Le repas le plus cher dans le meilleur restaurant du coin avait un bien meilleur goût quand on savait qu’il était payé par une héroïne professionnelle. Tous s’y attaquèrent, sans la moindre once de remord. Mei, qui n’était d’habitude pas une grosse mangeuse, dévorait tout avec appétit. Le comptable, Seijo Otoko, avait relâché ses épaules pour la première fois depuis le trajet en bus, et semblait sincèrement heureux d’être ici. L’homme-toucan, Shimen Ohatori, souriait autant que lui permettait son visage de toucan. Le vieillard, dont personne ne parvint à obtenir le nom au cours de la soirée, semblait beaucoup s’amuser de la situation.
Le ressentiment des quatre "victimes" à l’égard de White Muse disparut bien vite, un peu plus à chaque bouchée. Ils passèrent la soirée à parler de leurs métiers et passions, questionner les autres à ce même sujet, à remercier copieusement leur héroïque mécène, et à imiter le bien risible preneur d’otages.
Une soirée improbable, mais néanmoins mémorable. Mei repartit avec de belles photos de chaque membre de cet étrange petit groupe. Elle décida de contacter White Muse une fois de retour à Tokyo, afin de lui demander si elle avait le droit d’envoyer aux médias les photos d’elle, verre à la main, somnolant sur la table, un pocky enfoncé dans la narine par un plaisantin inconnu.
Avant de partir à l’hôtel (Mei ne pouvant pas suivre les adultes dans leur beuverie), la jeune photographe s’assura de laisser ses coordonnées à chacun de ses nouveaux amis. Elle n’avait pas de carte de visite, mais il y avait toujours assez de serviettes au restaurant pour en improviser quelques-unes.
Elle avait beau avoir été prise en otage, Mei avait vraiment passé une journée formidable, et c’est le cœur léger qu’elle alla se coucher dans son hôtel en bord de lac, et qu’elle rentra à Tokyo le lendemain...