Être engagée dans une conversation signifiait que j'avais un peu moins d'attention à accorder au reste des passagers, et surtout que je ne pouvais pas vraiment promener mon regard librement sur les allées et venues des autres visiteurs. Difficile donc de surveiller l'arrivée de mes camarades, je pouvais seulement espérer les apercevoir du coin de l’œil ou reconnaître leurs voix, ce qui a fini par arriver. Celle de Rabbit plus précisément, reconnaissable malgré sa très honorable tentative de la déguiser pour imiter un jeune fils de riche insupportable. Avec l'écho cependant, impossible de dire précisément où il se trouvait. Et alors que je me retournais pour le chercher, la silhouette droite et sombre d'un géant en costume impeccable s'est dressée sur mon chemin, avec des ombres violacées en guise de regard.
"Miss Hanazawa ! C'est un plaisir de vous rencontrer en personne !"
"Un plaisir partagé, monsieur Hanabata."
Le charismatique et irritant leader du Parti des Cœurs et de l'Esprit, rien que ça. D'aucun diraient qu'il était un collègue, lui aussi briguant la gouvernance de Tokyo aux prochaines élections, mais ce serait une comparaison très insultante. Son groupe tenait autant de la secte que du parti politique, ses idées étaient originales mais pas des plus malines, et il ne devait son succès qu'à la conviction de ses discours et la belle tournure de ses phrases. Oh oui, il savait mener son auditoire à la baguette, mais seulement pour les mener dans le mur. Je me suis forcée à afficher un sourire de circonstance, j'ai accepté sa main tendue, mais je ne ressentait en réalité que mépris pour ce type dégoulinant.
"A croire que monsieur Robotto est plus intéressé par la vie politique de notre pays que par son industrie !"
"Ne dites pas ça comme si je n'étais pas là, s'il vous plaît…"
Il s'est fendu d'un rire franc et bruyant, sa main est venue claquer dans le dos de notre hôte, et j'ai dû glousser pour faire mine d'être charmée par son humour.
"Je plaisante, enfin !"
"Mais il est vrai que la coïncidence est troublante."
La voix de la nouvelle venue nous a fait tourner la tête vers la droite. Au milieu du vacarme de tous les employés et invités, je n'avais pas isolé le bruit des pas de la jeune femme qui s'incrustait désormais dans notre discussion. Grande, large d'épaule, globalement bien bâtie, avec des cheveux sombres attachés en une queue de cheval et un tailleur à peine trop serré aux manches et des talons aussi plats que convenable. Elle nous toisait avec un air amusé, plus aimable que narquois, mais un peu moqueur quand même. L'inventeur la rejoignit d'un pas rapide et plaça avec fierté une main paternaliste sur son épaule.
"Ah, je vous présente l'invitée d'honneur de ce voyage, celle à qui nous devons la petite merveille dans laquelle nous allons voler aujourd'hui, miss Hikoki Tensai !"
Elle nous adressa un rapide salut, auquel Hanabata et moi avons répondu par un sourire, avant de poursuivre.
"Que deux personnalités aux avis aussi différents soient invitées comme ça, on pourrait se demander si vous n'avez pas des idées derrière la tête, monsieur."
"Mais pas du tout, enfin ! J'ai simplement convié des connaissances intéressantes et à même de comprendre l'impact que le Yusei Ryushi Engine pourra avoir sur le monde !"
"C'est trop d'honneur, enfin, je ne suis qu'une citoyenne qui aime son pays."
Cela a fait rire le gourou de pacotille, qui était visiblement très heureux d'être là. Nous avons encore échangé quelques mots puis notre hôte s'est éloigné pour monter sur une estrade avec sa conceptrice géniale. Hanabata en a profité pour s'écarter et aller échanger quelques mots avec une autre invitée. Rien moins que Chitose Kizuki, la directrice exécutive de Shoowaysha Publishing. Les deux semblaient bien se connaître alors qu'ils n'avaient aucun lien public connu, intéressant. Peut-être la fausse Moriarty avait-elle eu la même idée que moi, faire entrer son équipe à bord avec de faux visages.
J’avais déjà pris l’avion. Vacances aux États-Unis, travail d’escorte d’homme politique… Mais je n’avais jamais eu accès aux zones de première classe. Et certainement pas à ce genre de forteresses volantes.
Si un avion normal était doté d’une zone pour les passagers de haute importance, celui-ci était entièrement dédié à ce genre de gros bonnets. C’était à en donner le tournis. Et d’ailleurs, avec mon œil en moins, j’avais vraiment un peu le tournis. Mais ce n’était pas encore le moment de me poser. Je devais trouver un endroit intéressant où poser ma caméra de surveillance. En attendant, il n’y avait que moi et le personnel à bord. Robotto prenait son temps, et ce n’était pas pour me déplaire. Plus j’avais du temps pour repérer les lieux, mieux c’était.
Les lieux… Et les héros. Dans les employés comme les forces de l’ordre s’étaient peut-être glissés des agents de la Ménagerie-B. Mais ce qui était certain, c’était que nous allions devoir composer avec une forme de résistance quelconque, à un moment ou un autre. Autant savoir à qui j’avais affaire. Au cours de ma déambulation, il arrivait qu’un employé, n’étant pas au courant de ma présence en avance sur les lieux, se dirige vers moi. Il me suffisait de passer ma main dans mes cheveux et de faire un genre de glapissement hautain pour dissuader quiconque de s’approcher.
Là ? Dans ce recoin, peut-être ? Je gardais l’endroit à l’esprit, mais me retint de placer mon œil. Des héros étaient là, rassemblés autour d’une table.
"Fait chaud, vous trouvez pas ?"
"C’est bien vrai ! Et par un jour de grande chaleur comme celui-ci, il n’y a qu’une seule solution !"
"C’est reparti…"
"Un verre bien frais de Lactissia ! Lactissia, la force du calcium pour toute la matinée !"
"Ce… C’était pas "pour toute la journée”, avant…? Pardon, je me trompe peut-être…"
"Ils se sont fait attaquer en justice à ce sujet. J’ai plus les détails en tête, mais en gros ils ont dû moins survendre le tout."
"Haha. C’est très gênant."
Le lot du jour. J’en reconnaissais un grand total de deux. Et notre Insomniac-B n’était pas parmi eux.
Il y avait d’abord Death Arms. Pas un membre du top 100, mais je le connaissais pour avoir déjà bossé avec lui quand j’étais flic. Les missions de sécurité de ce genre, c’était sa spécialité. C’était un brave type, efficace à défaut d’être particulièrement intéressant ou spectaculaire. J’étais presque un peu triste de le voir ici. C’était un vrai héros, un bon.
L’autre que je reconnaissais était un héros connu à travers tout le pays, peut-être au-delà. Le star-talent de l’évènement, là pour la valeur Prestige, avec un grand P comme dans Produits laitiers. Vitamin Superior en personne. Je connaissais son Alter, mais pas grand-chose de plus, je n’avais jamais eu l’occasion de le voir à l’œuvre, il était toujours déjà parti quand la police arrivait sur les lieux. En tout cas, il était le numéro 25. Pas quelqu’un à prendre à la légère, en somme. Et agir comme un bouffon homme-sandwich n’était pas gage d’incompétence, dans le domaine de l’héroïsme. À surveiller de près.
