Cœur de cristal [PV Chiruki]

Une visite surprenante

Mon lit, enfin !
Depuis que je travaille aux côtés de Rhino, je n’ai jamais été autant heureuse de retrouver mon matelas tous les soirs, assister une héroïne aux capacités surhumaines aussi énergique n’est clairement pas de tout repos, rien que pour me maintenir à sa hauteur quand elle marche, je dois légèrement trottiner !
Bref, la semaine vient de se terminer et je compte bien commencer mon weekend par une longue nuit réparatrice, pour ne pas arriver avec des valises sous les yeux lundi prochain à Yuei !

Cependant, en plein milieu de la nuit, je ne saurais dire quelle heure, un bruit censé être doux à l’oreille brise soudainement et violemment mon sommeil sans rêves. Il faut que ma sonnette sonne une deuxième fois pour que je réalise que quelqu’un est devant ma porte, et sonne avec insistance.
Hein ? Qui ? Pourquoi ?


Alors que je me relève et allume ma lampe de chevet qui m’éblouit instantanément à travers ma frange de cheveux en bataille, un frisson me parcourt soudain la colonne vertébrale. Qui ? Qui est là ?
Les souvenirs de Dav… du maraudeur dans mon salon, dévorant animalement de la viande, me frappent instantanément, me figeant sur place. Non… Il a été interné, ça ne peut pas être lui. Il ne peut pas être là… Et s’il s’était enfui ? S’il revenait juste pour me voir ? Qu’est ce que je dois faire ?

Ding dong !

La troisième sonnerie brise ma torpeur et je me lève rapidement, attrapant un large sweat que j’enfile au-dessus de mon t-shirt.
Traversant mon grand appartement en quelques enjambées, j’arrive à la porte d’entrée et hésite un instant avant de finalement me décider à regarder à travers le judas…
Le visage qui apparaît alors devant moi m’est immédiatement familier et il me suffit d’une seconde pour me rappeler de son prénom.

“Yurika ?”

Je suis tellement rassurée de ne pas voir le masque du maraudeur que je ne m’inquiète même pas de voir une fugitive en cavale à ma porte.
Main de Cristal… J’avais vu aux infos qu’elle avait profité du chaos de Musutafu pour s’échapper du fourgon qui la transportait… Sur l’instant j’avais presque été heureuse pour elle, je m’en étais toujours voulu de la savoir enfermée alors que Gueule de Croco courait toujours… Mais pendant son évasion, des policiers avaient été blessés et l’un des bagnards qui l’accompagnait avait été tué, je ne sais pas quoi en penser.

Sans la faire patienter davantage, je déverrouille la serrure sans prévenir la police. Je ne sais pas exactement ce qui me pousse à le faire, notre proximité d’âge, ma culpabilité à son égard ou le souvenir que j’ai gardé d’elle après son arrestation peut-être… Mais je le fais.
Lorsque la porte s’ouvre, elle est immédiatement bloqué par le loquet de sécurité laissant entrer le froid glacial de l’extérieur mais pas les intrus et reste entrouverte alors que je passe ma tête pour observer la vigilante sans lui sourire :

“Yur… Main de Cristal. Je peux savoir ce que tu fais là ? Tu veux que je t’arrête une seconde fois ?”

Ma voix est froide. Je ne la connais pas, elle m’a rappelé l’intrusion de David dans ma vie, je n’ai pas envie d’avoir de nouveau affaire à un vigilant instable. Si elle vient prendre sa revanche, je l’attends, je doute qu’elle ait autant progressé que moi depuis sa cellule.

Mais, maintenant que je la vois devant moi, elle est loin d’avoir l’air revancharde, plutôt l’inverse même, elle n’a pas l’air assurée comme le jour de notre rencontre.
Soudain, un bruit de serrure derrière elle attire mon attention. La porte de mon seul voisin est en train de s’ouvrir. Le docteur Naito est reveillé ? Merde quelle poisse… Non, ce n’est pas normal. Yurika n’aurait-elle pas utilisé la sonnette du cabinet pour…

“Mademoiselle Issuo ? Un problème ?”

Merde ! Il va la voir ! Le cabinet est au rez-de-chaussée mais lui, il habite ici ! Quelle gourde !

“Quelqu’un a sonné, ce serait…”

“Hahaha ! M'exclamé-je en passant ma main dans mes cheveux, faisant mine d’être embêtée. Mon amie s’est trompée d’interphone ! Désolée du dérangement docteur…”

Heureusement qu’elle a une capuche.

“Oh, d’accord… Bonne nuit.”

