Les pangolins ça roule [feat Coy]

Sarah tira sur sa cigarette en grognant avant de ranger son briquet. Elle était assise au comptoir depuis un petit moment, et Coy ne pointait toujours pas le bout de sa queue. Elle tourna la tête vers la gauche, puis vers la droite, poussa un petit soupir et se mit à observer les environs. La salle principale du "rêve du corbeau", bar peu recommandable, n'avait pas changé depuis ses études : toujours la même ambiance tamisée, ce mélange si spécifique entre architecture "japonaise" et vieux bois occidental, toujours autorisé aux fumeurs. L'endroit était, en vérité, plutôt agréable à regarder : ce qui dérangeait les bonnes gens c'était la clientèle. On y trouvait des voleurs, des ivrognes, des super-vilains en civils, des criminels de tout genres et, de temps à autre, des étudiants héroïques en mal de sensations fortes. C'était l'une de ces rare zone ou criminels et agents de la Loi et l'Ordre pouvaient se retrouver autour d'un verre et discuter, pour le meilleur comme pour le pire. La corruption ouverte restait impossible bien entendue : personne ne tentait le coup dans un endroit ou un "collègue" pouvait vous prendre la main dans le sac sans vraiment s'en rendre compte.

Il se passait plein de choses ici, mais il fallait garder les oreilles aux aguets pour tout comprendre.

Autant dire que l'américaine était comme un poisson dans l'eau. Son Alter lui permettait de profiter pleinement de l'ambiance : son esprit pouvait s'étendre, se frotter doucement aux émotions des convives, se délecter de leur manque de raffinement et de leurs petites magouilles. C'était l'endroit parfait pour observer le monde du crime de loin, même si une petite bagarre pouvait éclater de temps en temps. Restait que, comme à son habitude, elle était calibrée. Il était minuit passé, et on était Samedi. Il fallait donc vraiment être fou pour se balader sans armes.

"Une femme comme vous ne devrez pas boire seule."

Sarah ne connaissait pas du tout Fujita Gen, cambrioleur, 33 ans mais elle en savait déjà bien assez pour lui refuser le statut d'honnête être humain. Il puait l'alcool, son cerveau dégageait des ondes de désir absolument insupportable et il s'était incrusté à coté d'elle avec la subtilité d'un clébard devant un bout de fromage. Il se croyait certainement très subtil avec ses manières faussement détendus mais elle lisait en lui comme dans un livre ouvert. Ses copains, posés sur une table un peu plus loin, venaient de lui donner le défi de sa vie. Repartir avec la femme blanche qui n'avait manifestement pas besoin d'être dérangée.

Elle portait un sweat à capuche, des gants, un pantalon de treillis et des rangers. Il n'y avait pas plus clair comme message, non ?  

"Vous attendez un homme ?"

"On peut dire ça."

"Gen..."

Le barman était un homme intelligent. Il servait de l'alcool à Sarah, plus ou moins en cachette, depuis son premier séjour sur l'archipel. Il l'avait littéralement vu grandir du statut d'étudiante à celui d’héroïne complétement taré. Il savait très bien comment cette interaction risquait de se terminer et, très franchement, ce n'était pas la première fois que Honda jouait au con.

Si Mindfeel cassait quoi que ce soit sur le crâne de cette andouille la salle entière risquait d'imploser.

"Je n'ai pas le souvenir d'avoir vu une occidentale comme vous dans le coin. Vous venez souvent ?"

"Vous êtes sérieux ? Vous me sortez vraiment une réplique aussi claquée ?"

"Je ne sais pas si elle est claquée. Vous faites..."

"Tâche ?"

"Vous êtes dure avec vous même."

"Gen, ça fait quelques années que madame n'est pas venue. Reste qu'elle a ses petites habitudes, comme tout le monde."

L'avertissement était clair il passa au dessus du petit cerveau du trentenaire. Il ne lui était pas venu à l'idée que la blonde était probablement un membre de l'armée américaine, une héroïne étrangère ou quelqu'un de relativement dangereux. Ce fait, qui apparaissait évident pour un bon 60% de la salle, était pourtant de plus en plus clair. Elle ne camouflait même pas son holster, il lui aurait suffit de baisser les yeux pour s'en rendre compte.

"C'est rare de croiser une touriste qui n'a pas peur de..."

"Buzz off."

La main baladeuse de Gen se figea sur place. Quelque chose de métallique venait de lui rentrer dans le gras du ventre. Le cambrioleur se baissa, reconnu un canon de calibre 45 pour ce qu'il était, et arrêta soudainement de penser. Pour Sarah, qui passait son temps à rentrer dans la tête des gens sans le vouloir, c'était quelque chose de très impressionnant.

Peut être que ce mec était bon à quelque chose finalement.

"Je crois que votre, euh, votre "partenaire" est arrivé."

Le barman venait d'assumer que l'étudiant héroïque qui venait de passer la porte était avec Mindfeel mais à ce stade il s'en foutait. Il voulait juste voir la tension descendre d'un cran. L'américaine ne prit même pas la peine de se retourner pour vérifier. Elle avait remarquée le cerveau de Coy dans les environs quelques secondes seulement après l'apparition de Gen dans sa vie. Son bourrin d'apprenti avait finalement trouvé le chemin du bar. Pas trop tôt. Elle voulait voir comment il tenait l'alcool.

Vu ce qu'elle avait prévue pour le garçon il fallait absolument qu'elle pense à consigner cette sortie dans ses heures supplémentaires.

"Comme vous pouvez le voir mon "homme" est arrivé. Maintenant, si vous voulez bien lui faire de la place..."

Gen, qui dévisageait Sarah comme si elle était un crocodile, ne se le fit pas dire deux fois. Il se leva de son tabouret sans mouvements brusques et retourna vers ses copains avec une tronche aussi blanche que celle de Michael Jackson. Peu de monde avait remarqué ce qu'il venait de subir mais ceux qui avaient maté se foutaient discrètement de sa gueule. Il était évident que "la meuf en treillis qui ressemblait à un soldat ou à une gouine" ne se laisserait pas toucher facilement par un mec bourré, surtout qu'elle semblait avoir invité son petit frère japonais.

