La journée s’était terminée plus tard que prévu, les embouteillages m’avaient forcés à prendre plusieurs détours pour amener mon client à destination et il m’avait fallu encore une bonne heure avant d’arriver au garage de Stainless Security et déposer le véhicule. Normalement, ce genre de contretemps m’aurait profondément affecté, je me serais probablement précipité à la station de train la plus proche afin d’arriver chez moi le plus vite… eh … Ça n'avait plus d’importance maintenant, plus personne ne m'attendait à la maison.
Motivée par une profonde aversion à la solitude, j’avais essayé d’inviter quelques collègues pour un after work. Yamada devait s’occuper de sa petite fille, Mikawa faisaient des heures sup et vu sa voix, López était déjà bien éméché. J’étais peut être un peu désespérée, mais pas au point de retrouver un collègue juste pour lui tenir les cheveux et éponger son vomi.
La journée avait été chaude et l’air nocturne était étouffant, pourtant je me plaisais à parcourir les rues de la ville encore animée. Une simple petite balade de santé histoire de maintenir le moral quoi. Sauf que, même après avoir diné deux grosses parts de pizza accompagné d’une boisson diététique, bah… Le morale n'était toujours pas là et j’étais contrainte de me rendre à l’évidence. Je ne voulais pas rentrer chez moi pour affronter le silence. Point.
Je m’apprêtais à me glisser dans la rue où se trouvait mon ancien établissement lorsque des voix attirèrent mon attention. Deux rabatteurs particulièrement menaçants venaient d’aborder une jeune femme. Quelque chose dans leur attitude n’était pas net et la jeune femme était trop jolie pour que je passe simplement mon chemin.
Deux bonds et me voilà mêlée à une situation qui ne me concernait absolument pas.
- Hey Mia! Je te cherchais! Dépêche toi, les autres nous attendent!
Les mains enfoncées dans les poches de mon sweat a capuche j’essayai d’avoir l’air le plus détendue possible et faisait mine de ne pas avoir remarqué les deux hommes.
Je suis perdue. J'ai beau habiter au Japon depuis plus d'un an maintenant, je ne connais toujours pas Tokyo, ni même le quartier où j'habite. Pourtant, dans le désert j'avais un sens de l'orientation hors du commun, je pouvais guider des caravanes sur des journées entières en me servant du soleil le jour et des étoiles la nuit…
Rien n'est pareil en ville. Ici, il est impossible d'apercevoir les étoiles, tant le centre-ville est animé et éclairé. C'est une véritable source d'angoisse pour moi, j'en perd mes repères.
Au final, je me retrouve à errer dans les rues d'Hosu, avec une adresse en tête que je ne retrouverais jamais… L'autre jour, un héros m'a invitée à une soirée après que je lui ai filé un coup de main sur une intervention. "Il y aura plein de héros connus ! Même un du top 10 !" m'avait-il dit.
J'ai accepté car j'ai très peu de contacts héroïques excepté mes collègues de Shiketsu, je ne cherche pas à être spécialement connue mais il peut m'être utile d'élargir mon cercle… Notamment si je reprends l'héroïsme professionnel un jour. C'est ce qu'on apprend à nos élèves après tout.
Si seulement je n'étais pas aussi idiote. J'ai voulue faire bonne impression et maintenant je commence à avoir froid avec ma tenue sans manches… J'aurais dû garder ma tenue héroïque, au moins je suis à l'aise dedans. Les passants me regarderaient moins aussi.
Prenant aléatoirement un détour, je me retrouve d'un seul coup coupée de toute lumière, me retrouvant dans une ruelle à peine éclairée… Et très silencieuse. Et étrangement, je me détends. Levant les yeux au ciel, j'aperçois quelques étoiles et le silence m'apaise. Je me remémore mes moments seule, assise sur une dune, à laisser mes pensées divaguer.