La fille qui avait expliqué la situation de Lactissia était une étrangère, très blonde, qui n’avait pas levé le nez d’un carnet de notes, assise sur une chaise, pendant toute la conversation. Elle n’était pas bien épaisse, et au vu de son équipement léger, je misais sur un Alter pratique pour le sauvetage plus que pour le combat.
Enfin, il y avait la seule mutante du groupe, une fille toute timide avec des grandes oreilles de lapin, qu’on entendait à peine parler. Vêtue d’un manteau probablement plus lourd qu’elle. Même constat que la précédente : si Death Arms et Vitamin Superior étaient les gros bras, elle, l’américaine et Insomnia-A étaient probablement dotés d’Alters non-offensifs.
Aucun moyen de savoir s’ils étaient les seuls héros à bord. Après tout, si Skunk n’était pas là, rien ne disait qu’ils étaient tous rassemblés au même endroit. L’espace d’un instant, j’eus peur que Skunk se soit trompé d’avion. Je chassais cette pensée en faisant demi-tour pour chercher un nouvel endroit où planquer mon œil.
J’eus le temps de faire 5 pas avant de me retrouver face-à-face avec un type bâti comme un mur. Il ne s’attendait visiblement pas à ma volte-face et faillit me rentrer dedans.
"Oh ! Toutes mes excuses monsieur… Waoru. Tout va bien ? Je pensais que les invités rentraient plus tard."
"Eeeeh ? Qu’est-ce que tu..."
J’eus l’impression que mon monde s’effondrait tout autour de moi. Mon souffle se coupa et je me retrouvai incapable de dire quoi que ce soit.
C’était Junpei Kuroshiki. Junpei. Junpy. Le plus vieil ami de "Noah". De mon ancien moi. Visiblement promu d’un rang depuis la dernière fois que je l’avais vu, lors de la Bataille de Musutafu. Mortellement sérieux, dans son uniforme, mais malgré tout toujours doux dans sa façon d’interagir avec les civils. Comme à son habitude.
Bien sûr. Bien sûr que ça devait arriver un jour ou l’autre. Tant que nous agissions à Tokyo, tant qu’il n’était pas muté, c’était forcément voué à arriver. Bien sûr qu’il y allait avoir des policiers à bord. Le gouvernement détestait laisser les héros seuls pour faire régner la loi, ils mettaient toujours des policiers pour faire figuration, j’aurais dû m’attendre à ce qu’un super-flic comme lui soit choisi pour se mêler à l’élite. Mais là… J’étais pris de cours. Est-ce que Haruka était aussi à bord ? Est-ce que… Est-ce que…
Est-ce que je devrais tout dire ?
Noah parle en #542d71 gras, et utilise la police Georgia sous son identité secrète.
- Buuuuooon gioorno, monsieur Insomniac ! Quel plaisir de vous revoir ! Nous sommes dans la même équipe aujourd'hui !
Tadao se retourna vers celui qui l'avait interpellé dès son entré dans l'avion. Un homme grand, costaud, peau foncé, le tout garni avec une jolie petite moustache.
Le héros numéro #280 au plus récent classement, Flower Bruiser.
Tadao lui fit un grand sourire.
- Content de vous revoir aussi ! Ça fait longtemps, depuis l'opération au musée il me semble...
Tadao n'était plus Tadao. Il était, à toute fin pratique, Seisho Mishima. Depuis le jour où il avait eu l'assignation de mission, il n'avait rien fait d'autre que de se concentrer sur ses recherches. Il avait analyser chaque extrait video qu'il avait pu trouvé d'Insomniac, il avait lu tout son historique... Il connaissait chacune de ses interventions par coeur, ses maniérismes, sa voix. Seisho Mishima n'avait plus aucun secret pour lui.
Après tout, il avait été formé dans ce but, être quelqu'un qu'il n'était pas. Et il avait toujours été vachement doué pour ça, pourquoi ça serait différent maintenant? Oui, il était un peu rouillé, mais c'était comme faire de la byciclette, ça ne s'oubliait jamais réellement...
- Et avec qui sommes nous jumellé aujourd'hui, amico?
- Hmm, il me semble que nous sommes 2 unités de 4 héros ! La notre, nettement supérieur, contient toi, moi... Et deux drôles de phénomènes, les soeurs héroïnes, Monarch et Sleeping Beauty. Due belle signore...
Deux noms inconnus au bataillon. Insomniac n'avait jamais travaillé avec eux. Et Skunk ne les avait jamais croisé, ce qui était une bonne nouvelle en soit, en fait.
- Et l'autre unité, des gens sympa?
Grognement de la part du colosse.
- Je sais pas, j'ai vu que Death Arms, le bastardo... Tu sais ce que j'en pense
Tadao hocha la tête, même s'il n'en avait aucune idée. Il avait l'identité de 4 des 7 héros présents à bord, c'était déjà bien. Et il semblait assez convaincant pour qu'une connaissance vague d'Insomniac comme Flower Bruiser n'y voit que du feu. Restait simplement à espérer que l'un de ses collaborateurs habituels ne se trouve pas à bord.
Ou pire, sa copine du moment, l'héroïne numéro 290, Gillian Trevor, AKA Schematic.
Le discours de monsieur Robotto fut plus court que celui sur le Sea Phoenix, et moins spectaculaire aussi. Plus sollenel. Il faut dire que nous étions en comité plus restreint, avec uniquement des VIP et peu de journalistes ou de gens du commun pour aller raconter leur expérience. Nous n'étions pas là pour le regarder se donner au spectacle, nous étions là pour elle. Miss Tensai et sa révolution technologique, que nous pourrions voir de nos propres yeux un peu plus tard. L'ingénieure n'était cependant pas du genre à se pavaner, et quand son grand patron la poussa sur le devant de la scène, elle ne grogna que quelques mots avant de se reculer et de sonner la prochaine étape des festivités : l'embarquement.
Les invités présents se sont tournés comme un seul homme à l'opposé de l'estrade, vers le couloir qui menait à l'avion même. Et comme les pièces d'une mécanique parfaitement huilée, des stewards sont apparus d'une pièce sur le côté et ont commencé à nous guider, nous organiser, afin que la foule des passagers monte en ordre et sans causer de pagaille à travers l'étroite porte de l'appareil. Nous avons été déplacés, poussés, alignés à grands coups de « s'il vous plait », « je vous prie », « merci beaucoup », « attention » et autre. En quelques instant l'ovale informe était devenu une belle file qui progressait lentement mais sûrement vers l'escalier et l'avion. J'étais moi-même aussi loin en arrière que possible, par choix délibéré. Ainsi je pouvais observer toutes les personnes, devant moi, qui montaient et disparaissaient dans les entrailles de l'appareil. Noter leurs têtes, quels groupes s'étaient déjà formés, les attitudes de chacun, les~
"Ryou ?"