Réponds doucement l’adorable vieil homme, retournant dans son appartement sans se poser la moindre question. Je ne pouvais rêver mieux comme voisin, discret, gentil, je m’en veux presque de lui mentir.

“Bonne nuit !”

A l’instant où sa porte se renferme, je déverrouille le loquet et attrape la criminelle par le col, pour l’emmener dans mon appartement avant que tout l’immeuble ne se réveille.
A peine ma porte est fermée que je la plaque contre le mur, face à moi, mon avant bras sur sa gorge et ma paume pointée vers son visage :

“Je repose ma question.”

Faire son choix

Les paroles de Yurika me laissent silencieuse, je n’arrive même pas à réaliser ce qu’elle vient de me demander. Une évadée en cavale, sûrement poursuivie par des héros, débarque chez moi pour me demander… Une douche et un repas ? Elle doit être vraiment désespérée.

Et pourquoi moi ? Parce que j’ai montré un peu de compassion lorsqu’on s’est affrontés ? Comment elle m’a retrouvée ? Depuis quand elle prévoit de débarquer comme ça ? Elle me pense naïve au point de céder à ses demandes ?
Frustrée, je sers les dents et le poing, rependant à David et la façon dont il m’a manipulée, peut-être qu’elle en a entendu parler et veut en profiter à son tour… Depuis ce qu’il s’est passé, je n’arrive plus à faire confiance à personne.

Cependant, je n’arrive pas à rester hostile en observant son attitude. Elle a l’air vraiment sincère et poussée dans ses retranchements, j’ai l'impression que débarquer ici était vraiment son dernier choix.
Au moins avec elle, je sais déjà à quoi m’attendre, je ne vois donc pas pourquoi elle s’embêterait à me mentir. Elle sait que si je le veux, je peux la livrer aux forces de l'ordre sans soucis… Je ne sais plus trop quoi penser.

Un instant s’écoule sans que je ne dise un mot, observant simplement son visage peu expressif alors que mes souvenirs de mon stage remontent.
Gunhead m’avait dit de faire ce qu’il me semble juste. Ce jour-là, j’avais décidé que la place de Main de Cristal était en prison, mais mon cœur ne pouvait s’empêcher de vouloir lui accorder une seconde chance. Peut-être que Musutafu n’a pas entraîné que de mauvaises nouvelles finalement.

De toute façon, je n’ai plus grand chose à perdre.
Mes yeux se ferment et je soupire alors que je desserre lentement ma prise sur Yurika pour la laisser respirer librement.

“Ne me fais pas regretter mon choix.”

Dis-je avec froideur, m’éloignant finalement d’elle pour la regarder en face, toujours sur mes gardes. Je reste quelques secondes à l’observer puis ajoute finalement :

“La salle de bain est au fond du couloir à gauche."

Hm. Elle va halluciner quand elle va voir la taille de la pièce, le mini-jacuzzi et la douche à multiples jets… Je n’aime pas profiter de la fortune de mes parents mais cet appartement était juste trop bien placé par rapport à Yuei pour que je refuse cette occasion… Mais bon, au moins ils ne viennent pas me rendre visite et l’ultra confort qu’il me donne est bien utile après des journées auprès de Rhino… Je pourrais passer des heures dans cette salle de bain.

“Si tu veux, tu peux laisser tes habits devant la porte… Je t’en prêterais des propres.”

Je me détend un instant, même si je ne suis pas enchantée de sa visite, ça me fait plaisir de l’aider… Et d’avoir un peu de compagnie. Est-ce que je devrais vraiment penser cela d’une criminelle ? Je ne sais pas, mais autant garder ces pensées pour moi.

"Prends autant de temps qu’il te faudra, l’eau chaude est à volonté et la facture n’est pas pour moi.”

Et sur ces paroles, je lui tourne le dos pour me diriger vers la cuisine. Maintenant, il faut que j’ailles voir si il me reste des trucs dans le frigo.

Dans la salle de bain, l’eau a commencé à couler. Yurika ne s’est pas fait prier quand je lui ai offert mon aide et est partie se laver immédiatement, je me demande bien ce qu’il se passe dans sa tête à cet instant, j’espère que ça lui permettra de se détendre au moins quelques minutes.

De mon côté, je suis assise à la table de ma cuisine, les yeux rivés sur mon téléphone. Il suffit d’un simple coup de fil pour que des héros débarquent ici pour la coffrer, un simple appel pour mettre fin à sa cavale… Je pourrais même m’en occuper moi-même, j’ai ma licence après tout. Elle va sûrement baisser sa garde, je pourrais la neutraliser sans aucune difficulté…  Ça serait difficile mais après tout, je ne lui dois rien.