Un petit frère japonais qui était taillé comme un para mais ça devait être de famille.

"Qu'est ce qui a retenu mon Pangolin-Boy ?"

"Enfin je vais pouvoir me poser et boire un coup !" est exactement ce que je me suis dit quand Mindfeel m'as proposé d'aller dans un bar le soir même. Certes ce genre de requête pourrait être interprété d'une certaine façon venant d'une femme, mais quand on parle de cette femme il faut rapidement se faire à l'idée que "ça ne sera jamais ce à quoi tu penses". Pas que j'y pense d'ailleurs ! Ah ça non ! Je ne pense pas avoir développé de syndrome de Stockholm durant ces derniers mois ! Et puis même, Lincoln est ma supérieure direct, donc en aucun cas je ... Oh et puis pourquoi je devrais m'expliquer d'abord ! Essayer de se justifier quelque chose n'as jamais abouti à rien donc autant s'arrêter là.

Pour en revenir sur cette sortie on peut dire que ça va me faire du bien. En ce moment je n'ai pas le temps de souffler. Il y avait un moment je m'amusais à faire les boutiques pour me trouver un style ou je parlais avec des inconnus pour me faire des amis, mais maintenant tout n'est qu'entraînement. Si ce n'est pas mental c'est physique, si ce n'est pas pratique c'est théorique et vice-versa. Pour être honnête je ne pensais pas qu'un train de vie si agité me fatiguerai, je croyais pouvoir encaisser n'importe quoi, n'importe quel régime, mais faut croire que mener une vie aussi active ça creuse le moral. Aujourd'hui les seuls habits que j'ose porter sont tous cheap, survêtement, jogging, sweat ... Et la palette de couleurs est tout aussi énorme passant du noir au gris foncé. Tout ça parce que je n'ai pas envie de repayer une belle veste qui se serait faite déchirer lors d'un entrainement ou d'un "contrôle surprise".

Malgré tout je survie, je veux dire, serais-je vraiment Coy Igaki si j'abandonnai si facilement ? Je sais pourquoi je fais tout ça, je sais que je peux y arriver, non, que je vais y arriver ! Ce soir se dresse une tâche des plus difficiles, boire avec ma patronne ! Ce sera comme boire face à un trou menant au vide intersidéral, mais mon but n'est pas de résister plus longtemps qu'elle, c'est de résister tout court ! Peut-être que je prends tout ça trop au sérieux, peut-être qu'elle ne veut que boire un verre avec son collègue... Impossible ! Il faut que je sois préparé mentalement à me mettre une méga murge... Je me demande combien d'élèves de Shiketsu peuvent dire "Hier soir j'me suis bourré la gueule avec mon prof c'était ouf !.. Maintenant laissez-moi abandonné mon camarade vite fait ...". Quoi comment ça je suis salty ? Il n'y a pas de sel ici juste ... quelques regrets...

Bref ! Il est temps ! J'ai le mental, le sweat et le jean pour montrer l'effort, j'ai l'adresse et ... Je suis en retard... Ni une ni deux je prends mes clés direction le bar de ... Putain c'est mal écrit, le bar du rêve de carreaux ? Oh ! Corbeau ! Le bar du rêve du corbeau, que de bons présages.

"A plus Don !"

"Combien de fois je vais devoir te le dire, mon nom c'est Philipe !"

"Ah oui mince désoler ! Un jour j'y arriverai, ciao Don !"

Il faut croire que les vieilles habitudes restent. Au début de ma formation j'ai dû déménager et donc abandonner mon petit nid crasseux pour un petit nid tout court. Les gens là-bas me manqueront toujours un peu, chacun à leurs manières ils se sont immiscés dans ma vie. Don par nos échanges de breuvages, Nana par son impossibilité à me laisser dormir la nuit et ... Et bah je n'ai jamais vu les autres donc ... Ah ! Don et Nana, des personnages hauts en couleurs. Ça m'étonnerai que monsieur le concierge "Philipe" puisse les remplacer même après ces quelques mois.

Ainsi je passai la porte de mon appartement et me mis en direction du fameux bar. Les rues étaient plutôt calmes, rien de grave à signaler si ce n'est des chats noirs très menaçants. Je pris surement plus de temps qu'il ne fallait pour trouver le bar, cela grâce à mon sens de l'orientation malheureusement trop peu développé. En entrant dans la ruelle je me sentais comme dans un film, des gars à moitié mort sur les côtés, au loin un groupe de clodos autour d'un baril en feu, oh et encore un chat noir ... Ça en devenais flippant. Je n'hésitai pas une seconde avant d'ouvrir la porte du "Rêve du corbeau" et ce que je vis était plutôt... Attendu. Des gens bourrés, des gars visiblement en recherche de bastons, d'autres plus discret, mais tout aussi sournois, bref un bon bar ! Parmi toute cette testostérone je remarquai très vite Mindfeel assise au bar, après tout il n'y avait vraiment qu'une seule militaire reconnaissable dans l'établissement. Bizarrement elle semblait accompagnée par un homme, m'aurait elle invitée pour me présenter son copain ? Mais qui pourrait être assez fou pour avoir une relation avec ... elle ?

Toutes mes questions se dispersèrent quand l'homme se leva doucement et alla se poser autre part. Ce ne devait être qu'un gars en manque ... qui n'avait plus rien à perdre en somme. Je n'eus aucun doute sur le fait qu'elle m'avait repéré, après tout c'était Mindfeel. Je m'avançai donc pour prendre la place de l'homme qui venait de la quitter.

"Qu'est ce qui a retenu mon Pangolin-Boy ?"

Avant de répondre je devais être sûr de trouver une bonne excuse, quelque chose de réaliste, pas non plus trop perché. Un truc qu'y pourrait arriver à n'importe qui un soir en banlieue... Ça y est !

