La négociation pour les nuls [PV Mei]

Dire que j'étais dans une impasse aurait été un euphémisme. Deux évènements importants. Un seul moment. Contrairement à beaucoup de gens, me dédoubler était réellement une option, mais malheureusement pas envisageable en ce moment. Des gens trop près de moi étaient impliqués et remarqueraient sans aucun doute la supercherie. La division que je devrais faire pour passer inaperçu ferait du mini-moi un être trop petit pour accomplir ses tâches…

D’un coté, le concert de fin d’année de mon fils, Ren, qui jouait du triangle dans l’orchestre de son école. Oui oui, du triangle. Un évènement que je ne pouvais pas manquer sous peine de risquer la peine de mort et la perte de respect de toute ma famille pour une période indéterminé.

De l’autre coté, un rassemblement politique pacifique organisé par Koku Hanabata, un politicien dont la cote de popularité était en augmentation constante depuis quelques temps et qui m’avait personnellement contacter afin que je puisse garder en observation deux de ses proches partisans, qu’il soupçonnait de tremper dans des trucs pas net.

En gros, deux choses que je ne pouvais pas, pour tout l’or du monde, rater.

Je m’étais donc mis à la recherche de quelqu’un. Une personne de confiance, à qui je pourrais sous traiter l’un des deux contrats et l’envoyer voir le concert de mon fils faire de l’observation au rassemblement.

J’avais trouvé ma première piste tout simplement en feuilletant le journal. L’une des photos m’avait accroché l’oeil et en observant les crédits, j’avais pu voir qu’il s’agissait d’une photographe freelance qui avait prit le cliché. C’était super, les freelances étaient habituellement toujours prêt à tout pour faire un peu d’argent et cette personne, cette “Mei Konu”, avait un réel talent.

J’avais donc fait mes recherches, tel le détective que je suis et j’avais finalement réussi à entrer en contact avec elle, l’invitant à me rencontrer dans les locaux de mon agence afin que nous puissions discuter des termes d’un éventuel contrat. Je l’attendais donc, café à la main, impatient de rencontrer la personne qui serait peut-être un ou une futur collaborateur/trice important...

" ♪ Détective privé… Détective privé... ♫"

Mei marchait sur l’air. Sur le trottoir, aussi, mais son pas bondissant la faisait, en toute honnêteté, passer moins de temps par terre que dans les cieux.

Aujourd’hui, Mei rencontrait un détective. Un vrai. Mei adorait les détectives. Elle trouvait la profession fascinante, et s’était souvent dit qu’elle aurait choisi cette voie, si elle n’arrivait pas à s’en sortir dans le monde de la photographie. Mais, dans un tour du destin des plus appréciables, aujourd’hui, un détective était venu vers elle, la photographe. Juzo lui avait transmis la requête du bonhomme. Il s’agissait de prendre des photos, forcément. Les détails seraient à voir une fois en face-à-face, de même que le paiement.

À force de sautiller, elle finit par arriver devant l’agence. Elle était venue avec son appareil, bien sûr, qui pendouillait autour de son cou. Elle frappa à la porte, non sans avoir fait un effort pour se calmer un peu avant, et entra. Elle salua le maigrichon derrière le bureau avec un grand sourire et un ample mouvement de la main.

"Bonjour bonjour ! Vous avez demandé mes services, alors me voilà !"

Pétillante comme d’habitude, peut-être encore plus excitée que normalement. Elle parlait avec sa "jolie voix", à l’accent et au vocabulaire aussi contenus que possible. Elle devait convaincre ce nouveau client, après tout, pas question de passer pour une pécore du Kansai (ce qu’elle était un peu). Quand bien même elle était jeune, elle comptait agir de façon aussi pro que possible, aujourd’hui.

Assis à mon bureau, je regardai anxieusement la porte s'ouvrir, me disant qu'avec le temps que j'avais devant moi, j'espérais fortement être tomber sur la bonne du premier coup. D'avoir trouver la perle rare. Mais ce que je vis fut sans aucune doute ma plus grande surprise de la journée.

