Oh Death [PV Miro]

Peut-être était-ce ma mention des différentes factions criminelles de la ville qui a poussé Miro à aborder le sujet, mais après m'avoir remercié pour la leçon – c'était un peu mignon, le petit était à la fois futé et poli, et froid, tout pour me plaire – il m'a demandé mon avis sur la ligue des vilains. Pas ce que je savais sur eux, ce qui sous-entendait qu'il en connaissait assez à leur sujet pour ne pas chercher de plus amples informations, ni si je les connaissait, ce qui signifiait qu'il avait bien saisi à la fois leur notoriété naissante et l'étendue de mes informations. Et il n'avait pas choisi la ligue au hasard, c'était sorti trop naturellement. Qu'il les mentionne après avoir loué mon intelligence et mon éthique pouvait indiquer qu'il associait le tout mais sans doute pas en bien, rien de certain cependant, cela pouvait aussi être une coïncidence. En tout cas il était hors de question de jacasser au hasard et lui raconter tout ce que j'avais pu apprendre en me renseignant sur leur compte – une enquête de surface qui avait commencé quand j'avais réalisé l'association de la sangsue émo-gothique avec eux – ni même de lui donner un avis définitif. Surtout avec ce que je savais sur mon interlocuteur. Pour la forme, j'ai fait semblant d'être étonnée puis de chercher dans ma mémoire.

"La ligue ? C'est une des factions montante en ville. Ils ont déjà prouvé leur efficacité, cela dit si tu tiens à ne pas tuer ni te faire remarquer, je conseillerais de les éviter. Ils recherchent la notoriété pour s'étendre, et n'ont que peu de scrupules."

Tout cela étant à la fois vrai et approprié, c'était ce que je pouvais faire de mieux comme résumé à la fois neutre et dissuasif. Je dois bien admettre que j'étais un peu intéressée par la Ligue à ses débuts, avant d'apprendre par un biais détournée qu'elle s'était associée avec Ludwig Snicket. Quiconque peut croire qu'il est un allié concevable a d'évidents problèmes de jugement ou de morale, et même si je peux à l'occasion donner l'impression inverse, j'accorde une grande importance aux deux. Et massacrer une centaine d'enfants ne correspond pas exactement à l'image que je veux renvoyer.

Alors que le repas approchait de la fin, en ce qui me concernait en tout cas car lui avait commandé un dessert, il décida de son propre chef de revenir au sujet le plus important, dans l'immédiat du moins. Disons la raison première de cette entrevue, même si sur la durée il tirerait sans doute plus de profits de la sagesse que j'avais partagé, et moi du début de confiance gagnée en retour. En résumé, ce que j'attendais de lui pour ce premier contrat. Hors de question de tout lui dire, bien sûr, mais j'avais déjà décidé de ce qu'il avait besoin de savoir donc je n'ai même pas eu besoin de m'accorder le temps de la réflexion, juste de finir une gorgée de bière.

"Pour faire simple, que tu neutralises les alarmes incendies d'un bâtiment. Il s'y trouve quelque chose que j'ai été engagée pour détruire, mais je ne peux malheureusement pas l'extraire. Enfin je pourrais, mais ça serait plus complexe, et pour quoi faire quand il existe une option plus flamboyante ? Malheureusement, pour que les braises puisse prendre et faire suffisamment de dégâts, il ne faut pas qu'on les éteigne trop vite. Un autre s'assurera que les pompiers et les héros ne soient pas prévenus mais pour les gicleurs, je n'ai pas encore de plan sinon toi. Une précision utile, au passage, il n'y aura personne dans l'immeuble à part nous trois donc si tu craignais de faire des victimes, même accidentelles, sache qu'il n'y a aucune chance. Et si cela devait devenir trop dangereux, tu auras métaphoriquement le doigt sur la sonnette d'alarme, tu n'auras qu'à partir et l'eau se chargera du reste. Un poste à responsabilité, si l'on peut dire, et l'occasion idéale de voir ce que tu vaux. Cela semble dans tes cordes ?"

J'ai conclu ce résumé, beaucoup plus complet quoique volontairement lacunaire, en le regardant droit dans les yeux, par-dessus mes lunettes, avec un petit sourire que je qualifierais d'entre deux entre séducteur et narquois. Je voulais qu'il accepte, bien sûr, et même si j'étais persuadée qu'il ne se rétracterais plus à ce stade je ne pouvais pas non plus me permettre de le caresser à rebrousse-poil. Surtout alors que nos intérêts, et nos morales surtout, s’alignaient aussi bien.