Majestuatisation du Karma

-...Kyo, hey! Tu m'entends? Téléphone!

Le coréen sursauta, tiré violemment des brumes qui emplissaient son esprit somnolent.

-Hein, quoi?

La barmaid d'âge mûr le regardait d'un air moqueur, devant le visage ahuri de Kyumin qui s'éveillait avec les yeux d'un lapin pris dans des phares.

-Désolé patronne, je sors du boulot et...

-Ouais je sais, t'as ton frangin qui veut te parler, y dit que c'est urgent. T'as un frère toi?

Quoi? Kyu essayait de recoller les morceaux sans véritable succès. Il botta en touche en s'approchant du combiné.

-Pas tout à fait, famille d'accueil, c'est une longue histoire, je prends.

Toujours embrumé, il s'assit vers l'antique combiné enfoncé dans un coin isolé du bar.
Plus personne n'utilise les lignes fixes aujourd'hui, la quasi-totalité des gens ayant tous dans leur poche un véritable ordinateur miniature bourré de technologie. Mais pour les gens qui vivent en marge du système, cette ligne de voix oubliée continuait de faire son office.

-Salut frangin, c'est Kyo.

"Salut mon pote, quoi de neuf depuis le temps?"

Et merde.

"T'es pas facile à trouver quand tu t'y mets, sacré toi, va. J'ai appris d'un ami d'un ami que tu passais dans le coin, tu imagines pas comme ça m'a fait plaisir tiens. Ca va la santé?"

Cette voix. C'était celle de Reisuke Tamano.
Ce sale petit gosse de riche n'avait pas écouté son receleur de père et s'était mis en tête de retrouver le rat après sa... rupture conventionnelle avec Tonton.

-Bien, suis parti à la campagne, un petit job saisonnier.

Depuis le God Hand Kyumin avait coupé tout lien avec ses anciens employeurs, malgré sa défaite dans l'arêne, il avait gagné suffisemment pour régler définitivement sa note.
Sans entrer dans les détails, c'était un suicide professionnel.
Plus d'entremetteur, plus de contrats, blacklisté chez la plupart des gros poissons, plus de planques, et plus d'Utsuki...
Hamlin s'était évanoui dans la nature. Enfin libre, mais sans le sou, et sans domicile.

"Sympa ça. Dis, ça te dit de venir manger un morceau? Histoire de se voir un coup. C'est moi qui invite. Tu boxes toujours?"

Le nord-coréen était reparti de zéro, mais commençait très lentement dans un nouveau secteur d'activité. Les nombreuses défaites qu'il avait essuyées et la raclée du God Hand l'avaient fait réfléchir à une nouvelle approche.
Une autre vision des choses.

-Toujours, mais moins régulièrement, en loisir.

Fini les boulots de gros bras débiles, tabasser les gens ça paye plutôt bien, mais apportait bien trop d'emmerdes. Chercher de la visibilité était l'idée la plus idiote qu'il n'aie jamais eue, comme preuve le God Hand où s'est fait éclater par la rouquine.
Son alter était bien trop faible face aux poids lourds du crime et tout son entraînement acharné sous l'égide de Glitch n'avait servi à rien.
Défier bêtement les principes de sa seogsa n'avait rien apporté hormis la douleur et l'humiliation.
Il était temps pour lui de se recentrer sur les bases. L'espionnage industriel, les filatures, le sabotage ou autres vols sans spectacle.
Toutes des disciplines qui demandaient une certaine discrétion étaient bien plus à sa portée que toutes ses tentatives désastreuses de jouer au grand vilain.
Ca payait moins, mais les risques étaient bien plus faibles.
Face au singe, il aurait du faire comme lui avait appris Glitch...

"Ah ouais, y a eu du nouveau apparemment. Enfin, je te rassures, on fait un repas à la cool, pas besoin d'apporter les gants. Hâte de te voir mon pote, tu m'appelles quand t'es dispo ok? J'te laisse, à toutes."

Clac.

Tamano n'était pas de ceux qui se font des amis, mais s'il dit qu'il n'y est pas question de se battre, cette invitation commençait à titiller la curiosité du coréen.

