[Jour 2] T'es une vraie héroïne? - PV Sophia

T'es une vraie héroïne?

Ft : Sophia Axelsson

J’avais eu une matinée plutôt chargée. Lecture, piscine, lecture, sieste, lecture… Un emploi du temps digne d’un homme d'affaires! Mes plans pour l’aprem? Dormir sur une chaise longue, peut être gratter un peu sur mon cavaquinho histoire de déranger la si précieuse paix des croisiéristes et éventuellement... regarder les nuages, si j’avais de l’énergie à revendre.


Pardon, la quoi?  J’avais à peine jeté mon bouquin sur le merveilleux transat qui me tendait les bras que la lourde main de Bosco s’était posée sur mon épaule. Je peux comprendre son désir de vouloir rattraper dix ans de paternité en une semaine, c’est louable! En revanche, j'avais bien envie de lui recracher toute la bile accumulée au long de ces mêmes dix années sans père.


Ouais, bon, j’ai pas dis que ce serait aujourd’hui par contre…


C’est comme ça que je me retrouvais à coller une tétra chiée de patchs bizarres un peu partout sur mon corps. J’avais bien demandé à quoi ils servaient, ce à quoi on m’avait répondu quelque chose du genre “favoriser l’immersion”, très bien. Y’avait pas intérêt à ce que ces trucs me fassent mal, j’avais pas du tout la tête à ça.

Le sommeil n’aidant pas, il m’avait fallu un temps considérable pour enfiler tout le tralala et sortir des vestiaires, tout ça pour retrouver Bosco exactement là où je l’avais laissé.


Pourquoi il était pas couvert de capteur? J’étais juste trop crevé pour relever son trait de… de lui… et me contentais de suivre le membre du personnel. Ce dernier m'emmena dans une énorme salle vide avant de m’annoncer que la simulation allait commencer sans plus attendre.

…

Les patches chelou font mal. C’est tout ce que j’ai à dire.

...

Après un temps qui me sembla infini à me prendre des hologrammes dans la tronche, le paysage citadin post désastre laissa place à la même salle vide. Une voix féminine s’échappa du haut-parleur afin d'indiquer qu’un nouveau participant allait rejoindre la simulation, j’espérais vraiment que ce soit mon père. Juste histoire de me sentir moins seul face à mon humiliation.

T'es une vraie héroïne?

Ft : Sophia Axelsson

Cheveux blancs, peau claire, formes féminines, les seules choses que cette personne semblait avoir en commun avec mon père étaient ses yeux bleus et s'attendre à ce que l’on la connaissait juste parce qu’elle était une héroïne. Sachez chère White Muse que je suis capable de nommer dix pros grand max et vous n’en faisiez malheureusement pas partie.


Savoir me défendre? Aïe, question un peu sensible… En soit j’avais réussi à esquiver quelques attaques mais de là à dire que je me défendais… c’était chaud, clairement.


La salle devint totalement obscure avant de prendre l’apparence d’une grande boutique haut de plafond. Des plaques de néons éclairaient des allées où des chaussures de toutes tailles et toutes formes étaient exposées.


Derrière nous se trouvait la porte qui menait vraisemblablement vers une rue commerçante, de nombreux passants fictifs s’étaient arrêtés devant les grandes baies vitrées et nous observaient, les yeux pleins d’étoiles, comme si nous étions des célébrités.


J’avais aucune idée de qui était cette White Muse mais on m’avait enseigné que le travail d’équipe était une caractéristique essentielle d’un bon héros.

Je m’apprêtais à me proposer d'explorer les rayons lorsqu’un homme en combinaison de latex couleur camouflage apparut à l’autre bout de l’allée, un sac en toile sur l’épaule et une cagoule de dauphin sur la tête.


C’était probablement une blague… J’avais pas réussi à marquer un seul point à la partie antérieure, le temps de comprendre la situation, les assauts de mes adversaires m’avaient complètement dépassés. Cette fois-ci on avait droit à une complète présentation du scénario… j’avais dû débloquer le niveau développé pour les quatre / huit ans.

Un peu irrité par ce manque de sérieux, j’avais fait un bond vers ma cible avant de me rétamer face contre terre. Le sol était soudainement devenu… ultra glissant. Je me relevais tout aussi vite, usant de mon alter pour m’encrer sur le carrelage avant de me tourner vers l’héroïne.

T'es une vraie héroïne?

Ft : Sophia Axelsson

Je sais que c’est une simulation, mais ça faisait pas très héroïque tout ça. “je m'occupe de surveiller tes arrières”, mais quels arrières? Ya que un homme-dauphin-savon je sais pas quoi qui traine dans la boutique! Bah, le gars avait déjà quitté mon champ de vision, mieux valait pas que je le laisse s’approcher de la sortie parce que, à moins que mademoiselle ait un alter de capture super efficace, ce qui était peu probable, il risquait de lui fuir entre les doigts.