"Alors, tu ne vas jamais me croire, il y avait cette vieille dame qui se faisait agresser, elle avait une poussette avec un bébé dedans et le bébé lui tenait un chiot tout mignon. Alors, j'arrive, je tabasse l'agresseur et BOOM ! La grand-mère était en fait un leurre, tout un gang m'est tombé dessus ! Bien sûr je les ai tous appréhendés et remis à la police avant d'arriver ici"

Parfaitement crédible tout ça ! J'veux dire, qui ne s'est jamais fait prendre au piège par un doppelganger ? Je jetai un regard sur le reste du bar et spécialement la table de l'homme s'étant fait rembarré. Autant avait il l'air dépiter, autant ses amis n'avaient pas l'air d'avoir terminés avec leur conneries. Il va donc falloir se préparer !

"Hey excusez -moi, vous avez du gin ?" en parlant au barman.

"Tu ne m'as pas attendu à ce que je vois !" en parlant à Mindfeel.

Si il y a bien une chose que Mindfeel ne supportait pas c'était l'incompétence.

"Idiot bête !"

Coy n'eut même pas le temps de dire ouf que le poing de sa supérieure fracassait le haut de sa caboche. La jeune femme, qui dévisageait son élève avec un regard vide de sens, lui attrapa rapidement les joues avant de les tirer, fort, dans des directions opposées. Sa cigarette, coincée entre deux dents, embuait le visage du cadet avec une rare efficacité. Cet imbécile, cet idiot ! Il ne pouvait pas lui mentir, elle avait Psionic, et il le savait trèèèèèèèès bien mais, pourtant, il tentait le coup quand même ! L'horrible petit gremlin osait tout ma parole !

Igaki, Igaki, Igaki, quand est ce que tu allais brancher ton cerveau !

"C'est pas comme ça qu'on ment aux autres, enfin ! Un mensonge ça doit être simple, PLAUSIBLE, et ça doit jouer avec la réalité ! Tu ne peux pas te ramener ici et me sortir le truc le plus claqué du monde tout en trainant des possibles témoins dans tes merdes ! Comment tu crois que ça se passerait si je demandais confirmation au commissariat du coin ou, pire encore, si je me contentais de vérifier l'arrestation sur le héros-net, hein ? Espèce de génie, va !"

Le garçon tirait une tête tronche impayable, le barman n'en savait plus ou se mettre. Sarah relâcha quelques joues, éclata d'un rire extrêmement narquois, et colla une claque dans le dos du pangolin par bonne mesure. Coy était un bon garçon, mais il manquait cruellement de bon sens dans ses interactions sociales. Il était clairement capable de dire à n'importe qui d'aller se faire foutre si on lui donnait un ordre qui ne lui plaisait pas, mais la forme n'était pas au niveau du fond. Voilà ce qui se passait lorsque les gamins passaient de familles d’accueil en famille d'accueil : il manquait des trucs tout cons que personne n'avait pris le temps de leur montrer, tel que comment pondre un bon mensonge. Le cadet Igaki restait cependant quelqu'un d'exceptionnel. L'américaine l'aimait beaucoup : c'était une véritable bête de terrain et ses défauts plus léger s’estompaient de jour en jour. Il ferait un bon héros, même si il n'était clairement pas le genre de profil que Shiketsu pouvait former. Igaki était bien trop parangon pour refuser de se salir les mains. Si quelque chose le gênait il agissait, point. Il n'y avait pas de négociation.

Il ressemblait énormément à Monsieur Aegis sur ce point.  

"Je vous jure, y'a des baffes qui se perdent... Est ce que tu sais boire au moins espèce d'horrible petit mutant ? Bois, bois petit imbécile, allez."

Sarah fit un petit mouvement en direction du barman qui sortit immédiatement une bouteille de bourbon de son comptoir. Coy allait en avoir pour son temps libre.

"Sur une note un peu plus positive, est-ce que tu as une idée des grands "pourquoi" de cette soirée ?"

Bon il faut croire que je n'avais pas mis assez de points dans la compétence malice parce que ça n'est pas passer du tout.

"Idiot bête !"

En plus d'une insulte digne des plus grands bacs à sable, ce mensonge m'avait valu une bosse sur le crâne et une extension des joues. Sarah pouvait vraiment avoir l'air d'une grand... Hum Hum. Je vais éviter de penser à ça sous risque d'avoir mes douces joues percées par la seule force d'une "jeune" femme en colère... ou par un calibre 45, à voir.

Durant cette courte punition j'avais vraiment l'impression de retourner à des temps immémoriaux avec ma mère... Sauf que cette fois ma mère est alcoolique, fume beaucoup trop et on se trouve dans un bar miteux plein de hors-la-loi... Ma vie a vraiment pris un tournant. Mais bon en ce moment j'ai vraiment du mal à me rappeler cette époque, disons que ma situation actuelle deviendra rapidement la normale alors. Après un sermon digne des plus grands mythomanes elle me lâcha et commença à rire, elle avait dû faire attention à mon expression de mec irrité parce qu'elle me donna une de ces tapes viriles dans le dos pour me dire comme "T'inquiète gamin, c'est pas grave". Je soufflais la tension hors de mon corps en me frottant les joues avant de me remettre droit sur le siège les mains sur le comptoir.

"Je vous jure, y'a des baffes qui se perdent... Est ce que tu sais boire au moins espèce d'horrible petit mutant ? Bois, bois petit imbécile, allez."

"Bah justement j'ai demander du...

En un mouvement Sarah balaya, mes idées de White Lady. Et dire que j'avais commencé à apprendre à faire des cocktails à base de Gin pour qu'on me donne du bourbon... Je veux dire, je ne pouvais pas me plaindre, mais tous ces efforts pour rien ça devenait grisant ! Mais elle m'avait donné le défi de boire et je ne pouvais refuser, il y avait une condition par contre.

"J'veux bien boire, mais pas seul. Et puis comme ça ne serai pas fun de juste boire je te propose un truc. A chaque fois qu'un de ces mecs te mate je bois, je dis en pointant la table du mec de plus tôt, et toi..."