Je me suis retournée d'un bond à la seule mention de mon nom. De mon prénom, plus exactement. Et me suis retrouvée face à une femme d'une trentaine d'année, au visage rond entouré d'une épaisse crinière – le terme est ici employé au sens littéral, renforcé par les traits vaguement félins de son visage – rouge vif qui contrastait avec la peau mordorée de son visage. Elle portait un costume très sérieux, comme un agent de sécurité, et un badge avec un nom qui ne m'attira pas tout de suite le regard. Grave erreur, mais qu'y puis-je, sa tête m'était familière et j'avais le fort sentiment de pouvoir la reconnaître.
"Ryou Hanazawa ? C'est vraiment toi ?"
Je l'avais sur le bout de la langue, c'était à la limite de mon esprit mais refusait de se laisser saisir, jusqu'à ce que je baisse les yeux et lise le nom écrit sur son imposante poitrine.
"Raion ! Raion Hoko !"
Non. Merde. Raion Hoko. Putain. Non. Qu'est-ce qu'elle foutait là ? Pourquoi est-ce qu'une héroïne non recensée sur la liste des invitées, une ancienne élève de Yueï et camarade de classe de Ryou Hanazawa faisait la queue pour monter à bord de l'engin volant le plus moderne du siècle passé et à venir ? Comment j'avais pu manquer ça ?
La réponse s'est manifestée très vite quand deux hommes, d'un âge bien plus avancé, se sont légèrement détaché de la file pour se manifester et rejoindre notre conversation.
"C'est une personne intéressante que tu connais, Raion ? Ferais-tu les présentations ?"
"Oh, Ryou, je te présentes…"
"Boo Kidoranai, président de Stain Less Security. C'est un plaisir de faire votre rencontre, on m'a dit beaucoup de bien de vous et de votre affaire."
Évidemment que je reconnaissais ce petit homme à la poitrine gonflée d'orgueil dont je serrais la main avec un enthousiasme feint. J'avais assez humilié sa compagnie comme ça, à croire qu'ils étaient partout où Lady Moriarty décidait de frapper. Ainsi Raion avait fini ses études héroïques, uniquement pour renier ses rêves de faire le bien et se mettre au service du grand capitaliste le plus avide d'argent et de gloire du monde héroïque. Quelle triste sort pour quelqu'un d'aussi enthousiaste et rayonnant qu'elle l'était à l'époque. Cela expliquait au moins pourquoi je n'avais pas vu son nom dans la liste des passagers, elle n'était là qu'en tant que « employée de Stain Less Security ».
Trois idées se bousculaient dans ma tête, alors que je discutais de tout et de rien avec les deux héros (Raion était très amusée de voir que la délinquante qu'elle avait connue était aujourd'hui la plus posée et respectable de la promotion. Si elle savait). La première était que j'avais ici une occasion en or, bien sûr. En restant très superficielle, en refusant d'apporter de moi même la moindre information sur le passé de Ryou Hanazawa et en restant distante, je pouvais créer un doute quand au fait que j'étais réellement moi. Juste assez léger pour ne pas éveiller l'attention mais assez fort pour ressurgir, d'ici une journée, quand quelqu'un se rendrait inévitablement compte que Lady Moriarty avait volé l'identité d'une passagère pour s'infiltrer à bord. Un moyen supplémentaire d'assurer que Ryou Hanazawa ne serait jamais accusée d'être la criminelle consultante qui terrifiait la capitale nippone.
L'autre était, tout aussi évidemment, que Raion ne devait jamais, jamais sous aucun prétexte, croiser le chemin de Rabbit. Kyanseru avait beau faire parti de ma Ménagerie, il restait une épine dans mon flanc, et il était simplement hors de question que je le laisse poser des questions à mon ancienne camarade de classe sur ces années perturbées que furent mon adolescence. Personne n'est très brillant à cet âge là, et mon génie signifie juste que mes conneries d'ado rebelle étaient encore plus stupides que celles du commun. Non, s'il apprenait la moindre anecdote de cette époque, j'en entendrais parler jusqu'à la fin de ses jours. Qui arriverait vite, car je serais obligée de le faire taire pour avoir la paix. Non.
Enfin, la dernière était que ma première fois en avion serait des plus particulière. Je n'allais vraiment pas avoir une seconde pour profiter de l'expérience, il y avait bien trop à faire et à surveiller.
Mais ces perspectives en conflit ne m'empêchèrent pas de payer attention à l'autre homme, celui qui discutait avec monsieur Stain Less avant que Raion ne me reconnaisse. Il parlait peu mais nous écoutait avec attention et je l'ai finalement pris à parti pour lui tirer quelques mots.
"Mais je suis terriblement impolie, je ne crois pas que nous ayons été correctement présentés avec tout ça. Ryou Hanazawa." "Heisa Hagane, à votre service."
Il coinça entre deux molaires la cigarette électrique qui dépassait encore de sa mâchoire massive, ce qui lui donna un accent amusant, avant de se fendre d'une révérence à l'ancienne. Avec sa carrure de géant, il était aussi impressionnant que le prétendait la rumeur. Heisa Hagane, magna de l'import d'acier et autres métaux à destination de l'industrie lourde au Japon, un homme franc qui ne cachait pas son goût pour la violence – qu'il la regarde ou la pratique. Un gentleman britannique comme dans les vieux manga, boxeur par loisir et élégant par devoir. Quelqu'un de fascinant, à n'en pas douter, et qui cachait bien son jeu derrière ses peu de mots.
Je dois avouer que les quelques mots que nous avons pu échanger, quand monsieur sans tâche n'accaparait pas la parole, n'étaient pas désagréables. Ce qui pouvait tout aussi bien dire que se cachaient derrière ses traits l'esprit qui osait se croire au niveau de Lady Moriarty, le génie criminel derrière l'imposture de la Ménagerie-B. Malheureusement, j'ai dû l'abandonner temporairement au moment d'embarquer et de passer, un par un, la porte de l'avion.
Puis définitivement juste après, quand j'ai vu du coin de l’œil Satoru Waoru en arrêt total devant un agent de police. Et pas n'importe lequel, Junpei Kuroshiki. Celui dont je savais désormais qu'il était comme cul et chemise avec l'ancien Noah Kyanseru. D'abord Raion, maintenant ça ? Les passagers anonymes de ce vol devenaient peu à peu trop importants à mon goût, et ce alors que nous n'avions toujours pas vu le nez des autres clandestins.
Impossible de deviner ce que Rabbit allait faire. Cet imbécile était capable de flancher, de tout déballer, ou même juste d'oublier son personnage un instant et griller sa couverture alors que nous étions encore au sol. Inacceptable. J'aurais préféré voir ce que devenait Skunk en priorité, je ne l'avais pas vu dans la fille pour embarquer et soupçonnais qu'il soit monté en avance ; mais la situation exigeait une intervention. Alors, profitant que monsieur Hagane était retenu derrière moi, je me suis précipitée d'un pas aussi rapide que possible sans attirer l'attention vers mon partenaire dans le crime.
"Monsieur Waoru ! J'ignorais que vous seriez à bord, c'est un plaisir de faire votre connaissance !"