Mais le calme est de courte durée alors qu'une présence désagréable apparaît soudainement à mes côtés. Je tourne la tête alors qu'une infâme odeur de tabac m'emplit les narines et qu'un homme me regarde de haut :
"Bonsoir mademoiselle…"
Dit-il avec un sourire en coin, s'approchant pour m'asphyxier avec son horrible haleine puant l'éthanol.
"T'es… Perdue ?"
Oui, en effet. Cependant, vu son regard pesant dirigé sur ma poitrine, l'individu semble n'avoir que faire d'une potentielle réponse à sa question. Mais avant que je ne puisse m'en aller, une deuxième voix s'élève derrière moi, tout aussi insistante que la première :
"Oh une fille… T'es pas japonaise toi… Ça tombe bien j'aime bien l'exotisme."
Un relent de dégoût remonte de mes intestins tant l'odeur d'alcool se fait forte alors qu'ils s'approchent de moi pour m'encercler. Ils sont tous les deux plus grands que moi.
Un frisson me parcourt. Sans mon costume héroïque, je me sens… différente. Moins courageuse. Je ne sens pas de terre à proximité. Il faut que je me tire de là. Maintenant.
Soudain une voix féminine m'interpelle :
"Hey Mia ! Je te cherchais ! Dépêche toi, les autres nous attendent !"
Mia ? Mes yeux se posent sur une fille aux cheveux noirs au bout de la ruelle, qui me fixe avec un regard insistant. Après avoir passé une seconde à l'observer, je reprends vite mes esprit en comprenant qu'elle essaye de me tirer de cette situation, le gars devant moi s'étant retourné en titubant pour l'observer. Il ne m'en faut pas plus.
"J'arrive !"
Dis-je, en m'avançant vers elle d'un pas décidé. Mais soudain, une main moite se saisit de mon bras gauche, me stoppant net :
"Hé attends Mia, reste t'amuser avec nous ! Ta copine peut même… Arg !"
Il n'a pas le temps de sortir une autre horreur de sa bouche que je m'étais emparé de sa main et lui avait tordu violemment le poignet, le faisant s'écraser au sol en une fraction de seconde. À force de manipuler des tonnes de terre, j'avais quand même acquis une certaine force dans mes mains.
"J'y vais."
Dis-je d'une voix sèche, laissant l'idiot au sol pour rejoindre l'inconnue, sous les yeux surpris de son pote.
"Merci, c'est sympa."
Dis-je en arrivant à sa hauteur, m'inclinant légèrement pour lui montrer ma gratitude.
En venant dans ma direction “Mia” avait attiré les deux lourdaux avec elle. Ils tiraient la gueule, clairement, comme quoi, l’alcool joyeux c’est pas pour tout le monde. Est-ce que ça avait à voir avec la rouste qu’ils avaient failli prendre? On va leur laisser le bénéfice du doute.
Quoi qu’il en soit. La lumière de la rue principale venait à présent éclairer les visages de tout ce joli monde. Enfin, “joli” c’est une façon de parler, bien entendu. De joli ici il n’y avait que la princesse étrangère. Les deux autres gars n’avaient rien de joli. Je l’ai avait pris pour des rabatteurs au début, à cause de leur attitude, mais à les voir de plus près j’avais plus l’impression de reconnaître deux trous du cul à qui j’avais déjà eu à faire plus d’une fois.
Je fronçai les sourcils. J’avais pas gardé un super bon souvenir de leurs alters. On les avait pas dénoncés à l’époque parce qu’ils étaient des clients récurrents (ou alors l’inverse, je sais pas trop), mais je travaillais plus pour la boite et je n’avais aucune raison de les confronter.
“On ferait mieux de pas trop traîner ici, c’est pas des mecs sympa ces deux là”
Ma main s’était refermée sur les doigts de la jeune femme et je l’avais sans ménage attirée dans la rue principale, sans pour autant quitter ses agresseurs des yeux.