Je jetai un coup d'œil dans le bar pour trouver de quoi la faire boire autant si ce n'est plus que moi, parce que ces mecs semblaient vraiment l'apprécier. Deux secondes plus tard je trouvai CE GARS, il avait l'air d'un petit brigand de 30 balais. Il jouait au jeu du couteau, mais à chaque fois, lors du 3ème tour, il se plantait, puis il prenait 5 minutes pour se secouer la main de douleur et réévaluer ses choix de vie avant de recommencer. Parfait !

"Et toi tu bois à chaque fois que ce mec se plante ! Deal ?"

Juste avant que je puisse lui dire tout cela elle me posa la fameuse question. Ce pourquoi j'ai dû sacrifier mon sommeil.

"Sur une note un peu plus positive, est-ce que tu as une idée des grands "pourquoi" de cette soirée ?"

"Malheureusement je ne pense pas que ce soit pour ma belle petite bouille. Laisse moi deviner, un bar miteux, une bouteille de bourbon, tu veux que je boive... Mon Dieu c'est peut être pour ma belle bouille !"

Ceci étant dit, j'éclatai de rire, très vite je fis contact avec quelques regards de personnes se demandant surement pourquoi les démonstrations de joie étaient autorisé dans cet établissement. Avant de refaire face au bar j'aperçu le regard d'un des mecs de la fameuse table. Evidemment il n'était pas dirigé vers moi, alors en me retournant j'attrapai la bouteille, un shot et ni une ni deux...

"Kanpai !"

Coy était trop occupé à rigoler pour se rendre compte du fait que Mindfeel venait de retirer son gant. Elle rangea l'objet dans une des poches de son sweat, avala la moitié de son verre de bourbon, et laissa son bras gauche s'étendre autour des épaules de Coy dans une position plus que subjective. Ici c'était parfait, elle pouvait toucher sa peau sans aucune difficulté.

"Ne tente pas des choses que tu pourrais regretter avec ma personne Pangolin boy. Bois."

Le barman se contenta de lever un sourcil. La jeune femme ricana doucement avant d'activer Psionic. Ses pensées se dirigèrent immédiatement vers le cerveau de Coy, sans lui laisser le temps de respirer. Il avait l'habitude de toute façon. Ce n'était pas la première fois que l'américaine rentrait dans sa tête, et ce ne serait certainement pas la dernière. Tout ses collègues y avaient droit au moins une fois, le métier obligeant parfois à rester discret.

Lincoln ne faisait pas ce genre de chose pour le plaisir. Elle n'avait, en vérité, aucune envie de discuter de son exercice à voix haute. Elle n'aimait pas partager ce type d'informations en public. On ne savait jamais qui pouvait laisser trainer ces oreilles dans ce genre d'endroit.    

"Si tu veux comprendre pourquoi je t'ai amené dans ce trou il te suffit de regarder autour de toi. Ici, tout le monde est un enfoiré. Il y a des criminels, des vigilants, des mercenaires, des chômeurs, des drogués, des agents de l’État, des étudiants héroïques et, de temps en temps, des héros pro. En bref, c'est un endroit très intéressant pour le boulot. On va y jouer à un jeu, il n'est pas de moi je l'ai piqué à Snipe. Il s'appelle combien y'a t'il."

L'attention de la jeune femme fût soudainement attirée vers la table du fond, celle ou le fameux Gen avait retrouvé ses camarades. Sa frustration était absolument hilarante. Cet idiot s'était convaincu, et à raison, que la remarque de l'occidentale sur son amour des hommes plus jeunes était une blague. Restait que ce mouvement de main bien trop proche sur l'épaule de Coy venait de tout remettre en question. Il se demandait à quel point Mindfeel, héroïne de son état, s'était foutu de sa gueule et il n'aimait pas ça. Il n'aimait pas ça du tout. Le cambrioleur qu'il incarnait été habitué à la flambe. Il n'avait pas l'habitude qu'on lui dise non.

L'imbécile au couteau, de son coté, se replanta une lame dans la main. Sarah s'envoya une bonne rasade en conséquence.  

"Combien y'a t'il de caméras cachées dans le bar ? Ne t'arrêtes pas de boire, merci."

J'étais en train de me taper la meilleure barre de ma vie ! Juste le fait de penser que ma supérieure serait en crush sur moi, mon Dieu, surtout Mindfeel ! La psychopathe militaire aussi pâle qu'un vampire souffrant d'anémie, en kiffe sur une petite recrue rebelle ! Je n'en pouvais plus ! Il fallu que Lincoln commence à glisser son bras autour de mes épaules pour que mon expression change du tout au tout. Je n'avais pas arrêté de rire, au contraire, je riais surement plus, mais le ton n'était pas le même. Là où je riais de joie plus tôt, à ce moment on pouvait comparer mon rire à une gêne intense, un fou rire nerveux. J'avais un sourire crispé dessiner sur mon visage, des gouttes de sueur perlaient sur mon front et LA MAIN DE MINDFEEL ÉTAIT TOUJOURS LÀ ! Ma blague reflétait-elle alors la vérité ? M'avait-elle invité pour me bourrer la gueule et faire ce qu'elle voulait de mon corps inconscient ?! Je la savais folle, tarée et même "un peu bizarre sur les bords", mais quand même ! Attendez, mais elle venait de rire ? De quoi parlait elle, je n'avais pas suivi ! J'ALLAIS MOURIR !

Heureusement la mort n'avait pas l'air d'être au programme d'aujourd'hui, je compris cela quand j'entendis finalement sa voix. La voix de Lincoln résonnant dans ma tête. Ce n'était pas la première fois qu'elle s’immisçait dans mon crâne pour me parler en privé, à croire que la plupart des choses dont elle me faisait part ne devaient pas être connue du grand public. Cette fois-ci n'était pas une exception.

"Si tu veux comprendre pourquoi je t'ai amené dans ce trou il te suffit de regarder autour de toi. Ici, tout le monde est un enfoiré. Il y a des criminels, des vigilants, des mercenaires, des chômeurs, des drogués, des agents de l’État, des étudiants héroïques et, de temps en temps, des héros pro. En bref, c'est un endroit très intéressant pour le boulot. On va y jouer à un jeu, il n'est pas de moi je l'ai piqué à Snipe. Il s'appelle combien y'a t'il."