Mais c'est qu'elle était jeune la petite dame. Beaucoup plus jeune que ce dont à quoi je m'attendais. Pendant un instant, je me posa la question de si le journal en question qui avait publié ses photos l'avait déjà rencontrer en personne, la fameuse "Mei Konu"... Mon instinct me disait que probablement que oui, mais que pour avoir la photo parfaite, tout bon éditeur en chef était prêt à marcher sur ses principes.

Mais moi j'étais un détective privé ex-flic. Est-ce que je pouvais vraiment me permettre d'employer une mineur pour faire ce genre de boulot ? C'était pas "illégale" de faire travailler des ados, c'était pas le problème, mais c'était plutôt que c'était un boulot qui pouvait s'avérer dangereux et si je causais du tord à un gamine, je m'en voudrais toujours... Qui sait ce dans quoi trempait les partisans d'Hanabata...

Mais bon, je l'avais fait venir, ça coutait rien de discuter un peu... Je la laisserais aller poliment, puis je continuerais mes recherches.

- Bonjour mademoiselle Konu ! Vous pouvez vous installer, on va discuter un peu ! Je veux voir si vous êtes celle qu'il me faut pour le boulot ! Vous voulez un caf... Un jus de pomme peut-être ?

Je devais en avoir encore quelques uns de la dernière visite de Ren au bureau. J'essayais toujours d'en garder un peu... Allez, on allait parler un peu et je trouverais bien un prétexte pour ne pas conclure l'affaire ! Allez Tantei, pas de temps à perdre !

Je me dirigeai vers le réfrégirateur coincé dans un coin et l'ouvrit pour tomber sur ma seconde plus grande surprise de la journée.

- Oh ! J'ai même du jus de raisin ! Lequel vous préférez?

Mei ne se fit pas prier, et s’assit avec entrain sur la chaise devant le bureau. Elle regardait dans tous les coins, visiblement ravie d’être ici. Il voulait la tester ? Il allait en avoir pour son argent. La petite photographe commença à manipuler son lourd appareil. Peut-être allait-il demander à voir d’autres exemples de son travail.

Sans lever le nez de son engin, elle répondit à la question du pro. Des jus de fruit ? Très peu pour elle. Elle espérait que monsieur Tantei ne la prenait pas pour une gamine. Certes, elle était terriblement jeune. Mais elle était également terriblement compétente, et ne se ferait pas traiter avec condescendance.

"Un café ce sera très bien. Sans sucres, s’il-vous-plaît !"

Elle arrêta finalement de tripoter son appareil (elle avait mis de côté quelques jolies photos) et releva la tête vers le détective. Elle était souriante, comme toujours. Malgré son excitation, elle faisait un effort pour contenir son accent du mieux qu’elle le pouvait. Une tâche assez herculéenne.

"Du coup, vous avez besoin de moi pourquoi ? Oh, vous voulez peut-être me faire passer un test, avant ? Vous savez, je me suis souvent dit que j’aimerais bien devenir détective, si j’arrivais pas à m’en sortir dans la photo. Mais j’m’en sors assez bien dans la photo en fait. Du coup je deviens pas détective, mais j’admire beaucoup votre métier ! Je suis ravie qu’vous m’ayez demandée."

Elle était partie, et ne risquait pas de s’arrêter de sitôt, du moins, tant qu’elle n’aurait pas un café devant elle. Après tout, même elle ne parlait pas en même temps de boire.

Elle était très... Enthousiaste, c'était le moins que l'on puisse dire. Et elle voulait un café. Soit. Je ferma la porte de réfrigérateur puis m'approchai de la cafetière encore chaude, sorti une tasse et y coula le breuvage chaud. Comme elle avait précisé sans sucre, j'attrapa seulement quelques petits contenant de lait, que je gardais pour les visiteurs et lui apporta tout ça sur le bureau. Je déposa la tasse et le lait devant elle avant de m'asseoir à mon tour de mon coté du meuble.