Comment est-ce que des trous pareils pouvaient avoir autant d’argent? Sérieux! Il devait être même pas dix heures du soir et ils avaient déjà perdu suffisamment de neurones pour se comporter comme des gorilles en route. La vie peut être vraiment injuste. Je trime depuis mes 15 ans, tout ça pour vivre dans un appartement minuscule, dans un quartier pourri et être tout juste capable de couvrir les frais médicaux de mon père. Fait chier!
La fille, sans me répondre, m’attrape la main et m’attire avec elle, le visage fermée. Sa main est chaude et sa poigne est forte, sans protester, je me laisse emmener en dévisageant ma sauveuse de la soirée. C’est une jeune femme au cheveux sombres attachés avec de nombreuses tâches de rousseurs qui parcourent les alentour de son nez fin, elle a de beaux yeux d’une teinte vert-bleue que j’ai rarement vue.
“On ferait mieux de pas trop traîner ici, c’est pas des mecs sympa ces deux là”
Dit-elle en serrant les dents, comme si c’était la centième fois de la journée qu’elle faisait ça et qu’elle était à bout. Je ralentis un peu et pose une main sur son épaule pour la faire se tourner vers moi :
“Hé, Ça va ? Tu les connais ?”
Nos regard se croisent et je frissonne avant de passer une main dans mes cheveux :
"Excuse ma question, c’est juste que tu n’as pas trop l’air dans ton assiette. Encore moins que moi.”
Je n’ai pas peur de ces pointeurs, s’il n’en tenait qu’à moi, je les étalerais sans difficulté. Mais cette justicière de l’ombre m’intrigue, elle a une aura rassurante, je me sens plus confiante à ses côtés.
“Hé, Ça va ? Tu les connais ? Excuse ma question, c’est juste que tu n’as pas trop l’air dans ton assiette. Encore moins que moi.”
La voix de “Mia” m’avait sorti de mes pensées, je croisai son regard un instant. La lumière de la rue principale me permettait de mieux voir son visage.
Elle était différente.
Pas différente comme le sont les gens différents avec une peau écailleuse où des yeux phosphorescent, mais plutôt différente comme l’étaient les gens des siècles dernier.
Ses traits avaient quelque chose d’exotique. Je toussotai doucement pour libérer ma gorge nouée tout en continuant de m’éloigner de la ruelle.
- Ça va, ça va. Ces mecs sont des clients réguliers d’un club où je bossais avant. L'alcool les rend bête et méchant, mieux vaut pas trop les chercher parce qu'ils hésitent pas avoir recours à la violence.
Il y avait pas mal de monde, c’était bien pour se planquer et mon coeur commençait déjà à battre plus tranquillement, si bien que j’arrivai finalement a m’arrêter pour faire face à la jeune femme.
- Aaah, désolée de t’avoir attrapé comme ça, j’ai eu un mauvais pressentiment et ça m'a fait un peu peur hahaha.
Je tenais encore la main de l’inconnue alors que c’était plus vraiment nécessaire. Je lui lâchai les doigts et entreprit nonchalamment de gratter la fine couche d'écorce qui s’était formée sur ma paume. “Mia” avait pas du tout l’air d’avoir été sauvée in extremis d'une catastrophe. J’avais aucune idée de l'origine de son calme, pt’être que j’avais un peu surréagi?
- J’mapelle Ki, au fait! Et toi?
Errer sans but dans un quartier nocturne c’est un peu pourri et ça ne m'intéressait pas trop. Cette rencontre fortuite venait pimenter ma soirée et me changer un peu les idées, j’avais pas vraiment envie d’en rester là.
- Tu allais quelque part?
Yeay, super Ki à la rescousse! “Mia” était chouettement habillée, elle devait surement aller à une fête avec des amis, ou un truc du genre. Si je pouvais m’incruster, ça pouvait être l'occasion de connaître du monde.