Allez, idiot, reprends-toi et oublie Junpei. Rien de bon ne ressortira de cette rencontre, alors écourte-là tout de suite.
Mais non, bien sûr que je devais pas tout dire. C’était une idée naturelle, mais complètement idiote pour bien des raisons.
J’avais été bousculé, pour des raisons évidentes, par ce face-à-face, l’espace d’un instant. Mais c’était déjà passé. Noah Kyanseru était mort et enterré. Junpei Kuroshiki n’était plus qu’un inconnu, et même un ennemi désormais. J’avais fait un pari sur Lady Moriarty, et j’allais m’y tenir. J’avais, sincèrement, foi en la Ménagerie et en sa leader…
"Monsieur Waoru ! J'ignorais que vous seriez à bord, c'est un plaisir de faire votre connaissance !"
…Même si, bien souvent, j’avais envie d’envoyer valser au loin son mètre 72 d’hyperactivité et de snobisme.
Je quittais Junpei des yeux pour me concentrer sur Ryou. Mon regard n’était pas perturbé, triste ou même agacé. Juste profondément blasé. Un instant de superposition rare et appréciable entre mon personnage et mon moi véritable.
"Ah, vous êtes… Hanazawa. C’est ça ? La politique, tout ça."
Je passais ma main dans mes cheveux, un tic proéminent chez Satoru. Junpei avait fait un pas en arrière, mais continuait de regarder dans notre direction. Il nous laissait de l’espace tout en s’assurant que je n’ai pas été mis mal par notre petit carambolage. C’était vraiment le meilleur flic du métier.
"Ouais, je suis là pour représenter le business familial. Vous devez connaître mon vi- mon père, j’imagine."
Je fermais l’œil et commençais à faire des mouvements de main pour accompagner mes propos de gosse de riche qui se plaint du goût que laisse sa cuiller en argent en bouche. C'était le genre du loustic.
"Il flippe un peu pour la compagnie, c’est normal vous me direz. Mais bon, à l’entendre parler on croirait que je vais couler le groupe pour le plaisir. J’ai beau lui dire que c’est aussi mon gagne-pain à moi… Vous savez comment sont les anciens. Ils aiment penser qu’ils sont les seuls avec des ambitions et des projets et que les autres sont des incapables. Bref."
J’avais fini sur un haussement d’épaules. C’était probablement assez clair comme ça, non ? Elle va probablement se dire "Pour qui il se prend avec ses messages aussi subtils qu’un char d’assaut, il veut nous faire repérer ou quoi ?" mais si jamais je me prenais la moindre remarque à ce sujet après la mission, je n’hésiterai pas à l’envoyer promener. C’était elle qui avait forcé une interaction précipitée entre nous.
En attendant, Junpei s’était retiré en douce et nous avions, d’une certaine façon, la voie libre, l’un comme l’autre. Est-ce que Skunk était en place, depuis le temps ? Sans doute, mais il devait être dans une des zones réservées aux héros. L’idée que ce type était sans surveillance me mettait mal à l’aise… Et voilà que je me mettais à penser comme Hana-chan.
Enfin, restait que j’avais beau être un ancien flic, je m’estimais moins imprévisible qu’un type dont 50% des questions sur l’opération pouvaient se résumer à "Pourrais-je tuer ?". J’avais confiance en ses aptitudes de combat, mais je ne savais pas s’il était capable de grand-chose d’autre…
Noah parle en #542d71 gras, et utilise la police Georgia sous son identité secrète.
Heureusement pour l'opération délicate qu'ils étaient en train de mener, Tadao n'avait pas des aptitudes qu'en combat. Il était aussi, étrangement dirait certains, doué pour les discussions sans intérêt aucun. Ainsi, il tenait depuis 13 bonnes minutes une discussion soutenu avec Flower Bruiser sur le rugby, un sport qu'il n'avait jamais vu être pratiqué et dont il ignorait même la forme du ballon. S'il se jouait bien avec un ballon bien sûr.
Un peu en retrait dans la petite pièce qui leur était réservé, les sœurs papillons restaient silencieuse, l'une d'entre elle semblant même somnoler. La mission du jour ne semblait pas leur causé de stress accablant. Les évènements de Robotto étant habituellement bien encadré et sans risques important. Suffisait de voir la croisière du Sea Phoenix où il ne s'était absolument rien passé de notable. Comme si les sept jours prévus n'en aurait duré que deux au final...
Alors que la discussion devenait réellement intéressante et que son interlocuteur commençait à lui raconter la fois où l'un des joueurs adverses c'était cassé le fémur et où on voyait l'os poindre, une petite sonnerie se fit entendre et le moniteur présent sur le mur de la pièce s'alluma, laissant apparaître un homme qui prenait toute la largueur de l'écran tellement il semblait large et grand. Le chef de la sécurité personnel de Robotto sans aucune doute.
- Écoutez moi les héros, c'est votre tour d'entrer en piste. Nous allons décollé sous peu, vous devez patrouiller pendant tout le vol. Votre unité s'occupera du devant de l'appareil, du cockpit jusqu'aux sorties de secours situés au niveau des ailes. L'autre unité a déjà été briefé, ils s'occuperont du reste.
Skunk continua de l'écouter distraitement alors qu'il donnait des instructions de sécurité de base et des consignes du genre "n'utilisez pas les toilettes publiques, contentez vous des votre dans la pièce présente". Le criminel regardait dans le petit hublot alors que des gens s'affairaient partout autour. Le décollage était vraiment imminent.
-... Finalement, vous êtes là pour bosser, pas pour vous faire des copains. Ne vous mêlez pas trop à la foule, ils ont mieux à faire que de parler à de simple héros comme vous.
Sur ces mots, l'homme disparu de l'écran. Un rigolo celui là. La soeurette qui dormait un peu plus tôt avait les yeux ouverts et, comme Tadao un peu plus tôt, regardait d'un oeil distrait à l'extérieur. Flower Bruiser se leva d'un coup, laissant échapper une soupire très audible.
- Amigos... Je déteste ce genre d'homme qui donne des ordini à tord à travers, mais il a raison... On est là pour bosser, alors on y va?
Skunk acquiesça en souriant avant de se lever aussi, suivit par les deux demoiselles. Ensemble, les quatre héros quittèrent la pièce se dirigeant vers leur poste. En chemin, il balaya du regard tous les invités jusqu'à finalement apercevoir, côte à côte, deux personnes qui ressemblaient à s'y méprendre aux deux personnes qu'il avait vu en photo et qui devait être les couvertures de ses collègues. C'était vraiment trop injuste, ils se faisaient du plaisir ensemble alors que lui il devait se tapper Flower Bruiser et deux anti-sociales. Il devrait penser à faire une plainte à l'administration, à leur retour.
Une fois à destination, le Faux-Insomniac s'asseya sur le siège qui lui avait été attribué. Il était requis d'être assis pour le décollage seulement. Ensuite, ils étaient libre de circuler comme il voulait et c'est là que la partie plaisante de l'activité risquait de commencer...