Approchant ma main de mon téléphone, je presse finalement le bouton pour l’éteindre et me relève, indécise. De toute façon, tant qu’elle est là elle ne peut faire du mal à personne, je peux la surveiller…
Je me tourne vers ma casserole et observe les cuisses de poulet rissoler dans l’huile, le beurre et les herbes, dégageant une douce odeur… Je m’en suis fait pour moi aussi, ça m’a donné faim.

J’ai récupéré ses habits, ils sont en sale état. Je ne sais pas où elle a traîné et vu l’odeur, je ne préfère pas le savoir. Ils sont à la machine et je lui ai laissé un sweat et un jean à moi en attendant, heureusement que nous avons le même gabarit.


Je ne sais pas encore quoi faire pour elle ce soir, mais je vais la laisser retrouver des forces, je ne pense pas qu’elle tentera quoi que soit contre moi de toute façon, au pire elle s’enfuira par la fenêtre pendant que j’aurais le dos tourné.

Quelle ironie, depuis David j’ai évité le contact avec la plupart de mes contacts, mais il suffit qu’une criminelle se pointe chez moi pour que je l'accueille à bras ouverts. Il y a forcément un truc qui cloche chez moi, je les attire.

Tiraillée, je laisse ma tête tomber dans mes bras et ferme les yeux, laissant mes pensées de côté pour arrêter de me torturer inutilement.
Je n’arrive même pas à me mentir, au fond de moi je suis presque contente qu’elle soit venue ici. Je ne sais pas trop pourquoi, peut-être que j’espère pouvoir l’aider d’une façon ou d'une autre…

Si seulement j’avais le courage et la volonté de me débarrasser d’elle en appuyant sur un seul bouton… Tout serait plus simple.

Lorsque Yurika arrive à table, je reste silencieuse, ne sachant quoi dire. Je ne l’ai pas trahie, je n’ai osé lui faire ça. Elle a l’air en meilleur été depuis sa douche, sa peau s’est éclaircie et détendue, ses cheveux ne sont plus crasseux… J’espère sincèrement que ça lui a fait un peu de bien.

Finalement, c’est elle qui fini par parler, me remerciant avec humilité pour ensuite me proposer de partir le plus tôt possible si je le souhaite...
Pensive, je me relève sans un mot et pars chercher la casserole. J’attrape les deux cuisses de poulet que je pose sur les assiettes remplies de riz posées à côté avant de verser le jus pour assaisonner le tout.

Je me saisis alors des plats et viens servir le siens à mon “invitée” avant de m’asseoir à table avec elle.
Ça se voit, malgré la douche, elle n’a pas l’air rassurée. Elle tremble, cligne des yeux souvent et a l’air très aux aguets…

“Tu as l’air épuisée.”

Je n’ose pas imaginer la situation dans laquelle elle se trouve. Elle n’a sûrement personne pour l’aider, si elle en est arrivé là… Ou alors elle est vraiment dans une détresse extrême. Du moins je suppose. C’est dur de la sonder, je ne connais rien d’elle, pourtant j’ai l’impression de souvent découvrir de nouvelles facettes de sa personnalité...
Qu’a-t-elle vécu pour en arriver à tabasser un super-vilain dans une ruelle ?

“Au point où on en est, tu peux rester te reposer cette nuit… J’ai de la place ici.”

Cet appartement est… tellement grand pour moi seule. Et vide. Elle ne me dérangera pas. Et puis l’idée de la voir repartir dans la rue sans avoir dormi m’angoisse. Si elle tombe sur un de ses ennemis dans son état, je ne la donne pas gagnante.
Je laisse de nouveau un temps de silence, regardant ma nourriture sans y toucher, malgré ma faim grandissante.

“Pourquoi moi ?”

Et ma question s’échappe soudainement de ma bouche, sans que je ne puisse la retenir. J’ai besoin de savoir pourquoi elle est venue à mon appartement. Je veux l’entendre de sa bouche, plutôt que de le supposer fortement.
J’ai besoin d'honnêteté. J’ai envie de lui faire confiance, même si ce n’est que pour quelques heures. Je veux pouvoir lui faire confiance.

Sa réponse semble si simple mais tombe sous le sens, son honnêteté me rassure. Ses intentions sont claires et son objectif n'est pas de me nuire, même si indirectement sa seule présence ici n'est pas un cadeau du ciel.

Nous le savons toutes les deux, en l'hébergeant, même quelques heures, chez moi, je protège une criminelle recherchée et deviens moi-même hors-la-loi, mettant ma carrière de héros sur la ligne… Qu'est-ce qui me pousse à prendre autant de risques ?