J’allais lui donner mon nom d’héroïne… Mais peut-être m’avait-elle déjà reconnue ? Je ne suis pas trop sur le terrain après tout, je suis plus souvent à Shiketsu. Dans ce métier, j’en oublie vite qu'on peut aussi rencontrer des personnes de façon plus normale. En tout cas, cette jeune femme aux cheveux sombres était bien courageuse d’avoir osé faire face à ces deux energumènes qui sont pourtant tous deux plus grand qu’elle.
“Non ne t’excuse pas, sans toi je ne sais pas ce que j’aurais fait s’ils étaient devenus agressifs.”
Et c’est plutôt vrai, en débarquant comme ça elle m’avait redonné confiance, j’en ai presque oublié que j’étais en robe… arf, quelle honte. Lorsque ses yeux profonds se posent dans les miens je frissonne un instant en frottant mes bras avec mes bras, c’est vraiment pas pratique de ne pas avoir de manche, j’ai froid.
“Ouais… euh j’allais à un genre de soirée, c’est un héros qui m’a invitée..”
Je baisse les yeux pour regarder mes pieds.
“Mais je ne connais pas le coin, je me suis perdue haha…”
J’essaye de mettre mes mains dans mes poches mais je n’en ai pas… Je ne sais pas où mettre mes mains. Je dois vraiment avoir l’air ridicule, je donnerais tout pour être chez moi au chaud.
“Je ne sais même pas si j’ai encore envie d’y aller.”
Je relève les yeux pour regarder ma rencontre du soir :
“Et toi ? Tu passes ta soirée à sauver des filles en détresse ?”
Un héros qui l’avait invité à une soirée?? Woaw, trop bien! C’était surement une soirée privée super stylé avec pleins de gens aussi chiques que la jeune femme. Le genre de soirée que je passais généralement sur le pas de la porte à vérifier des noms.
“Je ne sais même pas si j’ai encore envie d’y aller.”
C’est pt’être le contraste entre sa posture et ma subite envie de m’incruster dans une fête qui me ramena à la réalité. Ayo avait pas l’air très confortable et je remi la faute aux événements qui venaient de se produire dans la ruelle.
C’est vrai qu’elle avait l’air vulnérable quand même et c’était pas la faute à sa carrure, elle devait être sportive pour avoir des épaules pareilles! Par contre sa posture transpirait l’inconfort, probablement la faute aux événements de la ruelle.
J’avais pas grand chose à lui proposer pour la réconforter, mais j’avais ma veste de costard dans mon sac.
“Et toi ? Tu passes ta soirée à sauver des filles en détresse ?”
Qu’elle drôle d’idée, voilà un truc qui me tira un sourire. Sauver les gens c’est bon pour la police ou les héros, c’est pas mon boulot de faire ça. Je lui lançais un sourire tout en déroulant la veste sous ses yeux.
“Pas du tout. Je travaillais dans ce quartier avant alors là je me baladais juste pour chasser la nostalgie et je suis tombé sur toi par hasard. Tiens, si tu veux j’ai une veste pour te protéger. Faut pas que tu laisses ces gars te pourrir ta soirée, sinon c’est un peu comme si ils gagnaient. Moi je dis, on devrait aller dans un endroit calme le temps que ça aille mieux, et après tu reconsidérera pour ta fête.”
J’étais tellement persuadé d’avoir raison que je me contentai de lui poser le manteau sur les épaules avant de l'entraîner joyeusement par le coude dans les rues colorées du quartier nocturne. On pouvait se poser dans mon ancienne boite de nuit, la pièce pour le staff me serait facilement accessible si j’expliquais la situation aux copains.
Ki, amusée par ma question sourit avant de répondre simplement :
“Pas du tout. Je travaillais dans ce quartier avant alors là je me baladais juste pour chasser la nostalgie et je suis tombé sur toi par hasard. Tiens, si tu veux j’ai une veste pour te protéger. Faut pas que tu laisses ces gars te pourrir ta soirée, sinon c’est un peu comme si ils gagnaient. Moi je dis, on devrait aller dans un endroit calme le temps que ça aille mieux, et après tu reconsidérera pour ta fête.”
Elle enroule doucement sa veste encore chaude autour de mes épaules, mes muscles se détendent et mes mains attrapent les cols de la veste pour la refermer autour de moi, ça fait du bien.
“Si tu veux… c’est gentil.”
Cette fille a vraiment une aura rassurante, elle me remet très vite à l’aise, alors quand elle m’attrappe le coude pour m’entraîner dans les rues de la ville, je me laisse entraîner et la suit naturellement. L’air frais de la nuit ne m’agresse plus les bras et me caresse maintenant le visage avec douceur. Avec elle, je me sens à l’aise, la ville de nuit prend vite une allure bien plus magique qu’intimidante et mes soucis s’envolent.
“Tu as dis que tu travaillais dans le quartier avant… Tu y faisais quoi ?”
Tu as dis que tu travaillais dans le quartier avant… Tu y faisais quoi ?
Le quartier n'était en réalité pas super grand. Ce qui lui donnait des allures de labyrinthe c’était plutôt la quantité de petites ruelles ainsi que les façades toutes plus similaires les unes que les autres.
La boite où je bossais était une enseigne très réputée dans le coin et elle trônait dans l’avenue principale au milieu de deux fois plus de néons que ses concurrentes. Tenshi était à la porte devant une file interminable de jeunes et de moins jeunes biens habillés et encore sobres (pour la plupart).
“J’étais videur dans cette boite de nuit!”
J’accompagnais mes paroles d’un mouvement enthousiaste vers le nez de mon ancien collègue qui se tenait juste devant l’entrée. Le gaillard mesurait bien trois tête de plus que moi, sa tignasse bouclée lui donnait des airs de mouton noir. Il avait beau la plaquer sur son crâne avec de la laque, y'avait toujours une ou deux irréductibles bouclettes qui défiaient les lois de la gravité.
J’ignorais les regards noirs alors que l’on dépassait tout le monde jusqu’à arriver devant Tenshi.
“Salut, on a eu une rencontre pas top avec les récidivistes et on aurait besoin d’un endroit où se poser le temps de faire tomber la pression. Je peux squatter ?”
Faut pas trop lui faire perdre de temps non plus. Les clients c’est ce qui paye son salaire et je comptais pas trop dépenser, donc bon. Pas vraiment rentable de me taper la discute.
“T’as pas besoin d’attendre d’avoir des problèmes pour venir voir les copains…”
Il ouvre la porte derrière lui et nous fait signe de rentrer.
“Tu connais le chemin, si vous avez besoin d’un truc Soraya vient de descendre.”
J'acquiesçai avant de m’engouffrer dans le sas obscure.
“Fait attention à la marche”
J’attrapai le poignet d’Ayo histoire de ne pas la perdre au milieu des couloirs. La musique nous parvenait étouffée, mais les basses étaient telles qu’elles faisaient trembler le sol.
En moins d’une minute on arrivait dans la petite salle insonorisée réservée au staff. Elle était éclairée par un luminaire jaune et un lampe de chevé dans un coin, juste à côté de la machine à café. Le canapé en cuir noir usé se tenait sur notre gauche, juste devant la table basse sur laquelle une partie de carte avait été abandonnée.
“Tadaaa! Bienvenue! On peut rester un peu ici le temps que ça aille mieux. Comment tu te sens? Tu as besoin de quelque chose? ”
Après quelques minutes de marche à suivre Ki à travers les ruelles légèrement éclairées, l'étreinte tiède et rassurante de son bras autour du mien, nous arrivons finalement devant une boîte de nuit qui en est presque difficile à regarder tant les néons sont puissants. Qu’est-ce qu’on fait ici ? Je ne sais pas si j’ai vraiment envie de me plonger dans l’euphorie de ce genre d’endroit dès maintenant… A vrai dire, j’appréciais bien ce petit moment de poésie avec ma rencontre du soir.
“J’étais videur dans cette boite de nuit!”
Oh ? Elle ? Videur ? C’est vrai qu’elle a l’air confiante et… plutôt bien entraînée mais, je ne l’aurais pas imaginée recaler des gaillards bourrés à l’entrée d’une boîte de nuit avec sa carrure… Surtout que celle-ci a l’air bien populaire, elle a dû voir passer du beau monde. Elle m’emmène devant un grand gaillard qui doit bien faire deux fois ma taille en longueur et en largeur avant de m’entraîner à l'intérieur après être passée comme une VIP.
“Fais attention à la marche.”
Elle ne cesse de m’impressionner, et, alors qu’elle m’attrape le poignet pour me guider à travers les couloirs sombres secoués par les basses, je me surprend à apprécier une nouvelle fois ce moment à me laisser porter par ma camarade du soir, lui faire confiance dans un endroit que je ne connais pas, et me demander encore une fois où est-ce qu’elle m'emmène.
Et, après un court périple, nous arrivons enfin devant une porte avec un petit panneau “staff” collé dessus qu’elle pousse afin de m’emmener à l’intérieur d’une petite pièce cosy, sûrement la salle de pause du personnel.
“Tadaaa! Bienvenue! On peut rester un peu ici le temps que ça aille mieux. Comment tu te sens? Tu as besoin de quelque chose? ”
Amusée par son attitude protectrice, je lui souris tendrement avant de regarder autour de moi.
“Non, ça va déjà un peu mieux, grâce à toi. Merci. Tiens je te rend ta…”
Sa veste ? Un frisson me parcourt alors que je passe mes mains sur mes épaules, me rendant vite compte que la seule chose que je touche est ma peau.
“Euh… Ta… Oh non.”
Je l’aurais perdue ? Elle aurait glissé de mes épaules alors que je me laissais entraîner ?
“Oh je suis désolée ! Ta veste, elle était sur mes épaules et puis je n’ai pas… Je ne sais plus… Ahh… C’est juste que j’étais tellement contente que je n’ai pas…”
Je deviens toute rouge, mince, de quoi j’ai l’air ? Cette fille me sauve la mise héroïquement et moi… Je fais tout de travers, comme toujours. Et mince…
“Je suis vraiment désolée, je t’en racheterais une, promis.”
Dis-je en baissant les yeux, honteuse. Je crois je vais prendre un chocolat chaud finalement... Enfin, si elle ne met pas dehors à peine une minute après m'avoir fait entrer.
“Non, ça va déjà un peu mieux, grâce à toi. Merci. Tiens je te rend ta… Euh… Ta… Oh non.”
J’avais même pas remarqué que ma veste était tombée des épaules d’Ayo, faut dire que je marchait plutôt devant du coup c’était pas trop étonnant. Je dois avouer que sur le moment mon cœur s’était un peu serré, c’était mon principal uniforme de travail quand même et je ne pouvais pas me présenter à mon poste sans elle!
“Oh je suis désolée ! Ta veste, elle était sur mes épaules et puis je n’ai pas… Je ne sais plus… Ahh… C’est juste que j’étais tellement contente que je n’ai pas…”
Mais les excuses de la jeune femme étaient tellement sincèrent qu’elles chassèrent bien vite mon mécontentement. C’était pas de sa faute et si je lui avais rendu la soirée un tant soit plus agréable et bien au diable la veste. C’est moi qui l’avais ballotté entre les rues, c’est ma responsabilité.
“Je suis vraiment désolée, je t’en racheterais une, promis.”