Kyumin repartit vers la barmaid, régla l'addition et tourna les talons. Le soleil allait bientôt se lever et la fatigue se faisait sentir, il était temps de rentrer à l'entrepôt. Passant la porte, il fit quelques mètres avant de croiser un livreur à vélo, arrêté en bord de route, les yeux rivés sur son écran.
Il continua sa route avant de d'entendre ledit livreur venir à sa rencontre dans son dos.

-Monsieur! Attendez, vous avez fait tomber ça.
Le rat se retourna et vit le jeune homme lui tendant un petit boitier rectangulaire. Un téléphone portable bon marché à clapet. Le coréen le remercia et prit l'objet, le cycliste fit un signe et s'élança aussitôt dans l'autre sens.
Il apprend vite le salaud...

...

"Etage 32 Monsieur, bonne journée."

Kyumin salua l'hotesse d'accueil avant de s'avancer dans le hall, d'immenses ascenseurs où s'entassent des masses de costumes trônent au milieu du lieu très haut de plafond.
Pas cette fois, le coréen voulait un peu de tranquilité pour changer.
Très en avance, il se mit à fureter et aperçu le plan d'evacuation incendie du bâtiment.
Vraiment pratique d'afficher ainsi un dessin représentant toutes les pièces d'un lieu à la vue de tous...

Voilà, à l'autre bout, vers les locaux d'une boite d'assurances, un ascenseur isolé. Avec 32 étages à se farcir, les faire au coude à coude avec des types entassés comme des knackis et sentant tous le même après-rasage Musc/Cèdre du Liban. Non. Vraiment.
Le rat approcha de la porte métallique, enfin seul, et attendit calmement dix bonnes minutes que cette maudite boîte de conserve veuille bien descendre du 24eme étage.
C'était classe, propre, silencieux, mais pas bien rapide...
Vide, encore mieux. Un placard à balais aussi rococo que possible, avec son miroir, une petite musique jazzy pour faire passer le temps, des boutons ronds nacrés qui brillent et des petites rainures dorées sur un quadrillage façon marbre. Tout y était.
Tamano le rejoindrait dans un penthouse de fils à papa au 32eme, son assistante chinoise l'y attendait déjà. Surement accompagnée d'un ou deux gorilles pour la forme...
L'ascenseur se mit enfin en branle après une loooooongue fermeture de porte.

"4eme étage"

Bon, quelqu'un d'autre avait eu la même idée, c'était le risque, mais à eux ça restait largement vaste, pour des japonais.
Une jeune femme, tête baissée, entra sans vraiment faire attention. Cheveux blancs tombant devant des yeux rivés sur la lumière d'un portable, un casque audio bien couvrant sur les oreilles.
La demoiselle avait un bras en écharpe, plâtré jusqu'au coude.
Kyumin se dit que privée de sa vue par l'écran et assourdie par son équipement, pas vraiment étonnant qu'elle aie fini avec une fracture.
Enfin, plonger dans le vide et tenter d'amortir sa chute avec un yéti cannibale n'était pas vraiment des plus intelligent, et le coréen serait bien mal placé pour donner des leçons de vigilance...
Sa voisine d'ascenseur leva la tête et enfonça mollement un des boutons du haut, avant de replonger aussitôt dans son errance numérique.
Le rat haussa un sourcil. Tiens, c'est marrant, du peu qu'il venait d'en voir ce visage lui rappel...

OH MERDE!

Il y a des moments où l'on finit par traîner sans but, ni objectif précis. Aujourd'hui, Melody avait décidée de faire autre chose que de s'enfermer et jouer les rats de bibliothèque. Depuis quelque temps, elle ainsi que plusieurs membres de sa famille se sont lancés l'étrange défi de trouver des "œuvres obscures de l'ancien temps" autrement dit : Des œuvres sorties entre les années 1980 et 2020 qui pourraient être qualifiées de "Malaise TV" ou alors de "Génie incompris".

