pouvoir aider une héroïne avec le pouvoir de la photo d’une façon aussi concrète.

"Et bien ! Ramons."

Le doyen blasé avait déjà repris sa place de rameur, après avoir passé un coup de fil à la police. Le bureaucrate trempé commença à s’installer aux rames en grelottant, mais le toucan lui fit signe de lui laisser sa place. Le groupe improbable commença ainsi à reprendre doucement la direction de la berge.

"Bon ! Miss White Muse. Maigntenant qu’on est à l’abri..."

Mei tripatouillait son téléphone portable. Elle semblait chercher quelque chose. Notamment, le restaurant et l’hôtel le plus cher des environs.

"Vous nous avez un peu conduit dans un traqueuhnard, té. Alors bieng sûr on est ravis de rieng avouar, mais bon. Est-ce que vous nous payerez pas le restaurang et l’hôtel, heing ? Pour compenser."

Le salarymen fit des yeux ronds pendant un instant, puis prit la parole.

"J-je, je suis d’accord ! J’ai pris mes congés ex-exprès !"

"Et il n’y a pas de bus retour avant un bout de temps..."

"Et pis z’avez bieng monté dans le classement, pas vrai ? Vous devez avoir un moulon de sous, soyez pas rapiat."

Le vieil homme éclata de rire.

"Hohoho, la fougue de la jeunesse ! Et bien White Muse ?"

L’héroïne devait désormais faire face à une menace bien plus grande que ne l’avait été le preneur d’otages du dimanche...

Le criminel attaché au fond de la barque, Sophia se saisi de l’appareil polaroid de la jeune dame et photographia le vilain. Le doyen du groupe avait déjà téléphoné à la police, bien. Sans doute seraient-ils au bord du lac sous peu, à peu près en même temps qu’eux. Pendant que la photo se développait et que la barque approchait du bord du lac, elle s’assit un peu en retrait et écouta les conversations qui, rapidement, prirent une direction qu’elle n’apprécia pas mais pas du tout.

Des extorqueurs. Voilà ce qu'ils étaient. Tous autant les uns que les autres. Mais la gamine, la photographe. C’est elle qui les avait entraînés dans le vice. Oui, bon, c’était vrai qu’elle avait eu une augmentation salariale conséquente suite à ses actions lors de la bataille de Musutafu et suite à l’annonce de sa collaboration avec Ryukyu, le gain en popularité ayant aidé à sa cause.

Elle soupira.

- On verra une fois à terre.

La photo suffisamment clair, elle s’approcha lentement afin de ne pas déséquilibrer la barque qui bientôt ne serait plus sous l’effet de l’alter du malfrat et d’un contact, celui-ci disparu de l’embarcation, transporté automatiquement dans le Picture World. Le radeau de fortune tanga soudainement, mais ils réussirent tant bien que mal à garder l’équilibre de celui-ci et à atteindre le bord où, très rapidement, les policiers les rejoignirent, procédant à l’arrestation officielle du vilain.

Les agents de la paix prirent les témoignages de tout le monde, ce qui prit près d’une heure avant que tout le monde n'y soit passé. Une fois qu’ils furent tous libérés de leurs obligations, Sophia fit un salut de la main et s’approcha de sa moto. Une fois installée sur celle-ci, elle entendit un raclement de gorge et se retourna pour voir toutes les autres victimes la fixant, les bras croisés, avec un regard accusateur.

Ils n’avaient pas oublié.

- On… On se met d’accord sur un café chacun?

Cause toujours, White Muse.