Comme souvent, face à une situation imprévue, nombre de réactions et de pensées se bousculaient dans ma tête. La première était, bien sûr, du soulagement. La désinvolture et le mépris avec lesquels Rabbit jouait son personnage, ignorait ma main tendue, et déblatérait ses conneries, étaient parfaitement soignées. Je n’avais aucune raison de m’inquiéter, sinon que des propos aussi ouvertement je-m’en-foutiste envers son père étaient peut-être un peu trop extrêmes pour le personnage. Ce qui menait à l’autre réflexion à savoir que cet écart au personnage dénotait de l’aisance avec laquelle Kyanseru jouait son rôle, trop pour ne pas être volontaire. Et le sens du message était trop évident. Ce qui me mena à la décision suivante : souris et encaisse, Ryou, tu te vengeras du petit con plus tard. J’ai juste remballé ma main tendue, l’ai remise contre mon giron dans une posture très convenable, et poliment hoché la tête.
“Ne soyez pas si dur avec lui, il faut le comprendre. Avec son expérience, il a sans doute vu plus d’échecs que vous ne pouvez en imaginer, et parfois dûs à des erreurs en apparences bénignes."
Puisqu’il avait décidé de jeter la subtilité par le sas, ainsi soit-il. Et au moins, je sauvais les apparences d’une conversation polie et impersonnelle comme des personnes de notre standing étaient supposées en tenir.
“S’il vous a envoyé le représenter, c’est bien qu’il doit avoir confiance en vous, alors relevez la tête ! Sur ce, le décollage ne devrait plus tarder, sans doute devrions-nous rejoindre nos sièges.”
Voilà, ne pas s’attarder. Le flic était parti mais il y avait sans doute des caméras dans l’avion, nous avions donc encore des yeux braqués sur nous. Peut-être. C’était une éventualité que je ne voulais pas risquer d’ignorer. De plus, je n’avais toujours pas vu Skunk, et l’éventualité qu’il ait pu être retenu, que quelque chose ait pu l’empêcher d’embarquer - ce n’était pas un manque de confiance en lui, encore que j’aurais été dans mon bon droit, mais plus une crainte d’un événement extérieur venu nous contrarier par pur hasard, comme je semble les attirer parfois, qui me motivait - commençait à gratter de façon désagréable au fond de mon esprit.
J’ai donc salué poliment une dernière fois, puis me suis dirigée vers les sièges passagers en vérifiant que Waoru me suivait. Normalement, les héros devaient circuler dans cette section pendant le vol, afin de s'assurer que tout irait bien. Si Skunk était à bord, c’était là que j’avais le plus de chances de le croiser. La suite des évènements m’a donné raison, puisqu’en quittant la petite alcôve privée où nous étions, et en rejoignant le grand salon où s’étendaient des rangées de sièges confortables et dépareillés, j’ai eu le plaisir d'apercevoir Insomniac au milieu d’un groupe de héros - dont un qui avait un visage vaguement familier. Bien, j’avais désormais la preuve que mes doutes en mes deux camarades n’étaient pas fondés, que tout le monde était à bord et prêt à faire son travail. Restait à commencer le dit travail. Qui, pour rappel, était en priorité et avant tout de localiser les imposteurs et leur objectif.
J’ai donc attendu le moment précis où nous croisions le groupe de héros pour poursuivre la discussion avec mon “nouvel ami”.
“Mais vous-même aurez bientôt la liberté, et la responsabilité, de pousser votre entreprise dans la direction de votre choix. Avez-vous déjà quelques plans pour le futur ?”
Ou en d’autres termes “est-ce que tu sais vers où démarrer l’enquête ?”. J’avais moi-même des pistes et idées, bien sûr. L’idée que la Ménagerie-B soit là pour voler des plans ou pièces du Yusei-Ryushi Engine était trop évidente pour être ignorée. Et celui-ci étant au centre exact de l’appareil, entre les deux ailes, c’était un bon point de départ pour tout mouvement ultérieur. Mais l’idéal était de nous séparer, et si Rabbit ou Skunk avaient particulièrement envie de voir la grosse machine du futur, qui étais-je pour les priver de ce plaisir ? Le casino était aussi un bon choix pour jauger des personnes présentes, voir qui se comportait comment, qui se laissait emporter par le jeu ou non, et tomber quelques masques. Sans parler de tous les petits recoins à trouver, où nos doubles maléfiques avaient peut-être dissimulés des déguisements ou accessoires en vue du moment où ils passeraient à l’action.
“La technologie Robotto est fascinante, un partenariat permettrait sans doute… Oh, bonjour !”
J’ai brusquement changé de sujet en arrivant devant un canapé large, assez pour accueillir trois personnes. J’avais initialement prévu d’y jeter mon dévolu, de m’y installer avec Rabbit le temps du décollage, mais quelqu’un s’y trouvait déjà. La personne la plus importante à bord de cette avion, et aussi la moins célèbre. Une que je ne pouvais que reconnaitre, mais que Rabbit n’avait sans doute vue qu’une fois, lors de notre briefing, quelques jours plus tôt.
“Miss Tensai, c’est ça ?”
L’ingénieure derrière le moteur Yusei-Ryushi, et la protégée de Robotto. Qui leva les yeux de son téléphone en nous voyant approcher. Son visage, quoique visiblement blasé, ne montrait aucun signe d’animosité.
“Ravie de faire votre connaissance, je suis Ryou Hanasawa, et voici…”
“Satoru Woaru, du groupe Waoru. Oui, j’ai entendu parler de vous.”
Bonne ou mauvaise nouvelle ? En tout cas nous étions lancés, trop tard pour reculer.
“Vous voulez vous asseoir ? Les ceintures de sécurité sont planquées entre les coussins.”
Elle joignit le geste à la parole et boucla sa propre ceinture. Qui décidément, jurait avec le luxe du canapé où elle était installée.
J’étais de l’avis que nous ne devions pas être trop parfaits dans nos personnages. Surtout Ryou. Elle jouait un jeu dangereux, et même si elle faisait de son mieux pour laisser une part d’ambiguïté, j’avais un peu peur que son perfectionnisme la pousse à être une imitation trop parfaite d’elle-même. Le commun des mortels n’était pas capable d’imiter à 90% un autre être humain, quand bien même Lady Moriarty était supposée être géniale. Si ne serait-ce qu’une seule personne, après sa grande révélation, se disait "Mais pourtant…" au lieu de "J’aurais dû le voir venir", je considérerais la prestation comme un échec.
J’imaginais que la Lady et moi formions une paire, pour l’instant, et commençais donc à la suivre à travers l’avion. Nos personnages n’avaient pas vraiment d’atomes crochus, aussi bien en termes de personnalités que de place dans le monde, rester ensemble quelque temps pouvait être une bonne façon d’instaurer un léger doute.
Nous finîmes par arriver dans une vaste zone qui… Oh, Skunk. Bien, il ne s’était pas perdu en chemin. Et il était même accompagné par… Flower… Machin… Truc… Celui qui peut se téléporter quand il fait quelque chose mais dont l’Alter est annulé par les portes de congélateur, là. Sacré best-of que l’intérieur de cet avion, quand même. Il y avait aussi, dans ce groupe, deux filles que je ne connaissais pas. C’est à ce moment que Ryou décida de me questionner sur mon "avenir". Bien vu. Je parlais de sorte à être entendu aussi bien par Hana-chan que par l’assemblée de héros que nous croisions.