L'origine de ce défi venait de cette soirée où Melody s'est retrouvée à regarder un vieux feuilleton accompagné d'Hiromasa et de Mayu qui pensaient que cela serait une bonne idée que pour une fois, Melody participe à ce genre de soirée film plutôt que de rester totalement enfermée dans sa chambre. Le film visionné était "Samurai Cop", petite trouvaille de mademoiselle Masayoshi lors de son séjour en france. Le film étant un gros nanard d'une qualité douteuse, Melody s'était décidée à trouver encore pire histoire de se venger de cette heure et demie de sa vie perdue à regarder cet étron cinématographique. Lorsque notre albinos annonça sa volonté de se venger, Hiromasa décida de lui aussi trouver trouver la quintessence de l'oeuvre douteuse pour prouver à ses filles adoptives que ce n'est pas au vieux singe que l'on apprends à faire des grimaces.

Ce qui nous arrive à là, ce moment où Melody fit le tour de nombreuses boutiques dans le quartier, même dans cet immense bâtiment qu'elle n'a jamais eu le courage de visiter tellement il y avait d'étage, à boire et à manger à l'intérieur. C'est d'ailleurs au quatrième étage de celui-ci qu'elle découvrit une petite pépite dans un magasin bien rétro, un film "Birdemic: Shock and Terror" considéré comme un des pires films de tout les temps avec des doublages français non officiels.

Une fois le produit acheté, il ne restait qu'un endroit à visiter pour être sûr d'avoir ratissé toute la ville, une boutique située quelque étages plus haut. Ayant déjà marché une bonne partie de la journée et n'ayant pas le courage de monter les escaliers, Melody se décida de prendre l’ascenseur situé pas loin de là où elle se trouvais. Casque sur les oreilles et téléphone en main, elle appuya sur le bouton d'appel avant d'entrer et de choisir l'étage voulu. Ensuite elle se retourna pour se retrouver devant le miroir et écarter quelque mèche de cheveux de son visage, c'est alors qu'elle fit plus attention à ce qui se trouvait autour d'elle et surtout de : qui l'accompagnait.

Un léger regard vers sa droite lui fit remarquer la présence d'une personne qu'elle espérait ne jamais revoir. Une personne pour qui elle éprouvait une grande rancune au vu du calvaire qu'elle avait vécue par sa faute. Elle resta immobile pendant quelque secondes avant de sortir ses crocs. Elle respira de plus en plus fort, ses crocs apparents montraient qu'elle était prête à se jeter sur lui. Ceci n'était pas vraiment pour le menacer, plus pour l'intimider. Melody se souvenait avant tout qu'elle avait essuyée une belle défaite face à cet homme et qu'à ce jour, elle était plus fragile qu'auparavant au vu de son bras qui était toujours dans le plâtre. Elle se retrouvais donc figée, à hésiter sur la marche à suivre, à savoir si le côté rancunier allait se décider à frapper ou si l’instinct de survie allait la faire sortir de l'ascenseur dès que possible. Sur toutes les situation possibles, elle se demandais tout de même quel est le taux de probabilité pour se retrouver dans le même ascenseur que celui qui l'avait tabassée et emmenée à son frère par le passé ?

Kyumin resta interloqué un court instant. Quelles étaient les chances de recroiser la cible de son premier contrat solo dans une ville grosse comme Tokyo?
Ses réflexes prirent le dessus quand il vit apparaître les crochets vénimeux de l'albinos dans un rictus de colère. Merde.
Il ne pouvait pas lui en vouloir, il l'avait agressée par surprise et tabassée jusqu'au KO pour la remettre à des mafieux, quelle autre réaction aurait-elle pu avoir? Mais il savait que le gaz empoisonné lui avait méchemment brulé les bronches durant des heures, et qu'il avait gardé des quintes de toux durant deux jours.
Dans une ruelle dégagée avec des mouvements d'air, le nuage corrosif avait manqué de le mettre à genoux, alors ici coincé dans un placard sans aucune vraie ventilation, il serait gazé en quelques secondes.

Agir. Vite.

Bras inerte. Pas de possibilité de parade de ce coté.

Le coréen se déplaça presque contre la paroi, dans l'angle faible de la jeune femme.

L'empêcher de cracher.