Je... Je n'osais plus la rejeter. Elle semblait tellement motiver que je me sentais entraîner avec elle dans son élan. Bon, ça nous coutait rien de donner les explications de bases. Vu le contexte, peut-être que la politique, ça l'ennuierait en plus et qu'elle se désisterait d'elle même !

- Je n'ai pas prévu aucun test, non. J'ai un peu épluché les journaux pour voir tes photos, c'est de la bonne qualité, bravo ! Tu as suivi des cours, ou c'est tout naturel?

Elle parlait beaucoup et c'était parfait comme ça. Je voulais en savoir plus sur elle et pour cela, je devais lui poser les bonnes questions. Ou pas, puisqu'elle semblait prête à me donner tout plein de détail sans même que j'ai à la solliciter de le faire. Ma dernière question avait un but très précis par contre. Si je craquais et décidait de lui offrir le contrat, déjà que je n'étais pas chaud à l'idée de lui offrir un salaire vu son âge... Si en plus elle n'avait pas de formation...

Je pris une gorgée de mon propre café, que je buvais noir, bien entendu et comme toute personne saine d'esprit, puis repris la parole.

- Le contrat en lui même n'a rien de compliqué. Observé un ralliement politique, plus particulièrement les proches de l'organisateur, Koku Hanabata, du parti Heartseeker. Prendre des photos de loin, ne pas se faire remarquer... Distribuer certains tracts pour passer inaperçu... Un truc simple !

Un truc simple, mais qui un peu ennuyant. Pas de filature excitante en vue ici, juste de l'observation de surface. Peut-être qu'elle serait découragé par cette perspective qui sait?

Mei sourit poliment et remercia Tantei d'un geste de la tête en voyant le café être posé devant elle. Elle ne comprenait pas la présence des capsules de lait, néanmoins. Non pas qu’elle se sentait infantilisée. Elle ne comprenait pas, tout simplement parce que l’idée de mettre du lait dans du café ne lui était jamais vraiment venue, toute livrée à elle-Meime qu’elle était. Et en voyant que le détective lui-même n’utilisait pas le lait, elle se dit qu’il s’agissait là d’un rituel tokyoïte curieux, et qu’elle verrait bien ce qu’il en ferait. Peut-être était-ce pour se rafraîchir après le café ? Ou peut-être était-il chrétien ? Elle-même plutôt shintoïste et bouddhiste, plus proche des religions historiques du pays, elle ne connaissait pas grand-chose des rites étrangers, même ceux adoptés au Japon.

Il la complimentait, au moins. C'était toujours ça de pris. Sans se départir de son sourire, elle répondit à sa question.

"J’ai appris sur le tas. J’ai gagné quelques concours, mais les écoles de photo… C’est pas vraiment pour moi."

Il aurait été plus juste de dire que l’école, de façon générale, ce n’était pas fait pour elle… Mais bref, pas de test en vue, et l’intitulé de la mission venait d’être donné. Mei se saisit de sa tasse de café et en engloutit deux gorgées (vu que le détective le faisait, c’est que la température était acceptable, se disait-elle) avant de répondre.

"Intéressant, on entend pas mal parler d’Heartseeker en ce moment, la Shuiesha a fait un article sur eux l’aut’ jour."

Elle privilégiait Juzo, mais lisait toute la presse, en réalité. Bon, elle n’appréciait pas particulièrement ce que publiait la Shuiesha, souvent un peu trop sensationnaliste à son goût… Mais ils parlaient de sujets que personne d’autre n’abordait. Éteignant son appareil photo, le test n’aurait pas lieu, Mei sortit à la place un calepin et un stylo, et se mit à griffonner.

"Vous avez des cibles particulières ? Des propos que vous voulez que je relève ? Ou vous tirez dans l’tas ?"

Mei était capable de parler relativement bien, quand elle se concentrait, mais de temps en temps, le naturel revenait, et quelques déformations lexicales passaient entre les mailles du filet.