Le sol était aussi glissant que celui du gymnase que j’avais dû laver le mois dernier, mais je pouvais utiliser ça à mon avantage. J’aurais jamais envisagé que faire le con sur une surface savonneuse puisse un jour m’être d’une quelconque utilité, mais bon. Là vem eu!

A peine je détachai mes pieds du sol que je manquai de me manger le parquet. Il fallait que je fasse preuve d’une bonne coordination pour pouvoir marcher et activer mes capacités au bon moment. Contrairement au gymnase où j’avais une source d’eau à ma disposition, dans cette simulation je n’avais que la sueur de mes pieds pour pouvoir utiliser mes capacités. Une erreur de timing et paf! J’évaporais la fine couche d’eau et s’en était fini de moi.

Un pied collé au sol, je tends la jambe, je mets le poids sur l’autre pied, et BAM!! je décolle. Je réitère l’opération et me voilà en train de patiner en direction du coin où le dauphin se tenait quelques secondes plus tôt.

Elle allait voir de quel bois je me chauffe la White Muse!!

Pas à droite, pas à gauche…


C’est un effet doppler ça? Putain, le mec…  enfin… L’hologramme... se payait vraiment ma tête!! D’un bond je quittai le sol pour me réfugier sur les étagères que j'escaladai sans difficulté. Elles semblaient pouvoir tenir mon poids et n'étaient pas affectées par l’alter du mammifère marin.


A peine je m’étais redressé sur mon perchoir que mes yeux croisèrent celui de ma cible. Il se trouvait à deux rangées de moi et, après un sursaut théâtral, s’était précipité vers la sortie.

Il est au milieu de la deuxième rangée en partant de celle de la gauche!!

J’étais plus proche de White Muse que lui ne l’était et je décidai donc d’intercepter son chemin en sautant directement sur les étagères de la rangée adjacente. Celles-ci grincèrent sous l’impact, je me laissai choir au sol juste derrière mon adversaire afin d’éviter de tout exploser.



D’un geste vif j’agrippai son bras couvert de latex et m’y collai avec tout ce que j’avais. Je m'apprêtais à commémorer lorsqu'un événement que je jugeais parfaitement improbable eu lieu… Le bougre commença à m’assener des coups de chaussures holographiques, les électrodes reproduisant les sensations de vive joie. Je comptais pas le lâcher aussi se contenta-t-il de me traîner au sol tout en frappant mon avant-bras droit qui essayait de me protéger tant bien que mal. J’avais les jambes trop sèches pour pouvoir faire usage de mon alter… accepter l’humiliation et rester accrocher était donc ma seule option.  

T'es une vraie héroïne?

Ft : Sophia Axelsson

Aussi incroyable que cela puisse paraître, recevoir des chocs électriques à répétition, bah… ça sonne un peu, si bien que j’arrivais plus trop à faire la différence entre les bourrinades du villain fictifs et les quelques magiques moments de paix que le simulateur m’octroyait. A un moment, un choc parcourut mon épaule. Je levai vivement les yeux afin d’en identifier la source et reçut une chaussure en pleine poire.

L’auteur de cette infamie? White Muse.

Dans ses mains, les holo-chaussures (parce que le terme est très approprié) s’étaient transformés en véritables projectiles létaux… ou presque…  


Me sortir de là? Facil à dire ça madame! J’avais les mains tellement crispées autour de mon adversaire que lâcher prise me semblait mission impossible. Heureusement pour moi, l’homme Dauphin agit en véritable gentleman et m’aida à défaire mon étreinte d’un coup de talon dans mon coude.

Je roulai tant bien que mal loin de mon agresseur pour découvrir l’héroïne en équilibre précaire sur le sol glissant, bombardant toujours le lascar de ses super projectiles. A chaque fois qu’un holo-soulier faisait mouche, notre adversaire semblait s’arrêter une demi seconde avant de reprendre sa fuite. Si c’était pas le niveau 0 de la simu ça…

Quoi qu’il en soit, il nous fallait l'appréhender pour mettre fin à cet enfer. Les pieds collés aux sol je préparais ma prochaine attaque. D’ordinaire, taper les gens, c’est pas trop mon truc, mais là on était dans un jeu vidéo et l’humiliation par laquelle je venais de passer faisait naître en moi des pulsions meurtrières qui me faisaient presque peur.

Toujours concentré sur sa fuite, l’homme savon réduisait dangereusement sa distance avec White Muse et la porte qui se trouvait derrière elle. Sans plus attendre, je pris mon élan et me propulsai d’un bond sur les épaules du vilain. Ce dernier s’effondra sous mon poids. Il tenta tant bien que mal de me glisser entre les doigts mais je maintiens ma prise fermement à l’aide de mon alter. Si j’avais eu de l’eau à portée de main, j'aurais pu le coller au sol, ce n’était pas le cas, je me contentais donc de mon poids plume entre ses omoplates. Au bout d’une dizaine de secondes, une alarme retentit et la voix féminine emplit le magasin de chaussures.