"Dans mon futur immédiat, je pense qu’après le décollage, j’irais inspecter l’intérieur de l’avion de plus près, prendre des notes tout ça. Je suis pas encore assez rôdé pour vraiment apprécier le YRE, d’autant que Robotto va probablement nous le présenter en détails, mais la carlingue ça me botte un peu plus."
Je n’avais toujours pas pu planquer mon œil. Et en fouillant pour trouver une bonne cachette, il y avait des chances que je tombe, justement, sur l’arsenal ou les costumes de notre Ménagerie-B. J’étais le Détective du groupe, après tout. Trouver des objets dissimulés et déduire leurs propriétaires, ça restait mon domaine d’expertise principal. Savoir qui dans les invités étaient des imposteurs de la Ménagerie-B nous fournirait un avantage tactique incroyablement précieux.
"Mais pour ce qui est de l’entreprise… J’avoue que l’espace, ça me vend moins du rêve qu’à mon père, je pense qu’on devrait rendre nos moyens de transports plus durables sur le long terme pour la planète ici, avant de partir en ruiner d’autres. Pour ça que je dois parler aux gens de chez Sato."
Du pur personnage, ça. Si toutes nos interactions étaient juste des métaphores plus ou moins alambiquées, ça allait finir par attirer des soupçons.
Ryou venait de flasher sur un canapé et son occupante, que je reconnaissais comme étant la star de l’ombre de l’évènement. Elle "me" connaissait, mais de nom uniquement, tant mieux.
"Oh, vous êtes Mme Tensai ! J’ai aussi entendu parler de vous, mais je n’avais aucune idée d’à quoi vous ressembliez."
Je m’installais à la place du milieu. Le canapé était d’un confort absolu. L’endroit était chouette. On me parlait avec un certain respect, quoiqu’avec l’intention de me flatter.
Bon sang, c’était beaucoup trop bien, et en même temps, quelle angoisse de m’y retrouver dans le cadre d’une telle mission. J’aurais, sincèrement, été prêt à pleinement accepter la présence de Moriarty et Skunk, si nous n’avions pas des rôles aussi tendus à jouer. Comme pour la croisière, c’était bien la croisière, même avec Moriarty. Je…
J’avais terriblement besoin d’amis, en fait. Plus qu’une réelle envie de foutre le camp et d’en changer, c’était ça que la présence de Junpei avait imposé à mon esprit. C’était décidé, après cette mission, j’allais me trouver des potes. Des vrais, pas juste ma boss qui acceptait vaguement une activité ou deux avec moi de temps en temps pour vérifier que je ne devenais pas fou. Surtout qu’avec son programme politique, ça faisait bien longtemps qu’on n’était pas allés à la pêche.
L’avion se mit à trembler, une voix sortit d’un haut-parleur, nous allions décoller.
"J’imagine que c’est là qu’on va voir si vous avez bien fait votre travail, ou si nous allons exploser en l’air, comme un gros gâchis d’argent et de carbone, haha."
“Oui.”
C’est tout ? Bon, ma remarque n’avait pas pour but d’être particulièrement fine, mais quand même. Quelle sobriété, chez cette Mme Tensai. Elle remplissait les idées reçues sur les génies qui s'avéraient être des excentriques complets. Assis sur notre canapé, tous les trois, nous formions d’ailleurs une sacrée brochette. Un véritable dango de cas d’école.
Noah parle en #542d71 gras, et utilise la police Georgia sous son identité secrète.
La boss et son lapinou n’était plus dans son champ de vision. Lorsqu’ils s’étaient croisés, la dame avait posé une question à son acolyte concernant “ses plans pour l’avenir”. Ça ne pouvait pas être un hasard qu’elle pose cette question juste au moment où elle était certaine qu’il pouvait, lui aussi, entendre ses propos.
Réfléchis à ta prochaine action
Assis à sa place, sa ceinture bouclée et attendant que l’avion décolle enfin, Tadao fixait l’extérieur et les gens qui s’affairaient aux derniers préparatifs dehors par le hublot juste à côté de son siège. Contrairement aux fauteuils de luxe des passagers, eux, simples “employés”, n'avaient droit qu’à des sièges d’avion classique. Et pas les plus confortables du marché. Flower Bruiser se plaignait de la situation à ses côtés, mais lui ne l’écoutait que d’une oreille.
Selon le plan qu’il avait mémorisé, la zone de recherche qui lui avait été attribuée, soit l’avant de l’avion, incluait les cuisines, une partie du salon, le casino et le bar. C’était grand, mais il y avait plusieurs endroits stratégiques. Ses compagnons n’avaient pas accès aux cuisines, ce serait donc à lui d’inspecter si la fausse ménagerie s’y trouvait. Le casino et le bar étaient aussi de bonnes pistes, mais ces endroits étaient plus accessibles pour Moriarty ou Rabbit.
Un bourdonnement commença à se faire entendre alors que les lumières d’avertissement situées un peu partout et invitant les passagers à rester assis s’allumaient. Le fameux Yusei Ryushi Engine venait d’être mis en marche l’Oie de Satin n’allait pas tarder à prendre son envol.
Tout le monde était installé, les ceintures de sécurité étaient bouclées et le pilote venait de souhaiter un bon vol aux passagers. Le moment le plus stressant des 23 prochaines heures était maintenant arrivé : Le décollage.
Personne n’oserait prétendre que Tadao avait peur des avions. Après tout, personne, pas même son employeur, n’était au courant de ce petit détail qu’il n’avait jamais pris la peine de dévoiler à personne. Mais toute chose volante provoquait chez lui un certain malaise. Sans doute était-ce dû à sa haine des oiseaux, mais il était impossible de le prouver hors de tout doute.
L’appareil prit donc de la vitesse soudainement, s’élançant sur la piste. Le criminel cru alors qu’il allait s’évanouir, se raccrochant comme il pouvait à la conscience afin de ne pas donner une mauvaise impression à ses “collègues” héros. Tant bien que mal, il garda les yeux ouverts jusqu’à ce qu’ils furent stable dans le ciel et que, soudainement, toutes les lumières d’avertissement s’éteignirent. Ils étaient maintenant libre de circuler comme ils le souhaitaient.
Et eux ils avaient l’obligation de le faire.
Encore plus blanc que d’habitude, il se leva en vitesse, souhaitant cacher sa soudaine faiblesse.
- Je… Je crois que l’on devrait se séparer pour couvrir notre zone… Je vais commencer par euh… Par les toilettes tiens.
Presque en courant, il se dirigea vers les toilettes les plus proches, malgré l’avertissement de leur superviseur un peu plus tôt et évacua les takoyaki mangé avant l’embarquement. Tant pis pour l’impression.