Il repoussa violemment la main valide de l'étudiante et profita du handicap de cette dernière pour empoigner fermement sa gorge désormais sans défense.
Plaquée contre le miroir, elle aurait le souffle coupé. En priant pour qu'elle ne dispose pas d'un aiguillon ou autre griffe venimeuse qui mettrait le rat dans un marasme total, ayant grillé sa seule option défensive immédiate.

Les cheveux blancs en bataille et la peau diaphane de la cible tranchaient avec la forme plus foncée au poil couleur charbon du rat. Son regard de rage se mua instantanément en panique, elle tenta de trouver un soutien mais son agresseur poussait pour la mettre sur la pointe des pieds et saper au maximum ses appuis.

La moindre erreur allait se payer très cher.

L'albinos terrifiée battant l'air dans l'espoir d'en trouver appuya frénétiquement sur tous les boutons du panneau. Tentative desespérée d'ouvrir la porte qui...

...stoppa net l'ascenseur qui switcha en lumière rouge et coupa la musique.

-Putain.

Kyu sortit de sa poche le petit cran d'arrêt qu'il avait conservé depuis l'aventure avec la jolie cyclope fan de Derrick.

Profiter de sa peur et verrouiller son attention.

Mettant la lame entre lui et l'étudiante, il tenta de garder un ton calme malgré un stress évident.

- Ecoute-moi. Ecoute-moi! HO! Ecoute putain!

Les yeux apeurés rivés sur lui lui donnait des sueurs froides, sa main crispée sur la gorge blanche tremblait.

- J'te lâche, mais si jamais tu bouges, t'es morte. Mes yeux ou mon nez me piquent, je t'ouvre la gorge et on crève ensemble, t'as compris?

Pas de réaction particulière, mais Kyumin n'allait pas pouvoir le tenir plus longtemps sans l'etouffer, et ce n'était absolument pas le but. Si elle relâchait du poison automatiquement en tombant dans les vapes?

Le coréen relâcha son emprise et laissa tomber la jeune femme qui repris bruyamment sa respiration sur le sol de l'ascenseur, tout en continuant de la fixer alors que l'interphone se mit à sonner.

"Allô, il y a quelqu'un?"

Le rat appuya sur le bouton orné d'un téléphone pour décrocher.

- Oui, on est deux à l'intérieur.

"Y a pas de caméra dans ce type d'ascenseur, je peux pas vous voir, tout va bien?"

- Moi oui, mais ma camarade est un peu claustrophe, elle pourra pas trop vous répondre je pense. Mais ça va, pour le moment c'est gérable.

"Ok, vous etes bloqués entre deux étages, n'essayez pas de sortir par-vous même, c'est trop dangereux. Je fais venir le technicien, il devrait etre là dans un quart d'heure maximum, ok? D'ici là, essayez de rassurer votre collègue, on va pas tarder.
Si vous avez besoin, vous pouvez appuyer sur le bouton qui clignote pour me joindre. On arrive dans 15min, à tout de suite." Clac.

Toujours couteau à la main, Kyumin restait silencieux, l'ensemble de ses muscles tendus par le stress. Toisant du regard la jeune femme qui se relevait lentement.

- Je suis pas là pour toi, je pensais même jamais avoir à te croiser de ma vie.
Je bosse plus pour ta famille, les Snickets vous êtes un nid à emmerdes...

Un duo d'assassins sur le dos, trois semaines de coma, une grosse dette d'esclave et des mois de réeducation plus tard. Oui, effectivement...

- Ok. Ca va etre dur à croire, mais ça m'excite absolument pas de frapper des femmes. On essaie d'attendre les secours sans s'entretuer?

Le fait de se mettre rapidement en position d'attaque était loin d'être la meilleure chose à faire : Pour commencer, cela augmente la tension lors d'une situation déjà compliquée. De plus, trop attendre ou hésiter ne fait que laisser trop d'opportunités à notre opposant. Ce qui arriva une fois encore à notre serpent favori.