La salle sombra dans une obscurité totale avant de laisser place au grand espace blanc. Sous nos pieds, le sol était revenu stable.  

T'es une vraie héroïne?

Ft : Sophia Axelsson

White Muse n'avait pas attendue que la prochaine simulation se lance, au lieu de cela, elle s'était dirigée vers ce que j'avais cru être un panneau électrique un peu futuriste et avait commencé à sélectionner des options projetées sur le mur devant elle. Est-ce que je savais que l'on avait l'option de sélectionner le prochain niveau? Oui, oui, évidemment! Si je subissais les humeurs de ce simulateur lunatique, ce n'était que par pur amour de l'aléatoire!
Les murs blancs s’effacèrent pour laisser place à un champ de maïs. C'était la première fois que j'en voyais un... presque pour de vrai... Les hautes plantes formaient un mur au-delà duquel il était impossible de voir. Je jetai un coup d'œil vers Sophia qui redirigea mon attention vers une large maison effondrée sur elle-même.


Cette fois-ci ce serait donc une opération de sauvetage, pourquoi pas. Malgré les quelques mois d'entraînement au combat par lesquels je venais de passer, une opération de sauvetage me semblait bien plus intuitive, d'autant plus que l’orage à l’origine de la tornade avait inondé le paysage..


Bon, il fallait élaborer un plan sans perdre de temps, aussi j'entrepris d’énumérer les étapes me semblants les plus logiques tout en m’approchant de la bâtisse effondrée.


De petits gémissements me parvinrent alors que je posais une main sur ce qui ressemblait vaguement à une entrée.


Ce n’était qu'une simulation, mais une bouffée d’angoisse menaça de m’envahir et je sentis clairement deux gouttes de sueurs descendre le long de mon échine. Je posai une main sur le béton humide et essayai d’utiliser Aqua Touch afin de localiser de potentielles victimes. Le chaos de la bâtisse effondrée ne ressemblait à rien que j’avais déjà essayé de toucher de la sorte et il me fut impossible de tirer une quelconque notion de l’architecture des lieux.

D’un pas timide, je passai donc l’encadrement de la porte. Il était de guingois mais semblait stable. Mes yeux tombèrent immédiatement sur le corps d’une femme écrasée sous une poutre, elle était à l’origine des gémissements.

Peut-être parce que j’ai grandi sur un bateau, mon premier instinct fut de me dire qu’elle était foutue, mais qu’elle pouvait peut-être nous permettre d’en sauver d’autres.


Les gémissements cessèrent. Elle essaya de tourner la tête dans ma direction, mais la poutre l’empêchait de lever suffisamment les épaules. Un frisson me parcourut.


J’avais fait le tour de son corps afin qu’elle puisse clairement me voir et… et elle avait l’air absolument paniquée! Je lui avais demandé de se calmer pourtant! On aurait dit un poisson hors de l’eau, à ce rythme elle risquait de s’évanouir de surventilation.


Oh merde.

A part cuisine, eau et petit j’avais rien pigé de ce qu’elle avait dit, j’avais beau l’avoir étudié en solo, je parlais pas encore le Croissant avec suffisamment d’aisance pour reconnaître les mots écorchés par la panique.

Je posai une main moite sur le poignet de la femme dans l’espoir de l’aider à se calmer et lançai d’une voix maladroite à l’intention de White Muse.


J’étais à fond dedans.

T'es une vraie héroïne?

Ft : Sophia Axelsson

Un nom de héros?


Sous ma main, le poignet de la femma tremblait artificiellement. Je jetai un coup d'œil à la poutre qui la coinçait au sol. Le toit semblait s’être effondré en deux temps et toute une partie de la structure paraissait prendre appui sur cette poutre.


On pouvait essayer d’utiliser un levier pour créer suffisamment d’espace et dégager la victime mais à ce moment, ce qui restait du bâtiment risquait de s’effondrer. S’il y avait d’autres personnes coincées ici, elles pourraient bien se retrouver enterrées sous les décombres et leur sauvetage deviendrait virtuellement impossible.


Je pouvais essayer d’utiliser mon alter pour souder toute la structure entre elle, mais c’était une opération franchement risquée. Je n’avais aucune idée des forces impliquées dans le système et je risquais de ne pas renforcer les bonnes parties ce qui, au final, reviendrait à n’avoir rien fait.

Plongé dans mes pensées, j’avais pas vraiment remarqué le grondement lointain qui se rapprochait petit à petit.