Plus ça avançait, plus la jeune dame m'intriguait, je devais l'avouer. Elle était bien informé, relativement professionnelle (pour son âge) et, surtout, elle buvait son café noir. Voyant qu'elle n'utilisait pas le lait, j'en profitai du fait qu'elle me posait ses questions pour me lever et retourner les capsules au réfrigérateur, question de pouvoir les offrir au prochain invité que j'accueillerais ici.

Je l'écoutais toujours un oreille, attentif à ses propos. Pas de formation professionnelle, mais de bonnes connaissances à base d'expérience... Bien sûr qu'elle n'avait pas suivi de cours. Si elle avait suivi des cours, elle y serait toujours en ce moment même. Le visage caché par la porte du frigo, je fermai les yeux un instant. Bon, elle était vraiment motivé, je pouvais pas seulement l'envoyé bouler comme ça. Elle ferait bien l'affaire, pour une fois.

Mais elle aurait certainement pas le cachet du siècle, elle avait à peine 15 ans sacrebleu !

Alors que je revenais vers le bureau, elle me demandait des précisions sur l'assignation.

- Il y a bien une cible "prioritaire", soit...

J'ouvris la fiche qui se trouvait sur le bureau devant moi et en sorti la photo d'un homme aux cheveux blonds et au visage parfaitement banal, qui mangeait un sandwich. Je la posa devant la jeune dame.

- Cet homme. Leon Koshino. Depuis le début de la campagne, il est l'un des conseillers proches d'Hanabata, mais celui-ci commence à avoir des doutes sur ses véritables motivations...

Je sortis de la fiche plusieurs autres photos dont une du politicien lui-même. Sept photos au total, incluant la première

- Ça ce sont tous ceux qui devrait graviter autour d'Hanabata. Il ne faut pas que ça paraisse que Koshino est la cible, ils doivent tous recevoir autant d'attention... Après tout, si les soupçons se portent particulièrement sur monsieur sandwich, les autres ne sont pas automatiquement fiable de tout façon...

Je pris le paquet de clope sur mon bureau, en sorti une et l'alluma. Je fis bien attention de ne pas recracher la fumée en direction de mon interlocutrice, visant plutôt à ma gauche.

- Des questions?

Elle prit la première photo et fit l’effort de la garder en mémoire avant de la photographier elle-même. Assez banal, le bonhomme, mais ses cheveux étaient assez distinctifs. Les six autres… Elle connaissait Hanabata, les autres étaient de parfaits inconnus, mais elle se devait d’apprendre leurs faciès par cœur. Fort heureusement, elle était assez physionomiste.

Monsieur Tantei était décidément très malin. Elle n’y aurait jamais pensé, à l’idée des leurres. C’était à ça qu’on reconnaissait les pros… Et un jour, elle aussi, serait une pro, qui éblouira les badauds avec des simples réflexes communs du métier. Elle sourit, reprit du café et se gratta le bout du nez avant de reprendre la parole.

"Ok, je saisis le tout. Mission d’observation, garder un œil sur le blond, pas oublier les autres, j’suppose que l’client c’est Hanaba- Monsieur Hanabata, et… Je pense que ça va être bon ! Pas d’questions, monsieur Tantei."

Elle sourit jusqu’aux oreilles. Pas de questions mais…

"Du coup il serait temps de parler de mes honoraires et de mon contrat ? Je débute hein donc je suis pas très coûteuse pour l’instant, vous avez de la chance ! Attendez j’ai..."

Elle sortit son téléphone portable et, avec une facilité toute relative, afficha une capture d’écran. Une suite de dates, numéros et description de photos.

"Voilà, c’est ce qu’ils me donnent à Juzo pour une photo. Bon bien sûr je vais pas vous demander à être payée à la photo, ça aurait pas d’sens, mais on pourrait se baser là-dessus non ?"