Sa main valide fut rapidement dégagée avant d'être prise par le cou et plaquée contre le mur. Le cou était une zone sensible pour elle et se retrouver dans cette position était une des pires choses qui pouvait lui arriver à ses yeux. Il est difficile d'expliquer ce qu'il se passa dans la tête de Melody a ce moment là et ce revirement d'humeur lui faisant passer de la colère à la panique. Elle avait un large panel de solutions pour s'en sortir mais celle-ci se contenta que de se débattre et d'appuyer sur les boutons du mieux qu'elle pouvait pour s'enfuir. Pourquoi avait-elle sorti les crocs au lieu de faire comme si elle ne l'avait pas reconnue avant de contacter les autorités compétentes discrètement depuis son téléphone ? Sûrement le mélange entre haine et panique qui rendait la situation très désagréable.

Cette situation était d'ailleurs loin de s'améliorer, la lumière rouge et l'arrêt de la musique venant ajouter un peu de "et merde" dans la situation et poussa l'étudiante à vouloir être lâchée au plus vite. Elle commença a enfoncer ses ongles au niveau du poignet la tenant fermement avant qu'une lame la fit stopper net.

L'homme posa ensuite ses conditions pour qu'il la lâche : pas d'attaque. Le moindre mouvement suspect allait entraîner une mort certaine que ce soit pour l'un, ou pour l'autre, un statut quo très perturbant auquel Melody devait se tenir. Une fois relâchée, un léger gaz sortit de sa bouche, un résidu du gaz qu'elle était prête à sortir avant d'être prise par le cou, un léger fumet de somnifère. Lorsqu'elle se rendit compte de ceci, elle mis sa main devant sa bouche et se contenta de reprendre sa respiration quelque temps par le nez, le temps que son "camarade d’ascenseur coincé" discute avec ce qui sembla être un technicien.

Elle allait rester coincée un quart d'heure coincée avec lui, ceci pourrait paraître insurmontable pour beaucoup de personnes mais cela ne posait pas de soucis à Melody, elle devrait pouvoir survivre vu qu'après tout, ce n'est pas Monroe qui est dans l'ascenseur avec elle.

Les dernières paroles de l'homme étaient d'ailleurs à faire sourire Melody, entendre que "Les Snickets est un nid à emmerdes" venant de quelqu'un qui a travaillé pour eux sonnait comme une douce mélodie à ses oreilles. Afin d'apporter une réponse à la question quand à si il était possible d'attendre sans s'entretuer, Melody fouilla son sac et pris son calepin, son crayon et son dvd qui allait servir de support.

"Tu croyais vraiment que bosser pour ma famille était un bon deal ? Quelle blague.... Je peux rester un quart d'heure sans te sauter à la gorge, mais je ne te cache pas que j'ai une immense envie de t'en coller une tellement j'en ait bavée par ta faute et comment j'en bave encore maintenant ? Je tiens à ma vie et ne ferais rien tant qu'on est dans cet ascenseur mais donne moi une bonne raison de ne pas appeler les flics ou te neutraliser dès qu'on sera sorti de cette cage ?"

Le message écrit, elle déchira la feuille avant de la transmettre tout en se retenant tout de même de lui en coller une. Rester un quart d'heure sans rien faire, c'est certes jouable mais si cette durée avait à se prolonger, qui sait ce qu'elle serait capable de tenter ?

Elle reprend vite la confiance...

Le coréen continuait de fixer du regard la jeune femme furieuse face à lui.
L'atmosphère était extrèmement tendue entre les deux, mais il n'était pas vraiment possible de lâcher une réplique sarcastique ou de tenter de porter le masque de l'innocence "je suis pauvre immigré" comme avec la harpie tombée des cieux.

En y repensant, le chemin de Kyumin était pavé de figures féminines et d'aversaires simiesques, de quoi faire s'interroger moults docteurs à barbe et cigares obsédés par le jeu de ballon avec leur cousine...

Il fallait néanmoins remettre les choses au clair.

- Ca, crois-moi, j'ai bien compris. Sauf que si ça part en quenouille à l'ouverture de cette porte, ou si les flics se pointent...

Le rat fit passer ses yeux au noir épais de son alter ego animal.