J'écoutais attentivement, en même temps je n'avais pas grand-chose d'autres à faire, mais là n'est pas le problème ! J'avais effacé toutes sortes de sourire de mon visage, en un coup de manche les gouttes de sueurs avaient disparues, j'étais entré en mode mission. Peut-être qu'elle voyait ça comme un jeu, mais pour moi c'était toute autre chose. Les jeux de Mindfeel étaient souvent tordus, sales et avaient des gages particulièrement chiants. Je ne jouais pas pour m'amuser, je jouais pour gagner, même si je me rendais bien compte que l'alcool que j'aurais ingéré d'ici le milieu du jeu me ferai changer d'avis. Peu importe le jeu, je devais gagner. Lincoln détourna le regard, finis son verre et me demanda alors...

"Combien y'a t'il de caméras cachées dans le bar ? Ne t'arrêtes pas de boire, merci."

Pas de temps à perdre me disais-je. Bien que j'étais heureux de savoir qu'elle avait accepté mon deal, j'avais des caméras à trouver. Je scrutais mon environnement, comme un aigle recherchant sa proie. Non seulement j'essayais de trouver les caméras, mais je faisais aussi attention à ma table perdante. En trente secondes je bus trois shots et trouvai trois caméras, enfin pensais-je.

"Derrière nous deux hommes discutent, l'un est un policier il doit surement avoir une caméra cachée, sinon il y en a pour sûr une entre ces deux bouteilles. Oh et peut être une dans la cravate du barman."

Je recherchais avec prudence le plus petit trou, la plus petite démarcation, mais après deux autres shots de bourbon, je me dis qu'il ne fallait pas toutes les trouvées. Il fallait donner un chiffre. Sachant que cet établissement était plutôt petit je n'allais pas au-dessus de dix. En oubliant le policier, il ne fallait surement que 4 ou 5 caméras pour couvrir la totalité de l'espace. Je n'avais pas la vu ni l'intuition parfaite, mais ma chance dépassait celle de n'importe qui.

"Donc je dirai qu'il y a 6 caméras éparpillées dans ce magnifique endroit."

Lors de mon dernier coup de regard je m'attardai sur l'homme qui se se trouvait à ma place il y a quelques minutes. Son regard était fixe et noir, plus le temps passait, plus j'avais l'impression de lui avoir volé quelque chose, mais quoi ?

"Et encore un autre ! Dis donc ceux là t'aiment bien !"

Si Coy était capable d'une chose c'était bien de se concentrer. Son problème, en vérité, c'était exactement ça. Il se concentrait trop souvent sur un objectif précis et, durant la réalisation de cet objectif, son cerveau avait une incroyable tendance à planter. Arrêter le criminel là bas ? Pas de problèmes. Coy allait se lever et, sans aucune pression, sprinter entre tout les malfrats de la zone pour plaquer sa cible au sol. C'était efficace, mais ça manquait clairement de stratégie. En bref le garçon était compétent au corps à corps mais, dans l'horrible monde du travail policier, on ne pouvait pas se contenter de frapper les autres. Parfois il fallait leur parler avant.

Sarah n'avait, en vérité, pas grands choses à apprendre à Coy sur le plan de la force brute. Il allait la dépasser sur ce terrain, et le plus tôt serait le mieux. Ce dont il avait besoin, pour le moment, c'était de tout le reste. Dialogues, enquêtes, interrogations, perceptions, planifications, économie, bref... Il avait besoin de tout ce qui faisait un bon héros en dehors de la capacité à fracasser des crânes. Sans ça le jeune homme ne deviendrait, au mieux, pas grand chose de plus qu'un vigilant sans véritable avenir.

Ce qui, au vu de son potentiel, serait une véritable honte.

"6 ? C'est un peu trop, mais c'est mieux d'assumer qu'il y en a plus que l'inverse. Avant que tu ne te poses la question, je ne t'ai pas demandé de chercher les micros parce que c'est impossible à gérer ici. Dans un endroit comme celui là assume toujours que les gens veulent t'enregistrer. Avoir cette méfiance là en quasi-permanence c'est la base de notre métier, même si les médias n'en parlent jamais. Ne fait jamais confiance aux inconnus. Ça t'éviteras des mauvaises surprises."

Sarah avait fait le tour des caméras au moment même ou elle était entrée dans cette pièce. Le policier en planque en avait une, le barman également depuis une certaine bagarre dans les années 2150. Le reste était des caméras fixes. Une entre deux bouteilles derrière le bar, une sur la lampe centrale, une au dessus de la porte des toilettes. Un journaliste un peu bizarre avait pointé le bout de son nez armé d'une caméra pas si caché que ça avant l'arrivé de Coy, mais la tendance qu'avait eu les clients à le dévisager sans rien dire l'avait convaincu du mal fondé de son opération. 6 c'était juste une de trop, et ce n'était pas délirant d'en assumer une de plus. C'était pas mal pour un cadet.

Connaissant Igaki et son coté tête brulé, la vidéo deviendrait vite l'une de ses pire ennemie.

"C'est parce qu'ils ne m'ont jamais croisés avant. Je suis quelqu'un de nouveau, je suis occidentale, j'ai pas l'air d'être très prude, donc évidemment ça les intéresse. Quelle bande de rat."

Lincoln, qui avait rechargé son verre en silence, dégagea lentement sa main du corps de Coy avant de s'envoyer une nouvelle rasade en silence. Son Alter lui permettait de garder un œil sur "monsieur couteau" sans même le regardait et, à ce stade, elle le soupçonnait fortement de posséder un Alter de régénération. En conséquence de quoi l'américaine buvait, mais elle buvait peu. Elle prenait de grandes gorgées qui, en vérité, ne rentrait pas complétement dans sa gorge. En bref elle bluffait, et elle espérait vraiment que le jeune homme s'en rendrait compte avant qu'il ne termine sur le sol. L'une des première règle de l'héroisme était que l'alcool pouvait être un outil pour paraitre badass, mais qu'il n'était certainement pas une fin en soit. On ne pouvait pas arrêter un suspect si l'on ne marchait pas droit.