Mei ne réalisait pas forcément qu’un détective privé n’avait pas les mêmes moyens qu’une société d’édition et d’information nationale. Et elle ne réalisait certainement pas à quel point Juzo étaient généreux dans leurs piges photographiques.

Par contre elle s’attendait à ce que Arata Tantei n’essaie pas de l’arnaquer...

Voilà qu'il était sur le tapis. Le sujet tabou. Celui dont on ne devait (idéalement) pas parler, mais qui était inévitable dans ce genre de rencontre. Les honoraires. Comme on vivait dans une société capitaliste, on ne pouvait certainement pas faire abstraction de ce concept. Et c'était bien, si on exceptait le fait que... Eh bien...

J'étais fauché.

Enfin, pas moi, Arata Tantei. Personnellement, j'avais des bonnes économies et notre ménage s'en sortait assez bien, Emi faisant un salaire très correcte. Mais la compagnie, l'agence. "Mr Détective Inc.", elle, n'allait pas très bien financièrement. On dit que le crime ne paie pas, mais il faut savoir que le combattre (illégalement) ne paie pas non plus. J'avais donc un budget très serré quand venait le temps de payer les pigistes, et la feuille d'honoraire que me présentait la jeune fille avait certainement une erreur. Ou sept. Déjà, la virgule n'aurait-elle pas du être un peu plus à gauche...

Hum, bon.

- On ne parle pas vraiment du même genre de photo que celle prise pour un grand média... Nos euh... Échelles de prix ne sont bien sûr pas vraiment les mêmes c'est donc... Dur de se baser là dessus...

Comment lui annoncer que ce qu'elle me demandait était beaucoup plus que le salaire que je me versais moi-même.

- Bien sûr, il y a une compensation financière de prévu, mais... Oh ! Je paie les repas pendant la journée du ralliement je vous l'avais dit?

Comment changer de sujet ? Elle attendait des réponses. Une offre. Quelque chose. Les chiffres m'avait intimidé, je ne savais pas quoi lui répondre.

- J'ai aussi beaucoup de coupon rabais pour les épiceries du quartier...

Le grand sourire de Mei se fit un peu moins enthousiaste à mesure que le détective privé parlait. Elle avait un doute. Une intuition. Une suspicion, même, qui devenait une crainte, petit à petit.

Est-ce qu’elle était en train de se faire emboucaner ? Mei détestait se faire emboucaner. Elle qui faisait de son mieux pour ne pas nuire à qui que ce soit, elle trouvait assez peu fair-play que d’autres tentent de le faire. La jeune photographe avait pourtant contenu son accent et bien parlé, de sorte à ne pas passer pour une simple d’esprit ! Est-ce que son jeune âge justifiait un tel traitement ? Ou bien… Est-ce que monsieur Tantei était tout simplement un gros rastègue à la con de ses morts ?

Elle prit quelques secondes, sourire figé, pour ne pas entrer en éruption et ne pas noyer le détective sous une avalanche d’argot et de mots empreints de son plus bel accent.

"Monsieur Tantei..."

Calme, la Kurikuriku. Elle prit une gorgée de café.

"Je suis là pour vous offrir des services de presque pro. J’ai pas de diplôme, mais on m’a appris à reconnaître la valeur de mon travail. Et franchement… J’apporterais mes sandwichs moi-même, pas besoing de me payer le repas."

Si il insistait encore à vouloir la payer en coupons-repas… Ou pire, en visibilité... Elle ne répondrait probablement plus de rien.

Merde, elle avait pris un air sérieux. Je détestais quand les gens prenait un air sérieux. Surtout dans le cadre de "négociation". Ça me faisait perdre mon sang froid. Ren savait très bien que quand il voulait plus de bonbons avec moi, il n'avait qu'à le demander sérieusement, je craquais à chaque fois.