Les deux “ingénieurs” ayant choisi leurs places avant que je puisse me prononcer ou faire le moindre geste, il ne me restait qu’à me caler dans le coin du canapé et les laisser discuter sans moi. Si jamais ils voulaient parler. Tensai était là avant, donc rien à redire, mais c’était très impoli de la part de Waoru de ne même pas me proposer la place. Parfait jeu d’acteur, Rabbit ne décevait pas. Contrairement à la créatrice du moteur vedette, qui n’était définitivement pas loquace. Le temps que je m’installe et m’accroche, elle avait dit un seul mot supplémentaire. Pas une phrase ou rien, un mot. Mon pauvre acolyte allait bien souffrir s’il devait rester avec elle plus longtemps, ce qui aurait été cohérent avec son rôle, mais il avait déjà prévu d’aller examiner la carlingue. Rechercher les petits recoins et compartiments, chercher le matériel caché, c’était bien que quelqu’un se dévoue.
“Je suis certaine que~”
Elle m’a coupé la parole d’un geste, sa main est venue se plaquer devant mon visage - quelques centimètres de plus et elle me fermait effectivement la bouche de force. J’ai été surprise un instant mais j’ai feint une réaction plus violente, plus naturelle. De son côté, elle m’a adressé un regard dur et peut-être un peu mauvais.
“C’est mon premier vol à bord, je veux écouter.”
Aussi aimable qu’une porte de prison, cette femme. Au moins elle ne perdait pas de temps en parlote inutile, ce qui la plaçait un cran au-dessus de la majorité des occupants de cet avion, mais qu’elle utilise son cerveau prodigieux d’une façon qui m’offre un peu de distraction aurait été plus agréable. A la place, j’ai simplement fait comme elle et j’ai écouté. Le grincement du métal, le ronronnement des moteurs, la vibration de l’air sur la coque, les bruissements du tissu sous nos culs et les murmures des autres passagers qui ne se privaient pas pour parler.
On se faisait chier, putain. Devoir passer trois minutes attachée, sans rien dire ou faire, sans rien d’intéressant à observer ou étudier, juste la foule des visages répartis de façon clairement aléatoire qui échangeaient des banalités - je sais, j’écoutais, et je n’avais rien de mieux à faire que d’y chercher des codes ou double-sens ou je ne sais quoi - sur leurs bancs de luxe. A un moment, j’ai commencé à taper un rythme du bout du pied pour essayer de trouver quelque chose à faire, mais Tensai s’est raclé la gorge et m’a lancé un regard mauvais. Vraiment, quelle angoisse.
Le calvaire a finalement pris fin quand les lumières d’avertissement rouge se sont éteintes et ont laissé la place à un éclairage blanc-jaune chaud, typique des établissements de luxe et sans doute choisi avec beaucoup de soin. J’ai immédiatement détaché ma ceinture et me suis relevée, contente d’enfin pouvoir m’échapper.
“Eh bien, monsieur Waoru, miss Tensai, j’espère que le vol se passera bien pour vous ! Nous nous reverrons sans doute pour la présentation du Yusei-Ryushi Engine, en attendant je vous laisse à vos préocupations d’ingénieurs. Le casino semble une destination plus dans mes cordes.”
Elle m’a adressé un regard, signe qu’elle avait entendu, puis a levé les yeux au ciel, signe qu’elle me jugeait fort pour mon choix. Tant pis, je ne cherchais pas son approbation - qui semblait bien difficile à gagner de toute façon. Skunk et Rabbit étaient à bord, ils jouaient leurs rôles, ils savaient où aller - l’un me l’avait confirmé, et l’autre venait de bondir de son siège - ils n’avaient donc pas besoin de ma supervision. Je pouvais aller où je voulais, et voir qui m’accompagnait, maintenant que tous les invités se mettaient en mouvement.
Ce n’était pas intéressant pour moi, ce décollage silencieux, mais ça devait être une vraie torture pour Moriarty. Skunk au moins, tout hyperactif qu’il était, pouvait probablement discuter avec ses copains héros. La Lady, elle, était en train de ressentir ça comme 30 minutes d’ennui total. Je n’osais même pas cligner de l’œil en morse afin de lui donner quelque chose à faire pendant le décollage, de peur que la givrée de mécanique trouve ça trop bruyant.
Lorsque, enfin, nous fûmes libres de nos mouvements, je laissais à Ryou le temps de dire “casino” avant de jaillir de mon siège. Le voyage allait être long, et l’opération impliquait une bonne part d’attente et de patience. Toutefois, pour ce que j’avais en tête, mieux valait que je ne perde pas trop de temps. Si la Ménagerie-B avait dissimulé des armes et outils dans l’avion, il fallait que je repère tout ça avant qu’ils n’aient le temps de les récupérer.
Premier arrêt…
"J’viens déposer mon manteau. Fait trop chaud ici."
L’employé responsable du vestiaire effaça son sourire forcé de son visage.
"Ok."
Il tendit les mains vers moi. J’affichais une expression d’incompréhension et de vague dégoût tout en soulevant légèrement le col de mon habit.
"Je m’en charge, je préfère. Ça coûte cher, en fait."
Il haussa les épaules et pointa la porte derrière lui de son pouce.
"C’est comme tu veux."
Ce type était un vrai pro. Satoru Waoru lui parlait mal, alors il lui parlait mal en retour. Pas besoin de gaspiller sa réserve de faux-semblants sur quelqu’un qui ne le méritait pas, après tout. Il irait loin, dans ce monde sans issues. Sans lui adresser un merci ou un signe de tête, je passais derrière son comptoir et pénétrais dans le vestiaire.
J’avais fait exprès de me montrer avec le manteau boutonné et fermé à l’employé, de sorte à ce que le temps que j’allais passer là-dedans ne semble pas suspect. Mon œil se porta dans tous les coins. Il y avait là les vestes comptant parmi les plus coûteuses du pays, surveillées par une caméra qui… Non, en fait, pas du tout. Je m’y connaissais, et ça, c’était une caméra de sécurité totalement éteinte. Voire factice.
Est-ce que c’était un coup de Robotto, qui avait les moyens de financer un moteur à propulsion ionique mais pas un PC sécurité digne de ce nom ? Probablement pas. À vrai dire, il était plus probable qu’il ait mis un point d’honneur à ne pas mettre de caméra dans cette pièce. Si le personnel était supposé se charger de la gestion du vestiaire, tout vol était très facile à retracer, d’autant plus dans un endroit fermé comme un avion. Non, cette caméra était probablement l’œuvre de la Ménagerie-B. Un moyen de projeter l’illusion d’une pièce parfaitement sécurisée… Ou alors, Moriarty-B avait vraiment plusieurs coups d’avance, avait prévu notre venue, et voulait nous mettre la pression. C’était moins probable, mais pas totalement à écarter.
J’avais un temps limité pour fouiller, je devais me hâter. Pas touche aux manteaux, c’était trop long et trop imprévisible, comme point de recherche. Il n’y avait pas de bagages visibles, juste des caisses en hauteur, trop lourdes et massives pour être facilement manipulées par un criminel infiltré. Les cintres. Il y en avait de deux modèles, réunis ici. Certains étaient en bois, "pleins". Et il y avait ceux en plastique gris, de forme similaire mais présentant un "creux" au sein de leur châssis. Coïncidence ou consigne reçue par les employés, les cintres en bois étaient privilégiés, tandis que ceux en plastique étaient délaissés, serrés dans un coin, loin des manteaux.