"Igaki, sans compter les miennes, combien y'a t'il d'armes à feu dans ce bar ?"

Le barman, qui ne s'attendait pas à entendre une telle question, leva un léger sourcil tout en continuant à laver son verre.

"Oh. C'est un jeu intéressant ça."

Les shots s'enchaînaient de plus en plus vite et je ne démentais pas. À chaque regard que je pouvais apercevoir je buvais, sauf pour ce qui était du grand bonhomme de la table. Il était fixe et ne clignait que très peu, ça aurait été donc comme boire à l'infini et même si j'avais confiance en ma capacité à encaisser l'alcool, je ne pouvais pas faire long feu en buvant autant. En parlant de boire beaucoup, la bouteille de bourbon fondait a vu d'œil, le précieux liquide qu'elle contenait ayant été transvasé dans mon corps. Là où je commençais à sentir les effets, Mindfeel, elle, n'avait pas l'air de sentir grand chose comme à son habitude. Pourtant, elle se trouvait déjà dans le bar à mon arrivée, un verre la main. C'était donc cette femme L'ALCOOLIQUE ULTIME !?

Plaisanterie à part, j'attendais la solution du fameux jeu de Lincoln qui serait comme une confirmation de ma chance incroyable. Peut-être était-ce un deuxième alter dont je ne m'étais jamais rendu compte ? Ma vie changerai encore une fois du tout au to-

"6 ? C'est un peu trop, mais c'est mieux d'assumer qu'il y en a plus que l'inverse. Avant que tu ne te poses la question, je ne t'ai pas demandé de chercher les micros parce que c'est impossible à gérer ici. Dans un endroit comme celui là assume toujours que les gens veulent t'enregistrer. Avoir cette méfiance là en quasi-permanence c'est la base de notre métier, même si les médias n'en parlent jamais. Ne fait jamais confiance aux inconnus. Ça t'éviteras des mauvaises surprises."

Je me faisais peut-être un peu trop de films, ça je pouvais l'accorder. Mais c'était l'histoire de ma vie, toujours un peu trop au-dessus ou en dessous. Ce que je voulais dire c'était que, par exemple, si j'avais tenu un peu plus longtemps contre Oroshine, j'aurais peut-être remporté la finale, qui sait. À l'inverse, si je n'en avais pas trop fait lors de la prise d'otage, peut-être que je ne me trouverai pas ici, entouré de malfrats et de formes d'autorités discutables. En ayant toutes ces questions en tête je remplis un autre shot et le descendis aussi vite, effaçant toutes ces idées philosophiquement irritantes qui m'était venu jusque là. Suivant cette réponse Mindfeel me lâcha finalement l'épaule et je pouvais sentir que la tension du grand bonhomme commençait à s'atténuer, sans pour autant disparaître, le sentiment de jalousie devenait donc évident.

Je me retournai un moment pour faire face à mon poulain au couteau. Il continuait de se planter lamentablement et pour ça j'étais fier de lui. Même s'il semblait être enfin parvenu au-delà du troisième tour, j'avais confiance en son mélange inédit de loose et de détermination. Tellement que je faillis mettre un vent à ma supérieure.

"C'est parce qu'ils ne m'ont jamais croisés avant. Je suis quelqu'un de nouveau, je suis occidentale, j'ai pas l'air d'être très prude, donc évidemment ça les intéresse. Quelle bande de rat."

"Hein ? Euh ... Ouai ! Putain de clébards. Même un Gorille serait moins primitif qu'eux !"

Je jetai un rapide coup d'œil pour être sûr que personne ne m'ai entendu, sachant ce que Mindfeel venait de m'expliquer, j'aurais pu être traité de raciste Anti-Gorilles Mutants si un micro l'avait capté. Mais aucun signe ne montrait que quelqu'un ou quelque chose m'avait entendu. Peut-être que je pensais l'avoir dit plus fort que je ne l'avais vraiment dit. Quoi qu'il en soit, avant que Lincoln ne puisse continuer, un autre shot de bourbon se dirigea en direction de ma bouche, je n'avais même pas fait attention à la table et pourtant je savais, je sentais qu'ils la regardaient.

"Igaki, sans compter les miennes, combien y'a t'il d'armes à feu dans ce bar ?"

"Ça c'est une question piège ! Il y en a un sous le comptoir, un autre sur le policier, surement trois ou quatre dans la foule de malfrats et ..., je relevai mes manches et pliai mes bras de façons à faire ressortir mes musculeux muscles, ...ces deux là !"

Si le grand bonhomme n'était pas déjà assez jaloux comme ça, alors en voyant que j'étais en train de flex à côté du prix qu'il convoitait, ça ne pouvait que le faire fumer de rage ! Peut-être que cette soirée allait être un peu plus intéressante que prévu !
Je pris un autre verre et dit à Lincoln...

"Oh et ... Tout le monde a au moins un couteau."

"Il est intelligent le petit."

"Je pensais honnêtement qu'il oublierait celle en dessous du bar."

Si on prenait en compte les armes de Sarah, Coy en assumait une petite dizaine. Sage estimation. Le Japon était un pays plus que restrictif sur la possession d'armes à feu mais, ces derniers temps, il était de plus en plus facile de les glisser par la frontière. Moltar et d'autres le faisait depuis un bon moment, sans compter les vieux mafieux qui tenaient des stocks de guerre constitués depuis longtemps. On était en Asie. Les conflits entre États étaient nombreux et virulents. Vendre des vieux flingues à la population était un bon moyen de casser les couilles du gouvernement, et personne ne se privait de le faire.

Si Igaki comptait rester dans le métier il allait devoir assumer que la majorité des "vilains" lui sortiraient une arme sans prévenir, en particulier si il était seul et alcoolisé.

"Je n'aime pas trop la façon qu'à Gen de vous regarder."