Mais là, il n'était pas question de carie, il était question d'argent. Et, au-delà d'être radin, j'étais surtout fauché, je ne pouvais donc pas me laisser marcher sur les pieds. Je pris donc aussi un air le plus sérieux possible, j'appuyai mes coudes sur le bureau et croisai les mains devant mon visage, laissant apparaitre seulement mes yeux. Je la fixai pendant quelques instants, avant de soupirer, abandonner ma pose et mettre mes mains à plat sur le bureau.

- Écoutez, Mlle Konu... Sauf votre respect, je crois que vous vous emportez un peu pour rien ici... C'est important de comparer des pommes avec des pommes et des oranges avec des oranges... Vous m'apportez vos honoraires chez l'une des plus grandes maisons d'édition japonaise... Versus mon petit bureau de détective qui travail pour le bien du peuple...

Oh, je venais de me donner une idée moi là. Elle avait bien dit elle voulait peut-être devenir détective non? Alors, c'était le temps pour la première leçon.

- Ça me déçoit un peu, d'ailleurs, venant d'une personne ayant l'investigation comme ambition... Vous voyez, la base du métier de détective, c'est pas le gain monétaire, c'est secondaire tout ça! L'attrait primaire, c'est le soucis du travail bien fait, d'avoir aider quelqu'un ! De rendre service !

Bon, maintenant, la crème afin de l'amadouer un peu...

- Je peux bien vous offrir une partie du cachet promit par monsieur Hanabata, ça me semble bien normal... Disons... 20%. Sachez que ma part ne me revient pas directement non plus, elle est réinvesti dans l'entreprise, afin que nous soyons en mesure de nouveau aider notre prochain plus tard... C'est la base, pour être un bon détective.

AKA acheter du café, du jus de pomme et euh... Payer mon salaire, quoi.

Elle n’y tenait plus. La proposition du détective la fit exploser de surprise et de choc.

"VEINGT POURSANGTS ?"

Pas calme, la Kurikuriku. Elle s’était redressée d’un coup. Elle ouvrit la bouche, et c’est tout le Kansai qui en sortit, d’un coup.

"Ouvé bieng vos esgourdes m’sieur le narreux esquinchole. Mei c’pas une radasse. J’vieng pas pour charrer ou qué, j’suis là pour qué j’sache à quoi m’eng t’nir pour vot’ mission. Ma grille de paie, elle est là pour s’faire une idée, j’ai dégun dit qué fallait s’y coller à fong. C’est d’la négoce, ent’ grand’ personnes, et j’trouve ça gonflé qué eung grand gaillard dans vot’ genre avec v’la la bouteille s’mette à cluisser com’ eing minot, surtout qu’aux dernières nouvelles, j’irais m’casser la margoulette seul’ sur l’terrain pendangt qué vous faites Dieu-sait-qué. Et tengter de me mener où qu’vous voulez avec l’argumeng qué cé une nobl’ cause ou d’aut’ fadaises, j’trouv’ qu’cé bieng salaud d’vot’ part. C’qué vous savez bieng c’est que les bonnes intentions beh ça met pas des croutons dans la bouille. La moind’ des choses si z’avez des oursing dans les poches, c’est d’pas faire commeuh que si vous cherchiez d’l’aide payée. Après c’est p’t’êt pace que je suis une gadji ou une jeune qué vous vous permettez ça, té, mais j’vais pas vous fair’ d’procès d’intention, comme on dit. Juste vous assurer qué les alibófi j’les ai dans l’cœur quang bieng même j’en ai dégun dans les brailles, et qué j’vais pas me laisser emboucaner comme ça sans rieng dire !"

Après une seconde de flottement, Mei se rassit, docilement. Son accent était encore de sortie, toutefois, signe qu'elle n'était pas tout à fait calme.

"Cingquante poursangts. Et je paie ma tambouille. À prend’ ou à laisser."

Si elle acceptait de souffrir d’un tel manque d’éthique, si jeune, alors elle ne ferait que se rendre encore plus vulnérable à l’avenir. C’était important, crucial même, qu’elle se fasse respecter pour son travail, à son âge.

Traduction du speech de Mei: