Cours de secourisme [PV Melody & Wendy]

"Odeur, j'connais pas. Bonne piste. Fouiller aux alentours ? Prudence obligée."

Les deux adolescentes commencèrent tout naturellement par observer le terrain qui leur était attribué, tandis que Ai et N°13 les observaient elles. Les deux professionnels étant restés avec le gros de la classe, à distance respectable du terrain d'entraînement, et ne pouvaient entendre ce que les futures héroïnes se disaient. D'autant plus que l'étudiante occidentale – Melody, de ce qu'avait annoncé son professeur - écrivait plus qu'autre chose. Au moins, se dit Ai, elles communiquaient. Parler et se coordonner était essentiel à tout bon sauvetage, une leçon que la brune n'appliquait elle-même pas toujours.

A la façon dont Chiruki – "C'est bien Chiruki ?" "Issuo Chiruki, oui." – observait les gravas autour d'elle, déambulant presque au hasard, regardant où elle mettait les pieds sans penser à ce qu'il y avait dessous, Ai se douta que les adolescentes ignoraient l'existence d'un sous-sol. Si elles s'étaient doutées que deux étages de galeries obstruées s'étendaient sous leurs pieds, elles auraient cherché un accès en priorité. C'était après tout l'endroit le plus logique où cacher quelque chose. L'héroïne fut tentée d'intervenir, comme pour le groupe précédent. De leur expliquer que, dans un centre urbain récent, l'existence de sous-sols sous un bâtiment était presque certaine. Parking, caves, égouts, train, le sol des mégalopoles du monde entier étaient comme des fourmilières trouées en tout sens.

Elle se retint néanmoins, se convainquant qu'il était trop tôt pour ça. Si vraiment les deux jeunes femmes ne faisaient aucun progrès d'ici quelques minutes, elle irait les guider. Pour l'instant cependant, Ai voulait voir si elles étaient capable de deviner ou déceler l'existence d'étages inférieurs. Elles ne le savaient visiblement pas, après tout, elles devraient enquêter pour comprendre ce qui était véritablement attendu d'elles.

Puis Chiruki marcha sur un débris instable, à moins qu'elle n'ait glissé sur des gravas, et s'enfonça d'un coup dans le sol. Son bref cri de panique fit bondir Ai en avant, prête à intervenir. L'étudiante semblait en vie cependant, puisqu'elle bougeait encore et luttait même pour ne pas chuter. La situation pouvait être grave, mais ça pouvait aussi ne rien être. Sans y penser, toujours à moitié penchée par sa course avortée, la brune commença à mordiller l'ongle de son pouce et se tourna vers N°13.

"Vous pensez qu'y faut que j'les aides ?"

"Hmm, attendons quelques secondes et si elles ne s'en sortent pas seules, nous irons les tirer de là. Laissons-leur une chance de réussir l'exercice."

Cette réponse ne fit qu'encourager l'héroïne à se ronger l'ongle. Elle avait une trop mauvaise visibilité d'ici, impossible de voir si l'étudiante aux cheveux bleus était blessée ou coincée.

Au final, les gestes des étudiantes étaient le seul moyen pour Factory de savoir comment elles s'en sortaient. Malgré sa chute, et peut-être sa blessure, la jeune femme aux cheveux bleus ne paniquait pas, restant immobile. En cas de traumatisme, et sans possibilité de se soigner rapidement, l'inaction restait la meilleure solution car elle évitait d’aggraver les blessures. Mieux, laisser l'arme responsable bloquait les vaisseaux sanguins par pression et limitait le saignement en attendant de fermer la plaie pour de bon. Cela pouvait aussi augmenter les risques d'infection ou d'empoisonnement, mais en l'absence de médecin, la différence était négligeable. Les chocs septiques arrivaient trop vites pour que cela puisse jouer.

Cela n'empêchait bien sûr pas l'héroïne de s'inquiéter et de ronger son doigt. L'autre lycéenne, l'occidentale, s'approchait lentement de sa camarade blessée. Sa démarche mesurée n'avait de sens que si elle voulait éviter de tomber à son tour, ce qui était la meilleure chose à faire. Ne pas intervenir signifiait abandonner la victime à son sort, mais foncer signifiait se mettre en danger et prendre des risques inutiles. L'équilibre entre hâte et prudence était délicat à trouver, Factory elle-même prenant souvent trop de risques.

La future héroïne semblait avoir fait son choix, cependant, et la suite lui donna raison. Elle put rejoindre sa camarade, la tirer du trou où elle était piégée, et s'occuper de sa blessure après l'avoir allongée. L'étudiante même qui prétendait un instant plus tôt ne pas pouvoir sauver qui que ce soit donnait l'air de savoir ce qu'elle faisait. Elle nettoyait la plaie, injectait quelque chose – calmant, désinfectant, antiseptique, quelque chose de plus spécifique dont sa camarade avait besoin, impossible de savoir – le tout sans hésiter. Le fait que Issuo se redresse et choisisse de poursuivre l'exercice, s'enfonçant volontairement dans le trou qui avait failli lui prendre la vie, confirmait que les étudiantes s'en sortaient encore bien seules.

"J'ai quand même vach'ment envie d'les rappeler."

"Elles en ont vu d'autres, ce ne sont pas les civils sans défense dont vous avez l'habitude. Elles peuvent encaisser quelques blessures. Et regardez, elles ont compris pour le sous-sol. Pourquoi ne pas faire un commentaire à ce sujet au reste de la classe ?"

"Ouais… je d'vrais pas attendre qu'elles soient rev'nues, plutôt ? Qu'elles aient les r'tours sur leur performances elles aussi ? Elles vont rev'nir, hein ?"

"Comme vous voulez."

Bien sûr, la suite de l'exercice demandait d'explorer les souterrains du terrain d'entraînement à la recherche du chat. C'était tout l'enjeu de ce carré, savoir naviguer entre les débris sans provoquer un nouvel effondrement. Avec le poids du béton au-dessus de leurs têtes, le moindre échec pourrait faire bien pire qu'une grosse coupure. Rien ne pouvait normalement être mortel dans ce cours, les fausses catastrophes étant truquées pour être moins dangereuses que des vraies, mais les os brisés étaient assez handicapants pour les empêcher de sortir. Ai était si inquiète qu'elle faillit ne pas sentir le sang après s'être mordue le pouce.

Elle retira tout de même prestement le doigt de sa bouche. A force de se ronger l'ongle, elle avait attaqué la peau. Pas très héroïque comme moyen de gérer le stress, et pas vraiment une preuve de confiance envers les élèves. Si elle continuait comme ça, elle allait transmettre ses doutes au reste de la classe. Elle fit donc l'effort de se redresser et de se tourner vers les élèves.

"Bon, en attendant qu'elles r'viennent, z'avez d'autres questions ?"

. . .

Il fallut plusieurs minutes supplémentaires aux lycéennes pour ressurgir des ruines. Debout, fières, et accompagné d'un félin noir que toute cette agitation avait épargné, elles avaient réussi l'exercice malgré les difficultés. Ai ne parvint pas à cacher son soulagement, laissant échapper un long soupire. Le groupe précédent avait manqué d'échouer, celui-là avait manqué de se tuer. Peut-être avait-elle placé la barre trop haut. Ce genre de questionnement cependant devait se garder pour soi, aussi n'en dit-elle rien. Elle haussa plutôt la voix, interpellant les lycéennes qui rejoignaient leurs camarades.

"Félicitations, med'moiselles ! Alors, à vot' avis, qu'est-c'qu'il faut r'tenir de vot' performance d'aujourd'hui ?"