Sarah grogna. Les coups d’œils de la bande d'imbécile s'étaient déplacés en dehors de son cul depuis quelques minutes. Peut être que Gen, dans son infini sagesse, venait de comprendre qu'elle était une héroïne. Peut être que ses potes le savaient depuis un moment, et que ça ne leur plaisait pas vraiment. Dans tout les cas ça devenait beaucoup moins libidineux, et beaucoup plus tactique. Ils la voyaient certainement comme un problème.

Ou peut-être que c'était Coy qui les foutaient dans le mal ? L'archipel était si petit parfois. Il avait énervé des gens dangereux avec l'affaire Snicket.

"Je suis calibrée. Coy, de son coté, possède des poings."

"Ce que j'essaye de dire Mindfeel, c'est que j'aimerai éviter les problèmes ce soir."

"Je te promet de ne pas commencer les hostilités dans ton bar."

La jeune femme se renvoya une gorgée et reporta son attention sur le pangolin. Il n'avait pas intérêt à tomber ivre mort. Elle serait incapable de ne pas le lancer dans l'eau froide, juste pour lui apprendre à se contrôler un peu plus.

"Coy, si tu voulais embêter Gen de la manière la plus légale possible sans coincer le reste du bar au milieu, comment est-ce-que tu t'y prendrais ?"

Bon, bon, bon là c'était sûr j'étais plus très frais. Les muscles flexed, cette sensation de légèreté m'ayant envahi, ce n'était pas la première fois et pourtant cette expérience semblait unique. Je posai mes bras sur le comptoir en essayant de rester concentré pour ne pas montrer que j'avais vraiment pris un coup. Mais bien sûr c'est lorsqu'on essayait d'avoir l'air sobre qu'on paraissait encore plus bourré, je fixai alors les bouteilles derrières le bar, je pensais qu'en me concentrant sur un point je recentrerai mes idées et paraîtrai plus ... normal. Voyant que la technique de la fixation ne fonctionnait pas, j'essayai d'écouter Mindfeel et le Barman, sans réussite, j'étais comme assourdis, alors que pourtant j'avais l'impression de ressentir encore plus ce qui m'entourait. Je sentais la froideur du verre dans lequel j'avais versé les dernières gouttes de bourbon, ce même bourbon qui avait gagné en goût au fil de la soirée, je ressentais toute sa force et ses arômes, mais quelque chose m'empêchait d'apprécier ces sensations.

Ce putain de gars me fixait plus que je ne pouvais le tolérer, plus que je ne l'avais fait pour les bouteilles ! Le plan jalousie avait l'air d'avoir marché parce que ce macaque ne pouvait pas me quitter des yeux, comment je le savais ? ET BAH JE LE REGARDAIS AUSSI PAR DIS ! Je détestais avoir la sensation d'être observé, alors je m'étais retourné pour voir qui m'assaillait de son regard perçant et, turns out, c'était lui. Je ne pensais pas à me cacher ou à faire semblant non plus, mon dos était tourné au bar et je faisais face au bonhomme. Je ne pouvais pas faire grand chose, car même bourré j'avais des principes, enfin, des obligations. Dans le genre "Faut pas frapper quelqu'un juste parce qu'il te regarde de travers.", heureusement Mindfeel existait.

"Coy, si tu voulais embêter Gen de la manière la plus légale possible sans coincer le reste du bar au milieu, comment est-ce-que tu t'y prendrais ?"

"Des fois tu me fait vraiment plaisir tu sais ça..., je bu mon dernier verre et rajoutai,... Je reviens."

Sur ces mots je me dirigeai vers la table du gros, Gen, quel nom de merde en passant ! Il avait quelques amis qu'il semblait tenir en respect, aucun ne le regardait directement et ils avaient tous une petite goutte de stress dégoulinant de leurs fronts. Arriver devant la table à côté de moi s'était levé un autre client, il était en train d'engueuler son ami, ce dernier se trouvant être le policier. Sa couverture était elle tombée ? Avait il dit quelque chose sur la femme du gars, qui sait ? En tout cas pas moi, j'avais seulement profité de la situation pour prendre la chaise sur laquelle il était précédemment assis pour m'asseoir à mon tour à la table de Gen. Je me posai de travers sur la chaise, mon regard toujours plongé dans celui de mon interlocuteur. Un bras sur le dossier, un autre sur la table je commençai la conversation.

"C'est 20 000 ¥ de l'heure pour elle, 50 000 ¥ pour nous deux, mais vu que t'es mignon j'te fait un prix."

Je dis ça le plus sérieusement possible, poker face, mais bien sûr ça ne dura pas. J'éclatai de rire 5 secondes plus tard, j'avais même failli péter la table en frappant dessus tellement je m'étais tapé une barre. Je ne faisais pas attention à mon entourage, mais je pouvais deviner que ma soudaine démonstration de joie n'allait pas passer inaperçue. Je n'en pouvais plus comme tout à l'heure, mais cette fois, sans que Mindfeel n'agisse, mon expression d'hilarité avait laissée place à un regard froid, les sourcils froncés et mon sourire effacé, je rajoutai.

"Non sérieusement, pour combien tu veux qu'on te pète le cul, si tu continu de nous fixer ce sera gratos."

Elle avait dit quoi Lincoln ? A part embêter Gen je n'avais rien retenu.

Igaki venait de se lever pour aller insulter Gen de face. Le jeune homme savait que les micros existaient, que la bande de la table 4 était certainement armée et que Mindfeel préférait les manipulations plus subtiles mais il n'en avait rien à faire. Il voulait du sang. Le barman était sans voix.

De toute les agences héroïques, Aegis était vraiment celle qui débauchait les professionnels les plus... particuliers ?

"Il est incroyablement..."

"N'est ce pas ?"

Sarah, qui n'avait rien à ajoute, se leva en soupirant avant de se diriger vers son cadet. Elle sentait le regard du bar entier sur son épaule mais, à ce stade, elle n'en avait plus grands choses à foutre. Coy était un cailloux : si on lui laissait la possibilité d'être direct il plongeait tête la première dans la flotte. Il avait dévoré le concept même de la subtilité à la naissance ce qui, 50% du temps, le faisait agir comme un con. En ce sens, il ressemblait un peu à ce que Lynx avait été avant que l'armée américaine ne lui mette des coups de pieds au cul. Il allait falloir que Coy prenne du QI si il voulait dépasser la trentaine. On ne survivait pas dans ce genre de métier si on agissait sans réfléchir.