Je passais mes doigts dans le creux d’un des cintres de plastique, celui le plus éloigné de la porte. Le petit courant électrique que je connaissais bien me traversa le corps. C’était le sentiment de gratification qui m’envahissait quand j’avais raison. Je pouvais sentir contre mes doigts un objet, scotché contre l’intérieur du cintre. Je le soulevais pour le regarder. Une lame rétractile. Et à l’intérieur d’un autre, et d’un autre, les fragments désassemblés d’un pistolet. Probablement factice, ou alors ses balles étaient cachées ailleurs.
Je n’avais pas besoin d’en voir plus. Prestement, je sortis de ma poche le petit flacon dans lequel était caché mon œil, et le calais dans un coin en hauteur. Avec le miroir sans tain qui le recouvrait, il était presque invisible. Je fermais l’œil droit et activais ma vision alternative. Les implants dans mon orbite me renvoyèrent aussitôt le métrage capturé par mon œil artificiel. Bien, l’angle était bon. Je pourrais savoir exactement qui rentrerait ici, et pour faire quoi. Ne restait plus que deux choses à faire.
D’abord, retirer et ranger mon manteau. En-dessous, je portais des habits "casual chic" à manches longues qui dissimulaient tant bien que mal la différence principale entre Satoru et moi : l’entretien de nos corps. Le jeune héritier n’était pas non plus une ficelle, mais par rapport à moi, l’écart restait notable. Les manches longues servaient aussi à dissimuler mes bras qui, à l’inverse de mon visage et mes mains, n’avaient pas été maquillés pour masquer notre différence de teint de peau.
Et enfin, la dernière chose que j’avais à faire, avant de partir d’ici, c’était de toucher les cintres avec ma main gauche. Un, deux, trois, quatre, cinq… Six. C’était l’occasion de mettre à l’épreuve ma capacité de marquage, qui avait légèrement augmenté. Et maintenant…
Les uns après les autres, sans le moindre bruit, s’évaporèrent dans l’air. Chacun avait simplement repris sa position dans l’espace d’il y a deux secondes. Rien de plus, et pourtant les voilà qui tombaient, tels des D.B. Cooper inanimés, désormais introuvables à tout jamais. J’allais VRAIMENT devoir faire gaffe avec mon Alter, ici. Si la situation virait au combat, je devrais lutter contre les réflexes musculaires qui me viendraient. Plus tragique encore, je ne pourrais pas tester ma toute première technique spéciale récemment mise au point. Enfin, il y aurait d’autres occasions. Et pouvoir me débarrasser de tout et n’importe quoi pour un coût en énergie quasi-nul était appréciable.
J’avais dû passer… Une minute trente dans ce petit vestiaire. Pas assez pour attiser la suspicion de l’employé, à en juger par son air totalement désintéressé lorsque je sortis des lieux.
Bien.
Prochain arrêt…
Noah parle en #542d71 gras, et utilise la police Georgia sous son identité secrète.
Complètement vidé de son petit-déjeuner et de tous les encas qui avaient suivi, Tadao sorti des toilettes en titubant. Un regard vers l'endroit où il était assis un peu plus tôt lui permit de constater que ses collègues héros ne l'avaient pas attendu et qu'ils avaient déjà commencé leurs rondes. Parfait, il n'aurait pas à reparlé à Flower Bruiser pour le moment, ce qui lui laisserait peut-être le temps d'oublier cet... Incident.
Sans aucun doute la Lady et le Lapin avaient eux aussi commencé leurs explorations de l'appareil, il se mit donc en marche, question d'éviter les réprimandes si jamais la boss le surprenait à perdre son temps devant les chiottes.
Tout en se dirigeant tranquillement vers les cuisines, Skunk prit le temps d'observer les gens qui l'entouraient et dont il devait "assurer la sécurité". Cette pensé le fit sourire. Dire qu'il avait déjà aspiré à faire cette profession de façon sérieuse. C'était bien plus amusant de faire semblant.
Les passagers étaient, pour la plus grande partie, des gens fortunés, comme les rôles de ses deux comparses, et il était dur d'imaginer que l'un de ces pédants personnages pourrait être en fait un dangereux criminel du niveau (ou se croyant du niveau, du moins) de la Lady. Les employés, quant à eux, pouvait venir de n'importe quel background, il était donc bien plus plausible que les imitateurs se trouvent parmis ceux-ci.
Revenu à son point de départ, à savoir le poste de contrôle d'où il avait eu son briefing, la porte des cuisines n'était plus qu'à deux pas. De façon assuré, il pénétra dans la pièce pour se faire interpeller aussitôt.
- Hey vous! Qu'est-ce que vous foutez ici, c'est une zone interdit au public.
Un couteau de cuisine a porté de main aurait fait l'arme idéal. L'aide-cuistot qui s'approchait de lui ne l'aurait jamais vu venir et il aurait été couché au sol, la gorge tranché. Ses autres collègues n'auraient pas tardé à le suivre dans l'au-delà et Tadao aurait pu se remplir l'estomac de nouveau.
Mais l'homme au cache-oeil se contenta de sourire.
- Je suis Insomniac, héros pro chargé de la sécurité. Désolé, mais même les zones privés ne sont pas exemptes d'inspection. Ordre du boss.
Sa vraie boss et son faux boss, même.
Grognant quelque chose, l'aide s'éloigna la queue entre les jambes (littéralement, il avait une queue de rat, sans doute un alter de mutation). Un homme bedonnant mais à l'air tout de suite plus sympathique s'approcha de lui.
- B'jour m'sieur l'héros. J'suis Pol, l'chef ici. V'pouvez r'garder, mais f'ttention de pas n'déranger siouplait.
Insomniac-B, pas très certain d'avoir compris, se contenta d'hocher la tête, alors que l'autre retournait à ses occupations. Il se mit à errer dans la pièce et regarder les gens à l'oeuvre. La plupart faisait leur tâche sans trop faire attention à ce qui se passait autour. Tous sauf un en fait. Un qui semblait un peu plus stressé que la moyenne et qui regardait souvent l'heure.
Cet homme, attitré aux patates, déposa soudainement ses instruments de travail, alla dire quelque chose au chef, puis quitta la pièce.
Intrigué, notre criminel préféré décida de le suivre. Il salua donc le chef de la main, puis sorti de la pièce lui aussi. Il repéra sa cible qui marchait d'un pas pressé un peu plus loin, puis commença à le suivre, tout en tentant de garder une certaine distance entre eux.
![Vol en haute altitude et arnaque de haute volée [PV Noah & Tadao] - Page 2 Signal11](https://i.servimg.com/u/f59/19/38/88/77/signal11.jpg)
![Vol en haute altitude et arnaque de haute volée [PV Noah & Tadao] - Page 2 Oiedes10](https://servimg.com/r/5919388877/oiedes10.png)