Alors que le silence retombe, je commence à manger sans vraiment de conviction, est-ce que j‘ai vraiment faim en fait ?
En tout cas, depuis ma question, la vigilante a l’air plus détendue, à mon avis ma proposition de l’héberger cette nuit l’a rassurée… Tant mieux, je préfère qu'elle se sente en sécurité ici, ça a du bon pour nous deux. Alors que nous commençons à manger, j’essaye de ne pas trop lui jeter de regards en coin, je ne veux pas qu’elle ai l’impression d’être surveillée, même si c’est un peu le cas.
Je ne m’attends pas à ce qu’elle m’attaque subitement, mais on est jamais trop prudent, après tout, elle ne s’est pas retrouvée dans cette situation par hasard.

“Tu cherches toujours ton frère ?”

Demandé-je subitement, au risque de la mettre sur la défensive. Le jour où je l’avais arrêtée, c’est ce qu’elle m’avait dit. Ce jour-là aussi, je lui avait posé des questions indiscrètes, alors que d'habitude je ne suis vraiment pas du genre à me mêler des affaires des autres.
Depuis que je travaillais avec Rhino, j’avais participé à l’arrestation de quelques vilains, et jamais je ne m’étais intéressée à eux, à qui ils étaient, sûrement parce qu’ils ne m'inspirait aucune sympathie, aucune compassion…

Mais Main de Cristal était… différente. En elle, j’ai l’impression de voir ce que j’aurais pu devenir si je n’avais pas pu emprunter le chemin de l'héroïsme… Ou si je m’étais laissée emporter par mes désillusions lorsque j’ai su qui était le maraudeur.
Je ne me peut pas m’empêcher d’éprouver de la sympathie pour elle, même si elle ne voit sûrement en moi rien d’autre qu’un abri pour quelques heures… Après tout, quel héros viendrait la chercher ici ?

Bouchée par bouchée, j'avale mon repas en écoutant les quelques mots qui sortent de sa bouche.
Deux ans… Que lui est-il arrivé ? Il a disparu ? C'est à cause de ça qu'elle s'est mise au vigilantisme ?
Des questions qui me semblent bien indiscrètes à poser… Pourtant Yurika n'avait pas rechigné à me répondre, elle aurait pu se murer dans le silence mais avait choisi d'être honnête jusqu'au bout… Du moins j'aime le penser.

Cependant sa dernière phrase me fait hausser un sourcil. Elle veut retourner tabasser du vilain ? Elle ose m'annoncer ça sans pression ? Parce que j'ai accepté de la cacher chez moi, elle croit qu'elle peut m'annoncer ses projets de vigilantisme et que je vais l'écouter sans broncher ?

"C'est ça ta façon de t'occuper ? Ou ta solution pour avancer ?"

Peut-être que si j'en avais rien a foutre de sa vie, ou de ses choix, j'aurais sûrement rien dit… Mais je ne l'aurais pas laissé rentrer non plus.

"Ça ne marchera pas. Parce que tu me trouveras en travers de ton chemin."

Dis-je sèchement.
Je ne sais pas pourquoi ce qu'elle a dit m'importe, je n'ai pas envie de lui dicter ce qu'elle a à faire, mais refaire les mêmes erreurs ne la mènera que sur la même route.

"... Et je n'en ai pas envie."

Non, je n'ai pas envie de l'affronter de nouveau. La première fois était déjà trop éprouvante… Et même si c'est pas moi, un héros finira forcément par mettre un terme à ses activités.
Je reste un instant silencieuse, avant de lever mes yeux pour les poser dans les siens :

"Tu devrais te faire oublier un moment. Tu as sûrement un avis de recherche sur la tête, et en ce moment les héros sont à cran."

Après le chaos de Musutafu et l'attaque de Yuei et Shiketsu, personne ne veut laisser se reproduire une chose pareille.
Alors que je reste silencieuse un instant, je repense aux images de mon combat aux portes du lycée… Ça aurait pu bien plus mal finir, et notre prof principal en a payé le prix.

"Même si l'alliance des vilains est la cible numéro 1, tu ne resteras pas longtemps en liberté si tu ne fais pas profil bas."

Et l'état dans lequel elle est arrivée chez moi en témoigne. Elle a dû avoir du mal rien que pour passer sous le radar.
Même chez l'alliance, certains vilains réputés dangereux se sont fait arrêter, cependant ceux que j'ai rencontré courent encore...

"Pfff.."

Pourquoi est-ce que je me retrouve à donner des conseils à une criminelle ? Elle n'en a sûrement rien à carrer de mon avis.

Avalant ma dernière bouchée, je constate qu'elle a fini son assiette.
Je me lève et commence alors à debarrasser :

"Tu as encore faim ?"