-... je me taille en provoquant le chaos dans l'étage d'un immeuble blindé. Un beau mouvement de foule en panique où chacun de ces honnêtes gens sera prêt à piétiner son prochain pour tenter de se mettre à l'abri.

Des "innocents".

Par contre, que faisait cette étudiante avec son calepin et son DVD moche? Kyu l'aurait tellement choquée qu'elle ne pouvait plus parler? Un snobisme poussé au-delà du ridicule? Restait-elle sans voix devant le terrible charisme d'un coréen balafré en espadrilles?

- Y a très peu de chance que les téléphones passent dans cette boite de conserve, et l'interphone est coupé. Je crois que tu peux parler normalement.

Melody poussa un immense soupire à l'entente de la dernière phrase de son interlocuteur juste avant de sortir ses crocs et darder sa langue devant lui avant de se remettre à écrire sur son calepin.

"Tu penses VRAIMENT que je suis capable de parler comme vous tous avec ceci ?! Si c'était le cas, j'aurais criée à l'aide dans la ruelle où tu m'a kidnappée. Désolée mais je ne peux que siffler. Même si j'alignais des mots, tu n'entendrais rien."

Il était tout de même surprenant que celui-ci ne soit pas au courant de ce petit handicap. Si Monroe avait envie que son mercenaire fasse bien son travail, il aurait probablement donné cette information si l'on veut que tout soit dans la plus grande discrétion. Enfin bref, ce n'était plus important désormais, il y avait plus prioritaire comme question ou comme éléments.

"Bon, je vais jouer franc jeu mais je vais prendre quelque temps à écrire. Tu es prévenu."

Lorsque ce petit mot fut transmis, elle commença a écrire son long monologue.

"Peut être que pour toi je n'était qu'une simple tête "Mise à prix" pour te faire de l'argent. Tu pensas probablement que ça s'arrêterait là et qu'on se verrais plus, qu'on s’oubliait. Mais est-ce que tu te rends compte de tout ce que j'ai vécu à cause de toi ? Se retrouver réveillée à côté de son taré de frère, attachée sur une chaise sur le toit d'un immeuble à l'écouter te rabaisser et tout faire pour te laisser croire que t'es qu'une merde qui n'a pas d'autre choix que le rejoindre pour être utile ? De manquer de mourir car tu refuses de coopérer puis finir ta captivité coincée dans un lit d'hôpital car une centaine personne en voulant me kidnapper a rendu mes jambes inutilisables pendant des jours ?! Et encore là je te passe énormément de détails, ce n'est pas pour te faire culpabiliser, mais te donner une idée des épisodes que la saison que tu n'a pas vu.

Le message était assez long et prenait une bonne partie d'une feuille, en voyant ça, elle l'arracha et la laissa à côté d'elle. Si il voulait la prendre pour la lire, il pouvait. D'ailleurs, elle lui fit un signe de tête disant que c'est possible avant de se mettre à continuer d'écrire.

"En soi, que tu me tabasse ou tente de me kidnapper c'est "de bonne guerre", t'es payé pour ça et bien que la manière est douteuse, c'est une façon de gagner ta vie. Ce qui fait que je t'en veux, c'est tout l'enfer que j'ai vécu après. Donc si vraiment tu veux qu'on tourne la page et qu'on reparte sur des bases saines, c'est "Envisageable" mais j'aimerais bien une ou deux choses en échange... Comme t'en coller une bonne en pleine gueule. T'en foutre une et se dire qu'on est quittes... Ou des excuses, au choix.

Vu qu'elle était assez remontée de le voir et qu'elle était coincée avec lui, autant qu'elle essayait d'en profiter pour se défouler, même si elle n'avait le droit qu'à un coup, bien placé, ça peut faire mal à l'un et faire du bien à l'autre. Elle pourrait aussi demander toutes les infos qu'il avait eu de la part de son employeur mais il vaut mieux faire chaque choses en son temps, surtout que là, elle passait un peu pour la connasse de service avec sa proposition, même si s'ouvrir et lui balancer une partie de l'enfer qu'elle a vécue l'a quand même légèrement soulagée.