Lincoln attrapa le blouson de son cadet sans un mot, juste à temps pour lui éviter de sortir une bravade qui ferait vraiment sortir Gen de ses gonds, et se dirigea vers la porte en sifflotant. C'était un défi très peu subtil, et les "hommes d'honneurs" attablés comme des mouches autour d'une bouteille de saké le comprenait très bien. Ils allaient suivre, ce n'était qu'une question de temps.  

"La modération c'est vraiment pas ton truc mon Pangolin. 40/100, pas plus."

La jeune femme ouvrit la porte d'entrée d'un coup de pied sec avant de lâcher son disciple d'un mouvement tout aussi rêche. Elle changea son chargeur, histoire de passer du calibre 45 à quelque chose de moins hostile, et se prépara à recevoir. Le mec à coté de Gen avait une arme à feu, elle en était certaine, ce qui lui donnait une justification plus que solide pour engager. Coy, de son coté, avait intérêt à se remettre les pendules à l’heure.

"Je ne sais pas ce qui te fait dire que l'alcool te donnes le droit d'agir sans réfléchir monsieur mon disciple mais je t'ordonne de brancher ton cerveau, maintenant. Les gens du coin ont des micros. Les gens du coin ont des armes à feu. Concentre toi, met ce que te chuchote l'alcool à la poubelle, et agit."

"Alors, on fuit avec son chiard ?"

Sarah n'eut même pas besoin de se retourner pour coller une balle en caoutchouc dans le ventre de Gen, qui s'effondra en grognant au moment même ou quatre de ses amis passaient la porte. Alters inconnus, aucun mutants. Voilà qui promettait.

Je n'eus pas le temps de finir ma phrase qu'une force colossale me tira hors de ma chaise. Malheureusement, pour moi, ce meuble semblait beaucoup m'aimer, car il n'arrivait pas à me lâcher, m'empêchant de suivre normalement la personne voulant me mettre à part. Je trébuchai plusieurs fois dessus avant de pouvoir suivre le rythme, mais une fois la chaise écartée je réussis à tenir debout, à peu près. Je me laissais entraîner avec une passivité déconcertante même pour moi, en général à peine la personne aurait commencé à tirer que j'aurais sortis les écailles. Ne pouvant faire grand chose je tournai la tête et découvris qu'il s'agissait de Mindfeel ! Plot twist, elle travaillait pour Gen ! Quel jeu de double agent magnifique !

D'un seul coup, Froid ! Un grand boum, le froid et le noir, mes sens, bien que semblant s'être amélioré, ne pouvait rien pour moi. Ma vision était trouble, je ne vis l'endroit où je me trouvais qu'après quelques secondes d'adaptations. Sachant que des secondes sobres n'était pas les mêmes que bourrés, j'avais l'impression de mettre une éternité à voir quelque chose. Je me trouvais alors dans la ruelle du bar, enfin, je pensais. Mindfeel se trouvait devant moi en train de charger et de par son expression je savais que j'avais fait une connerie. Il ne fallait pas avoir la science infuse pour savoir quand Lincoln vous en voulait, non non non, ça se voyait très bien.

"Je ne sais pas ce qui te fait dire que l'alcool te donnes le droit d'agir sans réfléchir monsieur mon disciple mais je t'ordonne de brancher ton cerveau, maintenant. Les gens du coin ont des micros. Les gens du coin ont des armes à feu. Concentre toi, met ce que te chuchote l'alcool à la poubelle, et agit."

Bizarrement j'avais compris tout ce qu'elle m'avait dit cette fois-ci ! Plot twist ! C'était donc une agent triple, damn. J'avais tellement bien écouté que je suivi les ordres à la lettre, ou plutôt à la baguette. Tout d'abord je me mis droit debout pour la saluer, suivant ses directives je déplaçai la main droite se trouvant en face de mon front, sur le côté de ma tête et fis mine d'allumer un interrupteur. Mon cerveau ainsi enclencher je me secouai un peu et enfin mimai la fermeture à clé de ma bouche, en n'oubliant pas de jeter la clé bien sûr.

Ainsi les micros ne m'entendrai pas et, elle, serait satisfaite. Peu après mon magnifique numéro de mime, les connards de plus tôt surgirent par la porte. Mindfeel dans sa toute puissance en mis un à terre direct ! Gen, le gros avec un problème de fixation. J'étais impressionné, à peine avait il ouvert la bouche qu'il était au sol ! Incroyable, c'était donc à mon tour ! Il en restait quatre j'avais alors le choix, mais avant de foncer sans réfléchir, je pris la décision d'y aller méthodiquement. Si Lincoln était à ma place que ferait elle ? Et bien elle shooterait un mec comme elle venait de le faire, mais ... Mais justement ! Mindfeel; Gun; Gun; Mort; Mort; Pas bien ! Il fallait que je m'occupe du gun en premier !

Une petite observation plus tard, je découvris que l'un d'entre eux était soit très content de nous voir, soit avait une arme ! Je me jetai sans hésiter sur lui, profitant de la surprise qu'avait installé ma patronne. J'étais juste en train de lui mettre un de ces pieds dans la gueule quand ... Ouch. Des cheveux qui se durcissent ? Sérieusement ? Mon tibia souffrait, mais la douleur n'était que moindre grâce à l'alcool, mon équilibre n'était donc pas perdu et je passai sur mon autre pied pour lui mettre dans le genou et ainsi le plier et BAM ! Un poing dans la gueule d'une cible à genou et c'était plié !

Je regardais du côté de Mindfeel pour lui dire qu'il était neutralisé, mais mes lèvres étaient scellés, je cherchais la clé d'un coup d’œil dans les alentours, sans grands succès.

"Mmhh Mh ! MhMhMh MhMmh."