Son visage était tout rouge, elle était clairement gênée, du coup c’était un peu gênant parce que j’en avais une autre de veste et mon salaire me permettait clairement d’en acheter une autre sans compter que je pourrai probablement la retrouver en faisant le chemin inverse. Les japonais étaient pas trop du genre à s'approprier les affaires perdues.
“C’est pas trop grave, c’est juste une veste haha”
Je crois que mon rire avait l’air un peu forcé mais je suis pas sûre.
Mon père était encore vivant la dernière fois que j’étais venu ici. Tenshi, Soraya et les autres étaient pas encore au courant de son décès et je savais qu’un des premiers trucs qu’ils feraient s' ils venaient ici serait de me demander des nouvelles de papa. A ce moment je ne m’en rendais pas vraiment compte mais cette idée me gênait.
Ayo ne savait rien de moi, c’était une nouvelle rencontre un peu comme un nouveau personnage dans une sequel d’un film. J’avais pas envie de me plonger dans le passé ce soir, j’avais envie d’aller de l’avant.
“Te soucie pas de ça. Tu as faim? Tu veux boire quelque chose? La machine à café est en libre service et on a des barres de céréales aussi.”
Tout en parlant je m’étais dirigée vers le meuble où se trouvaient différents petits paniers en osier remplis de sucrettes, de doses de lait de barres chocolatées. Je saisis une de ces dernières et entrepris de briser l'emballage avant de croquer dedans. J’avais un peu peur qu’un silence gênant s'installe, du coup j’ajoutais une dernière question accompagnée d’un regard espiègle vers Ayo.
“Et alors comme ça tu es invité à une fête par un héros? Et tu va pas lui manquer au *héros*?”
Ki est trop gentille. Même si je viens peut-être de lui perdre sa veste, elle tente immédiatement de me rassurer et me demande même si j'ai envie de manger ou boire un truc… Ça faisait longtemps qu'on n'avait pas été si gentil avec moi. Et pourtant je ne la connaissais même pas il y a une heure de cela. Ça existe vraiment des gens aussi bons ?
"Humm… Oui, enfin… Je veux bien un chocolat chaud."
Dis-je en m'asseyant poliment sur le canapé, les mains posées sur mes genoux Un chocolat chaud. C'est la première chose qui m'est venue à l'esprit. J'aime bien ça mais ça fait un peu… Enfantin ? Qu'est ce qu'elle va en penser ?
Soudain, je réalise que je m'apprête encore à la laisser s'occuper de moi ! Non, je ne peux pas l'embêter plus que ça ! Alors, décidée, je me relève d'un coup et me dirige vers le plan de travail.
"Euh enfin je peux le faire moi-même hein t'embête pas ! Tu m'as déjà bien assez aidée aujourd'hui…"
“Et alors comme ça tu es invité à une fête par un héros? Et tu va pas lui manquer au *héros*?”
Demande-t-elle avec malice alors que je m'affaire à trouver un gobelet. Ah oui ! La fête… Je l'avais totalement oublié celle-là.
"Oh. Lui ? Non, je ne suis même pas sûr qu'il connaisse mon nom alors…"
C'est vrai que je ne lui ai toujours pas dis que je suis moi-même une héroïne… Est-ce que c'est nécessaire ? Ça serait un peu ridicule que la fille en détresse qu'à sauvé soit en réalité une héroïne professionnelle. Est-ce qu'elle aurait agi différemment si elle l'avait su ?
Je trouve finalement un gobelet qui se transforme vite en un objet digne de ma contemplation infinie alors que mes pensées divaguent.
"De toute façon j'aime pas les fêtes. Trop de monde, trop de bruit… C'est pas mon truc. Et puis... J'ai quand même rencontré une héroïne ce soir, j'ai eu de la chance.
Je relève mes yeux et pose mon regard sur Ki avec douceur :
"Et toi ? Tu as dis que tu étais videur ici avant ? Tu reviens quand tu as envie ? Pourquoi tu as arrêté ?"
